9 J. Bot. Soc. Bot. France 70, 3‑32 (2015)

Les petits pas d’une Monographie des plantes vasculaires de l’archipel Juan Fernández (Chili)

par Philippe Danton

Botaniste, Correspondant du MNHN, Paris

Pas de tempête, pas de naufrage, pas de méchant capitaine, pas d’abandon sur une île déserte ! Ma rencontre avec les îles de Robinson Crusoé, l’archipel Juan Fernández, dans la première moitié des années 1990, a d’abord été livresque. Plus précisément sur les pages 95 et 123 d’un ouvrage de Julien Noël Costantin et Ferdinand Faideau, Les Plantes (1922, Librairie Larousse), où l’on peut lire quelques mots sur les îles Juan Fernández dans un paragraphe intitulé «Flore des îles » et découvrir trois petits clichés en noir et blanc (tirées d’une revue allemande : Vegetationsbilder, de George Karsten & Heinrich Fischer, 1903‑1944) montrant quelques aspects de cet archipel (Fig. 1). Feuilletant à nouveau ces pages aujourd’hui, je suis bien incapable d’expliquer le déclic qui m’a fait me lancer dans des recherches bibliographiques sur la flore de ce petit archipel de 3 îles [ Robinson Crusoe (RC), Santa Clara (SC) et Alejandro Selkirk (AS)], peu connues, situées dans le Pacifique Sud, au large des côtes du Chili (entre environ 650 et 800 km du port de Valparaíso). J’appris très vite que l’une des îles, avait été le lieu du séjour forcé d’un marin écossais, Alexander Selkirk, au tout début du XVIIIe siècle. Ce marin fut très probablement le prototype du fictif Robinson Crusoé dans le roman de Daniel Defoe : The Life and Strange Surprising Adventures of Robinson Crusoe of York, Mariner, publié à Londres en 1719. Et j’appris aussi que ces îles, riches d’une flore endémique importante et reconnue, rencontraient aujourd’hui de graves problèmes écologiques et de conservation des espèces. Bien vite, les images croisées au long des pages de revues et d’ouvrages plus ou moins scientifiques provoquèrent inévitablement l’appel du large en même temps qu’elles réveillaient l’impérieuse nécessité d’aller voir sur le terrain les merveilles décrites. En mêlant l’histoire de Robinson Crusoé et les problèmes écologiques de l’archipel, un «sujet » prit tournure sous la forme d’une petite parabole à la fois simple, percutante et provoquante : «On abandonne un homme seul sur une île déserte et trois siècles plus tard, on hérite d’un problème mondial de conservation biologique » (Fig. 2).

Fig. 1 : Cliché de la p. 123 in : Les Plantes, de Costantin et Faideau, Larousse, Paris, 1922. Fig. 2 : Gravure extraite de : Le Nouveau Robinson, pour servir à l’amusement et à l’instruction des enfants de l’un et l’autre sexe, de M. Campe, chez Leprieur, Paris, an XIII – 1805 (Tome II p. 118).