Protistes Eucaryotes

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1 Philippe Silar To cite this version: Philippe Silar. : Origine, Evolution et Biologie des Microbes Eucaryotes. 2016, <hal > HAL Id: hal Submitted on 27 Jan 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - ShareAlike 4.0 International License

2 Protistes Holomastigida Eucaryotes Origine, Evolution et Biologie des Microbes Eucaryotes Philippe SILAR

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4 : Origine, Evolution et Biologie des Microbes Eucaryotes Philippe Silar

5 Remerciements. Merci à Pierre Grognet d'avoir accepté de relire ce livre; toute erreur restante est de ma responsabilité! Merci à Stéphan d'avoir été patient pendant que je rédigeais ce livre, souvent le matin très tôt ou le weekend! Mentions légales Cette oeuvre, création, site ou texte est sous licence Creative Commons Attribution - Pas d Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International. Pour accéder à une copie de cette licence, merci de vous rendre à l'adresse suivante ou envoyez un courrier à Creative Commons, 444 Castro Street, Suite 900, Mountain View, California, 94041, USA. Première édition janvier 2016 ISBN : EAN :

6 SOMMAIRE Préface... 1 Première Partie : origine de la cellule eucaryote... 4 Rappel des différences entre la cellule de type procaryote et la cellule de type eucaryote... 4 La cellule procaryote... 4 La cellule eucaryote... 6 Sur les traces d un intermédiaire entre les procaryotes et les eucaryotes Des procaryotes avec un noyau? Des eucaryotes sans organites? Quelles traces nous a laissées le passé? Les fossiles Les marqueurs chimiques Les signatures génomiques Quelques théories pour expliquer l origine de la cellule eucaryote Les théories des origines indépendantes Simplification ou complexification Les théories de fusions et d'endosymbioses Grands évènements jalonnant l évolution des eucaryotes La mitochondrie Les plastes Les symbioses et leur rôle dans l évolution des eucaryotes La pluricellularité Deuxième Partie : Diversité du monde eucaryote Un petit historique de la classification des organismes vivants Les différentes tentatives de classification Quelques définitions Vers une estimation de la diversité des protistes eucaryotes Difficulté de la notion d espèce chez les protistes eucaryotes

7 Méthodes pour estimer la diversité des protistes eucaryotes Cosmopolitisme et endémisme Méthodes pour classer les êtres vivants Evolutions convergentes et régressives, différentiations Phylogénies moléculaires : succès et déboires Une vue d ensemble de la diversité des eucaryotes La classification phylogénétique des eucaryotes Amorphea Opisthokonta Holozoa Holomycota Eumycota Ascomycota Basidiomycota Amoebozoa «Excavata» Diaphoretickes Archaeplastida «Hacrobia» Heterokonta Ochrophyta Alveolata Rhizaria Conclusion : un retour sur l évolution des eucaryotes Troisième Partie : Importance des protistes eucaryotes Rôles des protistes eucaryotes dans la biosphère Les biotopes à l échelle des microbes eucaryotes Cycle global du carbone Ecosystèmes marins Ecosystèmes terrestres

8 Cycle de l azote et autres cycles géochimiques Conclusions Interactions des protistes avec les sociétés humaines Rôles dans l alimentation Rôle dans l industrie pharmaceutique : les métabolites secondaires Quelques utilisations des protistes eucaryotes dans d autres industries Les parasites de l homme et de ses animaux commensaux Les parasites des plantes et des autres eucaryotes Les dommages aux constructions, objets d arts et autres ustensiles Index des Taxons Par ordre alphabétique Par ordre phylogénétique Liste des Tables Liste des Encadrés

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10 Préface La cellule constitue l'unité de base de la vie. Pourtant les plus simples d'entre elles, les bactéries, possèdent une structure d'une extrême complexité et sont capables de comportements sophistiqués. Les cellules eucaryotes sont encore plus complexes. De plus, comparées aux cellules procaryotes, elles présentent une diversification fantastique au niveau morphologique et au niveau de l'organisation qu'elles adoptent : cellules isolées, coloniales ou intégrées et différenciées dans un organisme pluricellulaire. Une question se pose : comment sont apparues les premières cellules eucaryotes? Une chose certaine est qu'elles n'ont pu apparaître qu'à partir de précurseurs simples. Nous n aborderons pas dans ce livre en profondeur la question de savoir comment ces précurseurs simples sont apparus. Nous aborderons plus spécifiquement le problème de comprendre comment la cellule eucaryote moderne a pu apparaître à partir de cellules plus simples et quels précurseurs peut-on envisager. La cellule eucaryote, une fois apparue, a connu un grand succès au cours de l évolution et s est diversifiée dans une myriade d organismes ayant des tailles similaires à celle des cellules bactériennes (1-2 µm) jusqu à des organismes aussi massifs que les baleines, les séquoias géants ou les armillaires, champignons communs dont les mycéliums peuvent peser jusqu à tonnes! Très souvent, la biodiversité présentée dans les cours ou manuels de biologie se résume à celle des plantes et des animaux. Cependant, ces deux groupes biologiques ne représentent qu'une petite fraction de la diversité biologique des eucaryotes. Celle-ci se voit plus spécialement dans des groupes d'organismes microscopiques ou avec une organisation simple que l'on regroupe sous le terme générique de "", qui dans ce livre va prendre une acceptation au sens large, car regroupant tous les organismes qui ne sont clairement ni des animaux (eumétazoaires), ni des plantes supérieures (embryophytes). L analyse de ces protistes montre que la dichotomie ancienne animal/végétal n a pas de sens biologique et est progressivement remplacée par une classification plus en adéquation avec ce que l on sait de l évolution de la cellule eucaryote. C est cette classification phylogénétique qui est suivie dans ce livre. 1

11 Lorsqu est évoqué le terme de microbe, qui veut dire organisme invisible à l œil nu, souvent ce mot est restreint aux bactéries et aux virus (qui ne sont pourtant pas à proprement parlé de vrais organismes vivants, mais c est un autre débat). Ceux-ci ont pris une telle ampleur dans les cours universitaires que parfois, les microbes eucaryotes ne sont même pas évoqués! Il existe en effet de nombreux traités de microbiologie dans lesquels, il semblerait que seules les bactéries aient le droit d apparaître. C est bien dommage car aussi bien au niveau du fonctionnement de la biosphère que de la santé et des industries humaines, les microbes eucaryotes ont une importance cruciale, parfois bien supérieure à celle des bactéries et des virus. Ce livre propose de corriger cette tendance, en expliquant quelques-unes des caractéristiques des protistes eucaryotes. Le terme microbe n est en effet pas complètement approprié pour ces organismes dont certains sont bien visible à l œil nu... Ce livre prend sa source dans les cours que je professe depuis plus de quinze ans à la maitrise, maintenant le master 1, de Biochimie de l Université Paris Diderot. J espère qu il servira de ressources pour les nombreux collègues qui comme moi enseignent la microbiologie, mais aussi aux étudiants qui dans le futur ne devraient plus ignorer le monde fascinant des protistes. Philippe Silar Paris, le 13 janvier

12 caractères généraux Table 1 : grandes caractéristiques des trois domaines du vivants eubacteries archées (Eubacteria) (Archeae) eucaryotes (Eukarya) structure cellulaire procaryote procaryote eucaryote taille 10 mm 3 <10 mm 3 > mm 3 division fission binaire fission binaire mitose/méiose présence dans les milieux extrêmes? non oui non enveloppes acide muramique dans la paroi (peptidoglycane) Composition de la membrane plasmique oui non non esters d'acides gras éthers d'isoprènes esters d'acides gras +stérols métabolismes Structure et expression de l information génétique photo-autotrophie à photosystèmes chlorophylliens photo-autotrophie à rhodopsine chimioautotrophie fixation de l'azote N2 oui non oui mais dans les plastes oui oui non oui oui non oui oui non phagotrophie non non oui structure du génome circulaire ou linéaire circulaire linéaire plasmides nombreux nombreux rares sauf dans les organelles nucléosomes non oui oui structure des gènes opéron opéron monocistron introns rare rare nombreux promoteur pribnow box tata box tata box ARN polymérase simple complexe complexe ribosome 70S 70S 80S ARNt initiateur formylméthionine méthionine méthionine 3

13 Première Partie : origine de la cellule eucaryote Rappel des différences entre la cellule de type procaryote et la cellule de type eucaryote Depuis la publication en 1962 de «The concept of a bacterium» par R.Y Stanier ( ) et C.B. Van Niel ( ), il est devenu classique de diviser le monde cellulaire en deux grands ensembles : les procaryotes sans noyau et les eucaryotes avec noyau, suivant une terminologie définie antérieurement par le biologiste français Edouard Chatton ( ). Depuis, les travaux de Carl Woese ( ) ont abouti en 1977 à la division des procaryotes en deux lignées distinctes : les eubactéries et les archées. Bien que ces deux lignées soient formées de cellules dépourvues de noyau, les différences dans leur structure et leur fonctionnement sont telles que les biologistes en font deux domaines distincts du monde vivant. Celui-ci n est donc plus découpé en animal/végétal, mais en eubactéries/archées/eucaryotes. Chacun de ces trois domaines possède des caractéristiques propres mais partage spécifiquement avec chacun des deux autres plusieurs particularités (Table 1). Néanmoins, les cellules eucaryotes ont une complexité bien supérieure à celle des eubactéries et des archées, ce qui fait que la distinction procaryote/eucaryote est toujours valide et nous la suivrons dans ce livre. Pour ne citer que deux caractéristiques : une cellule eucaryote est en moyenne fois plus grosse qu une cellule procaryote. De plus, l évolution de la cellule eucaryote a conduit à l apparition d organismes pluricellulaires complexes, ce que les cellules procaryotes n ont pas vraiment produit. Deux questions se posent donc : comment est apparue la cellule eucaryote et quelles sont les relations de parenté qu elle entretient avec les cellules de type procaryote? Pour répondre à ces questions, il est nécessaire dans un premier temps de mieux comprendre les différences entre les cellules eucaryotes et procaryotes, qui ne se restreignent pas uniquement la présence/absence d un noyau. La cellule procaryote Ce qui caractérise les cellules procaryotes typiques (figure 1), outre leur petite taille et leur structure simple, est l absence de réseau de membranes internes et de vrai cytosquelette complexe. La cellule se présente comme du cytoplasme délimité par une ou deux membranes, le plus souvent renforcées par une paroi, et où peuvent s'ancrer des flagelles et des pili. Les flagelles bactériens sont constitués de flagelline et ne sont pas 4

14 nucléoïde cytoplasme ARNm ribosome Quelques µm Enveloppe: membrane(s) plasmique(s) + paroi flagelles Figure 1 La cellule procaryote typique. Les cellules procaryotes possèdent une structure simple et sont le plus souvent dépourvues d organites délimités par une membrane. entourés par la membrane plasmique (figure 2) car ils résultent de la polymérisation à l extérieur de la cellule de monomères de flagelline. Leur structure est donc très différente des flagelles eucaryotes et ne leur sont donc pas homologues mais analogues. Dans le cytoplasme, on note la présence de nombreux ribosomes et d'une masse plus claire, le nucléoïde qui contient l'adn. Attention le nucléoïde n'est pas un noyau car il n'est pas délimité par une membrane. Cette organisation entraîne plusieurs conséquences. Premièrement, la production d'énergie n'est pas compartimentée, elle se produit au niveau de la membrane plasmique. Les nucléotides triphosphates sont donc directement disponibles pour leur utilisation. Il en est de même pour de nombreuses réactions enzymatiques. Une cellule procaryote est donc optimisée pour une utilisation immédiate des nutriments et souvent possède peu de réserves nutritionnelles. Deuxièmement, le matériel génétique n'étant pas entouré de membrane nucléaire, il y a couplage entre transcription et traduction, ce qui élimine une étape potentielle de régulation de l'expression de l'information génétique. Cependant, contrairement à ce que l'on peut trouver dans plusieurs manuels, le matériel génétique peut adopter une structure complexe: - présence de plusieurs chromosomes, circulaires et/ou linéaires avec par exemple, deux chromosomes circulaires chez les Vibrio et un chromosome circulaire et un chromosome linéaire chez certaines espèces d'agrobacterium. Cependant, dans la majorité des cas, le génome est sous forme d un unique chromosome circulaire. - On note la présence de protéines de fonction similaire à celle des histones qui s'associent à l'adn pour former une structure qui ressemble à de la chromatine. Néanmoins, la structure des chromosomes bactériens n'est en rien, par sa complexité, comparable aux chromosomes des eucaryotes. En particulier, la division cellulaire possède des modalités simples par fission binaire. Notez que la taille de leurs génomes varie de 600 kb à 10 Mb. Les génomes sont compacts avec peu d'introns ou de séquences répétées. Les gènes sont regroupés en opérons. 5

15 - Une caractéristique fonctionnelle probablement fondamentale entre procaryotes et eucaryotes est l'absence de processus d'endocytose. Ceci implique que seules les molécules solubles de petites tailles pénètrent à l'intérieur de la cellule via des transporteurs (actifs ou non). Cette caractéristique est à mettre en regard de l'absence de stérols dans les membranes de la plupart de ces organismes. Les stérols fluidifient en effet la membrane, permettant sa déformation pendant les exo- et endocytoses. Disques d ancrage et stator cytoplasme Système de sécrétion type 3 et tige membrane interne (plasmique) périplasme crochet membrane externe Filament de flagelline 20 nm Figure 2 Le flagelle bactérien. Le flagelle est un tube creux formé par la polymérisation de monomères de flagelline. Il est ancré dans la membrane plasmique interne par un système complexe de disques. Le stator permet la rotation du flagelle grâce à la force proton motrice. La synthèse du flagelle nécessite l expression de plusieurs dizaines de gènes. Les monomères sont expulsés de la cellule via un système de sécrétion de type 3 et sont assemblés à l extrémité du filament. La cellule eucaryote Les cellules eucaryotes (figure 3) présentent une taille souvent importante et une structure complexe avec un vrai cytosquelette (microtubules de tubulines, microfilaments d'actine etc.) et un système de membranes internes délimitant de nombreux organites : noyau, réticulum endoplasmique, appareil de Golgi, endosomes précoces, endosomes tardifs ou corps multivésiculaires, lysosomes, vacuoles, peroxisomes, corps d inclusion, mitochondries... Elles sont toujours délimitées par une membrane plasmique unique contenant des taux variables de stérols. Souvent des structures situées sous la membrane (le cortex) ou à l extérieur (paroi, thèques, frustules, coques ) renforcent la membrane et confèrent une forme bien définie. Le cytosquelette (Encadré 1) assure non seulement un renforcement de la cellule pour lui permettre de résister aux agressions extérieures mais permet aussi les mouvements intracellulaires de matériaux divers que nécessitent la grande taille et la compartimentation de la cellule eucaryote dont le trafic vésiculaire (figure 4), ainsi que les déplacements de la cellule eucaryote, via les pseudopodes (figure 5) basés sur le cytosquelette d'actine/myosine ou les flagelles ou cils (figure 6) basés sur le cytosquelette de tubulines. La topologie du système des organites, ainsi que les modalités 6

16 corps d inclusion peroxysome mitochondrie cytosol autophagosome pseudopode noyau nucléole membrane nucléaire réticulum endoplasmique microtubules vésicule d exocytoses flagelle axonème corps basal endosomes (vacuoles, lyzosomes ) membrane plasmique microfilaments d actine pseudopode Proies (bactéries) vésicules d endocytoses quelques dizaines de µm de leur formation et de leur gestion, permettent de différencier au moins deux grands sous-réseaux. Premièrement, l enveloppe nucléaire et le réticulum endoplasmique sont en continuité physique. Des vésicules assurent le transport de composants internes au réticulum vers l appareil de Golgi, puis vers la voie des exocytoses (figure 4). Réciproquement, les vésicules d endocytose convergent vers le compartiment endosomal. Celui-ci est en relation avec l appareil de Golgi, et les autres organites, toujours via des vésicules diverses et variées (figure 4). De même, plusieurs organites entourés d une seule membrane, comme les peroxysomes ou les corps d inclusions, dérivent par modification de vésicules issues soit directement du réticulum, soit des autres composants comme les endosomes ou le Golgi. Ces organites ont des fonctions spécifiques de séquestration de métabolismes dangereux tels les peroxysomes, ou bien de stockage de nutriments comme les corps d inclusion lipidiques par exemple. Ce premier réseau contient aussi les autophagosomes bien que ceux-ci soient délimités par deux membranes. En effet, ils se forment par allongement de vacuoles autour des composants cellulaires à dégrader. Ce 7 Figure 3 Les cellules eucaryotes présentent une structure cellulaire complexe liée à la présence d un vrai cytosquelette et d organites (ou organelles), dont un noyau, ce qui leur donne leur nom. Elles sont généralement de grande taille : une cellule eucaryote est en moyenne fois plus volumineuse qu une cellule procaryote.

17 8 noyau Entrée des protéines endosome Voie de l endocytose réticulum Voie de l exocytose Golgi Figure4 Le transport vésiculaire permet le routage des protéines à l intérieur de la cellule, via leur empaquetage à l intérieur de vésicules bordées par une membrane qui peut être considérée d un point de vue topologique comme une continuité de la membrane plasmique. La lumière de la vésicule serait alors l équivalent de l extérieur de la cellule. Ce transport permet donc l export de protéines à l extérieur de la cellule via le réticulum, en vert sur l image du bas entourant le noyau en bleu, puis l appareil de Golgi. Cette voie est celle de l exocytose. Il permet aussi l entrée de particules extracellulaires à l intérieur de la cellule dans des vésicules, où elles pourront être digérées. Il s agit de la voie de l endocytose qui aboutit aux compartiments de l endosome : lysozomes, vacuoles digestives, en rouge sur l image du bas. Les flèches rouges indiquent quelques-unes des voies que peuvent suivre les vésicules avant de fusionner avec les différents compartiments. On distingue deux types d endocytoses particulières : la phagocytose où une proie solide est ingérée et la pinocytose où seulement du liquide est incorporé. D autres endocytoses ne servent pas à l entrée de matériel extracellulaire mais permettent par exemple de recycler des récepteurs membranaires. Photo d un hyphe de Podospora anserina: Sylvain Brun. réseau «noyau/réticulum/golgi» est à mettre en regard du contenu en stérols dans les membranes eucaryotes. Les stérols confèrent des propriétés biophysiques spéciales, en particulier, ils facilitent les fusions membranaires et en modulent la fluidité et la stabilité. Sa gestion est sous le contrôle de petites protéines hydrolysant le GTP (protéines G de la famille Rab, Ran, Rho ). La formation et le transport des vésicules dépendent principalement de l actine, même si les microtubules peuvent intervenir pour le transport. Il semble donc que ce réseau puisse dériver par spécialisations successives d un même organite initial. Deuxièmement, à ce premier réseau, il faut ajouter celui formé par les mitochondries dont la genèse passe par une division à partir de mitochondries préexistantes et qui n est pas en connexion via des vésicules avec le réseau noyau/réticulum/golgi. La mitochondrie possède son propre génome qui participe, avec le génome nucléaire, à la biogenèse mitochondriale, qui se fait donc de manière complètement indépendante du transport vésiculaire. Les mitochondries forment donc un deuxième sousréseau indépendant de celui du noyau/réticulum/golgi. Enfin, chez les algues et les plantes, il existe

18 plasmasol plasmagel vacuole pulsatile Vacuoles digestives Zone de polymérisation de l actine plasmasol plasmagel pseudopodes mitochondrie noyau Figure 5 Les pseudopodes sont des extensions dynamiques du cytoplasme qui permettent aux cellules de se déplacer en rampant sur le substrat. Les cellules se mouvant grâce à des pseudopodes sont appelées des amibes et sont dites capables de mouvements amiboïdes. Anciennement, les amibes libres étaient classées dans la classe des rhizopodes. Ce groupe n est plus considéré comme valide car polyphylétique. Les leucocytes humains se déplacent par des mouvements amiboïdes. Les pseudopodes sont mus par des vagues de polymérisation/dépolymérisation de microfilaments d actine à la périphérie de la cellule; ce qui consomme de l'atp. Ceci crée des mouvements cytoplasmiques dirigés du plasmasol (un état du cytoplasme fluide sans microfilament) situé au centre, vers le plasmagel (plus rigide car contenant de l actine polymérisée) déformant ainsi la membrane plasmique. Les extensions des pseudopodes dues à la polymérisation de l actine, suivies de leurs rétractions causées par sa dépolymérisation assurent le mouvement de la cellule. Les pseudopodes sont souvent lobés (lobopodes). Dans certains cas, ils sont soustendus par des microtubules et peuvent prendre des formes particulières très étirées (filopodes, réticulopodes...). Ces différentes formes sont plus ou moins spécifiques des différents groupes d'eucaryotes. La forme et le nombre des pseudopodes permettent de reconnaître les différentes espèces d amibes. A droite une amibe libre typique, Amoeba proteus vivant dans les détritus organiques du fond des mares. un compartiment supplémentaire possédant des propriétés très similaires à celles de la mitochondrie : les plastes, qui comme les mitochondries possèdent leur propre génome. Ceux-ci forment donc chez les eucaryotes photosynthétiques un troisième sous-réseau indépendant des deux autres, même si chez certaines algues, il est dans le réseau noyau/réticulum/golgi. La présence de ces organites implique des conséquences opposées par rapport aux procaryotes. Premièrement, la présence du noyau permet des étapes supplémentaires de la régulation de l expression des gènes. En effet, le découplage entre transcription et traduction ainsi que l épissage des nombreux introns permettent le stockage des messagers pour une utilisation ultérieure et de moduler non seulement la quantité des ARNs messagers, mais aussi leur nature même grâce à l épissage alternatif. Le noyau contient la plus grosse partie du matériel génétique. Il est probable que la séquestration du génome dans le noyau a permis d'accroître la taille cellulaire et donc de complexifier encore plus la cellule eucaryote, ce qui a en retour nécessité un accroissement de la complexité du génome! En effet chez les eucaryotes, la taille des génomes varie de 2,2 Mb, une taille inférieure à certains génomes bactériens aussi bien en nucléotides qu'en nombre de gènes, à celle extraordinaire de Mb, soit paires de 9

19 Encadré 1 Le cytosquelette permet à la cellule eucaryote de conserver sa forme mais aussi, du fait de sa dynamique, de changer de forme et de se déplacer. Il intervient aussi au cours de la division cellulaire pour séparer le matériel génétique et assurer le trafic intracellulaire. Il est composé de 3 types d éléments : - Les microfilaments issus de la polymérisation de l actine. Un microfilament fait environ 8 nm de diamètre. L actine est recrutée à partir de sa forme monomérique (actine G) et s incorpore sous forme d actine F. actine G monomérique 7-9 nm Microfilament d actine F L actine est conservée chez tous les eucaryotes et intervient pour (1) assurer la formation et le transport des vésicules, (2) diviser la cellule en deux cellules filles (les modalités de ce rôle varie en fonction des organismes) et (3) générer des pseudopodes pour le déplacement. Les microtubules résultants de la polymérisation de dimères de tubuline α/tubuline β sous forme de protofilaments, s associant par 13 pour former des tubes de 24 nm de diamètre. 24 nm dimères tubuline α/β Microtubule (13 protofilaments de tubuline α/β) Les microtubules sont aussi conservés chez tous les eucaryotes et participent (1) au transport des cargos intracellulaires, (2) assurent la division des chromosomes au cours des mitoses et des méioses et (3) participent à l élaboration des flagelles qui permettent la nage. Les filaments intermédiaires qui contrairement aux précédents n ont pas la même composition chez les différents groupes d eucaryotes. 10

20 corps basal arrangement «9x2 + 2» mitochondries Complexe d attachement axonème flagelles pièce intermédiaire noyau ocelle arrangement «9x3» membrane plasmique pyrenoïde plaste bases! Rappelons que le génome humain contient environ Mb et code pour au moins gènes et de très nombreuses régions régulatrices. Les génomes eucaryotes sont donc souvent non compacts avec la présence de nombreux introns dont la taille combinée peut parfois excéder celle des exons, et de séquences répétées égoïstes comme les transposons qui peuvent en occuper la plus grande partie. Contrairement aux procaryotes, les gènes ne sont pas regroupés en opérons et les messagers polycistroniques sont rares. Cependant, dans certains groupes d eucaryotes, des gènes peuvent être cotranscrits et les pré-messagers ainsi obtenus sont fragmentés avant leur traduction. Enfin, le matériel génétique nucléaire est présent sous forme de plusieurs chromosomes linéaires qui adoptent une structure chromatinienne et supra-chromatinienne très complexe, en particulier au moment des divisions cellulaires. Les processus de partition de 11 Figure 6 Les flagelles sont des extensions de la membrane plasmique sous-tendus par des microtubules disposés selon une répartition stricte qui ne se retrouve que dans ces structures. Leurs battements permettent aux cellules de nager dans la colonne d eau et sont donc complémentaires des pseudopodes pour assurer la locomotion. Lorsque les flagelles sont nombreux à la surface de la cellule et que leur taille est petite, on les appelle plutôt des cils. Les unicellulaires qui utilisent des flagelles pour se déplacer étaient classés dans le groupe des flagellés et ceux qui possèdent des cils dans le groupe des ciliés. Aucun de ces deux classes n étant monophylétiques, elles ont été abandonnées dans la classification phylogénétique actuelle. Le flagelle est décomposé en deux grandes parties : l axonème et le corps basal. L axonème possède un arrangement de neuf doublets de microtubules périphériques et d un doublet central (9x2 + 2). Ces doublets sont reliés entre ceux par des ponts de nexine et sont décorés de dynéine. L hydrolyse de l ATP par la dynéine entraine un changement de conformation de cette protéine, créant des tensions entre les microtubules contraints par la nexine. Le relâchement de ces tensions provoque le battement du flagelle. Le corps basal ancre l'axonème à la cellule. Dans le corps basal, les microtubules sont arrangés en neuf triplets (9 x 3). Cette structure est identique à celle des centrioles. De fait, les corps basaux des flagelles deviennent des centrioles au cours de la division cellulaire. On a longtemps pensé que les centrioles servent à organiser l aster, le réseau de microtubules qui sert à séparer les chromosomes. Il semblerait qu en fait les centrioles ne servent pas à organiser les microtubules mais sont associés au centre organisateur des microtubules pour assurer leur duplication et répartition correcte entre les cellules filles. Leur rôle principal semble donc être de servir de corps basal des flagelles. Entre les deux parties principales du flagelle, on distingue une zone de transition dont la structure est variable. Le corps basal est lui-même connecté via des fibres (le complexe d attachement) à d'autres structures cellulaires. Les formes et répartitions de ces structures d attachement diffèrent en fonction des groupes d'eucaryotes. Pièces intermédiaires et complexes d attachement servent de marqueurs phylogénétiques et viennent appuyer les données issues des phylogénies moléculaires. A droite, l algue Viridiplantae Clamydomonas reinhardtii se déplace à l aide de deux flagelles positionnés à l avant de la cellule.

21 émergence du bourgeon cytodiérèse 12 - condensation des chromosomes - duplication et alignement du centre organisateur des microtubules (SPB) - formation du fuseau - alignement des chromosomes sur la plaque équatoriale - séparation des chromatides - montée des chromatides aux pôles - constriction de la membrane nucléaire - décondensation des chromosomes - réplication du génome prophase métaphase anaphase télophase interphase Figure 7 Les différentes étapes de la mitose chez une levure bourgeonnante montrent une concordance entre les divisions nucléaires et cellulaires. Ce n est pas le cas de tous les eucaryotes, où les deux divisions peuvent se produire indépendamment l une de l autre. Chez nombreux protistes eucaryotes, comme les levures bourgeonnantes, la membrane nucléaire ne disparaît pas au moment de la division cellulaire. l'adn sont en effet beaucoup plus complexes que chez les procaryotes. En général, la division se fait par une mitose (figure 7), et au moment de la reproduction sexuée sous forme d'une méiose (figure 8). Il existe cependant des exceptions, par exemple chez les Ciliophora et les Dinoflagellata qui présentent des partitions du matériel nucléaire de type amitotique. L'origine des mitoses et méioses reste encore obscure. En effet, si les gènes impliqués dans la réplication et la recombinaison (crossing-over) de l'adn sont présents chez les procaryotes, comment sont apparus ceux impliqués dans la compaction en chromosome, la cohésion des chromatides, le réseau microtubulaire, la fusion cellulaire...? De même, on ne connaît pas clairement les pressions de sélection qui ont mis en place la sexualité, car celle-ci ne possède pas un avantage immédiat, ni pourquoi certains eucaryotes l ont perdu! La sexualité entraîne entre autres trois conséquences spécifiques. Premièrement, les eucaryotes présentent une alternance des générations haploïdes et diploïdes (figure 9). Comme les génomes sont différents entre l haplophase et la diplophase (voir Encadré 2), l alternance permet souvent d'exprimer des caractéristiques morphologiques et/ou biologiques très différentes entre les haplophases et les diplophases, assurant une complexification importante des cycles de vies. En particulier, la possibilité de croître végétativement via des mitoses dans chacune des phases peut être variable en fonction des espèces. Les espèces ayant une haplophase majoritaire sont dits

22 2N Formation des crossing-over (chiasma) et résorption du complexe synaptonémal Alignement des bivalent sur la plaque équatoriale N Condensation des chromosomes Appariement des chromosomes homologues: formation des bivalents et du complexe synaptonémal Montée anaphasique des chromosomes Alignement des chromosomes sur la plaque équatoriale Montée anaphasique des chromatides N N Méiose I 2N Méiose II N N haplobiontiques (ou haplophasiques), ceux avec une diplophase majoritaire diplobiontiques (ou diplophasiques) et ceux où les deux phases ont des durées approximativement égales haplo-diplobiontiques (ou haplo-diplophasiques). Notez que sur la figure 9, la plasmogamie et la caryogamie, qui sont les deux étapes de la fécondation, sont dissociées. En effet, il existe des organismes, comme les champignons Dikarya, chez qui elles peuvent être séparées par des divisions cellulaires pouvant se produire pendant très longtemps. Durant cette phase dicaryotique, des caractéristiques différentes de l haplophase et de la diplophase peuvent être exprimées. La plasmogamie peut se produire entre gamètes identiques ou différents (Encadré 2). On distingue deux types d'incompatibilités entre gamète mutuellement non exclusives, morphologique et génétique: 13 Figure 8 La méiose consiste en deux divisions successives pour aboutir à 4 cellules haploïdes à partir d une cellule diploïde. Une première division aboutit à la séparation des chromosomes homologues. C est à cette étape que fondamentalement les deux cellules filles redeviennent haploïdes, bien qu ayant leur matériel génétique dupliqué. Elles subissent alors une mitose classique sans réplication du génome. Pour donner 4 cellules filles haploïdes. La présence de recombinaisons génétiques (crossing-over) et le jeu aléatoire de la répartition des chromosomes (brassage) assurent que chacune des cellules ainsi produite est la résultante unique d un mélange des gènes provenant des deux parents ayant créé la cellule diploïde initiale. - L'incompatibilité morphologique se manifeste souvent par la nécessité de fusionner un gros gamète, le plus souvent immobile, dit gamète femelle, et un petit gamète généralement motile, dit gamète mâle. Ces gamètes peuvent être produits par deux individus différents (dits sexués) ou par un même individu (dit hermaphrodite). On appelle plutôt conjugaison la plasmogamie de deux gamètes morphologiquement identiques, alors que fécondation est un terme plus général. - L'incompatibilité génétique se manifeste par l'impossibilité pour deux gamètes génétiquement identiques à fusionner; ceux-ci peuvent avoir des morphologies

23 haplophase (n) plasmogamie mitoses dicaryophase (n+n) gamètes mitoses zygote mitoses diplophase (2n) Figure 9 Le cycle standard d un eucaryote. Le cycle typique d une cellule eucaryote présente deux phases majoritaires ; la diplophase pendant laquelle les cellules sont diploïdes et l haplophase avec des cellules haploïdes. La méiose permet le passage de la phase diploïde à la phase haploïde du cycle. La fécondation (ou conjugaison) permet le retour de la diploïdie. Cette étape du cycle nécessite dans un premier temps la fusion des deux cellules où plasmogamie durant laquelle les cytoplasmes sont mélangés, et puis la caryogamie qui voit la fusion des deux noyaux. Chez certains organismes, plasmogamie et caryogamie sont découplées et une étape supplémentaire du cycle a lieu : la dicaryophase. différentes ou des morphologies identiques. Ces deux types de situations peuvent se rencontrer dans différentes souches au sein d'une même espèce. On qualifie d'homothallique les souches pour lesquelles les gamètes n'ont pas d'incompatibilité génétique et qui sont donc auto-fertiles et d'hétérothalliques, celles qui au contraire présentent une incompatibilité génétique et qui sont donc auto-stériles. Dans ce dernier cas, des types sexuels sont définis. Les individus ne peuvent se reproduire qu entre types sexuels compatibles. Le plus souvent, il en existe deux. On parle alors de bipolarité et les croisements sont donc possibles entre individus de types sexuels différents et impossibles entre individus ayant le même type. Génétiquement, le type sexuel est sous la dépendance d un seul locus avec 2 idiomorphes. On parle plutôt de locus et d idiomorphe car souvent le déterminisme génétique est plus complexe qu un gène avec deux allèles. Chez certaines espèces, le type sexuel est sous le déterminisme de deux idiomorphes (on parle alors de tétrapolarité) possédant plusieurs allèles. Des 14

24 centaines de combinaisons peuvent être définies et les compatibilités entre elles sont souvent complexes avec plusieurs milliers de type sexuel! Les incompatibilités sexuelles augmentent donc la complexité des cycles de vie des eucaryotes en introduisant des partenaires potentiellement différents au niveau de leur morphologie, de leurs caractéristiques génétiques ou bien aux deux niveaux! Une deuxième différence avec les cellules procaryotes, que permet le réseau interne des organites, est la possibilité de compartimentations de la production d'énergie par les mitochondries et les plastes et des réactions enzymatiques entre cytosol, peroxysomes, lysosome etc., ainsi que de stocker des réserves plus efficacement que chez les procaryotes pour une utilisation différée. Les cellules eucaryotes ne sont donc pas optimisées pour une utilisation immédiate de l énergie, ce qui a probablement permis leur complexification et participé à l apparition des organismes pluricellulaires. Une dernière caractéristique importante des cellules eucaryotes intimement liée au transport vésiculaire est qu elles ont la possibilité de faire des endocytoses (figure 10) et donc d'ingérer des particules solides de grandes tailles. C'est une propriété Reconnaissance par les récepteurs membranaires Réarrangement de l actine Extension des pseudopodes internalisation microfilaments récepteurs Fusion avec granules chargés en enzymes lytiques phagosome Figure 10 La phagocytose. La capacité à ingérer des particules solides est une caractéristique unique aux eucaryotes découlant de la possession du réseau noyau/réticulum/golgi. Il semble que ce soit une propriété ancestrale qui leur a permis de se nourrir de proies qu ils reconnaissent via des récepteurs membranaires spécifiques. Le mécanisme d internalisation est basé sur des réarrangements du cytosquelette d actine à l image de ce qui se passe au moment de l extension des pseudopodes. La fusion du phagosome avec des granules contenant des hydrolases permet la digestion des proies. Chez certains eucaryotes, la phagocytose, mais pas les endocytoses, a été perdue ce qui a permis l élaboration d une paroi entourant la cellule. C est ce qui s est passé par exemple chez les plantes et les champignons dont les stratégies trophiques (photoautotrophie et osmotrophie) dispensent d ingérer des proies, rendant la phagocytose superflue. 15

25 fondamentale des cellules eucaryotes qui les distingue des cellules procaryotes. Nous verrons qu elle est probablement à l'origine de leur genèse et participe pour une très large part à leur évolution car elle a permis et permet toujours actuellement l entrée d organismes vivants dans la cellule. S ils ne sont pas digérés, ceux-ci peuvent alors se comporter comme des parasites, mais peuvent aussi établir des relations plus harmonieuses, persister dans la cellule en lui conférant un avantage sélectif et devenir après un long temps d évolution une partie intégrale de la cellule eucaryote. Encadré 2 Au cours de leur cycle de vie, les eucaryotes présentent des génomes différents, ce qui peut avoir des conséquences sur leur phénotype. Premièrement, la ploïdie a un impact sur l expression du génome et les cellules haploïdes et dicaryotiques peuvent ne pas produire les messagers en même proportion que les cellules diploïdes. Une des conséquences est que les cellules diploïdes sont souvent plus grosses que les cellules haploïdes. Deuxièmement, les cellules diploïdes résultent de la fusion de deux cellules pouvant porter des différences génétiques. Par exemple chez l homme, les cellules haploïdes ont soit un chromosome X, soit un chromosome Y, alors que les cellules diploïdes sont XX ou XY. Cette dernière catégorie, dite hétérozygote, ne peut clairement pas se retrouver dans les cellules haploïdes! Ce cas est général chez les organismes hétérothalliques qui généralement portent des gènes spécifiques définissants l identité sexuelle ou les espèces qui ont des chromosomes sexuels responsables d incompatibilité morphologiques lors de la fécondation. Le diploïde est alors hétérozygotes pour les types ou chromosomes sexuels alors que les haploïdes sont homozygotes. Enfin, chez certains eucaryotes, le noyau peut subir des modifications de contenu ou de structure. En effet, des pertes ou des amplifications d'adn sont observées dans certaines cellules d'organismes pluricellulaires qui ne sont plus destinées à servir pour la reproduction (cellules somatiques) alors que les cellules germinales destinées à la reproduction sexuée conservent la totalité du matériel génétique. Le cas, le plus extraordinaire est celui des Ciliophora (Encadré 21), où un noyau canonique mais non exprimé sert uniquement au moment de la méiose (le micro-noyau germinal) alors que le fonctionnement cellulaire est organisé par un noyau géant (le macro-noyau somatique) qui dérive d'un micro-noyau par amplification de certaines régions du génome et perte d'autres régions! Contrairement au micronoyau, le macronoyau ne se divise pas par une mitose classique mais par une fission nucléaire. Ce cas n'est pas unique. Il a été montré que chez la levure Schizosaccharomyces pombe, le fuseau de microtubule (une caractéristique pourtant présente chez tous les eucaryotes) n'est pas essentiel pour la division, en son absence le noyau de cette levure se divise selon un processus de fission nucléaire qui pourrait être le vestige de la division nucléaire avant l'invention du fuseau de microtubule. D'autres types de divisions nucléaires non canoniques existent par exemple chez des organismes dépourvus d'histone et dont le génome ne se compacte pas de manière classique, tels que les Dinoflagellata (Encadré 23). 16

26 Sur les traces d un intermédiaire entre les procaryotes et les eucaryotes Bien que très différentes dans leur organisation avec ou sans réseaux internes de membranes, les cellules procaryotes et eucaryotes ont de nombreuses caractéristiques communes. Leur fonctionnement repose sur les mêmes bases chimiques (ADN, ARN, protéines, ATP ) et elles utilisent les mêmes voies métaboliques. Cela suggère une parenté entre toutes les cellules de la biosphère actuelle. Dans ces conditions, est-il possible de trouver actuellement sur terre des organismes qui présenteraient des caractéristiques intermédiaires, c est à dire des procaryotes avec une compartimentation interne ou bien des eucaryotes dépourvus d organite? Des procaryotes avec un noyau? En fait, il est possible de retrouver des caractéristiques eucaryotes chez les procaryotes: On note chez les eubactéries la présence d'un cytosquelette primitif grâce à la protéine FtsZ qui (1) se polymérise en tubule in vitro, (2) est une GTPase comme les tubulines et (3) contient un motif de 6 acides aminés conservé chez les tubulines. De même, la protéine MreB s'assemble en filaments et possède une structure 3D proche de l'actine. Deux gènes codant des vraies tubulines de type α et β ont été découverts chez les Prosthecobacter qui sont des bactéries aérobies du groupe des Verrucomicrobia, d autres ont été détectés chez certaines archées. Les données concernant l'origine de ces tubulines sont contradictoires: la comparaison des séquences procaryotes avec les protéines eucaryotes montre de grandes divergences membrane plasmique pirellulosome indiquant qu elles ne proviendraient probablement pas d'un transfert horizontal entre Figure 11 Le pirellulosome chez les Pirellula. Le pirellulosome est délimité par une seule membrane définissant deux compartiments internes. Le nucléoïde est localisé dans le pirellulosome qui est entouré du paryphoplasme. 17 nucléoïde membrane intracytoplasmique paryphoplasme grands domaines du vivant. Cependant, la présence de ces gènes uniquement chez certaines souches de Prosthecobacter ou d archées, mais pas chez d'autres, serait au contraire l indice

27 d un transfert horizontal suivi d une évolution accélérée. Plus récemment, des protéines clairement orthologues à l actine ont été identifiées chez des archées. Nommées «crenactines», ces protéines se polymérisent pour former des structures hélicoïdales qui traversent les cellules et qui probablement participent au maintien de la forme et à la division cellulaire. Une autre caractéristique des eucaryotes est rencontrée chez plusieurs procaryotes : la complexité du matériel génétique. En effet, on note parfois la présence de plusieurs chromosomes, dont certains sont linéaires. Chez certaines archées, des histones structurent la chromatine en nucléosomes. Des introns, caractéristiques longtemps considérées comme spécifiques des eucaryotes sont présents dans de nombreuses espèces. Cependant, la structuration interne de la cellule par un réseau d organelles ne se retrouve que chez un nombre restreint de groupes eubactériens. Ces systèmes de membranes internes permettent souvent de compartimenter des réactions enzymatiques spécifiques : thylakoïdes des cyanobactéries où se produit la photosynthèse, systèmes membranaires internes de bactéries endobiontes d éponges (les Poribacteria), vésicules des bactéries méthylotrophes ou "anammoxosomes", siège d une oxydation anaérobie de l ammonium chez les Planctomycetales. Ces Planctomycetales (ou planctomycètes) possèdent de nombreuses propriétés intéressantes les rapprochant des eucaryotes ou des archées. Elles n'ont pas de peptidoglycanes et se divisent par bourgeonnement. Les espèces faisant la dénitrification en absence d'oxygène ont la capacité de synthétiser des lipides de type éther qui est une caractéristique des archées! D'autres ont la capacité de synthétiser des stérols comme les eucaryotes! Membrane plasmique riboplasme Chez certaines, telles que pirellulosome nucléoïde Pirellula marina et Pirellula ribosome staleyi, des Planctomycetales hétérotrophes trouvées en mer Baltique, l'adn est entouré d'une simple membrane lipidique: la membrane intracytoplasmique. Cette 18 paryphoplasme Enveloppe du «corps nucléaire» Membrane intracytoplasmique Figure 12 La structure de Gemmata obscuriglobus. Le pirellulosome est plus ou moins lobé. structure est appelée un pirellulosome (figure 11) baigne dans le paryphoplasme. De l'arn se trouve dans les deux compartiments. L espèce de planctomycètes la plus

28 surprenante est sans conteste Gemmata obscuriglobus, une bactérie poussant dans les mares d'eau douce en Australie. Elle possède plusieurs caractéristiques non orthodoxes pour une bactérie dont : 19 - La capacité à synthétiser des stérols. - Un génome entouré d'abord par un pirellulosome et par une autre membrane lipidique, les deux étant séparées par un espace inter-membranaire; cette dernière structure ressemble donc fortement à une double membrane nucléaire qui délimiterait "un corps nucléaire" (figure 12). Pour le moment, on suspecte que cette membrane est issue d'une évolution convergente et on ne sait pas si elle entraîne le découplage entre transcription et traduction observé chez les eucaryotes. Il semble cependant que de l'arn soit présent dans les deux compartiments, suggérant un possible découplage pour certains messagers. - une division cellulaire avec des caractéristiques propres qui ne sont trouvées ni chez les eucaryotes ni chez les autres bactéries (figure 13). - des protéines ressemblant aux protéines eucaryotes qui recouvrent les vésicules d'exo / endocytose (coat-proteins). La divergence entre ces protéines bactériennes et celles des eucaryotes est trop importante pour faire des phylogénies moléculaires. Néanmoins, l'organisation des différents domaines est conservée, suggérant que les protéines procaryotes et eucaryotes pourraient être apparentées. Gemmata obscuriglobus n est pas la seule espèce du clade "Planctomycetes - Verrumicrobia - Chlamydiae" qui possède ces protéines mais c est celle qui est le plus étudiée. Il a été montré qu une de ces protéines est localisée en partie en association avec des vésicules intra-cytoplasmiques. Il semble aussi exister un phénomène apparenté aux endocytoses, même si pour ces bactéries il est fort probable que cette capacité soit apparue par convergence évolutive. En effet, Gemmata obscuriglobus est capable d'importer des protéines du milieu extérieur via des vésicules ressemblant à des vésicules d'endocytoses. Cela peut se voir simplement en incubant la bactérie dans une solution contenant de la GFP (green fluorescent protein). Rapidement, le cytoplasme de la bactérie devient fluorescent. Cette propriété ne semble pas restreinte à Gemmata obscuriglobus car récemment, il a été montré que des bactéries photosynthétiques (Rhodobacter sphaeroides) sont aussi capables de produire des vésicules par bourgeonnement de la membrane plasmique Malgré cet ensemble de données rapprochant Gemmata obscuriglobus des eucaryotes, l'analyse des séquences ARN ribosomiques 16S et 5S montre que c est bien d'une eubactérie qui est située à la base de l'arbre phylogénétique. En particulier, la toxine diphtérique est incapable de catalyser la fixation covalente de l'adénosine diphosphate ribose (ADPR) sur le facteur d'élongation de la traduction EF2 (=EF-G) de Gemmata obscuriglobus. C'est une propriété propre aux eubactéries car la toxine inactive efficacement les protéines aef2 et eef2 d'archaebactéries ou d'eucaryotes. De plus, le

29 Le pirellulosome passe dans le bourgeon apparition du bourgeon division du corps nucléaire Translocation du corps nucléaire génome de cette bactérie est maintenant complètement séquencé et ne montre pas une accumulation de gènes qui ressembleraient plus à ceux des eucaryotes qu'à ceux d'autres bactéries. Par contre, ces organismes ont des reliques de gènes impliqués dans la synthèse du peptidoglycane, montrant qu'elles dérivent de bactéries plus classiques. L'ensemble de ces données montre que Figure 13 Modèle de division de Gemmata obscuriglobus. Gemmata obscuriglobus est réellement une bactérie qui a évolué de manière convergente avec les eucaryotes. Elle ne semble pas en être «l ancêtre», mais donne une idée de ce à quoi cet ancêtre a pu ressembler. En conclusion, Ces exemples montrent que la plupart des caractéristiques des eucaryotes se retrouvent sous une forme plus simple chez les procaryotes, dont la compartimentation de l'adn dans des structures membranaires. Les différences entre les deux types cellulaires ne sont pas qualitatives mais plutôt quantitatives. Pour ce qui est des bactéries décrites dans ce chapitre, malgré la présence d'un nucléoïde entouré d'une membrane, ces organismes sont de vrais procaryotes et il est peu probable que les eucaryotes en dérivent. Néanmoins, le groupe des Planctomycetales/Verrucomicrobia présente de nombreuses caractéristiques intéressantes et il est possible que dans un futur proche un organisme apparenté à l'ancêtre des eucaryotes soit découvert dans ce groupe. Actuellement aucune bactérie ne possède un vrai réseau de membranes internes homologue au réseau noyau/réticulum/golgi. De fait, aucun procaryote ne semble pouvoir faire faire des phagocytoses, qui restent donc une caractéristique eucaryote. Néanmoins, un cas suggère que certaines bactéries auraient pu posséder cette propriété. En effet, une cochenille (Planococcus citri, hémiptère) contient deux bactéries endosymbiotiques, une β-protéobactérie et une ɣ-protéobactérie. Il a été montré que la ɣ -protéobactérie vit en fait dans le cytoplasme de l'autre bactérie. Le mode de pénétration de la ɣ -protéobactérie à l'intérieur de la β-protéobactérie n'est pas connue et l'implication d'une phagocytose 20

30 nucléole chromosomes flagelle longitudinal flagelle transverse dinocaryon = noyau non démontrée. Actuellement, seuls deux exemples de telles symbioses sont connus, ce qui contraste avec la récurrence des endosymbioses bactériennes dans les cellules eucaryotes. Figure 14 La structure des chromosomes chez les Dinoflagellata Les Dinoflagellata, comme Gymnodinium sp à droite,. sont des protistes unicellulaires photosynthétiques présentant des particularités de fonctionnement non canonique par rapport aux autres eucaryotes. Parmi celles-ci, l absence d histone est particulièrement remarquable. Corrélativement, le contenu en ADN du noyau a fortement augmenté et peut attendre chez certaines espèces 280 milliards de paires de base! Les chromosomes sont toujours condensés, l ADN adoptant une organisation en cristal liquide. Des boucles d ADN solubles sont présentes à la périphérie des chromosomes et sont le siège de la transcription. Du fait de sa structure inhabituelle, le noyau des Dinoflagellata est appelé dinocaryon. Il se divise de manière non canonique sans figure de mitose classique. De même, une reproduction sexuée a été mise en évidence chez certaines espèces sans détection d une méiose classique. Des eucaryotes sans organites? Nous avons vu que la caractéristique essentielle qui distingue les procaryotes et les eucaryotes est la présence du noyau et du réseau réticulum/golgi qui lui est associé. Jusqu'à présent, il ne semble pas y avoir d'organismes dont on pourrait supposer qu'ils fonctionnent comme un eucaryote typique mais pour lequel l'adn génomique "nucléaire" ne serait pas entouré d'une membrane ou qui ne possèderait pas le système d exo/endocytoses. Cependant, il existe des exceptions importantes par rapport à la structure et au fonctionnement de ce noyau, décrits dans les manuels : - il existe des eucaryotes sans histones : les Dinoflagellata ; la structure de leurs chromosomes est donc très différente de la structure classique (figure 14 et Encadré 23). - chez les Euglenozoa, les gènes sont transcrits sous forme de messagers polycistroniques, à l image des opérons bactériens (figure 15). Cependant, ces messagers sont fragmentés par trans-épissage et polyadénylation avant d être exportés dans le cytoplasme. Ce mécanisme est présent aussi chez les Dinoflagellata et certains animaux. La mitose et la méiose peuvent exhiber des caractéristiques non canoniques: Ceci est évidement vrai pour les eucaryotes sans histone, cités ci-dessus. Mais c'est aussi le cas pour certains Oomycota du genre Saprolegnia et Apicomplexa du genre Aggregata chez qui les chromosomes ne se regroupe pas sur une plaque équatoriale métaphasique 21

31 transcription transcription tête d épissage (splice leader) Épissage + polyadénylation AAAAA AAAAA AAAAA typique. Dans d'autres nombreux cas (Trypanosomida, Parabasalia...) l'implication du réseau de microtubule dans la séparation des chromosomes n'est pas standard. D'une manière plus intéressante, il existe des eucaryotes avec une structure interne simple et qui sont en particulier dépourvus de mitochondries et fonctionnent donc avec un métabolisme anaérobie. Cela concerne environ un millier d'espèces. Il a été rapidement possible de rapprocher sans ambiguïté sur des critères morphologiques et biologiques certaines espèces avec des groupes connus. Ce sont soit des Eumycota, soit des Ciliophora ou autres protozoaires. Il est alors clair que ces organismes ont perdu secondairement leurs mitochondries. Par contre, quatre groupes d'organismes ont longtemps posé des problèmes car ne se rapprochant clairement d'aucun grand groupe connu: les Metamonadina, les Microsporidia les Parabasalia, et les Archamoeba. Les biologistes ont donc pensé que ces organismes étaient des intermédiaires entre les procaryotes et les eucaryotes. Cependant, ces organismes sont tous des parasites. On peut envisager donc 22 Figure 15 Mécanisme de fragmentation des messagers polycistroniques chez les Euglenozoa. Les gènes sont transcrits sous forme de messagers polycistroniques pouvant contenir plusieurs dizaines de séquences codantes. Une tête d épissage est transcrite séparément à partir d un locus contenant plusieurs copies du gène. Chaque copie possède son propre promoteur. La tête d épissage est ajoutée par trans-épissage, une réaction qui permet de lier la tête à l extrémité 5 du messager par une réaction identique à un épissage classique (ou cis-épissage), exceptée qu elle engage deux molécules distinctes d ARN. En même temps, une queue polya est ajoutée. Le choix du site de polyadénylation est dirigé par la position du site d épissage situé en 3 indiquant un couplage entre les deux réactions. L ensemble des deux réactions aboutit à des messagers monocistroniques classiques des eucaryotes.

32 1 µm Philippe Silar Hydrogénosome de Tritrichomonas foetus Mitosome de Giardia intestinalis Mitochondrie typique Figure 16 Structures comparées des mitochondries, hydrogénosomes et mitosomes. deux hypothèses. Premièrement, ils sont effectivement simples. Deuxièmement, ils ont été complexes et leur mode de vie en tant que parasite a entraîné une simplification de leur structure. On sait en effet que le parasitisme favorise une simplification des organismes. On parle alors d'évolution réductrice. La première preuve qui a permis de trancher entre ces deux hypothèses a été la détection dans les génomes des organismes sans mitochondrie de gènes dont on sait que les protéines codées fonctionnent exclusivement dans la mitochondrie. En effet, s'ils dérivent par simplification d'organismes connus, il est possible de retrouver de telles séquences. Dans les quatre cas problématiques, des gènes dont les produits fonctionnent dans la mitochondrie, dont par exemple la protéine chaperon cnp60 qui permet le repliement des protéines importées dans la mitochondrie, ont été trouvés dans le génome. Cependant, il a fallu fournir d autres preuves car il est possible que ces gènes aient été introduits par transferts horizontaux plus récemment, soit à partir de bactéries, soit à partir d'autres eucaryotes. Des données supplémentaires ont donc été générées: en regardant de plus près la localisation intracellulaire Dans tous les cas, des structures ressemblant à des mitochondries modifiées ont pu être découvertes: - des hydrogénosomes qui assurent la production d'atp sans consommation d'oxygène mais avec excrétion d'h 2. Ils étaient connus depuis longtemps car ces organites sont aussi retrouvés dans des ciliés ou des champignons anaérobies. - des mitosomes, qui restent chez de nombreux eucaryotes anaérobies le siège de l assemblage des centres fer/souffre (Fe-S), une fonction aussi assurée par la mitochondrie. Ces organites sont bordés de deux membranes plasmiques, comme la mitochondrie (figure 16). Finalement, les séquences de génomes ont permis d'affiner les positions phylogénétiques des groupes problématiques en établissant des phylogénies moléculaires basées sur de nombreuses séquences et donc possédant un support statistique très important: les Microsporidia sont des champignons dégénérés, les 23

33 Metamonadina et les Parabasalia sont des Metamonada, un groupe ayant des représentants aérobies et les Archamoeba sont des Amoebozoa proches des myxomycètes et autres amibes capables de respirer. En conclusion, tous les groupes eucaryotes ont en fait eu dans le passé des mitochondries. Fort probablement le mode de vie parasitaire des organismes actuellement sans vraie mitochondrie a entraîné une régression de ces organismes qui a obscurci leur origine. Tous possèdent au moins une relique de la mitochondrie initiale. Cependant, l'étude des protistes unicellulaires est extrêmement partielle. Il n'est donc pas impossible que de véritables eucaryotes primitifs soient découverts dans le futur. A l'issue de ces découvertes, il reste donc toujours une différence fondamentale de complexité et/ou de fonctionnement entre les eucaryotes et les procaryotes. Une question se pose: quelle est l'origine des eucaryotes? 24

34 Quelles traces nous a laissées le passé? L'étude des eucaryotes qui semblent les plus primitifs ne permettant pas de connaître l'origine des cellules eucaryotes, comment peut-on dans ce cas obtenir des informations sur cette origine? Nous allons voir trois lignes d'étude qui tentent de répondre à cette question. Les fossiles Classiquement, la science qui étudie l'histoire évolutive des espèces est la paléontologie. Que peut-elle donc nous apprendre sur l'histoire ancienne des eucaryotes? L'apparition des premiers fossiles d'animaux se situe à la séparation entre le précambrien et le cambrien vers Ma (= millions d'années). Auparavant, c'est à dire pendant l'ère protérozoïque ( Ma à Ma), il existe une faune microbienne fossilisée qui contient des cellules procaryotes mais probablement aussi eucaryotes. En effet, il existe des fossiles ressemblant à des algues rouges bangyophytes parfaitement préservés et possédant toutes les caractéristiques de celles-ci comme la multicellularité et la reproduction sexuée datant de 1200 Ma (voir figure 216). Avant, les fossiles sont plus difficiles à interpréter. Vers Ma, on note dans les sédiments des cellules qui ressemblent à des kystes ou des thèques de certains flagellés et certaines amibes (les achritarches). De même, des "algues" du genre Grypania sont présentes dans des roches datant de Ma. La taille de ces fossiles et leur complexité suggèrent qu ils pourraient provenir d eucaryotes. Avant, pendant l'ère dite archéenne (avant Ma), il n'existe pas de fossiles. En conclusion, les fossiles suggèrent que les eucaryotes pourraient avoir une origine très ancienne datant de plus de deux milliards d années. Les marqueurs chimiques Une alternative à l'approche morphologique, pour évaluer la présence de fossiles, est la recherche de marqueurs chimiques spécifiques des eucaryotes qui pourraient être préservés dans les sédiments. Les stérols sont de bons candidats pour cette approche (voir la Table 1). C'est ce qui a été fait sur des roches très anciennes âgées de Ma, qui datent donc de l'ère archéenne. Des analyses chimiques ont montré, sans ambiguïté semble-t-il, la présence de stéranes, composés organiques dérivant des stérols. Comme les données morphologiques des fossiles primitifs, cette découverte suggère que les eucaryotes ont probablement une origine beaucoup plus ancienne que ce 25

35 que l'on pense généralement. Cependant, nous avons vu que certaines bactéries comme les Planctomycetales peuvent synthétiser des stérols et certains avancent cet argument pour rejeter l'hypothèse de l'apparition ancienne et donne une date plus récente pour l'apparition des eucaryotes. Les signatures génomiques Les génomes contiennent des traces de l histoire des organismes. Leur analyse doit donc permettre dans une certaine mesure de la retracer. Les comparaisons des protéines ayant les mêmes fonctions et un même ancêtre dans les trois règnes du vivant ou protéines orthologues montrent que les génomes des eucaryotes contiennent une mosaïque de gènes : certains codent des protéines plus apparentées à des protéines d eubactéries, d autres à des protéines d archées et le reste à des protéines qui semblent spécifiques des eucaryotes (figure 17). α-proteobacteries autres bactéries archées spécifiques des eucaryotes Il est possible de définir deux grandes classes de gènes suivant leur rôle dans la physiologie cellulaire: les gènes impliqués dans l'expression de l'information, appelés gènes informationnels comme les gènes impliqués dans la traduction, la transcription, la réplication, plus les GTPases et les ATPases vacuolaires, et les gènes impliqués dans le métabolisme appelés gènes opérationnels comme ceux impliqués dans la synthèse des acides aminés, des cofacteurs, des nucléotides et des lipides, ceux impliqués dans le métabolisme énergétique ou ceux codant les protéines d'enveloppe. Les comparaisons 26 Figure 17 Résultats des comparaisons des protéines des eucaryotes avec celles des autres domaines du vivant. Chaque portion du camembert est proportionnelle à la fraction des protéines eucaryotes ayant la ressemblance la plus forte avec le groupe indiqué.

36 montrent que les gènes informationnels en général ressemblent fortement à ceux des archées, alors que les gènes opérationnels ressemblent plutôt à ceux d eubactéries. Quant aux gènes absents chez les procaryotes, ils codent de manière attendue pour des protéines impliquées dans processus spécifiques des eucaryotes : mise en place du cytosquelette, de l'endocytose/phagocytose, mais aussi de la transduction du signal via le calcium et les protéines G, des protéines nucléaires comme les histones sensu stricto, les protéines du pore nucléaire et de l'épissage, et de manière plus inattendue des protéines ribosomiques et quelques enzymes. Le génome procaryote qui actuellement contient le plus de gènes présents typiquement chez les eucaryotes et absents usuellement chez les procaryotes est celui d archées du genre Lokiarchaeum. Ces organismes non-cultivés ont été découverts en 2015 via leur ADN dans des sédiments marins proches de sources hydrothermales et forment la lignée des Lokiarchaeota. Le génome de ces organismes contient des gènes codant pour des actines, certains composants de la machinerie ESCRT impliqués dans la gestion du trafic vésiculaire et des petites protéines G impliquées dans la division cellulaire. Ces analyses montrent donc que le génome eucaryote s est constitué à partir de gènes provenant d eubactéries, d archées et de gènes qui ont pu apparaître au cours de l évolution de la cellule eucaryote. Il se pose donc deux questions : - Quel est le rapport entre les eubactéries, les archées et cellules eucaryotes? - Comment sont apparus les attributs caractéristiques des cellules eucaryotes? Les réponses à ces questions sont claires : on ne les connait pas! La nature de l'ancêtre des eucaryotes est inconnue et sa description relève aujourd'hui encore de la spéculation car aucune trace fossile claire des premières cellules eucaryotes ne subsiste. Néanmoins, l ensemble des données suggèrent une apparition précoce des eucaryotes, ou de leur ancêtre, la cellule «proto-eucaryote», et donc potentiellement une très longue histoire évolutive, probablement à partir d au moins deux précurseurs : une archée et une eubactérie. Comment s est exactement produite cette apparition est encore mystérieuse et le chapitre suivant va présenter quelques hypothèses. 27

37 Quelques théories pour expliquer l origine de la cellule eucaryote Il existe plusieurs théories qui tendent à expliquer l'origine de la cellule eucaryote et les rapports de celle-ci avec les cellules procaryotes. Aucune n'est satisfaisante à ce jour car chacune explique une partie de l'histoire mais ne rend pas compte de la totalité des attributs de la cellule eucaryote. On peut classer ces théories en plusieurs groupes (figure 18): celles qui supposent que (1) les trois groupes d'êtres vivants ont une origine indépendante, (2) les procaryotes et les eucaryotes dérivent d'un ancêtre commun, le Last Universal Common Ancestor ou LUCA principalement par simplification pour les procaryotes, LUCA ayant éventuellement pu être un proto-eucaryote, et par principalement complexification pour les eucaryotes, (3) les eucaryotes dérivent des procaryotes par des mécanismes de fusion et/ou d'endosymbiose. archées eucaryotes eubactéries archées eucaryotes LUCA eubactéries eucaryotes archées eubactéries LUCA soupe prébiotique soupe prébiotique soupe prébiotique origines indépendantes simplification/complexification fusions/endosymbioses Figure 18 Les trois grands groupes de théories pour expliquer l origine des eucaryotes. Les théories des origines indépendantes Le premier groupe de théorie qui suppose une origine indépendante repose sur le fait que les différences entre les trois types d'organismes sont si profondes qu'elles ne peuvent s'expliquer que par une origine indépendante. Cependant, nous avons vu que beaucoup de ces différences souffrent de nombreuses exceptions. En particulier, la différence de composition lipidique entre les membranes des trois groupes, qui est un argument fort de cette théorie, n'est plus tenable. En effet, chez les Planctomycetales (eubactéries), les gènes de synthèse de lipides à liaison éther typiques des archaebactéries et des stérols typiques des eucaryotes sont présents et ont été probablement acquis par transfert horizontal. Ceci montre donc qu'un remplacement de gènes par d'autres au cours de 28

38 l évolution peut expliquer les compositions particulières des membranes propres à chaque groupe. De plus, cette théorie n explique pas vraiment comment sont apparus les attributs de la cellule eucaryote! Simplification ou complexification La plupart des théories expliquant l origine des eucaryotes par fusion/endosymbiose partent comme matériel de base de cellules procaryotes déjà très évoluées. Récemment, plusieurs chercheurs ont mis en doute la validité de tels préceptes de départ. En effet, ces auteurs critiquent les méthodes d'établissement des phylogénies qui proposent que les bactéries et/ou les archaebactéries soient les organismes les plus primitifs. Ils suggèrent au contraire que les bactéries sont des cellules très évoluées et que cellules eucaryotes et procaryotes dérivent d'un ancêtre commun complexe, LUCA, qui aurait en fait beaucoup plus de propriétés d'une cellule eucaryote que procaryote. Avec cette théorie, les procaryotes seraient issus d'une cellule proto-eucaryote par simplification via la sélection de mécanismes efficaces et rapides et les cellules eucaryote par complexification. Ce type d'hypothèse malheureusement n'explique pas de manière convaincante comment est apparu LUCA, et surtout les étapes de son évolution vers les eucaryotes. Les théories de fusions et d'endosymbioses Ce groupe de théorie n'est pas nouveau. En effet, la première formulation remonte au début du XX e siècle par le biologiste russe Konstantin Mereschkowski ( ). Il en existe qui font intervenir un seul évènement de fusion ou d'endosymbiose et d autres qui en supposent plusieurs. Elles partent du constat que la mitochondrie et les différents plastes dérivent très probablement d'évènements d'endosymbiose, et que des endosymbioses intracellulaires mutualistes et parasitaires existent encore aujourd'hui. De plus, nous avons vu que la trace d'un mélange de gènes d'origines diverses est détectable dans le génome actuel des eucaryotes. Néanmoins, certains émettent des doutes au sujet de ce dernier argument. Ils suggèrent en effet que des gènes auraient pu être acquis horizontalement plus tard au cours de l'évolution, soit via des transferts interspécifiques, soit via l alimentation : - Des systèmes efficaces de transfert de gènes entre espèces distantes (via les plasmides conjugatifs) sont fréquents chez les bactéries. On en connaît quelques exemples entre bactéries et eucaryotes, par exemple entre Agrobacterium tumefaciens et les plantes. De même, le rôle des virus dans les transferts de gènes est mal compris. Par exemple, l'arn polymérase de la mitochondrie est de type viral 29

39 invagination fusion de consortium capture et intégration suggérant un transfert à partir d'un virus : est-ce un évènement unique, ou bien de tels transferts ont-ils eu lieu fréquemment au cours de l évolution? - les gènes auraient pu être acquis via l alimentation. La cellule eucaryote ayant la capacité des phagocyter des proies qu elle digère dans son cytoplasme, il est possible que l échappement de molécules d ADN des vacuoles de digestion vers le noyau aurait pu permettre l introduction des gènes de bactéries ou d archées dans le génome. L étendue des transferts horizontaux au cours de l évolution est difficile à estimer. Des transferts récents d un point de vue de l évolution ont pu être détectés dans la majorité des génomes des eucaryotes actuels, suggérant qu ils peuvent se produire. Néanmoins, ils ne semblent pas pouvoir rendre compte facilement du nombre très important de gènes provenant des archées et des eubactéries présents dans le génome actuel des eucaryotes. De plus, ces transferts n expliquent pas pourquoi les gènes 30 Figure 19 Trois modèles expliquant comment le noyau a pu apparaître. Le modèle par invagination est le plus simple car il suppose une seule fusion de membrane (représentée par le cercle rouge). Le modèle par fusion au sein d un consortium de cellules procaryotes nécessite deux étapes d évènements de fusion, permettant de créer la membrane plasmique, puis les pores nucléaires. Le modèle par capture et intégration nécessite deux étapes d évènements de fusion et la disparition de la membrane de la cellule capturée. Dans le modèle par invagination, le mélange des génomes bactériens et archéens intervient au moment de la formation de la mitochondrie. Dans les deux autres modèles, le génome composite est formé avant l arrivée de la mitochondrie.

40 d origine eubactérienne sont essentiellement de type fonctionnel et ceux d origine archéenne essentiellement de type informationnel. Le consensus actuel, fortement confirmé par le fait que les mitochondries semblent dériver d α-protéobactéries, est donc que la cellule eucaryote est un assemblage d au moins deux cellules procaryotes : une eubactérie et une archée. Le débat actuel est centré sur les modalités fines de cette genèse. Les théories sont trop nombreuses pour être toutes explicitées, d autant plus que certaines semblent peu soutenues par des arguments raisonnables. Le modèle doit tenir compte d un certain nombre de contraintes, incluant la nécessité d une succession d étapes plausibles donnant prise facilement et immédiatement à la sélection naturelle et le fait qu aucune membrane biologique ne semble pouvoir apparaitre de novo facilement. Le problème principal revient donc à expliquer comment est apparu le système «noyau/réticulum/golgi». Sur la figure 19 sont résumées trois possibilités quant à l apparition du noyau. Parmi ces trois modèles, le modèle par invagination est le plus probable car il nécessite le moins d étapes et rend parfaitement compte de la topologie de la cellule eucaryote actuelle. Les deux autres modèles sont plus complexes et imposent que certaines membranes des organelles résultent de la fusion de deux membranes d origines différentes, ce qui est moins probable. Le modèle d invagination permet aussi de ne mettre en jeu qu un seul évènement majeur pour expliquer la totalité du réseau «noyau/réticulum/golgi», contrairement aux autres modèles, pour lesquels l origine des autres organelles est moins claire. En effet, la double membrane nucléaire résulterait d une vésicule d endocytose. L analyse des mécanismes moléculaires régulant les voies de l exo- et endocytose et la gestion de la membrane nucléaire et du trafic à travers celle-ci montre que toutes font intervenir des petites protéines G. Il en existe 7 familles majeures : Sar, Arf, SRb, Rab, Ran, Ras et Rho. Elles sont ubiquitaires chez les eucaryotes et sont donc ancestrales. La continuité du système «noyau/réticulum/golgi» et l utilisation récurrente de petites protéines G apparentées entre elles pour gérer les diverses organelles confirme une origine unique pour tout ce réseau. Bien qu en apparence complexe, la mise en place de vésicules d endocytose est microtubule petite protéine G kinésine Figure 20 Création d invaginations de la membrane plasmique. In vitro, la création d une invagination ne requiert que trois composants formant un complexe : une petite protéine G, un microtubule et une kinésine. La kinésie se fixe sur le microtubule qui lui fournit un rail. La kinésine se lie à la petite protéine G, qui est attachée à la membrane plasmique via un groupement de nature lipidique ajouté post-traductionnellement. L ATP fourni l énergie à la kinésine pour exercer la force de traction nécessaire à la création de l invagination. La formation d une vésicule interne ne nécessite plus qu une fusion au niveau de la membrane plasmique. 31

41 en fait assez simple (figure 20). La création d une invagination de la membrane plasmique ne requiert que trois partenaires : une petite protéine G qui s ancre à la membrane (ceci est possible car des groupements lipidiques lui sont ajoutés post-traductionnellement), un microtubule et une kinésine. Ce système simple reconstitué in vitro permet la création d invagination de la membrane plasmique. Si la kinésine tire suffisamment fort, une vésicule interne peut se créer. La formation de telles vésicules peut être facilitée par une protéine capable de constriction : l actine. Celles-ci peuvent de nouveau fusionner avec la membrane plasmique, donnant ainsi naissance aux vésicules d exocytose. La régulation de la formation des vésicules a pu donner naissance aux endocytoses et finalement la membrane nucléaire a pu s individualiser autour du matériel génétique, qui dans un premier temps pouvait être fixé à la membrane plasmique, comme chez les bactéries. A partir du noyau et/ou des vésicules d exo-endocytose, des spécialisations ont pu donner naissance aux autres organelles : réticulum, golgi, endosomes, peroxisomes etc. Chaque étape a pu s accompagner de duplications des gènes des petites protéines G, permettant un confinement de chacune d entre elles à des niveaux précis du réseau, et de l apparition de protéines dédiées à la gestion et au trafic des différentes organelles et vésicules : clathrines, syntaxines, complexes ESCRTs, etc. L analyse des génomes montrent que tous les eucaryotes possèdent la machinerie de base permettant la gestion des organelles, même si des spécialisations ultérieures par perte et gains de certains acteurs se sont produites au cours de l évolution. Des pressions de sélection favorisant la formation du réseau «noyau/réticulum/golgi» sont facilement identifiables. La création des invaginations entraîne l augmentation de la surface d échange entre la cellule et son environnement et la création d une niche abritée, ce qui facilite par exemple la possibilité d échanges avec d autres microorganismes en leur assurant une protection et des conditions idéales de croissance. La mise en place du système de sécrétion permet une régulation plus fine de l export des protéines et celle du système d endocytoses permet de faire rentrer des particules non-solubles à l intérieur de la cellule ; elle permet donc un nouveau mode de nutrition : la phagocytose. Une forte pression de sélection pour la mise en place du noyau serait la nécessité pour la cellule de devenir plus grosse afin de phagocyter ses proies et donc de devoir répartir équitablement le matériel génétique noyé dans un cytoplasme quantitativement important. Cette mise en place s accompagne aussi du perfectionnement des cytosquelettes de l actine et des tubulines, qui a pu ensuite être recruté pour participer à la division cellulaire, permettant aussi l accroissement de la taille des cellules et du matériel génétique, et aux déplacements cellulaires à l aide des pseudopodes et des flagelles. De fait, il existe chez presque tous les groupes majeurs d'eucaryotes des cellules amoeboïdes, qui se déplacent grâce au cytosquelette d'actine, ou flagellées, qui se déplacent grâce au cytosquelette de tubuline. Chez certains groupes, comme les Myxogastrida ou les Heterolobosea, les cellules peuvent basculer entre les deux types de morphologies suivant les conditions externes. Cela confirme l'ancienneté 32

42 Chlorobi Chlamydiae Philippe Silar Eubactéries Diaphoretickes Eucaryotes Archaeplastida Hacrobia Sar Excavata Amorphea cellules à mitochondries LUCA Euryarchaeota LECA Lokiarchaeota Korarchaeota Crenarchaeota Thaumarchaeota Aigarchaeota Archées super-embranchement TACK Figure 21 Arbre phylogénétique du vivant construits d après les séquences des génomes (arbre phylogénomique). Les eucaryotes seraient issus de l association d une cellule apparentée aux archées du super-embranchement TACK et d une α-protéobactérie. L association ultérieure d une cellule eucaryote avec une cyanobactérie a conduit à l apparition d une lignée de cellules possédant un plaste dit «issu de l endosymbiose primaire». des deux types de cytosquelette et le fait que l'eucaryote initial aurait pu déjà avoir les deux types de cytosquelette. La nature de la cellule qui a subi ces transformations est inconnue, mais la découverte chez les Lokiarchaeota d actine, de composants du complexe ESCRT, etc. confirme l hypothèse d une origine proche des archées. Les analyses phylogénétiques basées sur les séquences des génomes provenant des trois grands groupes de cellules confortent cette hypothèse et place l ancêtre commun à tous les eucaryotes ou LECA (Last Eukaryote Common Ancestor) dans le super-embranchement TACK, près des Lokiarchaeota (figure 21). Cette cellule douée de déplacement et d'endocytoses, que l'on peut donc appeler maintenant un proto-eucaryote, est prête pour l étape suivante de son évolution qui est la création de la mitochondrie. Ceci s est fait probablement via l endocytose d une α-protéobactérie capable de respirer. Deux grands groupes d hypothèses envisagent deux types de pressions de sélection distinctes ayant permis la mise en place de la mitochondrie. Les théories «syntrophiques» suggèrent une association nutritionnelle entre deux partenaires, dont l un se nourrit des déchets produits par l autre. Plusieurs types de 33

43 nutriments H 2 CO 2 H 2 CO 2 nutriments H 2 CO 2 CO 2 H 2 H 2 H 2 O H 2 O CO 2 CO 2 nutriments O nutriments 2 O O 2 2 O 2 H 2 O H 2 O CO 2 CO 2 mitochondrie Figure 22 Formation de la mitochondrie par syntrophie. L association métabolique de deux cellules dont l une consume les déchets de l autre est appelée syntrophie. L optimisation de la syntrophie conduit à un fonctionnement de plus en plus intégré des deux cellules, ce qui a conduit à l internalisation de l une d entre elle, pour donner la mitochondrie. Dans cet exemple, un des partenaires produit de l hydrogène que l autre utilise comme source d énergie. Ce type d association a pu se produire en milieu anaérobie, probablement avant l apparition de l oxygène atmosphérique issu de la photosynthèse oxygénique cyanobactérienne. Lorsque celui-ci est apparu, sa toxicité a entrainé la sélection de cellules capables de le convertir en eau, via la respiration. consortiums faisant intervenir différents partenaires ont été envisagés. Dans l exemple de la figure 22, une bactérie produisant de l hydrogène est progressivement incorporée dans une cellule qui utilise de l hydrogène comme source d énergie comme les bactéries méthanogènes actuelles. La bactérie produisant de l hydrogène devait aussi pouvoir faire la respiration afin de rendre compte du rôle actuel de la mitochondrie. Dans ces théories, le réseau «noyau/réticulum/golgi» se met en place de manière concomitante à l intégration de la cellule ou après. Elles ne fournissent pas de pressions de sélection évidentes pour rendre compte de sa genèse, ni d ailleurs de celle du cytosquelette. Une théorie alternative postule que la cellule proto-eucaryote aurait été un procaryote prédateur de bactéries, qui à l'époque devait être une niche écologique peu exploitée. La mitochondrie dériverait de l avortement d une phagocytose (Figure 23), d où le nom de «phagotrophique» donnée à cette théorie. Le choix entre les différentes théories n est pas simple, mais je favoriserais celle de l origine phagotrophique, car elle repose sur moins d étapes, dont chacune peut avoir été contrainte par une pression de sélection immédiate et puissante. Elle est parfaitement en accord avec la topologie actuelle de la cellule eucaryote. Elle permet aussi d expliquer des caractéristiques de la cellule eucaryote, telles que le rôle central de la mitochondrie dans l apoptose ou de stérols dans les membranes permettant leur fluidité. Voici un donc scénario plausible pour l apparition de la cellule eucaryote : 34

44 1- Au début de l histoire de la vie, il y a plus de 2 milliards d années, la terre devait être peuplé d un grand nombre de groupes bactériens et archéens, dont seule une partie a subsisté jusqu à nos jours. Ces procaryotes devaient se nourrir soit par photosynthèse anoxygénique, telle que celle effectuée par de nombreuses eubactéries comme les chloroet les rhodo-bactéries, par chimiotrophie, comme les bactéries et archées présentes dans les sources hydrothermales, ou bien des molécules organiques produites naturellement par chimiosynthèse ou issues de l activité des cellules. Une niche écologique était donc disponible : l utilisation d autres cellules comme source de nourriture. Différentes groupes de bactéries ont utilisé et utilisent toujours cette ressource. Bdellovibrio bacteriovorus pénètre par exemple à l intérieur des autres eubactéries, qu il lyse ensuite pour s en nourrir. Les myxobactéries, telles que Myxococcus xanthus, ont un comportement de «meute», c est-à-dire qu elles se regroupent, se déplacent à l aide de flagelles vers des colonies bactériennes et ont la capacité de sécréter des molécules qui vont lyser les bactéries dont elles se nourrissent. Il est donc possible qu un groupe d archées apparentées au super-embranchement TACK, aujourd hui disparu, ait évolué ce type de nutrition. 2- Ceci a conduit ce groupe particulier d archées à sécréter efficacement des protéines capables de tuer d autres cellules, favorisant la mise en place du système de sécrétion, mais aussi à mettre en place des moyens efficaces pour se déplacer et capturer des proies, ce qui aurait pu être permis par une complexification du cytosquelette et l évolution des phagocytose noyau Disparition de la membrane de la vésicule de phagocytose Disparition de la membrane externe de la bactérie mitochondrie mitochondrie 35 Figure 23 Formation de la mitochondrie par phagotrophie. La cellule proto-eucaryote est un prédateur qui consomme les bactéries qui l entourent. La mitochondrie serait apparue suite à un avortement du processus de digestion, soit par échappement de la bactérie dans le cytosol suite à la lyse de la vésicule de phagocytose (phagosome), soit à cause de la résistance de sa membrane interne à la digestion, qui n aurait entrainé que la disparition de la membrane externe.

45 déplacement amiboïdes et du flagelle. Cette cellule aurait aussi subi des fortes pressions de sélection pour consommer rapidement et efficacement ses proies, permettant ainsi l apparition des phagocytoses. Notons que pour pouvoir avaler des proies, il ne faut plus avoir de paroi rigide entourant la cellule. Il est fort probable que nous ne connaîtrons jamais l aspect exact de ces cellules, mais elles auraient pu ressembler à Gemmata obscuriglobus : des cellules sans paroi rigide, avec une membrane fluide grâce aux stérols, se déplaçant dans les sédiments à la recherche de proies, qu elles tuent dans un premier temps en secrétant des toxines et que progressivement au cours de l évolution elles avalent, afin de les digérer plus efficacement. 3- Dans un tel monde, les proies ne restent pas sans défense et il est fort possible que certaines aient mis en place des systèmes pour subvertir les phagocytoses, qu elles utilisent comme porte d entrée à l intérieur du prédateur. La cellule proto-eucaryote est devenue elle-même une source d aliments pour ses proies! Les pathogènes intracellulaires ont donc dû naître très rapidement au cours de l évolution. Le monde est devenu complexe : des proies tentent d éviter des prédateurs qui à leur tour tentent d éviter d être parasités! C est l éternelle course de la Reine Rouge, un des moteurs les plus puissants de l évolution! D un côté, le proto-eucaryote perfectionne son système de déplacement, en particulier développe un flagelle (Encadré 3), de phagocytose et de contrôle des bactéries lorsque celles-ci sont dans ses vésicules de digestion ; de l autre côté, des proies mettent en place des systèmes efficaces d évasion à la digestion en lysant dans un premier temps la vésicule de digestion et dans un deuxième temps la cellule proto-eucaryote. 4- Un évènement indépendant survient il y a un peu plus de 2 milliards d années: l invention de la photosynthèse oxygénique via la mise en série des complexes photosynthétiques PSII et PSI par les cyanobactéries. Ces cellules deviennent capables de casser des molécules d eau, mais en même temps libèrent dans l atmosphère de l oxygène O 2. Or l oxygène est un poison violent. Les organismes actuels ont de nombreux systèmes permettant la survie en présence d oxygène moléculaire et de ses dérivés toxiques : peroxides, superoxides, oxygène singulet etc. Il est très probable qu il y a deux milliards d années de nombreuses espèces n étaient pas pourvues de tels systèmes et ont donc disparu, sauf dans quelques biotopes anaérobies. Cette catastrophe écologique est probablement sans équivalent. Même l homme n a pour l instant pas transformé aussi profondément les écosystèmes. Le nombre de groupes disparus sans laisser de trace à la suite de l apparition de l oxygène est probablement très grand. 5- La montée progressive de la quantité en oxygène dans l atmosphère fourni donc une pression de sélection forte et immédiate pour stabiliser une eubactérie capable de respirer l oxygène et donc de convertir l O 2 en eau à l intérieur de la cellule proto-eucaryote. L eubactérie en question était une α-protéobactéries apparentée aux rickettsies actuelles dont certaines sont des pathogènes intracellulaires obligatoires. Par exemple, Rickettsia prowazekii cause le typhus. Ces parasites pénètrent à l intérieur des cellules par une 36

46 phagocytose qui est suivie d une lyse du phagosome (schéma de droite sur la figure 23). Il est donc probable que l ancêtre de la mitochondrie ou proto-mitochondrie était une cellule déjà capable de survivre à l intérieur du proto-eucaryote et a suivi le même chemin pour rester dans le cytoplasme. 6- Cette cellule à deux composants proto-eucaryote + proto-mitochondrie a pu survivre en conditions d anaérobie et d aérobie. Elle a donc pu coloniser tous les milieux et éliminer toute compétition : la cellule eucaryote était née. La proto-mitochondrie s intègre de plus en plus intimement ; son mécanisme pour tuer la cellule hôte est recyclé dans des processus de mort programmée : l apoptose. La cellule eucaryote continue son évolution en se diversifiant. Certaines continuent de manger des bactéries et réitèrent la stabilisation de la proie au sein de la cellule, mais avec une cyanobactérie, donnant naissance aux plastes. Cette lignée va donner naissance aux plantes actuelles qui nous sont si familières. D autres s attaquent à des proies plus grosses : les autres cellules eucaryotes. Une autre course de la Reine Rouge dont nous sommes aujourd hui un des aboutissements est née. Le chapitre suivant détaille plus à fond les différentes étapes de cette course. 37

47 Encadré 3 Le flagelle eucaryote est une des structures subcellulaires les plus complexes et son apparition pose plusieurs questions évolutives. Comment a pu se mettre en place une structure aussi complexe? En particulier une structure qui ne semble apporter un avantage sélectif - la nage dans la colonne d eau- que lorsqu elle est complète? Comment la cellule a-t-elle pu produire un flagelle par assemblage spontané de molécules? microtubules centre organisateur des microtubules proto-flagelle utilisé pour glisser sur le substrat et «sentir» les proies récepteurs flagelle La réponse à ces questions vient encore une fois d une évolution progressive de la structure qui en fait semble avoir deux fonctions : le déplacement mais aussi la détection de signaux via des récepteurs membranaires. Dans le scénario proposé ci-dessus, le proto-flagelle permet de détecter des molécules secrétées par des proies potentielles entrainant une déformation de la membrane sous-tendue par des microtubules et non des microfilaments comme dans le cas des pseudopodes. Sa première fonction aurait donc été sensorielle, mais cette extension aurait rapidement permis, comme les pseudopodes, à la cellule de ramper sur le substrat. Des perfectionnements de la structure aboutissent au flagelle actuel qui conserve toujours ces deux fonctions. De manière concordante avec cette hypothèse, il semblerait que les eucaryotes actuels les plus primitifs utilisent leur flagelle pour glisser sur le substrat et non pour nager. Cependant, ce modèle ne rend pas compte du fait que les eucaryotes primitifs avaient non pas un mais deux flagelles, ni du fait que la duplication du corps basal requiert le plus souvent la présence d un corps basal préexistant. Cette dernière observation a suggéré à plusieurs biologistes deux hypothèses supplementaires : le flagelle serait issu d une bactérie ectosymbiotique apparentée aux spirochètes ou d un virus. Il existe actuellement des eucaryotes qui utilisent de telles bactéries pour se déplacer, mais l hypothèse bactérienne est néanmoins peu crédible. En effet, comment la bactérie positionnée à l extérieur de la cellule donne naissance à un organite intracellulaire? L hypothèse du virus est plus crédible mais attend confirmation. Le virus aurait fourni la structure qui initie la polymérisation des microtubules sous forme de neuf triplets de microtubules et qui maintient les microtubules entre eux. 38

48 Grands évènements jalonnant l évolution des eucaryotes Si l origine de la cellule eucaryote est définie par la formation de la mitochondrie, il est possible de définir trois étapes majeures de son évolution : la formation de la mitochondrie, la formation des plastes et l apparition de la pluricellularité. Alors que la formation de la mitochondrie semble être liée à un évènement unique, les deux autres étapes sont plus complexes et ont en fait des origines multiples. La mitochondrie L'origine de la mitochondrie ne semble plus présenter de problème. En effet, il est clair pour l'ensemble de la communauté scientifique qu'elle dérive de l'endosymbiose d'une bactérie de la classe des α-protéobactéries dans une cellule précurseur. L'argument central en faveur de cette hypothèse est que la mitochondrie possède son propre système génétique, c'est à dire qu elle fonctionne comme une bactérie très simplifiée. En particulier, les séquences des ADN mitochondriaux de protozoaires de la classe des Jakobida (embranchement des Excavata), tels que Reclinomonas americana (figure 24) ou Andalucia godoyi, apporte des renseignements très intéressants. Ces protistes possèdent des génomes mitochondriaux codant pour une centaine de gènes, ce qui est le plus grand nombre observé pour des génomes mitochondriaux. De fait, tous les gènes flagelle antérieur flagelle postérieur épipodium Reclinomonas americana ADNmt thèque 5 µm pédicelle Figure 24 Reclinomonas americana et son génome mitochondrial. R. americana est un protozoaire d eau douce cosmopolite. Il est le plus souvent enchâssé dans une thèque organique qui l attache sur le substrat via un pédicelle. L épipodium est une structure soutenu par des microtubules mais n est pas un troisième flagelle. Son génome mitochondrial est un des plus grands connus ; en bleu, les gènes codant des protéines, en orange, les gènes d ARN ribosomiques et en vert les gènes d ARNt ; le cercle central représente le pourcentage en base GC. 39

49 Rhizobiales sphingomonadales Rhodospirillales Pelagibacter unique ADN mitochondriaux Rickettsia conorii Wolbachia sp. Anaplasma marginale Rickettsiales α-proteobacteria γ-proteobacteria mitochondriaux présents chez les autres eucaryotes se retrouvent dans les génomes mitochondriaux des Jakobida. Ceux-ci contiennent outre ce que l'on trouve usuellement codé par le génome mitochondrial comme des ARN ribosomaux et quelques sous-unités des complexes respiratoires, un gène pour l'arnr 5S, un gène pour le composant ARN de la RNAse P qui intervient dans la maturation des trna, des gènes codant des protéines ribosomales, des sous-unités du transport d'électron de la chaîne respiratoire, des transporteurs, une protéine de maturation du cytochrome c1, et, beaucoup plus intéressant, le système secy d export bactérien des protéines et 4 gènes qui codent pour une ARN polymérase de type bactérien. Ces derniers gènes sont aussi très intéressants car jusqu'à la description de ces génomes, les ARN polymérases mitochondriales étaient codées par le noyau et avaient une structure d'arn polymérase virale. Les génomes de Jakobida ressemblent donc à des mini génomes bactériens, confirmant ainsi l'origine endosymbiotique de la mitochondrie. La comparaison des séquences d'adn mitochondrial ou de gènes codés par le noyau mais dont les produits fonctionnent dans la mitochondrie chez de nombreux organismes avec les banques de données montrent qu'elles ressemblent le plus souvent à celles des α-protéobactéries (figure 25). La bactérie actuelle ayant le génome le plus proche de celui des mitochondries est une rickettsie marine libre, Pelagibacter unique. Toutefois, de nombreuses Rickettsiales sont des pathogènes intracellulaires (Rickettsia sp.) ou des endosymbiotes (Wolbachia sp.). L'arbre obtenu 40 Figure 25 Arbre phylogénétique des génomes mitochondriaux et bactériens. Les ADN mitochondriaux ont une origine commune au sein des Rickettsiales.

50 montre une seule racine ayant un support statistique fort, indiquant une origine unique de la mitochondrie. Néanmoins, lorsque les gènes sont analysés séparément, quelques gènes semblent provenir d autres α-protéobactéries telle que des Rhizobiales. Notez que l'origine de la double membrane mitochondriale n'est pas claire (figure 23): reste de la double membrane de la protéobactérie à l'origine de la mitochondrie, qui serait alors soit entrée dans le cytosol et non dans une vacuole d'endocytose, soit se serait échappée d'un lysosome comme le font actuellement certaines bactéries ou bien la membrane externe provient de la vacuole d'endocytose ; la membrane externe ou interne de la bactérie aurait alors régressée. Toutes les données actuelles indiquent donc qu'une seule endosymbiose serait à l'origine de la mitochondrie, suggérant que cet évènement a conféré à l eucaryote ancestral un avantage sélectif très important, lui permettant de supplanter rapidement tous ses compétiteurs. Quel peuvent être les avantages apportés par la mitochondrie? Ils divergent en fonction de la théorie que l'on retient pour l'apparition de la cellule eucaryote. Dans les théories syntrophiques, l'avantage postulé pourrait initialement être la fourniture efficace de H 2 au partenaire méthanogène. Ensuite lors du basculement vers une respiration aérobie, la mitochondrie aurait pu fournir une source d'énergie importante à la cellule. Une autre théorie suggère que la présence de la mitochondrie aurait permis l'évolution de la cellule eucaryote, en générant une réserve d'atp qui aurait pu être utilisée pour la complexification du génome eucaryote, contrairement aux procaryotes qui utiliseraient en permanence l'atp qu'ils produisent pour répliquer leur ADN et assurer les synthèses des autres macromolécules. Ces derniers auraient donc une pression pour aller vers des génomes compacts et efficaces contrairement aux eucaryotes. Cette hypothèse a été testée en mesurant la croissance de bactéries qui contiennent des plasmides multi-copies de tailles différentes, ce qui mime l'augmentation du génome, et il s'avère qu'il existe effectivement une corrélation inverse entre la taille du plasmide, la fréquence avec laquelle il est perdu et le nombre de bactéries obtenues après croissance dans un milieu avec une quantité constante de nutriment. Cependant, cette hypothèse suppose que dès le début la mitochondrie fournissait de l ATP à son hôte, ce qui pour la proto-mitochondrie aurait dû être fortement contresélectionné. La théorie que je favorise comme discuté au 41 Figure 26 Le translocateur ATP/ADP de la mitochondrie de levure (isoforme 2). Cette protéine forme un pore dans la membrane interne mitochondriale et permet l entrée d ADP et la sortie d ATP dans la mitochondrie. Elle appartient à une famille de transporteurs présents principalement chez les eucaryotes, mais dont quelques membres se retrouvent chez les eubactéries.

51 chapitre précédent suggère qu'initialement la mitochondrie aurait pu détoxiquer l'oxygène et permettre la prolifération du proto-eucaryote initialement anaérobie obligatoire. Ce mécanisme aurait été particulièrement important au moment de la libération d oxygène après l invention de la photosynthèse oxygénique par les cyanobactéries, ce qui placerait l origine de la mitochondrie et donc des eucaryotes vers -2 milliards d années. L'apport d'atp serait sous cette hypothèse un effet positif ultérieur car la mise en place finale de cette mitochondrie en tant que fournisseur d'énergie a nécessité une invention importante: le translocateur ADP/ATP qui permet la sortie de l'atp et l'entrée d'adp dans la mitochondrie (figure 26). Cette invention semble originaire de l'hôte eucaryote car les comparaisons de séquence montrent que l'échangeur ATP/ADP est proche de transporteurs à plus large spectre rencontrés chez les eucaryotes. Ceci a ainsi permis à la cellule hôte de mettre en esclavage la bactérie symbiotique. Notez qu'en plus de la respiration l'acquisition de la mitochondrie a pu être accompagnée de l'acquisition d'autres fonctions. En effet, la mitochondrie est le siège de nombreuses réactions métaboliques. Elle assure la maturation des centres fer-soufre nécessaires pour le fonctionnement de plusieurs enzymes essentiels à la cellule et intervenant dans divers processus cellulaires dont la modification des ARNs de transfert, le cycle de l'urée, la production d énergie dans la mitochondrie ou la biosynthèse de l'hème, de cofacteurs et d'acides aminés. Il est surprenant de constater que l'activité respiratoire de la mitochondrie est dispensable alors que d'autres fonctions mitochondriales sont essentielles. Par exemple chez la levure Saccharomyces cerevisiae, un aérobe facultatif, la mitochondrie est requise, bien que cette levure puisse perdre son ADN mitochondrial, aboutissant à une absence de respiration. Un autre apport de la mitochondrie serait la mise en place de l'apoptose de type 1. En effet, ce type d'apoptose, présents chez de très nombreux eucaryotes, est déclenché par une modification de la perméabilité de la membrane mitochondriale externe. Ceci pourrait être une relique d'un système de défense mis en place par l'ancêtre de la mitochondrie (voir chapitre précédent). Son contrôle par la cellule eucaryote lui ayant permis à nouveau de complexifier ses mécanismes de développement ou de défense. Après l'endosymbiose initiale, la proto-mitochondrie a subi une évolution simplificatrice (ou encore réductrice) qui s'est accompagnée d'une perte de ses gènes ou de leur transfert vers le noyau. Selon la théorie de l origine phagotrophique, c est ce processus qui serait le principal responsable de la présence des gènes fonctionnels dans les génomes nucléaires eucaryotes. Ce processus d'évolution réductrice se produit généralement dans le cas des parasites intracellulaires, tels que Rickettsia prowazekii. En effet, la comparaison des génomes de l eubactérie Escherichia coli, de Rickettsia prowazekii et de la mitochondrie montre que les 2 derniers génomes ont perdu des gènes par rapport à celui d Escherichia coli. Cependant, le processus de perte est différent entre R. prowazekii et la mitochondrie. De même, les pertes se sont produites différemment entre les différentes lignées d'eucaryotes comme le montre la figure 27 qui représente 42

52 sdh2 rpl11 rpl14 yejr yeju yejv sdh3 tatc atp1 nad4l sdh4 nad6 nad7 rps3 rps11 nad11 cox1, cox3 nad9 atp6 cytb rps12 yejw atp8 rsp2 ARNr SSU & secy nad1 LSU atp9 rsp4 tufa cox2 rpl12 Plasmodium falciparum rsp7 nad8 atp3 rsp8 cox11 Schizosaccharomyces pombe rsp13 rsp14 rpl1 rpl10 rpl18 rpl2 rpl5 rpl6 rsp19 rsp1 rsp10 rpl19 rpl20 rrn5 rpl27 rpl31 rpoa Marchantia polymorpha rpob rpod rpoc rpl32 rpl34 Reclinomonas americana l'ensemble des gènes trouvés dans la mitochondrie chez les différents eucaryotes. Notez que les derniers gènes à partir sont les ARN ribosomaux, le cytochrome B et deux sousunités de la cytochrome-oxydase. Il semblerait que le cytochrome B et les sous-unités 1 et 3 de la cytochrome-oxydase ne puissent être insérés correctement dans la membrane interne de la mitochondrie, le lieu de la phosphorylation oxydative, que cotraductionnellement. Ils doivent donc être traduits à l intérieur de la matrice mitochondriale, d où la nécessité de conserver les deux ARN ribosomiques qui ne peuvent pas passer de membrane car ils sont trop gros, et les gènes du cytochrome B et des sousunités 1 et 3 de la cytochrome-oxydase. Dans les mitochondries actuelles, la majorité des protéines (99% des environ 800 protéines fonctionnant dans la mitochondrie) sont codées dans le noyau ; la mitochondrie n est plus depuis longtemps un symbiote bactérien, mais bien un organite au fonctionnement complètement intégré. D'un point de vue du mécanisme, les modalités fines du transfert des gènes mitochondriaux vers le noyau est inconnu. Ce processus peut être détecté chez la levure Saccharomyces cerevisiae avec l'expérience décrite dans l Encadré 4. Ce phénomène est fréquent chez cette levure, contrairement au processus réciproque, ce qui rend compte du transfert unidirectionnel mitochondrie vers noyau. Néanmoins, des analyses récentes montrent que chez Saccharomyces cerevisiae une bonne moitié des protéines localisées 43 Figure 27 Le contenu en gène de la mitochondrie est variable en fonction des groupes phylogénétiques.

53 Homo sapiens Monosiga brevicollis Podospora anserina Figure 28 La structure du gène codant la sous-unité 1 de la cytochrome-oxydase (cox1) chez 3 organismes. Chez l homme, la séquence codante ne contient pas d intron, alors que chez le choanoflagellé Monosiga brevicollis, elle en contient trois de groupe I. Chez le champignon Ascomycota Podospora anserina, elle en contient deux de groupe II (en vert) et quinze de groupe I (en jaune). dans la mitochondrie n'a pas d'homologue bactérien. Cet apport de protéine vers le compartiment mitochondrial proviendrait en partie de protéine de l'hôte eucaryote comme le translocateur ATP/ADP ou les acteurs annexes des systèmes TOM et TIM qui permettent les transports des protéines à travers les membranes externes et internes ; les cœurs de ces deux systèmes proviendraient de transporteurs bactériens ayant changé de sens. L autre partie serait issue en partie de remplacements de gènes par des gènes viraux, comme l ARN polymérase chez la majorité des eucaryotes, ou de gènes issus de transferts horizontaux provenant d autres bactéries De fait, 40% des protéines fonctionnant dans la mitochondrie semblent provenir de divers eubactéries et archées. Par la suite, pour qu elle s exprime dans le noyau, il est nécessaire que la séquence codante transférée capture une séquence d'adressage vers la mitochondrie et soit soumise à une expression appropriée. De même, actuellement, il faut corriger certains codons qui sont lus différemment dans le noyau et la mitochondrie. En effet, la réduction du génome mitochondrial s'est accompagnée de modifications du code génétique mitochondrial qui est différent du code génétique standard (voir plus bas et Table 2). Il semble donc qu actuellement, les transferts mitochondrie-noyau soit très difficile. La simplification de la capacité codante des génomes mitochondriaux s'accompagne souvent de l'apparition de séquences non codantes, en particulier de l'arrivée massive de séquences intergéniques de fonction inconnue, dont certaines dérivent clairement de l intégration de plasmides, ou d'introns (figure 28). Ces introns ressemblent aux introns que l on trouve dans les bactéries et appartiennent principalement à deux familles distinctes. Une des deux familles produit un intron linéaire comme produit de la réaction d épissage (groupe I) et l autre une molécule branchée ou lariat comme les introns nucléaires (groupe II). La plupart contiennent une ou deux séquences codantes qui interviennent souvent dans l épissage de l intron qui les contient. Les introns de groupe I code des protéines ayant une activité endonucléase et ceux de groupe II une activité transcriptase inverse. Ces activités permet une mobilité des introns qui sont donc aussi des transposons. La taille des génomes mitochondriaux n est donc pas toujours en relation directe avec leur capacité codante (figure 29).De plus, des modifications de la structure du génome et des mécanismes de codage ou d expression peuvent aboutir à des modes de fonctionnement très différents de ceux des autres génomes (Encadré 5). La plupart des 44

54 Tetrahymena pyriformis Monosiga brevicollis Reclinomonas americana Homo sapiens Chlamydomonas reinhardtii Podospora anserina Plasmodium falciparum Arabidopsis thaliana génomes sont circulaires mais dans certains cas, ils peuvent être linéaires (figure 29) ou sous forme de plusieurs chromosomes (Encadré 5). Il n'y a pas de règle pour la structure de ces génomes car pour chaque groupe ils résultent d'une évolution particulière. Ces modifications importantes au cours de l'évolution sont probablement liées au fait qu'il existe en général des dizaines, voire des milliers, de molécules d'adn mitochondrial par cellule et que donc pour chacune de ces molécules la pression de sélection est relâchée, permettant leur évolution rapide. La présence d'introns ayant aussi un comportement de transposon dans ces génomes permet à la fois leur fragmentation et leur réarrangement tout en maintenant par trans-épissage ou édition la capacité codante. La diminution de la capacité codante des génomes mitochondriaux a aussi permis des modifications fréquentes du code génétique ; on connait actuellement 13 codes génétiques mitochondriaux différents, où jusqu à 6 codons ont été réassignés. La Table 2 donne celui de la mitochondrie de Saccharomyces cerevisiae. Elles sont rares pour le code nucléaire. Chez certaines levures Saccharomycotina, CUG code pour la sérine plutôt que la leucine et chez certains Ciliophora des codons stop codent soit pour de la glutamine soit de la cystéine en fonction du groupe phylogénétique. 45 Figure 29 La taille des génomes mitochondriaux est très variable et n est pas toujours en relation avec leurs capacités codantes. Le génome de Reclinomonas americana possède le plus grand nombre de gènes, mais est beaucoup plus petit que celui d Arabidopsis thaliana. Les plus petits génomes mitochondriaux connus sont ceux des Plasmodium qui ne mesurent que quelques kilobases. Ils codent pour 5 gènes. Au centre, GC%.

55 Encadré 4 Le transfert d ADN de la mitochondrie vers le noyau peut se démontrer facilement en utilisant la levure Saccharomyces cerevisiae. Pour ceci, des levures incapables de synthétiser de l uracile, car possédant la mutation nucléaire URA3, - et incapables de respirer, car possédant la mutation mitochondriale mit -, sont transformées avec de l ADN contenant les allèles sauvages des gènes URA3 + et mit+, dans des conditions où l ADN transformé pénètre dans la mitochondrie. Sélection des levures capable de respirer, possédant le gène URA3 + dans la mitochondrie Observation de colonies [URA+] [URA3-; mit-] URA3+ [URA3-; mit+] mit+ Transformation Étalement sur milieu sans uracile Les transformants capables de respirer sont sélectionnées sur du milieu contenant du glycérol comme seule source de carbone. Le glycérol n étant pas métabolisé via la glycolyse, les levures incapables de respirer ne peuvent pas pousser avec cette source de carbone. Ces transformants [mit+], bien que contenant l allèle URA3 + dans la mitochondrie, ne poussent pas sur du milieu sans uracile, car le code génétique différent de la mitochondrie empêche l expression correcte de ce gène nucléaire. Après étalement sur du milieu sans uracile, quelques colonies apparaissent. La plupart correspond au transfert de l allèle URA3 + vers le génome nucléaire. Cette expérience permet de montrer que les transferts sont fréquents, car des colonies apparaissent avec une fréquence élevée de l ordre de par génération. Ce taux est diminué dans des mutants altérés pour la vacuole, suggérant que de l ADN s échappe vers le noyau quand les mitochondries sont dégradées, par exemple lorsque les besoins respiratoires diminuent. 46

56 Encadré 5 Les génomes mitochondriaux peuvent adopter des structures et des modes d expression très étranges. Chez les Kinetoplastea, le génome est constitué de deux types de molécules différentes : le maxicercle présent en une dizaine de copies et environ 200 minicercles différents, présents collectivement en plusieurs milliers de copies. Les molécules sont enchevêtrées les unes dans les autres et ne présentent pas de super-tours, ce qui est unique dans le monde vivant. Le maxicercle code des prémessagers ne possédant pas de phase codante complète. Celle-ci résulte d une correction des prémessagers (édition) qui utilise des ARN guides codés par les minicercles. Chez certaines espèces, jusqu à 80% des nucléotides des prémessagers peuvent être modifiés! Trypanosoma brucei ( kb) ~200 minicercles >5000 copies/cell. 1 maxicercle T= kb copies/cell. T= kb Diplonema papillatum (~600 kb) ~50 classe B T= 7 kb ~50 classe A T= 6 kb Amoebidium parasiticum ( kb) >100 molécules linéaires T= kb ARN guides Transcription morceaux de gènes Transcription gènes pseudogènes >1 gène/chrm. 1 gène/chrm. 0 gène/chrm. ARN prémessagers édition Trans-épissage Transcription ARN messagers ARN messagers ARN messagers Chez les diplonémides, le génome mitochondrial est constitué de plusieurs dizaines de molécules circulaires, codant chacune pour un morceau d un gène. Il en existe deux classes A et B définies en fonction de leur taille. La portion codante ne représente qu une petite partie de la molécule, expliquant la grande taille du génome chez ces organismes. Les messagers sont ensuite reconstitués par trans-épissage des différents morceaux. Pour certains messagers, plus de 10 fragments sont ainsi assemblés! Chez Amoebidium parasiticum, un protiste apparenté aux animaux, le génome est constitué de plusieurs centaines de molécules linéaires de tailles s échelonnant entre 8.5 kb et 0.3 kb. En fonction de leur taille, chaque molécule code pour plusieurs gènes, un seul ou pas de gène! des pseudogènes ont été détectés sur plusieurs molécules. Chez cet organisme, l expression du génome mitochondrial semble normale. Malgré des modes de codage et d expression très étranges, ces génomes mitochondriaux codent pour des lots de gènes typiques de génomes mitochondriaux. Chez T. brucei, il code pour les ARN ribosomaux, les ARNt et 18 protéines. 47

57 48 Table 2 : le code génétique de la mitochondrie de la levure Saccharomyces cerevisiae codon Code mitochondrie de levure code standard AUA Met Ile CUU Thr Leu CUC Thr Leu CUA Thr Leu CUG Thr Leu UGA Trp Stop CGA absent Arg CGC absent Arg L'extrême spécification de la mitochondrie a amené à des modalités de fonctionnement très particulières chez certains organismes. La physiologique énergétique mitochondriale classique est résumée sur la figure 30. Dans la majorité des cellules, la source de carbone préférée est le glucose. Dans d autres, c est plutôt les acides gras. Le glucose est dans un premier temps transformé en pyruvate via la glycolyse, ce qui permet de produire deux molécules d ATP par molécule de glucose. La glycolyse produit aussi deux équivalents réducteurs (NADH, H + ) par molécule de glucose. La glycolyse ne nécessitant pas d oxygène, elle se produit dans toutes les cellules, que celles-ci soient en condition aérobie ou anaérobie. En présence d oxygène, la mitochondrie peut prendre le relai via la décarboxylation du pyruvate en acétyl-coa qui entre ensuite dans le cycle de Krebs. Au final, la mitochondrie dégrade le pyruvate en gaz carbonique et eau. La dégradation des acides gras aboutit aussi à l acétyl CoA en amont du cycle de Krebs. Le couplage entre la dégradation de l acétyl-coa et la chaine respiratoire permet la production d une trentaine de molécules d ATP par molécule de glucose initiale. En condition anaérobie, la mitochondrie ne anaérobiose aérobiose peut plus fonctionner glycolyse 2 NADH,H + glucose 2 pyruvates fermentation lactique acides gras 2 ATP fermentation alcoolique 2 CO 2 2 lactates 2 éthanol mitochondrie respiration 2 CO 2 Cycle de Krebs Figure 30 Métabolisme énergétique typique de la cellule eucaryote. 6 O 2 4 CO 2 6 H 2 O ~30 ATP normalement. Le métabolisme cellulaire bascule donc vers la voie de la fermentation, qui chez les eucaryotes est soit lactique, chez les mammifères par exemple, soit alcoolique, chez les levures Saccharomyces

58 cerevisiae ou Schizosaccharomyces pombe par exemple. Cette voie ne produit pas d ATP mais utilise les deux équivalents réducteurs. Chez certaines espèces, les mitochondries présentent une plasticité de fonctionnement (Table 3) et peuvent dans certaines conditions où l oxygène manque ou bien au cours de certains stades de développement utiliser des donneurs ou des accepteurs d électrons alternatifs. Néanmoins en présence d oxygènes à d autres stades de développement, ces organismes sont parfaitement capables de respirer avec de l oxygène. La plasticité mitochondriale est apportée par des modifications des protéines des complexes respiratoires et la présence de protéines capables d accepter des électrons telles que des cytochromes P450 ou l oxydase alternative. Cette dernière protéine est retrouvée chez de nombreux eucaryotes, où elle semble agir au moment de dysfonctionnements respiratoires. Son expression permet de court-circuiter le flux des électrons, diminuant ainsi la production des dérivés toxiques de l oxygène, tels les superoxydes et peroxydes. Table 3: quelques modifications du fonctionnement de la mitochondrie type exemples Donneur d e - Accepteur d e - Produits finaux principaux aérobie classique aérobie partielle avec accepteur d e - externe avec accepteur d e - interne La plupart des eucaryotes Trypanosomatides (dans le sang) certains Ascomycota et Foraminifera Euglenides NADH, FADH 2 O 2 CO 2, H 2O NADH, FADH 2 O 2 ou oxydase alternative NADH NO 3 -, NO 2 - NADH acides gras, fumarate acétate, succinate, H 2O N 2O cire, succinate, propionate chimiolithotrophie certains animaux S 2-, NADH fumarate S 2O 3 2-, succinate Comme vu dans le chapitre traitant de l apparition de la cellule eucaryote (pages 22 & 23), chez les groupes vivant en anaérobie stricte, la mitochondrie a pu subir des modifications plus importantes. Elle a ainsi pu se spécialiser dans la production d hydrogène, devenant ainsi un hydrogénosome ou bien perdre complètement l activité de production d énergie et devenir ainsi un mitosome, où seul l assemblage des complexes fer/souffre semble se produire. On connaît même un organisme (Blastocystis hominis), chez qui la mitochondrie est aussi un hydrogénosome et un autre (Psalteriomonas lanterna) chez qui l hydrogénosome semble être une forme plus «mature» de mitochondrie! Des données multiples confirment que tous ces organites sont apparentés : - Les réactions effectuées par les hydrogénosomes ressemblent à celles effectuées par les mitochondries lorsqu'elles sont privées momentanément d'oxygène. De même, si de l'o 2 est présent, les hydrogénosomes le réduise, probablement en H 2 O 2 et O 2 - ; ceci résulte dans l'inactivation rapide de l'organelle. Comme les mitochondries, il y a un gradient de ph entre l'intérieur et l'extérieur, l'intérieur étant alcalin, et une différence 49

59 50 lactate glycolyse 2 NADH,H + 2 H + Ferredoxine+ glucose 2 pyruvates hydrogénase 2 ATP Ferredoxine- H 2 pyruvate Acétyl-CoA pyruvate:ferredoxine oxydoréductase CO 2 glycolyse ~50-99% glucose 2 phospho-enol pyruvates ~1-50% Trichomonas vaginalis hydrogénosome H 2 2 NADH,H + 2 ATP CO 2 lactate formate pyruvate 35% éthanol succinate malate hydrogénosome formate 65% acétate 2 CO 2 Figure 31 Deux types d hydrogénosomes. L hydrogénosome du protozoaire parasite Trichomonas vaginalis utilise du pyruvate, une pyruvate:ferredoxine oxydoréductase, une ferredoxine et une hydrogénase pour produire de l hydrogène. L hydrogénosome du champignon Piromyces sp. E2 utilise du malate, l enzyme malique et une hydrogénase. ATP 2 H 2 acétate de potentiel transmembranaire. Ce gradient pourrait servir au transport des métabolites. - Chez des espèces possédant des hydrogénosomes ou des mitosomes, les protéines typiquement mitochondriales codées par le noyau, telles que le chaperon cnp60 impliqué dans le repliement correct des protéines importées dans la mitochondrie (voir page 23), ont été détectées par immuno-détection dans les organites. De plus, il semble que les modalités de transport soient homologues entre les mitochondries et l'hydrogénosome de Trichomonas vaginalis (les protéines du cœur du système de transport sont identiques). Comme le système de transport est complexe, il est improbable qu'il soit apparu deux fois indépendamment. - Chez Nyctotherus ovalis, un Ciliophora, un génome a été découvert dans l hydrogénosome. Celui-ci code au moins pour de l'arn ribosomal de la petite sous unité. L'analyse de cette séquence montre qu'elle ressemble beaucoup aux ARN ribosomaux de la petite sous unité du ribosome mitochondrial d'autres espèces de 2 ATP Piromyces sp. E2 malate NAD(P) + 2H + enzyme malique hydrogénase CO 2 pyruvate ac.coa acétate NAD(P)H pyruvate formate lyase H 2 formate succinate ADP Ac.CoA hydrolase Succ.CoA synthase succ.coa ATP

60 51 Ciliophora, confirmant la parenté entre hydrogénosomes et mitochondries. Il en va de même pour Blastocystis hominis, la séquence du génome présent dans l organite montre qu il s agit clairement d une mitochondrie capable de produire de l hydrogène. Les modes de fonctionnement des hydrogénosomes ne sont pas identiques entre les différents groupes anaérobies (figure 31), indiquant des origines indépendantes pour les hydrogénosomes des différents groupes phylogénétiques. Dans tous les cas, la production d énergie associée aux hydrogénosomes semble faible. Par exemple chez les Trichomonas, il n'y a pas de phosphorylation liée au transport d'électron et donc une mole d'atp est produite à partir d'une mole de pyruvate. Le pourcentage de pyruvate traité par l'organite varie de 50 % à quelques pourcents en fonction des espèces. Ce qui implique qu'un maximum d une mole supplémentaire d'atp par mole d'hexose est produit, soit un gain maximum de 30%. In vitro chez Piromyces sp. E2, seulement 65% des carbohydrates sont dégradés par l hydrogénosome en acétate et formate, les 35% restants sont dégradés dans le cytoplasme par les différentes voies de fermentation. Chez ce champignon, l hydrogénase intervient principalement quand il faut recycler les accepteurs d électrons NADH et NADPH et semble donc avoir un rôle mineur. La régression ultime de la mitochondrie est le mitosome qui a perdu toute activité de production d énergie. Cette évolution s est produite plusieurs fois de manière indépendante, chez les Amoebozoa, les Metamonada ou les Rhizaria. Comme dans le cas des hydrogénosomes, un ensemble de faits milite en effet pour arriver à cette conclusion dont la localisation à l intérieur du mitosome de protéines typiquement mitochondriales et la conservation de protéines impliquées dans l import mitochondrial et qui participent à l import dans le mitosome. Chez Giardia intestinalis, seul l assemblage des centres fer/souffre semblent se produire dans le mitosome. L énergie semble être fabriquée principalement par la glycolyse et une fermentation alcoolique. Néanmoins, cet organisme possède quelques enzymes du cycle de Krebs ainsi qu une pyruvate:ferredoxine oxydoréducase et une hydrogénase. Ces enzymes sont localisés dans le cytosol et permettent pour les premiers de métaboliser le citrate et le malate qui interviennent dans diverses voies métaboliques interconnectées, et pour les seconds de produire de l hydrogène, sans que l on sache si cela est associé avec une production d ATP. Chez Entamoeba histolytica, le mitosome semble avoir perdu son rôle dans l assemblage des centres fer/souffre, probablement parce que chez ce parasite, un transfert horizontal a remplacé le système mitochondrial d assemblage (système ISC) par un système différent provenant d une eubactérie (système NIF). Par contre, le mitosome semble avoir gagné la voie métabolique permettant l assimilation du sulfate, encore une fois via un transfert horizontal provenant probablement d une eubactérie! Ce dernier rôle semble être la fonction principale du mitosome chez Entamoeba histolytica. Toutes les modifications du génome et du mode de fonctionnement, associé avec l'observation cytologique des caractéristiques de la morphologie mitochondriale,

61 crêtes plates crêtes tubulaires crêtes discoïdes Figure 32 Les trois morphologies des crêtes mitochondriales. Dans le passé, la morphologie des crêtes mitochondriales a servi de base à une classification globale des eucaryotes. Les phylogénies moléculaires ont montré que cette classification ne reflétait pas la vraie phylogénie. permettent de retracer l'évolution de la mitochondrie est par-là d'essayer de retracer l'évolution des eucaryotes. Dans le passé, trois grands groupes d'eucaryotes étaient reconnus en fonction de la morphologie des crêtes de la membrane interne : celles qui sont discoïdales, celles qui sont tubulaires et celles qui sont aplaties (figure 32). Depuis, les phylogénies moléculaires ont montré que ce caractère ne reflète pas complètement l évolution. Celles basées sur des protéines fonctionnant dans la mitochondrie, mais pour la plupart codées par le noyau, montrent une congruence avec celles établies sur d autres caractères, en particulier celles établies avec d autres gènes très conservés (figure 33). Elles montrent que les eucaryotes semblent se diviser en trois grandes lignées évolutives : les Excavata, les Amorphea (aussi appelé Unikonta) et les Diaphoretickes. Pourtant, les branches les plus anciennes ne sont pas toujours soutenues par des fortes probabilités. Il faut donc prendre l ordre de branchement des trois groupes, voire l ordre des branches à α-proteobacteria Rickettsiales Metamonada Excavata Discoba viridiplantae Rhodophyta Archaeplastida Haptophyta Stramenopila Rhizaria Alveolata Hacrobia «SAR» Diaphoretickes «Bikonta» Opisthokonta Apusosoa Amoebozoa Amorphea («Unikonta») 52 Figure 33 La phylogénie globale des eucaryotes basée sur les séquences de 42 protéines fonctionnant dans la mitochondrie.

62 l intérieur de chacun des groupes, avec précaution. Dans la phylogénie de la figure 33, la racine des eucaryotes est placée entre les Bikonta et les Amorphea. D autres phylogénies qui ne sont pas basées sur des protéines de la mitochondrie penchent plutôt pour une racine entre les Excavata et les autres eucaryotes. De même, dans cette phylogénie, les Hacrobia sont regroupés avec les «SAR» (Heterokonta +Rhizaria + Alveolata). D autres données indiquent un rapprochement plutôt avec les Achaeplastida, voire une origine polyphylétique de ce groupe! Les plastes Comme les mitochondries, les plastes des eucaryotes photosynthétiques, algues et plantes, dérivent très probablement d une endosymbiose : celle d'une cyanobactérie avec une cellule eucaryote possédant déjà des mitochondries, pour donner ce que l on appelle une algue. Cependant, l histoire des plastes est beaucoup plus complexe que celle de la mitochondrie, car il semble qu il y a eu au moins deux endosymbioses initiales indépendantes. De plus, une des deux a été suivie de symbioses supplémentaires, où des algues eucaryotes vont à leur tour être les actrices d endosymbioses pour donner naissance à de nouvelles lignées d algues. On parle au sujet des endosymbioses cyanobactériennes initiales d évènements d endosymbioses primaires. Les autres endosymbioses sont qualifiées de secondaires, voire dans certains cas de tertiaires ou quaternaires! L'argument principal supportant ces affirmations est similaire à celui de l'endosymbiose mitochondriale: les plastes issus des endosymbioses primaires ressemblent à des bactéries photosynthétiques ayant dégénérées, ceux issus des endosymbioses secondaires à des algues eucaryotes ayant dégénéré. Les endosymbioses primaires Les plastes issus des endosymbioses primaires possèdent deux membranes et ont un génome qui code entre autre pour des sous-unités des complexes photosynthétiques. Parmi les différentes lignées issues de l endosymbiose primaire, une, celle des Glaucophyta (figure 34) contient même des plastes, appelés cyanelles chez ces organismes, ayant conservés du peptidoglycane entre leurs deux membranes et les pigments photosynthétiques typiques des cyanobactéries! Les comparaisons des génomes des plastes issus des endosymbioses primaires avec ceux des bactéries (figure 35) montrent qu ils sont apparentés avec les génomes cyanobactériens du groupes A et que tous ont une origine commune, sauf le plaste présent chez le Paulinellida «Paulinella chromatophora» qui est apparenté aux cyanobactéries du clade C. L origine de ce plaste, appelé chromatophore, est beaucoup plus récente que celle des autres et son étude permet de mieux comprendre les premières étapes de la mise en place de ce type de 53

63 Encadré 6 Les amibes appartenant au complexe d espèces Paulinella chromatophora (il existe au moins deux lignées morphologiquement et génétiquement distinctes de cette «espèce») possède un «plaste» appelé chromatophore, dont l origine est différente de tous les autres plastes connus actuellement. Comme les autres membres non-photosynthétiques et phagotrophes du genre Paulinella, ces algues sont des amibes Rhizaria qui vivent en eau douce et sont protégées par des écailles siliceuses. La séquence du génome du chromatophore montre que celui-ci ressemble fortement à celui des cyanobactéries. 1 µm pseudopode écailles siliceuses chromatophore Il Néanmoins, il a subit une évolution réductrice car il ne mesure plus qu un mégabase et ne code que 867 protéines, 42 ARNt et les ARN ribosomaux. Cela correspond à une capacité codante trois à quatre fois moindre que celle d un génome cyanobactérien typique. En se basant sur un taux de perte classique pour un symbiote intracellulaire, l âge du chromatophore a été estimé à 60 millions d années ; l âge estimé pour l endosymbiose primaire ayant donné naissance aux autres plastes est de 1,5 milliard d années. Ce génome a perdu entre autres des gènes impliqués dans la photosynthèse, la biosynthèse d acides aminés et celle de cofacteurs. Une partie de ces gènes est relocalisée dans le noyau, où ils ont gagné des caractéristiques propres aux gènes nucléaires ; en particulier, certains ont des introns typiques du noyau. Les protéines qu ils codent sont importées dans le chromatophore, montrant qu il s agit vraiment d un organite et non d une bactérie endosymbiotique. Le système d import semble différent de celui des plastes classiques car les protéines transitent via le réticulum et l appareil de Golgi ; une voie aussi choisie pour le trafic vers certains plastes issus des endosymbioses secondaires. D autres symbioses entre protistes eucaryotes et cyanobactéries existent. Des études sont en cours pour voir si, à l image du chromatophore, les cyanobactéries ont une origine différentes de celle du plaste et à quel point elles sont intégrées dans la physiologie cellulaire de l hôte. 54

64 1 µm flagelles thylakoïdes corps central noyau site de clivage avec peptidoglycane cyanelles grains d amidon granules lipidique ou phosphatidique symbiose (Encadré 6). Il existe donc deux origines aux plastes, une qui a donné la presque totalité des plastes actuels et qui se serait produite il y a entre un et deux milliards d années et l autre beaucoup plus récente datant d une soixantaine de millions d années. Certaines cyanobactéries du groupe A, auxquels les plastes usuels sont apparentés, sont capables de fixer l azote, ce qu aucun eucaryote actuel ne semble pouvoir faire (Table 1), sauf peut-être Paulinella chromatophora, car les gènes codant le système de fixation de l azote sont présents dans le génome du chromatophore. L hôte eucaryote de la première endosymbiose ne semble pas avoir laissé de descendants qui n auraient pas fait l endosymbiose primaire car tous les Archaeplastida, la lignée monophylétique qui englobe les organismes issus de l endosymbiose primaire, possèdent ou ont possédé un plaste. L analyse des génomes des Archaeplastida montre qu ils contiennent un nombre inhabituellement élevé de gènes ressemblant à ceux des Chlamydiae, des eubactéries parasites intracellulaires obligatoires de cellules eucaryotes. Il est donc possible que des Chlamydiae étaient présentes dans l hôte avant l arrivée de la cyanobactérie et qu elles aient pu aider à l établissement de la symbiose. Les plastes issus de l endosymbiose primaire sont entourés d une double membrane et comme dans le cas de la mitochondrie, l origine de la double membrane n est pas clairement comprise. Correspond-elle à la double membrane de la cyanobactérie 55 Figure 344 Cyanophora paradoxa et ses cyanelles. Cyanophora paradoxa est une algue Glaucophyta motile et vivant en eau douce. Elle arbore une belle couleur bleu-vert du fait de la présence de cyanelles, une nuance retrouvée chez les cyanobactéries et qui est due à leurs pigments photosynthétiques. La structure interne des cyanelles ressemble beaucoup à celle des cyanobactéries, avec en particulier la présence de peptidoglycane entre les deux membranes clairement visible au niveau du site de clivage du plaste. Le corps central peut être assimilé à un carboxysome qui est le lieu de la fixation du CO 2 chez les procaryotes ; l équivalent chez les autres plastes est appelé pyrénoïdes. Les descriptions initiales de ces cyanelles les définissaient comme des cyanobactéries endosymbotiques. L incapacité de les cultiver en culture axéniques puis les séquences des génomes contenus dans les cyanelles montrent clairement qu il s agit de plastes.

65 Chloroflexi Gloeobacter violaceus clade G clade F clade E clade C Paulinella chromatophora Cyanobacteria clade B3 clade B2 clade B1 clade A Glaucophyta Viridiplantae Rhodophyta ADN des plastes ou bien à la membrane de la vésicule d endocytose et la membrane interne de la cyanobactérie? La question n est pas tranchée, même si la structure de la cyanelle chez les Glaucophyta suggère que la première solution est la bonne. La pression de sélection ayant favorisé la première endosymbiose primaire est très probablement liée à la capacité photosynthétique de la cyanobactérie initiale. En effet, le fait qu aucun Archaeplastida ne possède la nitrogénase indique que la possibilité de fixer l azote atmosphérique n est pas impliquée dans l établissement de la symbiose. Initialement, les cyanobactéries devaient servir de proie. Mais, comme tous les organismes photosynthétiques, les cyanobactéries secrètent des sucres dans le milieu qui les environne. En effet, la photosynthèse conduit à la formation d un gradient de sucres libres ou complexés à d autres molécules, comme l adenosine diphosphoglucose, de l intérieur vers l extérieur de la cellule. La diffusion des sucres vers les faibles concentrations et donc vers l extérieur de la cellule est un phénomène inévitable. C est le même phénomène qui permet par exemple la croissance de nombreux micro-organismes autour des racines des plantes, lieu que l on appelle la rhizosphère. La persistance des cyanobactéries dans le cytoplasme du prédateur entraine donc un bénéfice immédiat. Les sucres ainsi capturés auraient pu être polymérisé sous forme de glycogène renforçant le gradient. La présence de Chlamydiae aurait facilité l établissement de la symbiose en fournissant des enzymes pour polymériser les sucres, 56 Figure 354 Arbre phylogénétique des génomes des plastes issus d endosymbioses primaires et des cyanobactéries. Les ADN des plastes ont une origine commune et sont apparentés aux cyanobactéries des groupes A et B1, sauf les chromatophores des Paulinella.

66 Ostreococcus tauri Prototheca wickerhamii Arabidopsis thaliana Porphyridium purpureum Cyanidioschizon merolae Chlamydomonas reinhardtii Cyanophora paradoxa Figure 364 Structure de quelques génomes des plastes issus d endosymbioses primaires. Les ADN des plastes issus de l endosymbiose primaire sont tous, semble-t-il, circulaires. Le nombre de gènes est de l ordre d une centaine. Ils codent pour le système de traduction du plaste et différentes sous-unités des complexes photosynthétiques. Des régions intergéniques longues et des introns de groupe I et II sont souvent présents. des transporteurs facilitant la diffusion puis l export des sucres en dehors de la cyanobactérie et l échappement de la vésicule de digestion, où la cyanobactérie aurait pu cohabiter avec les Chlamydiae, vers le cytosol. L hôte eucaryote aurait lui aussi contribué à l intégration métabolique des plastes en fournissant d autres transporteurs et enzymes permettant le stockage des sucres, en particulier dans la lignée verte, celle des Viridiplantae, chez qui la synthèse d amidon a été relocalisée dans le plaste, alors qu elle est restée dans le cytosol chez les Glaucophyta et les rhodophyta. Le métabolisme photosynthétique actuel, en particulier les voies qui servent au stockage sous forme d amidon résultent donc d un mélange complexe d enzymes et de transporteurs provenant des trois partenaires. Outre la photosynthèse, les plastes assurent un nombre important de fonctions métaboliques incluant la biosynthèse des acides aminés et des bases azotés, purines et pyrimidines. Une fois mise en place la première symbiose primaire a suivi les mêmes chemins évolutifs que celle de la mitochondrie : perte de gènes vers le noyau et relocalisation des protéines plastique via un système d import, dont l origine semble aussi bipartite : le cœur proviendrait de la cyanobactérie et les protéines annexes 57

67 de l hôte. Environ 18% des gènes d'arabidopsis thaliana serait d'origine cyanobactérienne. Mais comme l'endosymbiose est plus récente, le transfert est moins extensif. Par exemple, 127 gènes sont présents dans le génome de Nephroselmis olivacea. Les tailles des génomes plastidiques sont donc plus grandes et les structures plus complexes que celles des génomes mitochondriaux. Les transferts de gènes vers le noyau, que l on peut aussi mettre facilement en évidence au laboratoire, ont été accompagnés de modifications de la taille (en partie via la présence/absence d introns de groupe I et II) et de la capacité codante des génomes (figure 36). Si chez beaucoup d Archaeplastida, les plastes assurent la fonction photosynthétique, celle-ci a été perdue chez des algues et plantes nonphotosynthétiques, qui pour la plupart vivent en parasite. C est le cas, par exemple des Prototheca, qui infectent des mammifères dont l homme, ou des Helicosporidium, qui parasitent l intestin des insectes. Chez ces deux genres, la séquence du génome du plaste montre une faible réduction des capacités codantes car la plupart des gènes codant les sous-unités des complexes photosynthétiques sont toujours présent (figure 36), suggérant une adaptation récente à 58 Polytomella 2 µm Chlamydomonas Figure 374 Polytomella et Chlamydomonas. Ces deux algues sont apparentées mais une est photosynthétique et l autre non. Bien que sans pigment photosynthétiques, Polytomella possède un vestige de plaste. la vie parasitaire. Dans les cas de Polytomella, «des algues vertes» sans photosynthèse apparentées au genre Chlamydomonas, le génome du plaste semble avoir complètement disparu, même si l organite est toujours présent (figure 37). Les gènes impliqués dans l expression des gènes du plaste, tels que ceux codant les protéines des ribosomes fonctionnant dans l organite, ont eux aussi disparu du génome nucléaire! Cette réduction n est pas sans rappeler celle de la mitochondrie en mitosome. Outre la modification du génome et de la physiologie qui l accompagne, l expression des gènes a pu évoluer comme dans le cas de la mitochondrie vers des modes de fonctionnement non canoniques : trans-épissages et éditions des ARNm sont communs. Cependant, ces modes dérivés d expression sont moins prépondérants que dans la mitochondrie. Par exemple, il n existe pas de vrais changements de code génétique. Comme chez les cyanobactéries et les autres procaryotes, l initiation de la traduction peut se produire sur des codons autres qu AUG, mais aucun codon n a vraiment été réassigné. Comme les mitochondries dans le cas des eucaryotes, les plastes issus de l endosymbiose primaire majeure peuvent servir de marqueur phylogénétique pour

68 retracer l histoire évolutive des Archaeplastida. Antérieurement, les pigments photosynthétiques (chlorophylles, caroténoïdes et phycobilines) ont servi de base à la classification, mais il existe de nombreuses exceptions qui font en général de ces pigments des mauvais marqueurs phylogénétiques. Les analyses des séquences de gènes ou de génomes montrent que les Archaeplastida ont évolué sous forme de trois lignées distinctes. La première à avoir divergé est celle de Glaucophyta (figure 35) ; elle a conservé les mêmes pigments photosynthétiques que les cyanobactéries, tout comme les Rhodophyta (Table 4). Cependant, les pigments annexes (dont la phycoérythrine) présents chez les Rhodophyta permettent la capture des photons du visible les plus énergétiques de la lumière verte et bleu, et donc pénétrant le plus profondément dans l eau, alors que ceux des Viridiplantae ne piègent pas ces photons. Ils piègent les lumières rouge et bleuviolet. Les Rhodophyta vont donc pouvoir pousser plus profondément, en particulier le long des côtes, où elles occupent principalement l étage inférieur situé à plusieurs mètres de profondeur. La dernière lignée, celle des Viridiplantae, a abandonné la chlorophylle c et les phycobilines pour adopter la chlorophylle b (Table 4). Table 4 : principaux pigments chez les cyanobactéries et les Archaeplastida taxon pigments photosynthétiques Cyanobacteria Glaucophyta Viridiplantae Rhodophyta chlorophylle a, chlorophylle c, phycobilines, caroténoïdes chlorophylle a, chlorophylle c, phycobilines, caroténoïdes chlorophylle a, chlorophylle b, caroténoïdes chlorophylle a, chlorophylle c, phycobilines, caroténoïdes Les endosymbioses secondaires, tertiaires, etc. La complexité de l'histoire des plastes est apparue rapidement aux biologistes. En effet, l observation de plastes de divers groupes d algues en microscopie électronique a montré qu il existe, outre des plastes entourés de deux membranes, des plastes entourés de trois ou quatre membranes (figure 38). L explication la plus simple pour expliquer cette situation est que ces plastes sont dérivés soit d évènements de vol de plastes ou kleptoplastie (Encadré 7), soit d endosymbioses secondaires ayant impliqué des algues eucaryotes comme endobionte photosynthétique. Chez les Cryptophyta et les Chlorarachniophyta, la présence d un noyau dégénéré ou nucléomorphe (Encadré 8) associé à du réticulum au sein du plaste prouve que chez ces deux groupes le plaste résulte bien d une endosymbiose secondaire. Le nombre de ces évènements d endosymbioses secondaires fait encore débat. En effet, le partenaire photosynthétique initial a pu être soit une algue appartenant aux Rhodophyta, soit une algue Viridiplantae, alors que les hôtes ont des origines phylogénétiques très diverses. Dans le cas des endosymbioses impliquant des Viridiplantae, la communauté scientifique s accorde sur un nombre de deux évènements 59

69 Encadré 7 La kleptoplastie est le vol de plastes par un autre organisme. Après ingestion de l algue, celle-ci est incomplètement digérée et ses plastes persistent souvent au sein de vésicules. Ce mécanisme est donc différent d une endosymbiose où l algue reste intègre à l intérieur de son hôte. L exemple le plus connu est celui des limaces de mer du genre Elysia. En fonction des espèces, ces limaces gardent les plastes des algues qu elles mangent de quelques jours à plus d un mois. Elysia chlorotica est la plus étudiée. 0.1 mm Elysia chlorotica 1 mm Vaucheria litorea Comme toutes les Elysia, Elysia chlorotica nait sans plaste et la larve doit pour en acquérir consommer pendant quelques jours des algues Heterokonta du genre Vaucheria. Dans cette symbiose, les plastes de Vaucheria ne sont pas digérés et sont stockés dans des cellules qui entourent le système digestif qui est très replié. Ils assurent une partie de la nutrition carbonée pendant les 10 mois de la vie de cet organisme. Notez que ce gastéropode est très plat comme... une feuille! Cependant, si ces limaces résistent longtemps à la carence, il semble que les plastes ne soient pas suffisants pour apporter une autonomie alimentaire complète et les limaces continuent de s alimenter toute leur vie. Les plastes ne se divisent pas expliquant pourquoi ils ne sont pas transmis à la descendance. La présence de gènes provenant de Vaucheria dans le génome d Elysia reste en débat, car des résultats contradictoires ont été obtenus. Il semblerait que de l ADN de l algue peut se maintenir sous forme non intégrée dans le génome de l animal et donc serait non transmissible à la descendance. Ceci pourrait expliquer pourquoi les plastes persistent aussi longtemps tout en restant fonctionnels. Les Elysia ne sont pas les seuls organismes capables de kleptoplastie, car on la retrouve chez les Foraminifera et surtout les Dinoflagellata. Il est possible d observer le processus chez des Dinoflagellata apparentés aux genres Karenia et Karlodinium et provisoirement appelés RS-24 ou W5-1. Les analyses des génomes des plastes de RS-24 et W5-1 montrent que ceux-ci ont une origine différente de ceux des karenia et karlodinium bien que tous dérivent d Haptophyta. En effet, ils résultent de la kleptoplastie des plastes de Phaeocystis antarctica qui en possède deux, alors que chez les karenia et karlodinium ils sont le résultat d une symbiose plus ancienne. La culture de RS-24 et W5-1 n est possible qu en présence de P. antarctica et leur division, mais pas leur survie, nécessite de la lumière même si des proies sont présentes à l obscurité. En l absence d ajout de P. antarctica, RS-24 et W5-1 perdent progressivement leurs plastes, dont le nombre se 60

70 forme libre flagellée 5 µm forme coloniale Dinoflagellé «RS-24» Phaeocystis antarctica stabilise à trois si des proies sont toujours présentes en faible nombre. Il remonte jusqu à 20 dès que des proies sont ajoutées en grand nombre. L exemple le plus extraordinaire est cependant celui impliquant des Cryptophyta des genres Geminigira/Teleaulax, un Ciliophora (Myrionecta rubra) et des Dinoflagellata du genre Dinophysis dont Dinophysis acuminata et Dinophysis fortii. G. cryophila T. amphioxeia M. rubra D. acuminata Geminigira cryophila et Teleaulax amphioxeia servent de proies à Myrionecta rubra. Celui-ci conserve non seulement les plastes de ses proies mais aussi leurs noyaux qui restent actifs transcriptionnellement et fournissent des ARN messagers pour assurer le maintien du plaste dans le Ciliophora sur une très longue période. On parle de «caryokleptie» pour ce vol de noyau. Myrionecta rubra sert à son tour de proie à Dinophysis acuminata ou Dinophysis fortii. Ces deux Dinophysis contiennent aussi un plaste dont la structure est différente de celle de Geminigira cryophila mais dont l'adn est identique. Il a perdu la membrane externe et le nucléomorphe, ses pyrénoïdes sont distincts. Dinophysis acuminata ne peut être cultivé qu'en présence de Myrionecta rubra comme proie, mais pas avec Geminigira cryophila! Il est donc possible que les Dinophysis volent le plaste de Myrionecta rubra, lui-même volé à Geminigira cryophila. Une hypothèse alternative serait qu'il prenne dans Myrionecta rubra des facteurs nécessaire au maintien du plaste comme des transcrits du noyau de Geminigira. cryophila. Le plaste aurait été acquis précédemment au cours de son histoire évolutive par kleptoplastie soit à partir de Geminigira cryophila, soit de Myrionecta rubra! 61

71 endosymbiose kleptoplastie plaste à 4 membranes nucléomorphe digestion du symbiote disparition du noyau du symbiote plaste à 3 membranes plaste à 4 membranes Figure 38 Mécanismes d apparition des plastes à 3 ou 4 membranes. La kleptoplastie (Encadré 7) implique la digestion incomplète d une algue Archaeplastida, verte ou rouge selon les cas, et la rétention des plastes au sein de la vésicule de digestion. La pérennisation des plastes donne donc par la suite une organisation à trois membranes. L endosymbiose implique une association plus progressive des deux partenaires. Celle-ci s accompagne d une régression du noyau du symbiote qui devient un nucléomorphe (Encadré 8). La perte du nucléomorphe aboutit à un plaste entouré de quatre membranes. Si le plaste s échappe de la vésicule d endocytose ou si la membrane plasmique du symbiote disparait, cela donne comme la kleptoplastie un plaste à trois membranes. D autres mécanismes plus complexes ont été proposés pour expliquer l organisation des plates à trois et quatre membranes. 62

72 noyau stade coccoïde 10 µm stade amiboïde plastes ocelle flagelle flagelle noyaux flagelle vacuole noyau Chlorarachnion reptans zoospore plastes Euglena gracilis indépendants de symbioses secondaires (figure 39 et 40). Au contraire, dans le cas où la symbiose a impliqué un Rhodophyta, le désaccord règne avec des scénarios impliquant de un à plusieurs évènements initiaux indépendants, voire une succession d évènements (figure 40). Les raisons pour des scénarios aussi divers pour expliquer la genèse des grands groupes d algues sont multiples. La présence d'espèces avec ou sans plaste au sein d'un même groupe pourrait être liée à la perte de plaste plutôt qu'à leur acquisition. Ce phénomène de perte des plastes pourrait être répandu et expliquer les discordances observés entre la présence/absence de plastes et les phylogénies obtenues avec les gènes nucléaires ou mitochondriaux. Par exemple, il existe dans les génomes des Oomycota et de Blastocytis hominis, un parasite apparenté aux Oomycota et aux algues Ochrophyta, des gènes d origine cyanobactérienne, confirmant que ces organismes dérivent probablement d'algues, bien que l on ne trouve pas de relique d un plaste. Deux pertes indépendantes sont néanmoins nécessaires pour expliquer la phylogénie (figure 40), ce qui 63 Figure 394 Les algues chlorarachniophytes et les eugènes photosynthétiques sont issus d endosymbioses secondaires indépendantes d algues Viridiplantae. Chlorarachnion reptans est un Chlorarachniophyta typique dont le plaste est entouré de quatre membranes et contient toujours un nucléomorphe (voir Encadré 7). Il peut adopter trois formes distinctes en fonction de son stade de développement. La forme amiboïde peut toujours se nourrir par phagotrophie. Les analyses de séquence du génome du plaste et des pigments photosynthétique indiquent que celui-ci dérive d une Viridiplantae apparentée aux genres Chlamydomonas et Chlorella du clade «TUC». Les euglènes photosynthétiques, comme Euglena gracilis, sont apparentées à des euglènes non photosynthétiques et se nourrissant par phagotrophie. Ces algues ont un cycle simple sans reproduction sexuée connue et leur plaste est entouré de trois membranes. Elles peuvent le perdre et se nourrir par pinocytose et osmotrophie ; elles vivent souvent dans des milieux chargés en matières organiques. De fait, des pertes de la capacité photosynthétique associée à la présence de plastes dégénérés se sont produites plusieurs fois indépendamment au cours de l évolution des Euglenida. Les phylogénies basées sur la séquence du génome du plaste montrent que celui-ci dérive d une Viridiplantae apparentée aux Prasinophyta.

73 Encadré 8 Un nucléomorphe est le vestige du noyau d'une algue eucaryote endosymbiotique dont l'intégration est telle que l'algue est maintenant considérée comme un plaste (le plaste reçoit de nombreuses protéines codées par le noyau de l'hôte). Actuellement, il ne semble pas que le nucléomorphe participe à autre chose que la biosynthèse de protéines à destination du plaste et il est considéré comme un noyau en cours de disparition plutôt qu'un organite. Il existe deux groupes d'organismes chez lequel ont été découverts des nucléomorphes: les Chlorarachniophyta et les Cryptophyta. plaste à 4 membranes flagelles 1 µm flagelle plaste à 4 membranes mitochondrie à crête tubulaire nucléomorphe dans l espace periplastidial mitochondrie à crête plate pyrénoïde grain de réserve de β-glucanes pyrénoïde 64 grain de réserve d amidon noyau Cryptophyta Chlorarachniophyta Ces deux types d algues ont malgré la présence de nucléomorphes des origines complètement différentes. Les Cryptophyta sont apparentées aux algues Haptophyta dans le grand groupe des Hacrobia, alors que les Chlorarachniophyta sont des Rhizaria (voir figure 33 p. 50). Chez les Cryptophyta, le plaste dérive d une Rhodophyta et sa membrane la plus externe est en continuité avec celle du réticulum, alors qu elle ne l est pas chez les Chlorarachniophyta, chez qui le plaste dérive d une Viridiplantae. Les différentes caractéristiques des plastes reflètent celles de chacune des algues à l origine de l endosymbiose. Par exemple, les Cryptophyta stockent les réserves carbonées sous forme de grains d amidon dans l espace périplastidial qui est l espace qui contient le nucléomorphe et qui correspond donc à l ancien cytoplasme du Rhodophyta endosymbiotique. Ceci correspond à l endroit où étaient stockées les réserves chez le Rhodophyta. Elles sont stockées dans le cytoplasme sous forme de β-glucanes chez les Chlorarachniophyta. Le lieu de stockage a donc été relocalisé et le polymère de réserve changé chez les Chlorarachniophyta, car les Viridiplantae stockent de l amidon à l intérieur des plastes. Les nucléomorphes contiennent les "plus petits génomes eucaryotes connus" car ils mesurent autour de 500 kb. Les chromosomes sont linéaires et ressemblent dans leur structure grossière à des chromosomes d'eucaryotes. Il est amusant de voir qu'ils sont au nombre de trois dans tous les cas analysés jusqu à présent. Cependant les répétitions télomériques des chromosomes chez les Cryptophyta sont variables et différentes de celles des télomères usuels (voir la table ci-dessous). Le pourcentage en base AT est très élevé. C'est aussi une caractéristique des génomes des plastes et des mitochondries sans

74 que l'on en comprenne la raison. Visiblement les mêmes pressions évolutives que celles agissant sur les organites s'exercent sur les nucléomorphes. Comparaison des caractéristiques des nucléomorphes des Chlorarachniophyta et des Cryptophyta Chlorarachniophyta Cryptophyta taille des génomes haploïdes kb kb nombre de gènes pourcentage en bases A/T 65-70% 60-75% télomères [TCTAGGG]n [(AG)7AAG6A]n /[(GA)17]4-7 opérons présents absents genes recouvrants oui non Introns de type nucléaire nombreux rares ou absents La capacité codante des génomes dans les nucléomorphes a été très fortement réduite et ils ont perdu de nombreux gènes. Restent ceux nécessaires à l'expression et la réplication du génome, incluant des tubulines pour les Cryptophyta suggérant que la division des nucléomorphes fait toujours intervenir un fuseau mitotique chez ces algues, plus quelques gènes qui codent des protéines chloroplastiques. On ne retrouve aucun gène d'enzymes du métabolisme. Il semble donc que le nucléomorphe ait été préservé car il permet l'expression de protéines nécessaire au fonctionnement du plaste et dont les gènes n'ont pas été transférés vers le génome de l'hôte. Les plastes ont toujours leurs propres génomes localisés dans la matrice du plaste et codant une soixantaine de gènes chez les Chlorarachniphyta et environ 150 chez les Cryptophyta. Ces algues possèdent donc quatre compartiments contenant un génome : le noyau, la mitochondrie, l intérieur du plaste et le nucléomorphe! Les génomes des nucléomorphes ont aussi été compactés par d autres mécanismes. Les régions intergéniques ont été réduites et dans certains cas, les gènes se recouvrent ; dans d'autres cas plusieurs ORF se retrouvent sur un même ARN et constituent donc un opéron. Attention, ces opérons n'ont rien à voir avec les opérons procaryotes et on ne sait pas comment les protéines sont exprimées à partir du nucléomorphe. Signalons qu'autour du nucléomorphe, il existe un peu de cytoplasme qui contient des ribosomes: ceux-ci sont codés par le nucléomorphe car on y a retrouvé dans les deux groupes des gènes d'arnr et codant des protéines ribosomales. La taille des protéines est réduite en particulier chez les Cryptophyta. Les nucléomorphes des Cryptophyta contiennent peu d'introns épissés par le splicesome comme les génomes des Rhodophyta dont ils dérivent, et celui de Hemiselmis andersenii n'en possède même plus! Par contre les nucléomorphes des Chlorarachniophyta en contiennent beaucoup comme les génomes des Viridiplantae dont ils dérivent. Par contre, ceux-ci sont de très petite taille et représentent avec quelques introns de paramécie, les plus petits introns connus comme étant épissés par le splicesome. Ceci pose un intéressant problème, pertinent à l'évolution des introns. Clairement la pression de sélection ici n'est pas la perte des introns mais la diminution de leur taille : pourquoi? Il ne fait pas de doute que l analyse de ces nucléomorphes, en particulier de leur mode d expression permettra de découvrir de nombreux phénomènes intéressants! 65

75 Excavata Metamonada Discoba (euglènes photosynthétiques) V Diaphoretickes 1 Archaeplastida Hacrobia «SAR» 2 viridiplantae Rhodophyta Glaucophyta Stramenopila Alveolata 2 2 V Myzozoa Katablepharida Cryptophyta Rappemonada 2 2 Centroheliozoa Telonemida Haptophyta Rhizaria (Chlorarachniophyta) Ciliophora Bigyra Ochrophyta Pseudomycota Apicomplexa Dinoflagellata Amorphea («Unikonta») Opisthokonta Apusosoa Amoebozoa Figure 40 Scénarios des endosymbioses secondaires. Les endosymbioses avec des algues Viridiplantae (V) ont eu lieu deux fois indépendamment au cours de l évolution. Le nombre d endosymbioses avec des Rhodophyta est toujours sujet à débat. Dans le scénario 1, une seule endosymbiose secondaire a donné naissance à tous les groupes d algues porteurs de tels plastes et qui sont toute dans le grand super-embranchement des Diaphoretickes. Selon ce scénario, les groupes (en gris) n ayant pas de plaste l ont perdu, ce qui nécessite des pertes récurrentes et nombreuses. Dans le scénario 2, au moins quatre évènements d endosymbioses secondaires ont eu lieu. Le cinquième décrit sur le schéma et qui a donné naissance aux Rappemonada est possiblement identique à celui ayant donné naissance aux Haptophyta. Dans ce scénario, il y a aussi nécessité de pertes de plastes, par exemple chez les Pseudomycota et les Bygira. Dans le scénario 3, des endosymbioses successives se sont produites : une endosymbiose secondaire d un Rhodophyta pour donner les Cryptophyta, dont une a fait une endosymbiose tertiaire pour donner les algues Ochrophyta. Une Ochrophyta a fait à son tour une endosymbiose quaternaire pour donner les algues Haptophyta. Dans ce scénario, il est possible qu il s agisse de kleptoplastie en série (voir Encadré 6) plutôt que de vraies endosymbioses. amène certains chercheurs à soutenir l hypothèse que les gènes d origine cyanobactérienne résultent plutôt de transferts horizontaux à partir de cyanobactéries qui auraient servi de proies aux ancêtres des Oomycota et de Blastocystis. Chez les Apicomplexa, le plaste a régressé et n assure plus sa fonction de photosynthèse. Il 66

76 s appelle chez ces organismes «apicoplaste». Par contre, chez Cryptosporidium hominis, un Apicomplexa qui a divergé rapidement des autres Apicomplexa parasites, l apicoplaste a complètement disparu. Mais des gènes codant des protéines fonctionnant chez les autres Apicomplexa dans l apicoplaste sont toujours présents dans le génome nucléaire, suggérant que les ancêtres de cette espèce possédaient effectivement un plaste. Au contraire, chez les Ciliophora qui sont aussi apparentés aux Apicomplexa, des gènes provenant de cyanobactéries sont absents, indiquant qu ils n ont probablement jamais eu de plastes, rejetant ainsi l hypothèse d une seule endosymbiose secondaire avec un Rhodophyta. Une autre raison pour expliquer les scénarios multiples tient au fait que ce n est parce que deux lignées proches ont des plastes que ceux-ci ont une origine commune. Par exemple, les structures différentes des plastes des Apicomplexa avec quatre membranes et des Dinoflagellata péridiniens avec trois membranes suggèrent que contrairement à ce qui est noté sur la figure 40, les plastes pourraient résulter d évènements indépendants 67 Proie (algue verte) Dinoflagellata vésicule de digestion 3 membranes Figure 41 Myzocytose. La myzocytose est un mode de nutrition au cours duquel du cytoplasme de la proie est directement «pompé» dans une vésicule d endocytose. Elle peut aboutir à une kleptoplastie si les plastes persistent dans la vésicule d endocytose. Si la proie est une algue issue de l endosymbiose primaire, le plaste se retrouve entouré de trois membranes. Des plastes entourés de trois membranes sont présents chez les Dinoflagellata et les Euglenida, groupes qui sont capables de se nourrir par myzocytose. dans les deux groupes. L hypothèse alternative est que, comme noté dans la figure 40, l origine est bien commune, mais chez les Dinoflagellata le plaste a pu sortir de la vésicule d endocytose au cours de l évolution, mais pas chez les Apicomplexa. Les données actuelles, incluant les phylogénies récentes sur de très nombreux gènes, favorisent plutôt l'hypothèse des endosymbioses secondaires multiples associées à des kleptoplastie en série et à des pertes récurrentes! La confusion quant à l évolution des plastes règne encore plus si l on inclut les Dinoflagellata. De fait, il semble que chez les Dinoflagellata les remplacements et pertes du plaste issus d une endosymbiose secondaire présent de manière ancestrale dans ce groupe (et qui serait celui contenant de la péridinine, un caroténoïde spécifique de ce groupe, et qui est entouré de trois membranes ; mais ce point est encore discuté) par d autres plastes soient des évènements très fréquents. Ceci pourrait être facilité par le fait que les Dinoflagellata sont capable de se nourrir par myzocytose (figure 41), permettant le prélèvement des plastes dans des vésicules d endocytose directement dans le cytoplasme

77 des proies. Chez ces flagellés, il existe au moins sept types de plastes et de nombreux autres «endosymbiotes photosynthétiques» capturés par kleptoplastie. Le plaste de type 1 avec péridinine aurait donc été remplacé répétitivement par d autres contenant de la fuxoxanthine provenant de diatomées (type 7), avec de la 19-hexanoyloxyfucoxanthine provenant d algues Haptophyta (types 2 et 4 résultants de deux évènements distincts), des phycobilines provenant probablement d algues Cryptophyta (types 3 et 6 résultants aussi de deux évènements) ou bien avec de la chlorophylle b ayant alors pour origine probable des Viridiplantae Prasinophyta (type 5)! On parle souvent pour ces remplacements d endosymbioses tertiaires, même si toutes ne sont pas de vrais évènements d endosymbiose impliquant une algue issue de l endosymbiose secondaire. Par exemple, Amphidium latum ou Gymnodinium acidotum capturent des Cryptophyta qu ils sont capables de stocker sans les digérer. Les Cryptophyta conservent en grande partie leur morphologie mais ne sont pas correctement transmises à la descendance, si bien que ces Dinoflagellata doivent faire de nouvelle endocytoses pour perpétuer l'association. Podolampas bipes et Podolampas reticulata contiennent des algues Dictyophyta (une division des Ochrophyta) qui sont efficacement partitionnées et transmises au cours des divisions aux cellules filles. D'autres, tels que Durinskia baltica ou Kryptoperidinium foliaceum, ont capturé des diatomées. Les algues ont perdu une bonne partie de leur ultrastructure, mais conservent leur noyau et leurs mitochondries. Ces algues sont fidèlement transmises 68 9A Gene 1 9A 9A Gene 2 Figure 42 Structure de l ADN des plastes des Dinoflagellata possédant de la péridinine. Le génome est composé de molécules circulaires mesurant de 2 à 3 kb et comportant une région commune avec 3 séquences très conservées (9GL, 9A et 9GR) qui sont probablement les origines de réplication et transcription. Les cercles peuvent coder un ou deux gènes ou aucun. La capacité codante est réduite car une quinzaine de protéines seulement sont codées par le génome du plaste ; les autres gènes ont migré dans le noyau. Une fragmentation partielle du génome du plaste est aussi observée chez Karlodinium veneficum dont le plaste provient d une Haptophyta. 9A au cours des divisions et sont donc déjà très engagées dans l'association. Elles reproduisent donc un nouveau processus d endosymbiose et comme elles sont issues d une endosymbiose secondaire, il semble que dans ce cas on ait affaire à de vraies endosymbioses tertiaires donnant donc un nouveau type de plaste (de type 7). De fait, ce type de plaste est entouré de cinq membranes! Chez Karenia brevis et

78 Karlodinium veneficum, les symbiotes, des Cryptophyta aussi issues d une endosymbiose secondaire, font partie intégrante de la cellule car ils sont très modifiés et n'ont plus de cytoplasme. Dans ce cas, il s agit probablement d un remplacement de plaste par kleptoplastie car il semble y avoir moins de quatre membranes autour du plaste (leur nombre n est pas clairement établi, voir aussi Encadré 7). Le record semble être chez Dinophysis mitra, chez qui plus de 100 types de plastes ont été détecté par séquençage. Un plaste provenant d Haptophyta (le type 4) semble majoritaire car il est détecté dans 80% des cas, mais des séquences provenant d algues Viridiplantae ou Ochrophyta de divers sous-groupes ont été obtenues. Si la kleptoplastie par Dinophysis mitra ne fait plus de doute, il est difficile de savoir si les plastes sont présents de manière stable et transmis à la descendance. A l opposé de ces gains de plastes, ceux-ci semblent avoir été perdu indépendamment au moins deux fois, chez Crypthecodinium cohnii et chez Oxyrrhis marina. Dans les deux cas, des gènes codant des protéines du plaste sont présents dans le génome nucléaire, démontrant bien une perte chez ces espèces qui sont redevenues des phagotrophes. Notez que nous verrons au prochain chapitre que ces Dinoflagellata établissent souvent des endosymbioses avec d autres eucaryotes! Ce sont les fameuses zooxanthelles qui permettent la survie des récifs coralliens. Les plastes issus des endosymbioses secondaires ont subi les mêmes évolutions que la mitochondrie et les plastes issus de l endosymbiose primaire : transferts indépendants et fréquents de gènes vers le noyau, modifications de la structure des génomes qui comme chez la mitochondrie peut prendre une forme très bizarre chez certains Dinoflagellata (figure 42). Il existe même un début de modification du code génétique chez l Apicomplexa Neospora caninum. En effet, le gène rpob de cette espèce codant une des sous unités de l ARN polymérase contient trois codons stop UGA en phase. Ceux-ci sont décodés en tryptophane, probablement parce que la reconnaissance du codon stop UGA par le ribosome est diminuée (la séquence de l ARNr de la petite sousunité est compatible avec ce modèle). Les endosymbioses successives, qu elles soient primaires, secondaires ou autres, se sont accompagnées de pertes et modifications des pigments expliquant la diversité observée aujourd'hui. Par exemple, toutes les chlorophylles ont une structure quasiidentique et divergent par quelques groupements et/ou insaturations qui peuvent évoluer répétitivement et indépendamment. La Table 5 résume l origine et la diversité des plastes dans les différentes lignées photosynthétiques des eucaryotes. Il semble donc que l évolution chaotique des plastes obscurcit plutôt qu elle n illumine l évolution des eucaryotes. Quoiqu il en soit, l endosymbiose primaire, qui a donné naissance directement ou indirectement à la majorité des plastes présents chez les eucaryotes, est avec l endosymbiose mitochondriale un évènement majeur de l histoire des eucaryotes. Elle a permis à certains eucaryotes de se nourrir en faisant de la photosynthèse oxygénique (figure 43) et se faisant permettant aux eucaryotes d occuper le rôle le plus important dans la fixation du carbone atmosphérique. 69

79 Table 5 : origine et propriétés des plastes chez les eucaryotes Endosymbiose Donneur Memb Principaux pigments Date (Ma) Glaucophyta primaire Cyanobacteria clade A 2 Rhodophyta primaire Cyanobacteria clade A 2 Cryptophyta secondaire Rhodophyta 4 Haptophyta secondaire ou quaternaire Rhodophyta ou Ochrophyta chlorophylle a et c, xanthophylles, β-carotènes, phycobilines chlorophylle a et c, xanthophylles, α-carotènes, β-carotènes, phycobilines chlorophylle a et c, xanthophylles, α-carotènes, β-carotènes, phycobilines Chez les bactéries, outre la photosynthèse oxygénique, il existe deux autres types de photosynthèses anoxygéniques, c est-à-dire ne produisant pas d oxygène. La première utilise aussi des photosystèmes multiprotéiques contenant de la chlorophylle et elle est couplée à un cycle de Calvin qui permet de fixer le CO 2. Ce type de photosynthèse est restreinte aux eubactéries et ne semble se produire ni chez les eucaryotes, ni chez les archées. L autre type de photosynthèse (figure 44) fait appel à des protéines particulières, les bactériorhodopsines qui sont apparentées aux protéines captant la lumière dans notre rétine. Ces protéines changent de conformation en captant un photon, ce qui permet la translocation d un proton à travers la membrane où elles sont enchâssées. Comme dans le 70 4 chlorophylle a et c, xanthophylles, β-carotènes Rappemonada secondaire????? Ochrophyta secondaire ou tertiaire Rhodophyta ou Cryptophyta Dinoflagellata type1 secondaire? Rhodophyta? 3 Dinoflagellata type 2 tertiaire ou kleptoplastie Haptophyta 3 Dinoflagellata type 3 kleptoplastie Cryptophyta 2 Dinoflagellata type 4 kleptoplastie Haptophyta 2 Dinoflagellata type 6 Dinoflagellata type 7 tertiaire ou kleptoplastie tertiaire Cryptophyta 3 Ochrophyta (Bacillariophyta) Apicomplexa secondaire? Rhodophyta? 4 Viridiplantae primaire Cyanobacteria clade A 2 Chlorarachniophyta secondaire Viridiplantae «TUC» 4 Euglenida photosynthétiques secondaire Prasinophyta chlorophylle a et c, xanthophylles, α-carotènes, β-carotènes chlorophylle a et c, xanthophylles, β-carotènes chlorophylle a et c, xanthophylles, β-carotènes chlorophylle a et c, xanthophylles, α-carotènes, β-carotènes, phycobilines chlorophylle a et c, xanthophylles, β-carotènes chlorophylle a et c, xanthophylles, α-carotènes, β-carotènes, phycobilines chlorophylle a et c, xanthophylles, α-carotènes, β-carotènes chlorophylle a, xanthophylles, β- carotènes (perte des pigments dans l apicoplaste) chlorophylle a et b, xanthophylles, α-carotènes, β-carotènes chlorophylle a et b, xanthophylles, β-carotènes chlorophylle a et b, xanthophylles, β-carotènes Dinoflagellata type 5 kleptoplastie Prasinophyta 2 chlorophylle a et b, β-carotènes? Paulinellida primaire Cyanobacteria clade C 2 chlorophylle a et c, phycobilines caroténoïdes?, ?????? 1500?

80 matrice du plaste (cytoplasme cyanobactérien) lumière Photosystème II Cycle de Calvin 2 NADP + H + 2 NADPH lumière ferredoxine ADP H + ATP 2 e- 2 H + plasto quinone CoQ ATPase Photosystème I H 2 O O H + 2 H + Plasto cyanine 71 Lumière des thylakoïdes (espace périplasmique cyanobactérien) Figure 43 La photosynthèse oxygénique. Au cours de cette photosynthèse, une molécule d eau est cassée en oxygène et proton pour récupérer deux électrons qui vont dans un premier temps parcourir le photosystème II et les autres facteurs qui agissent entre les photosystèmes : plastoquinone, coenzyme-q et plastocyanine. Un deuxième photon va être utilisé pour reénergiser les électrons dans le photosystème I et permettre le transfert vers le NADP pour produire du NADPH. Le voyage des électrons est couplé à un transfert de protons augmentant le gradient de protons entre la matrice du plaste et la lumière des thylakoïdes qui est topologiquement équivalente à l espace inter-membranaire. Les protons repassent ensuite dans la matrice via une synthétase d ATP, permettant la synthèse d ATP. Le NADPH et l ATP produits sont ensuite utilisés pour fixer le CO 2 et synthétiser des sucres dans une réaction qui ne nécessite pas de lumière : le cycle de Calvin. Les différents pigments permettent une meilleure captation des photons et le transfert de leur énergie aux photosystèmes. cas de la photosynthèse classique, le gradient de protons ainsi créé peut servir à synthétiser de l ATP. Bien que ce type de photosynthèse ne soit pas couplée à un cycle de Calvin, l ATP peut être utilisé comme source d énergie par la cellule. Ce mécanisme est rencontré chez divers procaryotes et surtout chez des archées du groupe des Halobacteria. Des rhodopsines pouvant servir de pompe à proton ont été décrites chez divers eucaryotes, dont des champignons. Ces protéines pourraient être impliquées dans l homéostasie du ph ou aider à générer un gradient de protons pour le transport facilité de solutés. Cependant, chez certains Dinoflagellata, dont Oxyrrhis marina, dépourvus de plastes, il s est produit un transfert horizontal d un gène de bactériorhodopsine à partir d une eubactérie apparentée aux Proteobacteria. Il n est pas encore démontré que les Dinoflagellata utilisent ces protéines pour fabriquer de l ATP. Mais le gène, qui est nucléaire chez Oxyrrhis marina, est fortement exprimé et la protéine est localisée dans un compartiment intracellulaire, encore non-identifié, mais qui n est pas un plaste car le précurseur ne possède pas de peptide signal pour aller vers un plaste. Il pourrait s agir de la vacuole. La protéine pourrait alors permettre la synthèse d ATP via l ATPase vacuolaire, ou bien éviter la consommation d ATP pour acidifier la vacuole en utilisant la lumière, et

81 cytoplasme ADP H + ATP lumière H + ATPase H + environnement Figure 44 La photosynthèse à rhodopsine. La bactériorhodopsine (à gauche) est une protéine membranaire qui est capable de changer de conformation lorsque son co-facteur, le rétinal, capte un photon. Ce changement de conformation est couplé au transport d un proton à travers la membrane. Le gradient de protons ainsi créé peut servir au transport facilité de soluté ou bien à la synthèse d ATP via une ATPase membranaire. La production d ATP ne semble pas couplée à un mécanisme de fixation du CO 2 et à la fabrication de sucres. Ce type de production d énergie à partir de l énergie lumineuse est fréquent chez les archées Halobacteria, mais pourrait aussi se produire chez certains Dinoflagellata. non l ATP, comme source d énergie. Quoiqu il en soit, il semble que l expression du gène codant la bactériorhodopsine soit induite par la lumière chez Oxyrrhis marina et sa survie est plus grande en présence qu en absence de lumière lorsqu on le prive de proies. Les endosymbioses de la mitochondrie et du plaste ont été permises parce que les eucaryotes ont la capacité de phagocyter des cellules entières. Il n est donc pas surprenant que des endosymbioses ont joué et continuent de jouer des rôles essentiels dans l évolution des eucaryotes. La prochaine section va examiner comment ces symbioses, qu elles soient intracellulaires ou autres, se mettent en place et montrer leur diversité chez les eucaryotes. Les symbioses et leur rôle dans l évolution des eucaryotes On définit par symbiose l'assemblage de deux ou plusieurs organismes vivant en association proche plus ou moins continue, indépendamment des relations qu'ils ont entre eux. On exclut de ce fait les relations proies/prédateurs. On peut grosso modo définir 3 grands types de relations symbiotiques: - les relations où les deux partenaires bénéficient d'un avantage. On parle alors de mutualisme. En général, lorsque l'on parle de symbioses sans autre qualificatif, c'est ce type de relation qui est implicitement entendu. - les relations où les deux partenaires ne bénéficient d'aucun avantage évident. On parle alors de commensalisme. On parle aussi de commensalisme lorsqu'un des deux 72

82 partenaires ne tire aucun profit de l'association mais que la présence de l'autre ne le gêne pas, comme dans le cas d'une partie de la microflore hébergée par les vertébrés. - les relations où un des deux partenaires profite de l'autre qui subit une perte de ses aptitudes biologiques. On parle alors de parasitisme. Les endosymbioses sont définies comme étant une association où l'un des deux partenaires vit dans l'autre: l'un est le symbiote endobionte et l'autre est l'hôte. Le cas le plus extrême est celui où le symbiote vit à l'intérieur des cellules de son hôte. Outre ces endosymbioses, il existe des ectosymbioses où les partenaires vivent en association physique proche; le plus souvent le symbiote le plus petit ou épibionte vit fixé sur son hôte. Nous avons vu qu il existe aussi des symbioses métaboliques avec sous sans contact physique: la syntrophie. L association entre l hôte et son symbiote peut être non-obligatoire et chacun des partenaires peut vivre indépendamment de l autre. Elle peut être au contraire obligatoire pour l un, l autre ou les deux partenaires. Dans le cas des parasites, l hôte vit bien entendu très bien sans son parasite. La réciproque est bien évidemment souvent fausse. De nombreux parasites ne peuvent pas vivre sans leurs hôtes! Dans le cas du mutualisme, toutes les combinaisons existent avec des effets pour la perte de l associé allant de la mort jusqu à des légères pertes de «fitness», que l on peut traduire par «valeur adaptative» en français et qui mesure la capacité à laisser des descendants. Même si elles sont minimes, ces pertes peuvent avoir néanmoins un grand rôle dans la course néodarwinienne de l évolution. Il existe bien évidemment toute une gradation entre ces grands types de symbioses et une même association peut démarrer comme du mutualisme et finir en parasitisme et réciproquement. D'ailleurs, dans un même groupe phylétique, il existe souvent des espèces symbiotiques et d'autres parasites. Toutes les symbioses mutualistes reposent en effet sur des interactions "équilibrées" entre les deux partenaires qui tirent un bénéfice mutuel dans l'association, ou au moins l'un des deux. Cependant, ces interactions sont fragiles et il arrive fréquemment qu'un des partenaires prenne le dessus sur l'autre. C'est une première étape vers une relation entre partenaires beaucoup moins équitable. Réciproquement, les eucaryotes ont mis au point de nombreux mécanismes de défense vis à vis des parasites et dans certains cas le contrôle du parasite aboutit à une relation stable et mutualiste, où le parasite apporte par exemple des capacités de biosynthèse nouvelle. De fait, les données indiquent que les mêmes phénomènes sont mis en jeu, en particulier au niveau des reconnaissances entre les deux partenaires dans les interactions parasitaires ou mutualistes. Expérimentalement, il a été possible au laboratoire de recréer le passage d une relation parasitaire vers une relation plus mutualiste (Encadré 9). Cela n a pris que quelques mois! 73

83 Les endosymbioses mutualistes Nous avons vu dans le chapitre précédent que les endosymbioses intracellulaires mutualistes à l origine de la mitochondrie et des plastes ont été au cœur de l'évolution des eucaryotes et sont une de leurs caractéristiques majeures. Dans ces deux cas, l'intégration est totale et les symbiotes sont devenus des parties intégrales des cellules: des organites. De nombreuses endosymbioses intracellulaires mutualistes se produisent toujours actuellement avec une fréquence très importante et continuent de permettre des adaptations supplémentaires. Elles sont probablement liées à la capacité des eucaryotes à faire des endocytoses qui facilitent l'accès à l'intérieur de la cellule. De fait, on connaît un seul exemple d'endosymbiose bactérie/bactérie avec la présence d'une eubactérie à l'intérieur d'une autre eubactérie (voir pages 20 & 21). L'inventaire des endosymbioses impliquant des eucaryotes est loin d'être terminé (voir l Encadré 10 pour des exemples de symbioses procaryotes/eucaryotes et l Encadré 11 pour des symbioses eucaryotes/eucaryotes). Nous savons cependant que pratiquement tous les groupes Nephroselmis rotunda ocelle Hatena arenicola sans son endobionte appareil buccal 10 µm Hatena arenicola en division d'eucaryotes ont la possibilité de porter des symbiotes. La raison en est que pour l'endobionte, le milieu intracellulaire représente un milieu riche, d'où aussi la coexistence dans les mêmes groupes d'organismes symbiotiques et d'autres parasites, et Figure 45 La ségrégation de l endobionte photosynthétique d Hatena arenicola. Le Katablepharida Hatena arenicola, n a pas complètement résolu la ségrégation de son endobionte, une Viridiplantae intracellulaire ayant conservée son noyau et son réseau de membrane interne et qui réside dans un symbiosome avec une seule membrane. Cette algue appartenant au genre Nephroselmis possède un plaste dix fois plus gros que celui des individus vivant librement et ne se divise pas. Le flagellé, lorsqu il se divise (à droite), donne donc naissance à une cellule avec l endobionte et l autre sans. La forme sans algue différencie alors un appareil «buccal» qui lui permet de phagocyter des algues libres (à gauche). Si l'algue est de la bonne espèce, son plaste grossit et l appareil «buccal» régresse. Après transformation, le flagellé devient dépendant de son algue pour son alimentation, mais semble toujours capable de phagocyter des proies. protégé des infections. Pour le porteur, les avantages sont de natures diverses: capacité de synthétiser des matières carbonées, des acides aminés, des métabolites secondaires toxiques ou de fixer l'azote... 74

84 Encadré 9 Il existe un exemple de modèle d endosymbiose au laboratoire qui a permis d'étudier les modalités de la mise en place d'une endosymbiose mutualiste à partir d une relation parasitaire. En effet, K. Jeon travaillait sur des amibes de l espèce Amoeba proteus, une amibe libre du groupe des Amoebozoa. Dans sa collection, il a par hasard trouvé une culture d'amibes infectées par des bactéries «X» présentant une forte diminution de leur capacité à proliférer. L'analyse de la physiologie et de la séquence des ARNr de ces bactéries a montré qu'elles sont proches des Legionella, des parasites intracellulaires obligatoires. Cependant, après 200 générations cellulaires, soit environ 18 mois, les amibes ont repris une croissance normale, voire dans certaines conditions une croissance supérieure, à celles des amibes non infectées. Les bactéries de ces amibes sont présentes dans une structure spéciale «le symbiosome». Les bactéries ont été utilisées pour infecter d autres amibes qui en sont dépourvues soit par injection dans le cytoplasme, soit par endocytose. Si la plupart sont digérées, quelques-unes survivent et établissent une infection. Elles provoquent alors une accélération de la croissance de l amibe pendant au moins un an (la durée de l expérience)! De plus, les bactéries X sont devenues essentielles à la survie des amibes. En effet, il est possible par microchirurgie d enlever le noyau des amibes et de le transplanter dans un cytoplaste, une cellule énucléée dépourvue de noyau. La transplantation échoue si les noyaux proviennent d amibes avec symbiotes et que le cytoplaste transplanté provient d une amibe qui en est dépourvue. Elle réussit dans toutes les autres configurations expérimentales. Le noyau de ces amibes infectées contient un facteur létal car lorsqu il est injecté à une amibe possédant un noyau celle-ci meurt! Il est possible que ce phénomène soit lié à la présence d une protéine de fonction inconnue d environ 30 kd et sécrétée en grande quantité par la bactérie dans le cytoplasme de son hôte. Il est vraisemblable que cette «endosymbiose» ne soit pas encore bien stabilisée car les amibes infectées sont devenues sensibles à la carence, la chaleur, l excès de nourriture et la surpopulation. Dans le cas de la thermosensiblité, il a été prouvé que les bactéries X sont thermosensibles et que leur mort entraîne celle de l amibe! pseudopode noyau vacuole contractile 100 µm corps d inclusion Amoeba proteus et ses endobiontes bactéries 75 «symbiosome» membrane

85 Peltigera canina 1 cm cortex (hyphes fongiques) algues hyphes médulle (hyphes fongiques) phycobionte 50 µm mycobionte L'analyse des endosymbioses intracellulaires actuelles montre des intégrations entre les deux partenaires plus ou moins abouties. Cependant dans de nombreux cas, un des deux ou les deux partenaires ne peuvent vivre seuls. Le fait de considérer le couple symbiote/hôte comme deux organismes séparés ou comme un seul se pose alors. Si bien que cela amène plusieurs chercheurs à considérer que les endosymbioses intracellulaires sont un moteur d'évolution bien plus important que les mutations génétiques car elles aboutissent à de nouveaux organismes ayant des propriétés radicalement différentes. Ces mêmes chercheurs mettent donc en doute, et probablement à juste titre, l'utilisation unique des phylogénies moléculaires pour établir les relations de parentés entre eucaryotes. Cependant, la mise en place définitive des symbioses passe par des processus de type néo-darwiniens classiques de mutations et sélections permettant une transmission efficace de l endobionte (voir figure 45 pour un exemple où ce problème n a pas été complètement résolu) et des adaptations permettant l expression pleine des avantages sélectifs. Par exemple, dans le cas d'algues symbiotiques qui doivent assurer la photosynthèse, l'algue doit exporter des nutriments et l'hôte ne doit pas posséder des 76 Figure 46 Structure des lichens. Les lichens, tels que Peltigera horizontalis, sont des organismes symbiotiques mutualistes formés par l association d un champignon ou mycobionte avec des algues, des cyanobactéries comme chez Peltigera canina, ou les deux : les phycobiontes. Ils sont parfaitement adaptés à la vie terrestre et ont colonisés de nombreuses surfaces. Les hyphes du champignon entourent les algues, parfois de manière très intime via des haustoriums, mais ne pénètrent pas les cellules végétales. Comme pour les endosymbioses de type plaste, le phycobionte fournit des matières carbonées, voire fixe l azote atmosphérique si la cyanobactérie symbiotique en a la capacité. Ce que fournit le champignon est moins clair, possiblement une protection, des sels minéraux et la conquête de biotopes terrestres. L association est souvent obligatoire pour le champignon, alors qu elle est optionnelle pour les algues. Néanmoins, les algues libres sont en général rares dans la nature.

86 Encadré 10 Rhopalodia gibba et Epithemia turgida sont des diatomées (Bacillariophyta) qui hébergent dans leur cytoplasme des "corps sphériques", qui dérivent de cyanobactéries. Les même corps sphériques ont aussi été découverts chez Braarudosphaera bigelowiides, des algues coccolithes distantes du groupe des Haptophyta. Les cyanobactéries sont proches des cyanobactéries libres du genre Cyanothece, mais ne peuvent être cultivées hors de la cellule hôte. Les corps sphériques ont trois membranes et sont transmis fidèlement au cours des divisions. Le génome de l endobionte d Epithemia turgida ne code plus pour un système photosynthétique, a perdu quelques voies de biosynthèse et contient de nombreux pseudogènes. Il s'agit donc plus d'organites que d endobiontes. En fait, si les eucaryotes ne sont pas capables de fixer l'azote N 2, il existe de nombreuses symbioses avec des cyanobactéries fixatrices d'azote chez d'autres protistes, des champignons, des invertébrés... La plus célèbre se fait entre les bactéries des genres Rhizobium et les légumineuses ou Frankia et autres huit familles de plantes, dont les rosacées. Epithemia turgida Rhopalodia gibba 1 µm 10 µm Braarudosphaera bigelowii corps sphérique 77 Rhizopus microsporus est un champignon Mucoromycotina qui détruit les jeunes pousses de riz et peut causer des graves pertes de sporange rendement. En fait, ce champignon vit en symbiose avec une bactérie du genre Burlkhoderia qui produit une toxine polycétide, la rhizoxine. Cette toxine est responsable de la destruction des pousses. La bactérie est transmise par les spores mais peut être cultivée indépendamment du champignon. Lorsque le champignon est débarrassé de ses bactéries, il devient incapable de former des sporanges. La rhizoïde 1 mm réintroduction de bactéries rend le champignon de nouveau capable de les différencier. Pour pénétrer à l intérieur des hyphes fongiques, les bactéries n utilisent pas d endocytose. La séquence du génome de la bactérie montre qu elle a commencé à s adapter à son hôte car il Rhizopus microsporus code pour de nombreux transporteurs permettant des échanges avec son hôte ; elle

87 importerait du citrate qui lui servirait de source de carbone et exporterait des acides aminés et des co-facteurs. Plusieurs autres champignons vivent en symbioses avec des bactéries intracellulaires, dont des Glomeromycota, des Mucoromycotina et des Pezizomycotina, sans que l'on en sache les avantages respectifs. Il existe de nombreux autres exemples de bactéries conférant la capacité de produire des toxines. Par exemple, de nombreux Dinoflagellata portent des bactéries endobiontes qui semblent être à l'origine des toxines qu'ils excrètent. Enfin, chez les paramécies (Ciliophora) des bactéries se transmettant avec le cytoplasme au cours de la reproduction sexuée produisent des toxines tuant les paramécies dépourvues de bactéries, les particules kappa. Les symbiotes cyanobactériens du Glomeromycota Geosiphon pyriforme sont un exemple d endosymbiose nutritionnelle de type "plastes" indépendantes de l endosymbiose primaire principale et visiblement moins abouties. Dans le cas de Geosiphon pyriforme, les cyanobactéries du genre Nostoc peuvent vivre indépendamment du champignon alors que celui-ci nécessite les cyanobactéries pour survivre. Elles ne sont pas transmises par les spores au cours de la reproduction du champignon et celui-ci doit refaire l association après germination des spores. Les cyanobactéries fixent non-seulement le CO 2 mais aussi le N 2, ce qui permet une autonomie complète de ce consortium. Nostoc - hétérocyste fixateur de N 2 Nostoc - forme photosynthétique vacuole membrane + paroi fongique 0.1 mm Geosiphon pyriformis symbiosome gouttelettes lipidiques Les symbioses bactériennes commencent à être très étudiées car elles pourraient aider dans la lutte contre certains fléaux en particulier chez les insectes et les nématodes ou aider à l'amélioration des rendements de fixation du gaz carbonique dans le cas des associations avec des champignons mycorhiziens ou des plantes. En effet, dans certains cas, l'association est obligatoire et la mort des bactéries entraîne la disparition de l'hôte. Cela semble être le cas par exemple chez les filaires, des nématodes responsables de filarioses telles que l'éléphantiasis. Un traitement avec des antibiotiques suffit alors pour se débarrasser du parasite! 78

88 Marchantia polymorpha tissu photosynthétique membrane plasmique 0.1 mm 1 cm paroi axe central rhizoides hyphes fongiques Figure 47 Présence d endomycorhizes chez Marchantia polymorpha. Les mycorhizes sont des associations mutualistes entre les plantes et les champignons (voir Encadré 13). L hépatique Marchantia polymorpha est une des hépatiques qui ont divergé des autres plantes le plus tôt au cours de l évolution. Comme la quasitotalité des autres plantes, elle engage des endomycorhizes avec des champignons, du groupe des Glomeromycota pour cette espèce. Au contraire, aucune algue actuelle n est partenaire de telles symbioses, suggérant que l association avec des champignons a été un des évènements clé ayant permis la sortie de l eau par les ancêtres des plantes. Le champignon pénètre la paroi de la cellule végétale, mais pas la membrane plasmique. tissus trop opaques pour que la lumière pénètre, tout en se protégeant des UV. Ceci limite par exemple le developpement de carapaces protectrices. Certains hôtes produisent des substances qui absorbent efficacement les UV, dans d autres cas, ce sont les algues qui en assurent la synthèse. L'hôte doit aussi canaliser l'oxygène issu de la photosynthèse pour éviter qu'il ne cause trop de dégâts à ses tissus. Ces processus nécessitent probablement plusieurs mutations dans l hôte et dans l endobionte. Des données récentes montrent que dans le cas de bactéries les mutations mises en jeu pourraient se produire très vite. En effet, la culture de Salmonella dans un milieu riche copiant un contenu intracellulaire et avec des goulots d étranglement pour mimer des événements de sélection, montre que ces bactéries perdent de l ADN au rythme de 0,05 pb/génération. La modification du génome est donc terminée en quelques semaines. Ceci se produit le plus souvent sous forme de délétions dont la taille peut atteindre jusqu à 200 kb. Chez des mutants muts affectés dans la réparation des mésappariements de l ADN, ce taux est 50 fois plus important. La mise en place de la dépendance du symbiote vis à vis de son hôte et réciproquement peuvent donc se produire dans des laps de temps très courts au regard de l évolution. Les autres symbioses mutualistes Les autres symbioses mutualistes sont aussi fréquentes et importantes que les endosymbioses et ont probablement participé à des évènements très importants pour la biosphère. La conquête du milieu aérien par des organismes photosynthétiques s est produite au moins deux fois grâce à ces symbioses : une première fois par des algues en 79

89 Encadré 11 De nombreux organismes possèdent dans leur cytoplasme des algues endobiontes appelées zooxanthelles ou zoochlorelles. Les zooxanthelles sont des Dinoflagellata du genre Symbiodinium endobiontes d'invertébrés et de protistes marins. Ces algues sont très étudiées dans le cadre de la biologie des coraux, car leur présence est nécessaire à la survie de ces cnidaires. Les zoochlorelles sont des Viridiplantae de genres variés (Choricystis, Elliptochloris, Auxenochlorella, Chlorella, Scenedesmus, etc.) endobiontes d'invertébrés ou de protozoaires d'eau douce et marins. Il est souvent possible de cultiver les deux partenaires indépendamment, mais dans la nature l association semble souvent obligatoire. La transmission des zooxanthelles et des zoochlorelles n est pas toujours effective. En effet, beaucoup de larves d'invertébrés ne reçoivent pas de leurs parents les symbiotes et les acquièrent a posteriori par endocytose. Souvent les algues ont un large spectre d'hôtes et réciproquement un même hôte peut arborer plusieurs types d endobiontes. Paramecium bursaria, un Ciliophora, héberge par exemple des algues de cinq espèces différentes. Zooxanthelles Coccomyxa sp. Auxenochlorella sp. 5 µm forme coccoïde endobionte forme flagellée Symbiodinium sp. Zoochlorelles Chlorella vulgaris L'apport de nutriments carbonés est l'avantage principal conféré à l'hôte. On sait que chez certaines chlorelles jusqu'à 40% des produits de la photosynthèse sont exportés. L hôte fournit en échange un certain nombre de déchets qui servent d'engrais pour les algues. Cette syntrophie permet la croissance du couple dans des milieux pauvres. Plusieurs chercheurs ont suggéré que le blanchiment et la mort des coraux seraient dûs à un effet de l'augmentation de température et/ou des UV sur les zooxanthelles, mais il semble que la raison en soit tout autre puisse que les coraux ont la possibilité de choisir entre plusieurs espèces qui peuvent s'adapter à ces changements de contraintes externes Les champignons vivent souvent en symbiose. Cependant, en général, ces symbioses ne sont pas endocellulaires et les rares champignons intracellulaires sont généralement des parasites. Néanmoins, une relation d'endosymbiose particulière entre une levure se. divisant par fission et une éponge (Chondrilla sp.) a été mise en évidence. Les éponges 80

90 Paramecium bursaria contiennent de nombreux zoochlorelles symbiotes procaryotes et eucaryotes, le plus souvent entre leurs cellules, ce qui est le cas de cette levure qui vit dans le tissu interstitiel de 10 µm l'éponge mais aussi à l'intérieur des cellules, apparemment directement en contact avec le cytosol. Au moment de la reproduction, les levures sont transmises verticalement via les ovocytes. On sait peu de choses sur cette symbiose, si ce n'est le fait que, lorsqu'elles sont extirpées de leur environnement, les levures meurent rapidement, suggérant une symbiose obligatoire. 5 cm 1 µm noyau septum de division vacuole Chondrilla sp. levures endobiontes association avec des champignons Eumycota pour donner les lichens (figure 46) et une deuxième fois par des Viridiplantae multicellulaires en association avec des Eumycota par ticuliers, Mucoromycotina et Glomeromycota, pour donner les plantes (figure 47). Certains chercheurs pensent que le flagelle, dont la complexité est si importante, n a pu apparaître que grâce à une ectosymbiose avec une bactérie, à l image de ce qui existe chez certains flagellés présent dans l intestin des termites qui ont des epibiontes bactériens permettant des déplacements (figure 48). Chez d autres protistes, des bactéries epibiontes participent à des réactions de défenses (figure 49). Le parasitisme Aussi importantes en nombre qu'en tant que moteur de l'évolution, les relations parasitaires sont omniprésentes dans la biosphère. Virtuellement chaque eucaryote 81

91 possède plusieurs parasites procaryotes, eucaryotes (figure 50) et viraux ; les parasites eux-mêmes n'étant pas exempts de parasites, les hyperparasites (figure 51)! Le parasitisme est apparu par évolution convergente dans pratiquement tous les groupes d'êtres vivants. On distingue deux types de parasites, les virulents et les opportunistes. Les parasites virulents, possédent une forte capacité d'invasion de l'hôte et une forte infectivité qui est mesurée à l'aide la mesure de la dose létale 50%, c'est à dire la dose de parasites injectés à laquelle la moitié des hôtes meurent. Ils montrent aussi un potentiel pathogénique important, c est-à-dire une capacité à détruire les tissus de l'hôte, à échapper aux systèmes de défenses ou à produire des toxines. Souvent ces parasites ont un faible spectre d hôtes qu ils peuvent infecter avec succès. Les relations qu ils entretiennent avec leur hôte deviennent plus ou moins rapidement obligatoires et ils ne sont jamais trouvés dans l environnement autrement que sous forme de propagules de dispersion (spores ou kystes). L étape ultime est quand ils ne peuvent plus être cultivés en Mixotricha paradoxa flagelles 1 µm bacille 20 µm spirochètes type 1 spirochètes type 3 spirochètes type 2 spirochètes bacilles Figure 48 Mixotricha paradoxa et ses épibiontes. Le flagellé Mixotricha paradoxa vit dans le tube digestif de termites et a longtemps surpris les biologistes. En effet, sa première description dans les années 1930 indiquait qu il utilise pour se déplacer à la fois quatre flagelles situés au pôle antérieur et de nombreux cils. Les études plus récentes ont dévoilé qu en fait les cils sont des bactéries spirochètes épibiontes. Les analyses en microscopie électronique et l identification moléculaire des espèces bactériennes ont montré qu au moins quatre types de bactéries différentes vivent fixés sur Mixotricha paradoxa. Des bacilles recouvrent uniformément le flagellé. Elles sont bien visibles au pôle postérieur dépourvus des autres epibiontes. Trois types de spirochètes sont présents dans des régions bien définies. Le type 1 au pôle antérieur et les types 2 et 3 selon une bande entourant le milieu de la cellule. Les bactéries assurent la mobilité de Mixotricha paradoxa ; les flagelles ne servent que de gouvernail. Elles empêchent l évacuation trop rapide du protozoaire par le flux de liquide dans le tube digestif. 82

92 cytostome épixénosomes 10 µm Euplotidium sp. cirrhes Figure 49 Euplotidium et ses épixénosomes. Les Ciliophora du genre Euplotidium sont des prédateurs se nourrissant d algues microscopiques qu ils phagocytent via leur cytostome ou bouche cellulaire. Ils se déplacent à l aide de cirrhes formés des cils agrégés. Ils sont eux-mêmes les proies d un autre Ciliophora, Litonotus lamella. Pour se défendre contre ce prédateur, les Euplotidium utilisent des epixénosomes présents sur leur face dorsale. Au contact du prédateur, les épixénosomes extrudent un long tube terminé par un crochet (à droite), empêchant la phagocytose. Les épixénosomes sont des bactéries du groupe des Verrucomicrobia. Seules les Euplotidium sans épixénosomes sont phagocytés efficacement par Litonotus lamella. D autres Ciliophora, comme les paramécies, des protozoaires et des algues diverses ont évolué répétitivement à partir de structures cellulaires des organites ayant la même fonction que les épixénosomes : les trichocystes ou les éjectosomes. dehors de leurs hôtes et qu ils sont donc devenus des parasites obligatoires. Ils ont alors bien souvent perdu une grande part de leur virulence initiale. Les pathogènes opportunistes ne peuvent se développer que si l hôte est affaibli, ce qui le cas par exemple des individus immunodéprimés, mais aussi par exemple des arbres blessés lors des tempêtes. Ces organismes n ont pas de stratégies clairement établies pour attaquer les hôtes, mais profitent soit de la faiblesse de leur réaction de défense, soit de points d entrée absent dans l hôte sain comme les blessures. Ils montrent souvent au contraire des parasites virulents un large spectre d hôtes et ils sont fréquemment retrouvés dans l environnement sous forme libre. Asterionella sp. (Bacillariophyta) Gymnodinium sp. (Dinoflagellata) Spyrogyra sp. (Viridiplantae) 83 Figure 50 Trois algues parasitées par des champignons. Les champignons parasites sont des chytridiomycètes (flèches), qui sont des champignons aquatiques se dispersant à la l aide de spores flagellées (zoospores). Ces champignons sont des pathogènes fréquents des algues mais aussi de divers autres protistes, voire des cyanobactéries.

93 Les parasites ont développé des stratégies souvent extrêmement complexes pour arriver à compléter leur cycle de vie. S'ils atteignent la maturité sexuelle dans l'hôte dit final, il est fréquent que pour y arriver, ils soient passés par un ou plusieurs hôtes intermédiaires, où à chaque fois ils doivent avoir mis en place répétitivement des programmes complexes et efficaces. En effet, pour pouvoir envahir avec succès un hôte, les parasites doivent reconnaître le bon hôte et s'y attacher fermement. Pour les endoparasites et surtout les parasites intracellulaires, il faut pénétrer l'organisme etsurvivre aux défenses mise en place par l'hôte. Il faut enfin pomper efficacement des nutriments pour se reproduire et disposer de moyens pour transmettre suffisamment de descendants à d'autres hôtes. Bien évidemment les hôtes mettent en œuvre des contremesures à chacune de ces étapes comme des mécanismes d évitement des lieux ou bien des individus porteurs des parasites. L homme ayant compris le mode de fonctionnement des «microbes» a par exemple développé l hygiène et la quarantaine. Notez que ces méthodes sont générales dans le monde vivant. Par exemple, les fourmis évacuent rapidement les cadavres de fourmis tuées par les champignons qui les infectent. Les autres stratégies incluent le 84 1 cm urédies de Puccinia striiformis F. sp. tritici hyphes de Cladosporium cladosporioides urédiospores 50 µm Figure 51 Les hyperparasites de la rouille jaune du blé Puccinia striiformis f. sp. Tritici. Sur une feuille de blé, la rouille jaune a produit des urédies contenant des spores. La rouille jaune est un parasite obligatoire qui ne peut être cultivé sans son hôte. Les urédies de droite sont parasitées par un champignon hyperparasite de la rouille jaune Cladosporium cladosporioides. Ce champignon vit aussi en saprotrophe et est fréquemment retrouvé à l intérieur des habitations. Il s agit donc d un pathogène opportuniste de la rouille jaune. Il en existe au moins trois autres : Lecanicillium lecanii, Microdochium nivale et Typhula idahoensis. Ces hyperparasites sont envisagés comme traitements alternatifs aux antifongiques pour se débarrasser de la rouille jaune qui peut causer d importantes pertes de rendement et de qualité des cultures. renforcement des protections par épaississement des parois, la secrétion de métabolites secondaires diminuant la prolifération des parasites comme les tannins de plantes, etc., des améliorations des systèmes de détection et de destruction des envahisseur comme les systèmes immunitaires innés et non-innés des animaux, les réponses hypersensibles et systémiques des plantes, les mécanismes d antibioses et d interférences hyphales chez les champignons, etc., ou encore le piégeage des réserves nutritives sous formes non

94 disponibles pour les parasites. C est le cas par exemple du fer qui est souvent lié de manière très forte à des protéines de stockage. Pour la plupart des microorganismes, le milieu intérieur des mammifères est carencé en fer. C est donc une course dite de la «Reine Rouge», en référence à Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, où Alice et la Reine de Cœur font du sur place : à chaque mesure, il faut une contre mesure pour ne pas disparaître de la course sanctionnée par la sélection naturelle et qui va être gagnée si l effectif des descendances produites est suffisant pour pérenniser l espèce ou la population. Dans le cas des relations hôtes/parasites, ceci est particulièrement crucial et demande des évolutions constantes et rapides car le moindre faux-pas aboutit rapidement à l élimination d un des deux partenaires. Ces processus sont très étudiés dans les cas de parasitismes à cause des répercussions médicales et agricoles, beaucoup plus que pour les relations mutualistes qui mettent pourtant en jeu les mêmes mécanismes moléculaires. Notez que si nous disposons d'une panoplie étendue d'antibiotiques et de vaccins pour lutter efficacement contre les bactéries parasites, il n'en va pas de même pour les parasites eucaryotes, où la pharmacopée est souvent réduite et les vaccins souvent inefficaces. Dans les sociétés occidentales, les principaux parasites sont de nature bactérienne ou virale, il n en va pas de même entre les tropiques, où les protozoaires parasites jouent un très grand rôle, ou chez les autres organismes (chez les plantes et les insectes, les parasites majeurs sont des champignons). La pluricellularité Dans les chapitres précédents, nous avons vu que les eucaryotes résultent de l assemblage de cellules différentes et que ces associations entre cellules d espèces distinctes continuent de se produire dans la biosphère. Certains chercheurs pensent que ces associations ont aussi pu conduire à une autre caractéristique du monde eucaryote : la multicellularité. Néanmoins, la majorité des biologistes pense que celle-ci ne résulte pas d associations entre cellules génétiquement différentes mais entre cellules génétiquement identiques. On peut définir la multicellularité (ou pluricellularité) comme la condition d un organisme composés de plusieurs cellules différenciées pour lequel les activités des différentes cellules sont coordonnées. Notez que certains chercheurs découplent cette définition en (1) multicellularité définissant les organismes possédant plusieurs cellules et (2) pluricellularité caractérisant les organismes possédant plusieurs cellules différenciées dont les activités sont coordonnées. Dans ce cadre, les organismes multicellulaires ne sont pas clairement différents des organismes coloniaux chez qui toutes les unités sont identiques, c'est pourquoi nous retiendrons l'équivalence de pluricellulaire et multicellulaire. On peut donc définir les organismes unicellulaires comme passant la totalité de leur vie sous forme d une seule cellule, les organismes coloniaux comme ceux 85

95 spores cellules germinales cellules somatiques 100 µm sporophore (sorocarpe) limax Volvox carteri Dictyostelium discoideum Figure 52 Deux exemples de pluricellularité simple. Volvox carteri est une Viridiplantae d eau douce. Elle est pluricellulaire mais ne différencie que deux types cellulaires : des cellules somatiques ressemblant à Chlamydomonas arrangées sous la forme d une sphère et des cellules germinales plus grosses qui vont redonner par mitose des sphères filles. L Amoebozoa Dictyostelium discoïdeum vit pendant une grande partie de son cycle sous forme d amibes isolées. Au moment de la reproduction asexuée, ces cellules se regroupent et produisent un organisme pluricellulaire, le limax ou pseudo-plasmode. Celui-ci rampe sur le substrat et va se positionner à la surface de la litière où vit Dictyostelium. discoideum. Il se transforme alors en un sporophore, souvent appelé sorocarpe chez de tels organismes, qui ressemble à un petit champignon. Le pied de ce sporophore est constitué de cellules apoptosées. résultant de l association de cellules identiques et les organismes pluricellulaires ou multicellulaires comme ceux possédant pendant au moins une des étapes de leur cycle de vie une forme constituée de plusieurs cellules. La multicellularité peut être simple, c est-à-dire n impliquer qu un nombre souvent réduit de cellules ayant des communications intercellulaires élémentaires et présentant peu de formes différentes, le plus souvent seulement deux : une «germinale» impliquée dans la reproduction et l autre «somatique» assurant le fonctionnement de l organisme (figure 52). Elle peut aussi être complexe et dans ce cas impliquer des communications intercellulaires sophistiquées au sein de tissus contenant plusieurs types cellulaires, telle que chez les animaux, les plantes ou les champignons. Une étude de la taille des organismes vivant basée sur l'étude des traces fossiles montre que la différence entre l'organisme le plus petit et celui le plus gros est de l'ordre de L'augmentation de taille semble s'être produite en deux étapes majeures, l'apparition de la cellule eucaryote et celle de la multicellularité des eucaryotes (figure 53). Récemment, il a été découvert des organismes de grande taille (une dizaine de 86

96 séquoia géant baleine bleue plus grosse cellule eucaryote taille des organismes (log (volume)) Gabonionta apparition des premiers organismes pluricellulaires Grypania faune d Ediacara plus grosse cellule procaryote apparition de la cellule eucaryote achritarches premières bactéries stromatolithes ans Archéen Protéozoïque Phanérozoïque photosynthèse oxygénique po2< 0,1% po2 = 1-2% po2 = 2-20% centimètres ; figures 53 & 54) datant de -2,1 milliard d'années, donc probablement plus anciens que les premiers eucaryotes, montrant que la multicellularité est apparue tôt au cours de l'évolution. Cependant, cette exception semble pour l instant unique et la nature des organismes ayant créé ces structures est inconnue. Il est toujours possible qu ils appartiennent à un groupe ni procaryote ni eucaryote aujourd hui disparu ou bien qu ils soient des eucaryotes primitifs. La multicellularité est donc un thème essentiellement spécifique à l'évolution des eucaryotes. En effet, s il existe bien des bactéries capables de former des thalles multicellulaires simples comme certaines cyanobactéries, les Myxococcales du groupe des δ-proteobactéries et les streptomycètes, les procaryotes n ont jamais produits d organismes pluricellulaires complexes. Cependant, il s agit d une vraie multicellularité car il existe des communications chimiques simples au sein de ces thalles bactériens pour coordonner leur développement et leur comportement et, dans certains cas, de vraies différentiations cellulaires sont observées. Par exemple, la cyanobactérie Nostoc différentie un thalle filamenteux comprenant deux types de cellules, les cellules végétatives qui assurent la photosynthèse oxygénique et les hétérocystes qui assurent la fixation de l azote atmosphérique (figure 55). La raison de cette différentiation est que 87 Figure 53 Evolution de la taille des organismes. Les stromatolithes sont des fossiles de cyanobactéries coloniales, les achritarches sont probablement des fossiles de thèques protégeant des cellules eucaryotes (voir page 25) et la faune d Edicara sont les premiers fossiles d animaux connus.

97 Figure 54 Groupe fossile de Franceville ou Gabonionta. Ces fossiles de grandes tailles (jusqu à 17 cm) ont été trouvés au Gabon dans une couche géologique datant de -2,1 milliard d années. Leur apparition suit l augmentation de l oxygène dans l atmosphère observée après la survenue de la photosynthèse oxygénique. La présence d organismes complexes à une date aussi ancienne est encore mal expliquée : procaryotes complexes, premiers eucaryotes pluricellulaires ou groupe disparu sans laisser de descendants? l enzyme responsable de la fixation d azote étant très sensible à l oxydation. Cette fixation ne peut en aucun cas se produire dans une cellule qui rejette de l oxygène. Les cellules 1 cm apparaissent sous forme de chaines de cellules photosynthétiques interrompues par les hétérocystes dont la différenciation implique PatS une protéine diffusible jouant un rôle dans la communication entre les cellules. Les échanges de métabolites se font via des micro-canaux protéiques. Les hétérocystes ne sont plus capable de division ; les Nostoc ont donc un début de différentiation lignée somatique/lignée germinale. Les chaines de Nostoc s associe au sein d une matrice extracellulaire pour former des thalles simples mais pouvant atteindre plusieurs centimètres de diamètre. Cependant, les Nostoc et les autres procaryotes ne différencient jamais des tissus ou des organes, même si les biofilms bactériens ressemblent par certains côtés à des tissus, ils n'ont pas le même degré 1 mm Figure 55 Nostoc, une cyanobactérie pluricellulaire. Les cyanobactéries terrestres du genre Nostoc sont capables de former des colonies gélatineuses de formes différentes (sphères, amas biscornus, etc.). Les colonies survivent bien à la dessiccation ; elles deviennent plates et plus ou moins cassantes. Après réhydratation, la colonie reprend sa forme et son métabolisme. Celui-ci est découplé dans deux types cellulaires différents. Les hétérocystes fixent l azote, les cellules plus petites photosynthétisent. Ces cyanobactéries ont donc adopté une multicellularité simple 88 Nostoc sp. 20 µm hétérocystes d'intégration que les tissus eucaryotes. Chez les eucaryotes, la colonialité et la pluricellularité sont apparues plusieurs fois dans des groupes phylogénétiquement très disparates et ceci à des degrés divers (figure 56). Certains sont essentiellement multicellulaires comme les Oomycota, les Pheophyta, les Embryophyta et les

98 Diaphoretickes Philippe Silar simple Excavata Amorphea Holozoa Opisthokonta Holomycota Conosa Amoebozoa Lobosa Archaeplastida Streptophyta Stramenopila Alveolata Rhizaria Mesomycetozoa Metazoa Choanoflagellata Nucleariida Cryptomycota Eumycota Breviata Discosea Tubulinea Mycetozoa Archamoeba Variosea Glaucophyta Rhodophyta Chlorophyta Embryophyta + algues apparentées autres algues Streptophyta Hacrobia Ochrophyta Pseudomycota Bigyra Ciliophora Dinoflagellata Apicomplexa Radiozoa Foraminifera Cercozoa Metamonada Discoba multicellulaires Metazoa. Il est donc plausible que l ancêtre commun à chacun de ces groupes était pluricellulaire. Pour d autres taxons, il existe des espèces unicellulaires, coloniales et des espèces multicellulaires. C'est le cas par exemple des Rhodophyta, des Viridiplantae et des Eumycota. Dans ce cas, l'évolution de la multicellularité peut être complexe avec des pertes et des gains récurrents. Un cas frappant est celui des Viridiplantae de l ordre des Chlamydomonadales (figure 57), chez qui la multicellularité a été inventée de multiples fois et chez qui des espèces proches sont multicellulaires (Volvox et Pleodorina), coloniales (Gonium, Pandorina, Volvulina et Eudorina) ou unicellulaires (Chlamydomonas). La phylogenèse de ces différentes formes est complexe et montre que la transition unicellulaire/colonial vers pluricellulaire s'est produite plusieurs fois (figure 57). La multiplicité d'apparition et de perte de la colonialité et de pluricellularité chez les eucaryotes est soutenue par les phylogénies moléculaires (figure 56). Elle aussi confirmée par le fait que chez les différents groupes coloniaux/pluricellulaires la matrice extracellulaire qui maintient la cohésion entre les cellules est composée de composants 89 Figure 56 Evolution de la multicellularité chez les eucaryotes. La présence des divers types d organisation dans les principales lignées d eucaryotes est signifiée par un +.

99 90 Chlamydomonas Gonium Volvox Volvulina Pandorina Volvulina Eudorina Eudorina Volvox Pleodorina Eudorina Pleodorina Eudorina Volvox Pleodorina Volvox Pleodorina Pandorina Volvulina Figure 57 Relations phylogénétiques chez certaines Chlamydomonadales. Les formes Volvox, Pleodorina, Volvulina et Eudorina, anciennenemnt considérées comme des genres, ont évolué à plusieurs reprises chez les algues Viridiplantae de l ordre de Chlamydomonadales, comme l indique la phylogénie moléculaire de gauche basée sur la séquence de l ARN ribosomique. distincts : collagènes et autres protéines chez les Metazoa, paroi pectocellulosique chez les Viridiplantae et paroi chitino-glucanique chez les Eumycota, etc., et que la multicellularité s est construite de différentes manières. Cela suggère qu elle a surgi grâce à des mécanismes différents et sous des pressions de sélection variées. En effet, les pressions de sélection mises en jeu pour l'établissement de la multicellularité sont très diverses. Souvent il s'agit soit de différencier des types cellulaires qui vont permettre de mieux effectuer une diversité de tache, soit de permettre un accroissement de la taille de l'organisme, en particulier en réponse à la prédation (Encadré 12). Un exemple amusant est celui postulé pour les Volvox. Il semblerait que ces algues, tout comme les chlamydomonas unicellulaires, soient plus lourdes que l eau et doivent perpétuellement nager pour se trouver localisées dans la bonne région de la colonne d eau nécessaire à une photosynthèse efficace. Chez Chlamydomonas, la division cellulaire, et le réarrangement de cytosquelette qui lui est associé, stoppe la natation, et donc l algue coule. Elle ne peut par conséquent plus effectuer sa photosynthèse pendant une brève période. Elle ne peut pas non plus échapper à ses prédateurs. Ce n est pas le cas pour Volvox car la division du travail entre cellules somatiques nageuses et cellules germinales assure une flottaison constante. Ce mécanisme pourrait en fait être très général car de nombreux types cellulaires ne peuvent à la fois gérer le maintien d'un flagelle et celui d'un fuseau mitotique, les deux ayant souvent la même origine microtubulaire. La coopération d'une lignée germinale assurant la reproduction et d'une lignée somatique assurant le déplacement serait alors crucial, pour échapper aux prédateurs. Cependant, Volvox n ayant pas remplacé Chlamydomonas dans les mares, la pression de sélection ne doit pas être aussi simple (voir Encadré 12). Division du travail et échappement aux prédateurs ne sont pas les seules pressions possibles. Par exemple, chez les champignons, l apparition de la multicellularité est plus probablement liée à la nécessité de se propager dans le milieu terrestre. Pour ces organismes, les spores sont d autant mieux dispersées que leur point Volvox Eudorina Gonium Chlamydomonas

100 Encadré 12 Deux expériences relatant la mise en place de "multicellularité" dans des conditions de fortes pressions de sélection nous apportent quelques éclaircissements sur les mécanismes à même de la générer. Au laboratoire, l'algue Viridiplantae Chlorella vulgaris se reproduit sous forme strictement unicellulaire. La situation change si on la soumet à de la prédation par Ochromonas vallescia, une algue Chrysophyta. Cette algue est hétérotrophe bien que possédant un plaste, car celui-ci est incapable d'assurer la photosynthèse. Chlorella vulgaris forme coloniale Chlorella vulgaris forme unicellulaire 10 µm 91 Ochromonas valescia En quelques générations (entre 10 et 20), la population d'algues est dominée par des algues "pluricellulaires" qui résultent d'une séparation incomplète après mitose entre les cellules de Chlorella vulgaris. Celles-ci restent groupées en paquet de 8 individus en moyenne. Ce changement est probablement d'ordre génétique car si les Ochromonas sont enlevés, les algues restent pluricellulaires pendant de nombreuses générations. Elles sont cependant remplacées rapidement par des cellules isolées dans certaines conditions d'éclairement, en particulier lorsqu il y a une alternance de jours et de nuits. L'interprétation est que les prédateurs ne peuvent pas consommer les colonies devenues trop grosses et qui possèdent donc un avantage sélectif. Celles-ci sont par contre désavantagées pour la photosynthèse probablement parce que les cellules se masquent entre elles. Notez qu'au cours de l'expérience, les auteurs n'ont pas vu de modification du prédateur qui aurait pu s adapter à manger des proies plus grosses. Ces résultats amènent à se poser une question : Pourquoi dans la nature, les chlorelles sont unicellulaires? En fait, tous les prédateurs ont non seulement un maximum de taille pour capturer des proies mais aussi un minimum. Par exemple, Ochromonas valescia rejette les proies faisant moins de 3 µm. Il est donc probable que dans des conditions naturelles, les colonies de huit chlorelles, mais pas les chlorelles isolées car trop petite, soient la

101 proie d'autres prédateurs potentiellement plus gros et voraces qu Ochromonas valescia. Cette expérience indique donc que, sous la pression de la prédation, la mise en place d'un organisme colonial à plusieurs cellules peut être très rapide (10-20 générations), mais explique aussi pourquoi il existe encore des êtres unicellulaires! La deuxième expérience a consisté à sélectionner des individus de la levure Saccharomyces cerevisiae pour leur capacité à sédimenter vite dans un premier temps par la simple gravité puis en centrifugeant 10 secondes à 100 g. Rapidement, c est-à-dire après environ 60 étapes de sélection (ce qui peut se faire en deux mois si une sélection journalière est opérée), des colonies sphériques en forme de flocon de neige et comportant plusieurs dizaines d individus dominent les cultures. Celles-ci ont des tailles définies. cellule apoptosée sélection par la sédimentation 10 µm Saccharomyces cerevisiae colonie fille en formation Les colonies résultent de la séparation incomplète des cellules filles qui ont bourgeonné, mais pas de l agrégation des cellules via par exemple les protéines de floculation. Les «flocons» sont donc génétiquement homogènes. La reproduction des colonies se fait par fragmentation et non pas par la division d une cellule initiale. Pour que la fragmentation ait lieu il faut que les colonies aient atteintes une taille critique, ce qui met en évidence que la colonie possède un stade juvénile pendant lequel elle ne peut pas se reproduire et un stade adulte reproducteur. Enfin, après une trentaine d étape de sélection, des génotypes cellulaires déclenchant des apoptoses de certaines cellules permettent de mieux réguler la taille des colonies, leur conférant des taux de sédimentation/fragmentation optimaux. En effet, plus les amas sont gros plus ils sédimentent vite mais moins ils se reproduisent. Les cellules apoptotiques étant plus fragiles, elles vont faciliter la genèse de colonies filles. Il s est donc rapidement mis en place une division du travail avec certaines cellules qui «se sacrifient» pour que la colonie/organisme se reproduise plus efficacement et gagne la course à l évolution. 92

102 germination fructification sporophore sorogène agrégation phase trophique avec division des cellules de départ est placé en hauteur. Certains champignons inférieurs différencient pour ceci des cellules géantes pouvant mesurer plus de 10 cm. Cependant, ces cellules sont fragiles et le vent peut les coucher facilement. Les champignons supérieurs sont eux capables de Figure 58 La multicellularité agrégative. Les organismes présentant une différencier des multicellularité agrégative passent une partie de leur vie sous forme sporophores unicellulaire. C est le moment où ils absorbent de la nourriture et que les pluricellulaires plus cellules se divisent. Un stimulus, souvent la carence nutritionnelle, va déclencher leur agrégation sous forme d un sorogène multicellulaire doué solides et pouvant d autonomie. Celui-ci poursuit son développement en se transformant en monter plus haut. sporophore qui va porter des spores. La taille et la forme des sporophores sont très variables, mais ils mesurent en général moins de 1 mm. Lorsqu elles Enfin, il a été montré sont placées dans de bonnes conditions les spores germent et donnent que chez des naissance à des cellules isolées, marquant le retour à l état unicellulaire. Dans ce type de multicellularité des cellules génétiquement différentes peuvent Viridiplantae de la s assembler, ce qui peut donner lieu à des conflits où certains génotypes famille des cherchent à maximiser leur chance de dispersion au profit des autres, en consacrant par exemple moins de cellules pour fabriquer le pied du Ulvophyceae, des sporophore. molécules d origine bactérienne participent à la morphogenèse. Chez les Choanoflagellata, la formation de colonies (ou rosettes) est provoquée par la sécrétion de sulfonolipides par des bactéries du phylum des Bacteroidetes qui sont des proies usuelles de ces flagellés. Ces observations très surprenantes suggèrent que la mise en place de la multicellularité peut aussi être une réponse à la présence de microorganismes potentiellement dangereux ou servant de proies. La raison évolutive de ce mécanisme est pour l instant mystérieuse mais pourrait être liée à une réponse au stress. Deux grands types de mécanismes sont avancés pour expliquer l'apparition d organismes constitués de plusieurs cellules, qu ils soient coloniaux ou vraiment multicellulaires. Premièrement, il existe des organismes passant la période végétative de leur cycle sous forme de cellules indépendantes. Après un stimulus, ces cellules vont se regrouper pour former un organisme en possédant parfois plusieurs millions et qui chez certaines espèces peut se présenter sous forme d une limace douée de motilité, le pseudo-plasmode ou limax (figure 58). Une fois positionné correctement, cet ensemble de 93

103 exemples segmentation (développement embryonnaire) animaux plantes supérieures algues brunes (Phaeophyta) algues rouges (Rhodophyta) schizogonie Myxomycètes (Myxogastrida) plasmode cytokinèse incomplète avant la formation de la paroi /matrice extracellulaire algues (gonium...) protistes coloniaux recrutement et prolifération de cellule autour d un centre organisateur fructification des champignons Eumycota cellules se métamorphose en un sporophore, le sorocarpe. Cette colonialité / pluricellularité est dite agrégative. Sa complexité semble maximale chez les Dictyostelida du phylum des Amoebozoa. En effet, chez Dictystelium discoideum (figure 52) et les espèces apparentées, le pseudo-plasmode doué de motilité est constitué d au moins trois types cellulaires différenciés, avec des cellules appelées à devenir les spores dites cellules pré-spores, des cellules qui vont s apoptoser pour donner la tige du sorocarpe, lescellules pré-tiges dont il existe trois sous-types, et des cellules immunitaires chargées d éliminer les bactéries potentiellement pathogènes présentes dans le pseudo-plasmode appelées cellules S. Au cours de la morphogenèse, les cellules pré-spores s organisent sous forme d un épithélium polarisé. Malgré ces caractéristiques, la pluricellularité agrégative qui est apparue au moins sept fois au cours de l évolution (figure 56) reste simple et n a pas produit d organismes à multicellularité complexe. Celle-ci a été produite uniquement par l autre type, la multicellularité non-aggréative. Dans ce type, les cellules proviennent de la 94 Figure 59 La multicellularité non-aggrégative. Ce type de multicellularité peut résulter de plusieurs mécanismes différents dont les grands types sont représentés. Dans tous les cas, elle résulte de la cohésion de cellules résultant de la même cellule ancestrale (ou dans certains cas, de plusieurs cellules comme pour l élaboration de la fructification chez les champignons). Si toutes les cellules dérivent d une seule cellule mère, elles sont génétiquement homogènes (il existe peu de cas décrits où la différenciation s accompagne de modifications génétiques), ce qui abolit les conflits entre cellules.

104 division d une cellule dont les filles restent attachées les unes aux autres (figure 59). C est typiquement ce qui se passe chez les organismes à multicellularité complexe qui résulte du développement d un zygote ou, comme chez les champignons, de la prolifération de cellules. La cellule initiale peut se diviser de manière classique ou bien subir une schizogonie (figure 59). Dans le premier cas, comme dans la pluricellularité agrégative, la colonialité/multicellularité résulte de l adhésion des cellules les unes aux autres, alors que dans le second cas, elle résulte de la fragmentation d un organisme plurinucléé, un évènement souvent appelé cellularisation car il donne naissance à des cellules classiques possédant un nombre fixe de noyaux (souvent - rétroaction négative: homéostasie un). Ces deux A B régulation mécanismes sont répandus dans le monde vivant. Par + rétroaction positive: bistabilité exemple, le A B état différenciés développement embryonnaire de l œuf - des vertébrés suit le répressions réciproques: bistabilité premier mode, alors A B état différenciés que celui des insectes - suit dans ses premières - étapes le second mode. A B La schizogonie est - oscillateur à trois composants présente chez de rythmes nombreux protistes C - (Myxogastrida, Foraminifera, 95 Figure 60 Interactions possibles dans les réseaux de biosynthèse ou de régulation. Les molécules au sein des cellules interagissent entre elles et peuvent générer des phénomènes dits «émergents», c est-à-dire ayant des propriétés particulières supplémentaires à la simple addition des molécules interagissantes. Par exemple, lorsque le produit B d une réaction inhibe sa propre synthèse en interagissant avec l enzyme catalysant la réaction de A vers B, cela conduit à une homéostasie de la quantité de cette molécule même si la concentration du substrat A fluctue. Ce mécanisme est fréquemment rencontré dans les cellules, car c est un mécanisme important dans la régulation de l homéostasie cellulaire. Au contraire, lorsque le produit B favorise la catalyse de sa production, cela conduit à une différenciation. En général, la catalyse ne se produit que lorsque le substrat A atteint un seuil critique. La cellule ne peut en conséquence pas contenir une quantité trop grande de A, sinon la réaction démarre et B apparait. Le même type de phénomène se produit si A et B inhibent réciproquement leur propre synthèse : une cellule ne pourra pas à la fois contenir A et B. Le fait qu elle contienne plutôt A ou plutôt B repose sur les concentrations initiales de A et de B et des intensités des répressions. La différenciation cellulaire est basée sur l accumulation de telles boucles de rétroactions/répression. Leurs nombres déterminent la stabilité/réversibilité des différentiations. Des relations plus complexes entre molécules conduisent à d autres phénomènes émergents souvent difficilement prévisibles. Par exemple, trois molécules qui répriment séquentiellement leur synthèse vont provoquer un comportement oscillatoire de leur production et donc à la genèse de rythmes.

105 Plasmodium ) qui ne sont pas tous pluricellulaires. En effet, cette division peut survenir après une phase végétative longue comme celle d un plasmode cherchant activement ses proies (figure 59). Ces cellules géantes peuvent atteindre une vingtaine de centimètres de diamètre et contenir des milliards de noyaux. Chez les Myxogastrida, elles se transforment en un sporophore multicellulaire, alors que chez les Foraminifera elles se cellularisent sous forme de cellules indépendantes. Les Myxogastrida sont donc considérés comme des organismes pluricellulaires alors que les Foraminifera ne le sont pas. Chez les champignons Pezizomycotina où le zygote reste plurinucléé, un mécanisme de cellularisation similaire est en jeu et produit des cellules possédant deux noyaux qui vont continuer un développement impliquant des divisions particulières et qui va culminer par la formation des asques. Celles-ci sont incluses dans une fructification pluricellulaire dont les cellules sont d origine maternelle. Une fois constitués de plusieurs cellules, les organismes coloniaux ne deviennent vraiment multicellulaires que si ces cellules se différencient les unes des autres pour effectuer différentes tâches. Ces états différenciés sont souvent associés avec des communications à plus ou moins longue distance qui viennent renforcer l intégration des différentes cellules au sein de l organisme pluricellulaire. A chaque groupe d organismes multicellulaires, les molécules mises en jeu et les réseaux dans lesquels elles sont insérées sont différents. Il existe néanmoins des molécules qui semblent être réutilisées de manière récurrentes : facteurs de transcription à homeodomaine, voies MAP kinase, histones modifiées, petits ARNs, hormones, facteurs de croissance proteiques, etc. Les différenciations atteignent leur summum chez les animaux, mais elles sont présentes chez beaucoup d organismes, y compris des organismes que l on considère comme essentiellement unicellulaires, comme les levures. Cependant, le terme de différenciation cache de nombreux sens. Par exemple, dans une colonie de levures ou de bactéries, telles que celles observées sur des boites de Petri, il existe des états différenciés qui se forment grâce à des gradients de nutriment, d oxygène ou de déchets tel que l ammonium. De même, plusieurs protistes ont la capacité de changer de formes en fonction des conditions environnementales, passant par exemple entre une forme amibe dans les milieux asséchés et sous forme flagellée lorsque l eau est abondante. Si ces états ne peuvent pas être considérés comme de vraies différenciations terminales, c est-à-dire irréversibles et définitives pour une cellule qui ne changera plus telles que celles présentes chez les organismes à multicellularité complexe, ils font appel aux mêmes mécanismes moléculaires pour se mettre en place. En effet, à de rares exceptions près, les états différenciés ne résultent pas de modifications génétiques mais de modifications de l expression de gènes. Les contre-exemples sont, entre autres, la capacité des différents lymphocytes chez les mammifères à secréter un type précis d anticorps qui met en jeu des délétions d une partie du locus des immunoglobulines ou le passage entre les formes sexuelles mat a et mat α chez Saccharomyces cerevisiae qui implique un évènement de conversion génique. Les modifications d expression peuvent être réversibles et tombent 96

106 sous unité stabilisatrice Philippe Silar extérieur Figure 61 Structure et fonctionnement de l oxydase du NADPH typique. Les oxydases du NADPH sont des enzymes de la membrane plasmique capables de produire des ions superoxydes en utilisant des électrons provenant du NADPH. Les ions superoxydes sont produits à l extérieur de la cellule ou dans des vésicules dont l intérieur est l équivalent topologique de l extérieur de la cellule. Ces ions peuvent soit servir à détruire d autres cellules (c est la réaction qu engagent les phagocytes pour détruire les corps étrangers ou les cellules de plantes au cours de la réponse hypersensible) ou bien servir à la signalisation. Il existe des isoformes, en particulier chez les plantes, où le complexe de régulation et la sous-unité stabilisatrice sont absents et sont remplacés par des séquences de réponse au calcium situées en N-terminal de la sous-unité catalytique. 97 cytoplasme 2 O 2 2 O 2 - sous-unité catalytique complexe de regulation NADPH NADP + + H + défense (phagocytes) signalisation intercellulaire ou intracellulaire plutôt dans le champ des évènements de régulation ou bien difficilement réversibles, voire irréversibles, et peuvent être considérées comme de vraies différenciations terminales. La figure 60 montre comment des interactions particulières dans des réseaux de régulation peuvent conduire à des phénomènes régulatoires réversibles, des états différenciés irréversibles ou bien des phénomènes oscillants comme dans les phénomènes rythmiques. Les états différenciés sont caractérisés par la présence de boucles de régulation auto-catalytiques ou rétroactions positives conduisant à l accumulation de certaines molécules. L irréversibilité est plus ou moins forte en fonction des modifications apportées aux réseaux de régulation, souvent en relation avec le nombre de boucles de rétroaction positive. Par exemple, chez les animaux, la dédifférenciation des cellules est impossible sans apporter des modifications génétiques ; chez les plantes il faut souvent enlever la paroi pour obtenir un retour à l état totipotent ; chez les champignons toutes les cellules sont souvent considérées comme totipotentes et sans différenciation terminale car pouvant régénérer la totalité de l organisme simplement si elles sont isolées des autres et ré-inoculées sur un milieu nutritif. Néanmoins, il semble exister au sein des fructifications de champignons des cellules différenciées de manière irréversible incapables de se diviser, dans le lignage conduisant aux asques par exemple. Les états différenciés sont donc provoqués pour la plupart par des modifications épigénétiques et non génétiques. Chez les protistes, si une partie de ces modifications se produisent au niveau de la chromatine comme chez les animaux et les plantes, il existe des exemples chez différentes espèces basés sur des modifications des réseaux de signalisation («switch

107 épigénétiques» chez les levures basés sur des états alternatifs d expression de facteurs de transcription, variabilité antigéniques liée à la séquestration dans des régions particulières du noyau de gènes codant des protéines de surface, secteurs et phénomènes apparentés chez les champignons dont au moins un est liés à des activations irréversibles de voies «MAP kinase», etc. ) ou des modifications de la structure des protéines comme les prions chez les levures et les champignons filamenteux ou d échafaudage moléculaires, entre autre chez les paramécies (voir Encadré 21). En résumé, les protistes eucaryotes mettent en place des mécanismes aussi sophistiqués et basés sur les mêmes mécanismes moléculaires que les «eucaryotes supérieurs» pour différencier des cellules, qu ils soient unicellulaires ou pluricellulaires. Sur la figure 53, il est possible de voir que les deux sauts en taille des organismes au cours de l histoire de la biosphère semblent être corrélés avec une augmentation de la pression en oxygène dans l atmosphère. Si l apparition de la cellule eucaryote via l endosymbiose mitochondriale semble être une réponse pour survivre à la présence d O 2, l apparition des organismes à pluricellularité complexe, comme les animaux, ne semble avoir pu se produire que lorsque la pression en oxygène a été suffisante. En effet, il est probable que dans les premiers organismes pluricellulaires il n existait pas de système permettant de répartir l oxygène, à l image de notre système sanguin. Seule une pression supérieure à 2% a pu permettre aux cellules situées au centre d amas de grande taille de respirer correctement. C est peut être une des raisons qui fait que malgré la diversité des mécanismes qui ont conduit à la colonialité puis à la multicellularité, il existe un enzyme qui semble être un marqueur de celle-ci. Il n est pas absolu car il existe plusieurs exception mais en général les organismes pluricellulaires possèdent des oxydases du NADPH, alors que les unicellulaires n en possèdent pas. Ces enzymes sont membranaires et génèrent des ions superoxydes extracellulaires à partir de l oxygène moléculaire en consommant du NADPH (figure 61). Elles sont donc idéales pour mettre en place une signalisation intercellulaire qui connecte l'état métabolique d'une cellule via la concentration en NADPH à un signal diffusible à courte durée de vie affectant les cellules voisines : les ions superoxydes extracellulaires. Certains chercheurs pensent que ces enzymes sont aussi capables de détecter la pression en oxygène. Ceci pourrait permettre aux cellules de se localiser dans un amas pluricellulaire. Les cellules les plus internes étant les moins en contact avec l'oxygène et donc produisant le moins de superoxydes. Cela permetraitt une différenciation harmonieuse des structures différenciées. Il semble donc que malgré une émergence récurrente de la pluricellularité, celle-ci aurait pu utiliser initialement un même signal : la pression en oxygène couplé à la capacité à produire de la biomasse car le NADPH servant essentiellement dans des réactions anaboliques mesure l activité anabolique. Cette hypothèse semble se confirmer chez les champignons car ces enzymes sont souvent absentes chez les espèces vivant uniquement sous forme levure et sont nécessaires pour l élaboration des fructifications chez les Ascomycota et les Basidiomycota multicellulaires. Plus récemment, il a été montré que l inactivation des gènes codant ces protéines chez 98

108 Dictyostelium discoïdeum aboutit à des défauts au niveau du stade pluricellulaire de cet organisme à multicellularité agrégative alors que les amibes unicellulaires n ont aucun défaut, une confirmation supplémentaire de cette hypothèse. Une fois ce premier type de communication mis en place, des signaux plus performants basés sur des petites molécules (hormones) ou des protéines (hormones et facteurs de croissance) ont pris le relai. L étape suivante de complexification des organismes eucaryotes semble être l association au sein de société d individus, à l image de ce qu il se passe chez les animaux sociaux. Chez les protistes ces sociétés bien que moins complexes semblent exister. Vu sous un certain angle, les organismes à multicellularité agrégative sont des sociétés de cellules. Comme dans toutes les sociétés, il existe chez ces organismes des tricheurs qui vont essayer de maximiser leur reproduction au détriment des autres cellules. L analyse des comportements de ces cellules pourrait révéler des invariants de ces comportements, éventuellement applicables à des sociétés plus complexes telles que les sociétés animales ou humaines. De même, il a été décrit en 2011 une agriculture primitive chez Dictyostelium discoideum. Jusqu à cette découverte l agriculture et l élevage était un apanage des sociétés humaines et animales, comme chez les fourmis par exemple. Chez Dictyostelium discoideum, certaines souches semblent ne pas manger toutes les bactéries disponibles qui sont alors incorporées dans les sporophores. Les bactéries sont dispersées avec les spores et servent ensuite d inoculum pour initier des nouvelles «cultures» de bactéries appropriées à l alimentation des amibes. Ce comportement n est pas présent chez toutes les souches. Il existe donc une dichotomie, à l image de ce qui se passe dans les sociétés humaines, entre les chasseurs-cueilleurs et les agriculteurs! En conclusion, l émergence répétitive de la multicellularité où des cellules identiques s associent, à l image des symbioses où des cellules différentes s unissent, est un thème majeur de l évolution des eucaryotes (figure 62). Son acquisition a été un prérequis à l évolution des animaux et des plantes. S il existe quelques cas où elle semble avoir régressé, comme chez certaines levures par exemple, dans l ensemble l évolution semble avoir plutôt conduit à son apparition répétitive et son perfectionnement, ce qui suggère que les organismes pluricellulaires plus complexes sont dans de nombreux biotopes mieux équipés pour gagner la course à l évolution que leurs cousins unicellulaires. L ensemble des évènements de symbioses et d acquisition de la multicellularité ont conduit à une évolution très complexe des cellules eucaryotes, dont nous ne connaissons pas encore tous les détails. La figure 62 n est qu une représentation très simplifiée des évènements majeurs! 99

109 Figure 62 Résumé des étapes importantes de l évolution des eucaryotes. Seuls les évènements majeurs d endosymbioses et conduisant à une multicellularité complexe sont représentés. L histoire commence avec l endosymbiose mitochondriale, il y a probablement deux milliards d années. Les analyses phylogénétiques, explicitées dans la seconde partie du livre, indiquent que trois grandes lignées ont rapidement divergées après cet évènement créateur des eucaryotes. Celle des Excavata a connu une évolution relativement simple marquée semble-t-il par un seul évènement d endosymbiose secondaire impliquant une Viridiplantae. Aucun organisme de ce groupe ne semble avoir acquis la multicellularité. Celle des Amorphea n a pas connu d endosymbiose conduisant à l établissement de plastes, mais a été marquée par l acquisition récurrente de multicellularité agrégative ou non. Dans ce groupe, la multicellularité complexe a évolué une fois chez l ancêtre des animaux et probablement deux fois chez les champignons supérieurs. La dernière lignée appelée Diaphoretickes a connu une évolution très complexe. L endosymbiose primaire et les endosymbioses secondaires multiples ont généré de très nombreuses lignées d algues à partir de phagotrophes, aboutissant à une mosaïque de groupe apparentés se nourrissant soit par phagotrophie, soit par photosynthèse soit des deux manières. Un groupe, les pseudo-champignons, a même subi une perte de la phagotrophie et l acquisition du mode particulier de nutrition des champignons (l osmotrophie). La multicellularité agrégative ou non est apparue à de très multiples reprises dans diverses lignées de Diaphoretickes. La multicellularité complexe a évolué au moins trois fois : chez les algues rouges (Rhodophyta), chez les algues vertes (Viridiplantae) et chez les algues brunes (Phaeophyta). 100

110 Amorphea multicellularité sortie de l eau animaux phagotrophes uniet pluricellulaires α-protéobactérie ancêtre de la mitochondrie champignons vrais sortie de l eau multicellularité champignons supérieurs endosymbiose mitochondriale LECA Excavata phagotrophes unicellulaires algues cellule proto-eucaryote apparentée au archées TACK algue verte endosymbiose secondaire cyanobactérie du clade A ancêtre du plaste endosymbiose primaire Diaphoretickes phagotrophes uniet pluricellulaires pseudochampignons algues unicellulaires algues rouges uni- et pluricellulaires multicellularité plantes Viridiplantae multicellularité sortie de l eau algues rouges algue verte algues vertes uni- et pluricellulaires multicellularité algues brunes phagotrophes uniet pluricellulaires algues uni- et pluricellulaires 101

111 Figure 63. La classification en 3 règnes d Ernst Haeckel (Generelle Morphologie der Organismen, 1866). Dans cette classification les champignons sont considérés comme des végétaux et les éponges comme des protistes. 102

112 Deuxième Partie : Diversité du monde eucaryote Un petit historique de la classification des organismes vivants Les eucaryotes dits "supérieurs", auxquels nous sommes habitués par la vie quotidienne, c'est à dire les animaux et les plantes, adoptent une variété de formes et de "comportements" qui nous semble immense. Cette biodiversité animale et végétale, qui est celle la plus exposée par les médias, masque en fait l étendue réelle de la variété du monde vivant, et plus particulièrement de celle des protistes. En effet, les eucaryotes "supérieurs" ne représentent qu'une infime fraction de la diversité totale des eucaryotes. Celle-ci se concentre en fait dans les différents groupes de protozoaires, d algues et de champignons. En particulier, certains eucaryotes dits "inférieurs" présentent des caractéristiques biologiques uniques dont des fonctionnements des processus moléculaires élémentaires (réplication de l ADN, expression des gènes, métabolismes, etc.) fortement divergents ; certains ont adopté des styles de vie très originaux et surprenants. L'étude de des protistes eucaryotes dans toute leur diversité permet donc souvent de mieux comprendre comment certains processus biologiques se sont mis en place, comment ils se sont maintenus ou comment ils ont disparu au cours de l évolution. Un prérequis pour comprendre cette évolution est d avoir une bonne connaissance de la biosphère eucaryote dans toute sa complexité. Il est donc nécessaire après l'établissement d'un inventaire complet, d'essayer de ranger les eucaryotes selon un classement phylogénétique, car il met en valeur les relations évolutives que les organismes ont les uns par rapport aux autres, permettant de mieux comprendre l'évolution du monde vivant. Outre l'aspect fondamental visant à comprendre le vivant, la connaissance de la position phylogénétique des organismes permet aussi de proposer des stratégies pour les contrôler. C'est particulièrement vrai pour certains organismes parasites. Leur morphologie est généralement insuffisante pour les classer et l'apport des données moléculaires est alors critique. Par exemple, Blastocystis hominis, parasite de l'homme qui habite l'intestin a trouvé sa position phylogénétique grâce à la séquence des ARNr. Il fait partie des Heterokonta, organismes possédant généralement deux flagelles dissemblables, alors que Blastocyctis hominis en est dépourvu. Les mêmes analyses indiquent qu'il s'agit en fait probablement d'un complexe d'espèces. C'est le premier organisme de ce phylum décrit comme infectant l'homme et pour lequel des stratégies thérapeutiques restent donc à mettre au point en se basant sur des produits efficaces chez d'autres Heterokonta. 103

113 Les différentes tentatives de classification La classification du monde vivant a bougé au cours du temps. Les différentes versions sont bien entendu le reflet des techniques disponibles pour étudier les organismes. La première classification établie par Aristote dès le 4eme siècle avant JC était basée sur l observation à l œil nu des organismes. Elle a persisté jusqu à la fin du 19eme siècle et a servi de base philosophique à la classification linnéenne. Elle continue toujours à être implicitement utilisée dans le langage commun. Classiquement, les êtres vivants étaient rangés en deux groupes : le règne animal et le règne végétal. Les animaux étaient définis comme des organismes vivants doués de réaction. C'est à dire que lorsqu'ils étaient touchés, ils montraient une réaction, de rétraction par exemple. Les végétaux étaient définis comme des êtres vivants capable de croissance mais dépourvus de réaction, en opposition aux animaux. Cette classification ne prenait bien évidemment pas en compte les microbes qui n avaient pas encore été découvert! Un troisième règne, le règne minéral, contenait tout ce qui ne poussait pas, mais au contraire s érodait. Rapidement ces définitions sont devenues problématiques car d une part des groupes de «végétaux» possédaient des caractéristiques animales comme certaines plantes carnivores ou certains mimosas tropicaux qui se rétractent au toucher, et d autre part des «animaux» semblaient dépourvu de réaction, spécialement les éponges qui ont longtemps posé (et continuent de poser!) des problèmes aux systématiciens. Sur l arbre de la figure 63, elles sont par exemple classées avec les protistes. Entre temps, les microbes avaient été découverts et certains possédaient des caractéristiques plutôt animales, les protozoaires, et d autres plutôt végétales, les «protophytes» et les champignons. Néanmoins, beaucoup d entre eux avait des caractéristiques ni vraiment animales ni vraiment végétales : où se placent les algues douées de motilité associée à la présence de flagelles? Où classer les myxomycètes qui à une des étapes de leur cycle se comportent comme des animaux et à une autre comme des champignons? Leur ancien nom de mycétozoaires, formellement les «champignons animaux», reflète ces questionnements. Progressivement, au cours du 19eme et le début du 20eme siècle, des analyses plus approfondies ont conduit à des classifications plus complètes et correctes, mais sans toutefois complètement abandonner la dichotomie animal/végétal. En ce qui concerne les protistes et les champignons, les critères de classification étaient principalement basés sur la forme et la motilité des organismes (figure 64) et les stratégies trophiques, c est-à-dire les modalités d alimentation des organismes (figure 65). Par exemple, les champignons étaient sans conteste des végétaux, bien qu incapables de faire la photosynthèse, et leur étude relevait des botanistes. Les protistes phagotrophes du fait de leur comportement prédateur relevaient plutôt du règne animal et étaient étudiés par des zoologistes. Néanmoins dès 1860 Ernst Haeckel ( ) propose une classification en 3 règnes : 104

114 amibes amibe nue à pseudopodes lobés amibe à thèque amibe à pseudopodes rayonnantes plasmode multinucléé flagellés ciliés opisthochonte unichonte isochonte hyphes mycéliens anterochonte bichonte hyphes siphonnés hétérochonte Sens du déplacement hyphes septés Figure 64 Les formes adoptées par les cellules eucaryotes ont longtemps servi de critères de classification. animaux, plantes et protistes (figure 63). Il maintient toujours les champignons et les algues avec les plantes et les éponges avec les protistes. La découverte de différences fondamentale dans la structure cellulaire permise par l apparition de microscopes optiques et électroniques de plus en plus performants : absence de noyau chez certaines cellules et présence chez les autres a mis fin à la dichotomie animal/végétal. Une nouvelle classification basée sur la différence eucaryote/procaryote ne s est pas toute suite imposée. En effet, dans les années 1960 une 105

115 classification basée sur «5 règnes» a été proposée par Robert Whittaker ( ). Si les procaryotes étaient bien regroupés dans le règne à part des Monera, celui-ci avait le même rang que les quatre autres : animaux, plantes, champignons et le groupe fourretout des protistes. Cette classification a été de très courte durée, car avec l avènement des méthodes génétiques et biochimiques dont le séquençage de l ADN, il a rapidement été démontré que les bactéries avaient bien des différences fondamentales non seulement au niveau de leur structure cellulaire, mais aussi de leur fonctionnement. De plus, elles ont permis d identifier dès le milieu des années 1970 un groupe inconnu d êtres vivants : les archées. Actuellement, les eucaryotes ne forment donc qu un seul des trois règnes du vivant : Eukaryota, Bacteria et Archea. Depuis, l avancée des méthodes moléculaires a permis d affiner la classification des eucaryotes. Celle-ci n est cependant pas complète car des nouveaux groupes de protistes restent à découvrir et les relations des grands groupes les uns par rapport aux autres ne sont toujours pas complètement éclaircies. Quelques définitions Nonobstant les améliorations de la classification actuelle pour décrire le vivant, le langage courant, y compris celui que les biologistes parlent, utilise un certain nombre de termes qui dérivent des anciennes classifications basées sur la forme et les comportements des organismes (figures 63 & 64). S ils ne reflètent pas complètement la réalité, ils sont faciles d emploi et permettent de comprendre rapidement à quel type d organismes il est fait référence. Certains termes reflètent bien des groupes monophylétiques d autres non. Voici quelques définitions pour les termes les plus utilisés Les animaux sont le plus souvent définit comme les organismes pluricellulaires présentant une matrice extracellulaire formée de collagène (ou présentant "une lame basale"). Cette définition est celle des métazoaires (Metazoa). Certains biologistes préfèrent s en tenir à l ancienne définition et ajoutent que les animaux doivent être en plus doués de réaction. D autres argumentent qu ils doivent en plus se nourrir par ingestion. Ils doivent donc posséder des nerfs, des muscles et un appareil digestif (bouche et estomac). Les éponges (Porifera) et les organismes apparentés dépourvus de réaction, sans muscle, ni nerf, ni vraie cavité digestive, sont qualifiés de parazoaires alors que le reste des métazoaires possédant muscles, nerfs et système digestif sont dit eumétazoaires. En fonction de biologistes, les animaux sont donc soit les métazoaires soit les eumétazoaires! Si les métazoaires forment un groupe monophylétique, des données récentes suggèrent que les eumétazoaires pourraient être polyphylétiques. L étude des animaux est la prérogative des zoologistes (ou zoologues). - Les plantes font la photosynthèse et sont constituées d un cormus, c est-à-dire une structure pluricellulaire présentant une tige et des feuilles, et pour beaucoup d entre

116 elles des racines. Elles produisent des embryons pluricellulaires qui sont protégés dans des tissus pluricellulaires, d où leur nom d embryophytes. Il s'agit un groupe monophylétique. Leur étude est faite par les botanistes. - Les protistes ont été définis dans un premier temps par Haeckel comme les organismes qui ne sont ni des animaux ni des plantes. Ils regroupaient donc un vaste assemblage polyphylétique de procaryotes et d'eucaryotes. Actuellement, les chercheurs les restreignent aux eucaryotes, éventuellement sous la terminologie alternative de protoctiste. C'est la définition qui est retenue dans ce cours. Ils sont soit de type protozoaire, soit de type algue, soit de type champignon. - Les protozoaires regroupent l ensemble des organismes passant la plus grande partie de leur vie sous forme unicellulaires ou coloniales et possédant une nutrition de type phagotrophique. Certains, malgré leur nom, peuvent parfois fabriquer des structures pluricellulaires, en particulier au moment de leur reproduction. Leur étude est faite par les protozoologistes. Classiquement, on distingue les types suivant : - amibe ou amiboïde, aussi connu comme rhizopode ou actinopode, qui se déplace de manière caractéristique à l'aide de pseudopodes. Ce type cellulaire connaît de nombreuses variantes avec des pseudopodes uniques ou multiples, lobés ou filiformes voire réticulés, etc., dont le plasmode qui est une amibe géante avec plusieurs noyaux (jusqu'à plusieurs milliards!) et les types radiolaires et héliozoaires qui sont des amibes rayonnantes avec des pseudopodes spécialisés dans la capture des proies. Certaines espèces sont protégées par des tests ou thèques. - flagellé qui se déplace à l'aide de flagelle(s). Le nombre et la position des flagelles permettent de différencier différents sous-types : cellules unichontes avec un flagelle versus bichontes avec deux flagelles, ou polychontes, opisthochontes avec le(s) flagelle(s) à l arrière de la cellule versus antérochontes avec le(s) flagelle(s) à l avant de la cellule. Les hétérochontes possèdent des flagelles ayant des formes distinctes, contrairement aux isochontes. - cilié qui se déplace à l'aide de cils qui recouvrent la surface de la cellule. Les cils ont la même structure que les flagelles, mais leur axonème est plus court et ils sont présents en très grand nombre. Amibes, flagellés et ciliés sont des formes cellulaires et ne représentent pas des groupes monophylétiques. De nombreux organismes peuvent adopter ou différencier plusieurs de ces formes au cours de leur cycle: par exemple les "amoeboflagellés" peuvent adopter la forme amibe ou la forme flagellée en fonction des conditions de milieux. 107

117 - Les algues regroupent les organismes qui sont capables d'effectuer la photosynthèse mais qui ne sont pas des plantes. Il s'agit donc d'un assemblage polyphylétique qui regroupe des organismes eucaryotes très divers issus des endosymbioses du plaste primaires, secondaires, etc. Antérieurement, elles incluaient aussi des procaryotes dont les «cyanophycées» ou «algues bleues» connues actuellement sous le nom de cyanobactéries. Celles-ci en sont maintenant exclues, les algues sont donc uniquement eucaryotes. On distingue les microalgues unicellulaires des macroalgues pluricellulaires. Il existe des algues flagellées et d autres qui ne le sont pas. Certaines peuvent toujours se nourrir en partie par phogotrophie. Ce sont les algues mixotrophes. Aucune de ces catégories n est monophylétique! Notez que l'étude des algues est faite par les phycologues. - Les champignons ont une alimentation de type osmotrophe et se nourrissent souvent de détritus qu'ils digèrent à l'extérieur de la cellule. C'est un assemblage polyphylétique qui regroupe les vrais (Eumycota) et faux (Pseudomycota) champignons. Notez que les vrais champignons sont proches des animaux et plus éloignés des plantes et que c est l inverse pour les faux champignons! On distingue principalement les levures qui sont les champignons sous forme unicellulaires et les moisissures qui produisent un thalle colonial ou pluricellulaire caractéristique, le mycélium. Ce thalle est constitué d hyphes qui peuvent être sans cloison (thalle siphonné) ou avec (thalle septé). Levure et moisissures peuvent constituer différentes étapes du cycle de vie d une même espèce. Elles ne représentent pas des ensembles monophylétiques. L étude des champignons est l apanage des mycologues. Si les termes définit ci-dessus sont utilisable pour décrire rapidement les organismes, ils ne reflètent pas les relations de parenté entre les différentes espèces car la plupart ne recouvre pas une ensemble monophylétique. Celles-ci n ont en général été définies que très récemment grâce aux données du séquençage des gènes, voire des génomes. Elle demande l adoption d une nomenclature qui va faire fi de ces termes, pourtant bien pratiques. Figure 65 Principales stratégies trophiques des organismes. Les stratégies trophiques ont été utilisées pour définir des grands groupes d organismes. Les protozoaires sont typiquement des phagotrophes et les animaux se nourrissent par ingestion. Les champignons et de nombreux parasites sont osmotrophes (=absorbotrophes), c est-à-dire qu ils digèrent si besoin les aliments à l extérieur de la cellule ; ceux-ci sont ensuite absorbés via des transporteurs spécifiques. Ces organismes sont hétérotrophes, c est-à-dire qu ils ont besoin de matière organique déjà formée pour vivre. Au contraire les autotrophes utilisent des minéraux et une source d énergie pour fabriquer leur propre matière organique. Si la source est la lumière, ils sont dit photo-autotrophes et ils effectuent la photosynthèse. Chez les eucaryotes, les algues et les plantes utilisent cette stratégie. S ils utilisent de l énergie chimique, comme le sulfure d hydrogène, on les qualifie de chimio-autotrophes. Seules des bactéries sont capables de chimio-autotrophie. Néanmoins, de nombreux eucaryotes vivent en symbiose avec de telles bactéries. Des organismes qui utilisent deux stratégies simultanément (souvent la phagotrophie et la photosynthèse) sont dits mixotrophes. 108

118 enzymes sucres, NH phagotrophie protozoaires ingestion animaux osmotrophie champignons bactéries symbiontes H é t é r o t r o p h i e photo-autotrophie bactéries plantes, algues CO 2 H 2 O chimio-autotrophie bactéries CO 2 H 2 S NH 3 sources hydrothermales A u t o t r o p h i e 109

119 Vers une estimation de la diversité des protistes eucaryotes Le maintien de la biodiversité est un enjeu important, car les êtres vivants, et très spécialement les protistes eucaryotes, jouent des rôles essentiels dans la biosphère. La disparition de certains groupes pourrait donc avoir des impacts importants sur le fonctionnement des cycles du carbone, de l azote, etc. La simple estimation de cette diversité est déjà un défi pour les microbes. En effet, de nombreux facteurs : petite taille, difficulté de récolte ou de culture, similarité des formes et stratégies trophiques, etc. limitent nos connaissances. Ceci est déjà apparent lorsqu il s agit de définir l unité de la diversité : l espèce. Difficulté de la notion d espèce chez les protistes eucaryotes La nomenclature des organismes se base sur les préceptes exposés par Carl Von Linné ( ). Chaque individu doit pouvoir être désigné par son nom de genre et d espèce. En effet, Linné a proposé un système de classification qui regroupe en ensembles de plus en plus larges les organismes qui se ressemblent (Table 6). Notez que les sept niveaux définis par Linné (du plus large au plus restreint : règne, embranchement, classe, ordre, famille, genre et espèce) sont maintenant très insuffisants pour classer correctement l ensemble des espèces, il a donc été créé un très grand nombre de niveaux intermédiaires : super- et sous embranchements, infra- sous- et super-classes, etc. Néanmoins, l unité de base de ce système, où des autres systèmes apparentés plus modernes comme la cladistique, reste l espèce qui va donc être désignée par deux substantifs accolés: Genre espèce. 110 Table 6 : nomenclature binomiale des organismes suffixe champignons algues protozoaires Embranchement -mycota -phyta -a (souvent ida) Classe -mycetes -phyceae -a (souvent ida) Ordre -ales -ales -a (souvent ida) Famille -aceae -aceae -idae Genre Espèce Classiquement, une espèce est définie comme un ensemble d'individus interfertiles, c'est à dire capable de se croiser et de donner naissance à des individus euxmêmes fertiles. Si cette définition s applique relativement bien aux animaux et aux plantes, ce n est pas le cas pour les microbes eucaryotes. En effet, dans de nombreux cas d'eucaryotes «inférieurs», la sexualité n'est pas connue, voire inexistante, rendant la

120 population 1 espèce n 1 a3 b3 c3 a1 b1 c1 a3 b3 c3 a1 b1 c1 a3 b3 c1 a3 b3 c3 a2 b2 c1 a1 b1 c3 a1 b1 c1 a3 b3 c3 a1 b2 c2 a1 b1 c2 a2 b2 c2 a3 b3 c3 a1 b1 c1 a2 b2 c2 a1 b4 c4 a1 b4 c4 a4 b4 c4 a1 b4 c4 a4 b4 c4 a1 b4 c4 a4 b4 c4 Figure 66 Analyse des haplotypes pour la définition des espèces. L espèce n 1 comporte trois populations qui échangent des informations génétiques, comme le montre la présence de nombreux recombinants. L espèce n 2 n a qu une population qui n échange pas d information avec celles de l espèce n 1, bien qu elles aient en commun le marqueur a1. La découverte d individus ayant des haplotypes recombinants, tels que «a4 b1 c1» ou «a3 b3 c4», permettrait de conclure que l espèce n 2 n est qu une autre population de l espèce n 1. Les marqueurs polymorphes utilisés pour ces études sont divers : différences de nucléotides dans les séquences codantes, microsatellites, indel, etc. 111 a4 b4 c4 population 2 a1 b4 c4 a4 b4 c4 espèce n 2 a2 b2 c2 a2 b2 c2 population 3 détermination d'appartenance à une même espèce difficile. Dans ce cas, des analyses moléculaires peuvent mettre en évidence des associations génétiques ou haplotypes. L analyse de ces haplotypes et la manière dont ils recombinent ou non dans les populations permettent de définir les différentes espèces comme des isolats ne recombinant pas au niveau génétique (figure 66). Attention, ces analyses ne vont pas prendre en compte les transferts horizontaux, par lesquels des espèces même très distantes phylogénétiquement peuvent «échanger» des gènes ; souvent le transfert est unidirectionnel. En effet, les transferts horizontaux sont en général des évènements rares au regard de l évolution. Au contraire, les analyses d haplotypes vont prendre en compte l échange de matériel génétique qui se fait non seulement de manière sexuelle mais aussi «para-sexuelle». En effet, l'échange réciproque d'informations génétiques entre individus d une même espèce peut se passer sous des formes non sexuelles chez de nombreux champignons Eumycota ou chez des protozoaires tels que les Dictyostelida (figure 67). Comme les espèces, du moins leurs populations, sont soumises à l évolution darwinienne, il n est pas rare de rencontrer des populations qui ont divergé génétiquement. Cela peut résulter dans une diminution d interfécondité, voire une stérilité, entre les individus de populations éloignées mais pas entre individus des populations proches, ce qui se visualise par un faible taux de recombinaison des haplotypes (voir la figure 66 où les populations 1 et 3 n échangent plus d informations, sauf via la population 2). On parle alors d un complexe d espèces pour désigner l ensemble de ces populations plus ou moins inter-fertiles. Ce type de structuration de population semble la règle plutôt que l exception chez de nombreux protistes eucaryotes. De même, il

121 existe de nombreux cas avérés, chez les Eumycota par exemple, où une nouvelle espèce résulte en fait de l hybridation de deux espèces. Par exemple, les champignons Ascomycota Neurospora crassa et Neurospora intermedia sont considérés comme des espèces distinctes sur différents critères morphologiques et biologiques. Il est cependant possible de les croiser entre elles au laboratoire et d'obtenir une descendance. Cela nécessite de nombreux croisements et le rendement est faible. Les souches ainsi obtenues sont fertiles et possèdent une moitié de génome provenant de Neurospora crassa et l autre moitié du génome de Neurospora inter media. Ces hybrides peuvent se croiser assez efficacement avec les deux espèces de départ. Les hybridations ne sont pas des 112 hétérocaryon diploïde végétatif fusion cellulaire (anastomose) recombinants haploïdes fusion de noyau (diploïdisation) crossing-over mitotique possible haploïdisation par pertes aléatoires de chromosomes Figure 67 Le cycle para-sexuel. Ce mécanisme permet une alternance de générations haploïdes et diploïdes sans sexualité. Il débute par une anastomose, c est à dire la plasmogamie de deux cellules haploïdes sans formation de gamète. L hétérocaryon résultant peut subir une caryogamie (fusion de noyaux) pour donner des noyaux diploïdes. Ceux-ci sont très instables et redonnent rapidement après pertes aléatoires de chromosomes des noyaux haploïdes. Les recombinants ainsi obtenu vont présenter une mosaïque aléatoire des chromosomes des deux «parents». Il arrive aussi que des évènements de réparation des dommages à l ADN conduisent dans le noyau diploïde à des crossing-over mitotiques, ce qui va ajouter à la diversité génétique des recombinants. On ne connaît pas la fréquence de ces évènements dans la nature, mais ce mécanisme est facilement mis en évidence au laboratoire. artéfacts de laboratoire car de nombreuses espèces issues d hybrides ont été mises en évidence chez les levures Saccharomycotina ou les champignons du groupe des Epichloë/Neotyphodium, entre autres. Dans certains cas, cela peut avoir un impact sur nos sociétés. Par exemple, le champignon Ascomycota Ophiostoma novo-ulmi virulent qui détruit actuellement les ormes en Europe et en Amérique du Nord est issu d un hybride d Ophiostoma ulmi qui avait déjà auparavant ravagé les ormes et dont il a pris le type sexuel MAT-1 et des gènes régulant les fusions cellulaires, et d une souche Ophiostoma novo-ulmi moins virulente. Dans ce cas, l hybride peu fertile ayant servi de pont entre les deux espèces a été mis en évidence dans la région de confrontation entre les espèces ulmi et novo-ulmi. La levée des barrières qui limitent l hybridation suggère que celles-ci sont peu difficiles à franchir. De fait, la délétion du gène sad-1 qui est impliqué

122 dans un mécanisme d extinction de gènes par un mécanisme apparenté à l'interférence à ARN agissant en méiose permet le croisement entre Neurospora crassa et Neurospora intermedia avec des niveaux de fertilité similaires aux croisements intra-espèces. Ces deux espèces ne se croisent pas car elles diffèrent par quelques réarrangements chromosomiques qui sont la cible de l'inactivation méiotique. Néanmoins, même si les complexes d espèces et les hybrides rendent plus flous la notion d'espèce, le critère d'isolement de recombinaison génétique prend de plus en plus prééminence pour la définition de l'espèce chez les microorganismes eucaryotes, en particulier si la sexualité vraie, c est-à-dire la succession des méioses et fécondations, n'est pas observée. D un point de vue pratique, si les critères d'isolement reproductifs manquent pour définir facilement une espèce, l'analyse de la structure génétique des populations de microorganismes demandant beaucoup de travail et d'argent, on définit alors les morphoespèces comme les individus ayant une même forme. Souvent ces morpho-espèces regroupent plusieurs espèces au sens groupe de recombinaison. Par exemple, chez Paramecium caudatum, qui est une morpho-espèce sexuée de Ciliophora, l'analyse des croisements montre qu'il est possible de découper cette morpho-espèce en au moins 16 espèces distinctes. De même, l amibe Entamoeba histolytica a longtemps mystifié les biologistes, car certaines souches semblaient pathogènes pour l homme et d autres non. Cette espèces était en fait un complexe de deux espèces : Entamoeba histolytica et Entamoeba dispar. Elles sont morphologiquement identiques mais la première est pathogène et l'autre non. De nombreux polymorphismes entre les deux espèces détectés par la séquence des génomes confirment que se sont bien deux espèces distinctes. En effet, la différence moyenne entre les régions orthologues d Entamoeba histolytica et Entamoeba dispar est de 38% pour les sites synonymes alors que la divergence nucléotidique moyenne entre souches d Entamoeba histolytica est de 0.05 %. A titre de comparaison, la différence nucléotidique moyenne entre l homme est le chimpanzé est de l ordre de 1 à 2%. La disponibilité des séquences de génomes fournit maintenant un dernier critère pour différencier des espèces. En effet, il est admis que si des organismes ont un polymorphisme nucléotidique de leur séquence génomique inférieur à 1%, il s agit probablement de la même espèce, s il est supérieur à 5%, il s agit de deux espèces distinctes. Si ce pourcentage est entre 1 et 5%, d autres analyses seront nécessaires pour trancher! Méthodes pour estimer la diversité des protistes eucaryotes Une estimation de la biodiversité doit commencer par une analyse locale des différents biotopes. Dans le cas de la vie microbienne, ces biotopes vont être très nombreux. En effet, la petite taille et la spécificité métabolique des microorganismes ne leur permet parfois que d occuper des niches très restreintes et surprenantes : le contenu 113

123 microbien du tupe digestif des termites varie en fonction des espèces et de la région du tube (voir pages ), le dessus et le dessous des feuilles hébergent des microbiotes différents de même que l intérieur de la feuille, chez l homme les différentes parties de notre corps sont colonisées par des micro-organismes procaryotes et eucaryotes spécifiques, les joints des lave-vaisselles ou des baignoires sont colonisés par une flore fongique définie, etc. L analyse des différents biotopes est donc loin d être terminée et souvent l étude de nouvelles niches écologiques permet de mettre en évidence en grand nombre de nouvelles espèces. Par exemple, en explorant la diversité des levures présentes dans l intestin de hannetons, environ 200 nouvelles espèces ont été décrites en Ceci représentait un accroissement d environ 30% des espèces connues de levure! L analyse du taux de découverte des nouvelles espèces suggérait qu environ autant de nouvelles levures restaient à découvrir dans le même biotope axénique riche pauvre complet minimum monoxénique polyxénique Table 7 : différents types de milieux de culture milieu sans organisme vivant milieu avec des sources de carbone et/ou d azote ajoutées en grande quantité (> 5g/L) milieu avec des sources de carbone et/ou d azote ajoutées en faible quantité (< 2g/L) milieu contenant l ensemble des acides aminés, bases, co-facteurs, vitamines, etc. milieu défini contenant le strict nécessaire pour permettre la croissance, souvent une source de carbone, une source d azote et des oligo-éléments, éventuellement quelques vitamines milieu avec une seule espèce vivante servant de proie milieu avec plusieurs espèces servant de proies Plusieurs méthodes existent afin de déterminer une diversité locale. L'approche la plus directe et la plus ancienne consiste à regarder la morphologie et le comportement de spécimens récoltés, le plus souvent sous le microscope. Cette méthode fournie une liste d'espèces sur des critères morphologiques. Elle réclame de nombreuses observations et des compétences vastes, surtout si l'on s'intéresse à la diversité de tous les groupes biologiques! Elle demande aussi de bien connaître le cycle complet des organismes, car ceux-ci peuvent apparaître sous des formes très diverses en fonction des conditions. De même, les biotopes subissent des évolutions qui conduisent à des successions définies, car des espèces occupent successivement un biotope et le transforme pour le rendre utilisable pour les espèces suivantes. Le terme rendre utilisable ne veut pas forcément dire que les espèces suivantes trouvent un milieu "amélioré", mais au contraire souvent un milieu plus pauvre sur lequel elles sont plus compétitives. Cette succession peut être vraie, c est-àdire que des espèces sont présentes à tour de rôle dans le biotope, ou apparente, c est-àdire que les espèces sont toujours présentes mais ne sont détectables qu à certains moments. Par exemple, de nombreux champignons semblent se développer 114

124 successivement dans les excréments d herbivores, les champignons coprophiles (figure 68). Cette succession qui récapitule l évolution est reproductible et prend quelques semaines. Les champignons sont pourtant tous inoculés dans ce biotope sous forme de spores au moment où l herbivore mange les plantes. De fait, leurs spores germent souvent spécifiquement au cours du passage dans le tube digestif. Dans certains cas, ces successions s étalent sur plusieurs années voire dizaines ou centaines d années. Par exemple, dans une forêt suisse, un espace de 1500 m2 a été analysé toutes les semaines pendant 21 ans carpophores appartenant à 408 espèces ont été comptabilisés. Seulement huit espèces ont été trouvées tous les ans et chaque année de nouvelles espèces sont trouvées. 19 espèces ont fructifié pour la première fois la dernière année de récolte! Une deuxième méthode consiste dans la mise en culture, soit sur boites de Petri contenant du milieu approprié soit en cultures liquides, en utilisant différents types de milieux (Table 7 ; figure 69). Cette technique se heurte bien évidemment au fait que de nombreuses espèces ne sont pas cultivables. Les conditions peuvent être non-adéquates, car de nombreuses espèces demandent des aliments particuliers. D autres ont des états de dormance qui nécessite des conditions spéciales pour en sortir. Elles peuvent être fragiles et mourrir au moment de la récolte ou bien vie en consortium, etc. On estime que seulement quelques pourcents des cellules présentes dans un échantillon donnent naissance à une culture. Néanmoins, des progrès récents ont permis de cultiver de plus en plus d'organismes précédemment récalcitrants. Il suffit souvent simplement d être 2-3 jours 1-2 semaines 1-2 mois Pilobolus Sordaria Ascobolus Poronia Coprinopsis Figure 68 Succession des champignons coprophiles. Plus de espèces de champignons vivent sur les excréments d herbivores. Ils se succèdent de manière relativement définie. La succession commence par l apparition après quelques jours de champignons «inférieurs» de type Mucoromycotina tels que Pilobous, puis d Ascomycota Pezizomycetes tels qu Ascobolus ou Saccobolus, quelques jours plus tard des Sordariomycetes tels que des Sordaria et des Podospora, suivis quelques semaines plus tard par Poronia. La succession se termine souvent par des Basidiomycota comme Coprinopsis, Cyathus ou Stropharia. Tous ont été ingérés en même temps par l herbivore et leur mycélium est présent depuis le dépôt de l excrément. La cinétique d apparition dépend de la vitesse de croissance des différentes espèces, de leur capacité à dégrader les résidus de plantes et d antagonismes qui permettent aux espèces tardives d éliminer les espèces précoces. 115

125 patient, car de nombreux microorganismes ont des temps de génération plus longs que ce qui est supposé. Un autre problème est que les espèces récoltées sont de fait celles qui poussent bien en culture, alors qu elles ne sont pas forcément majoritaires dans la nature. Des études moléculaires sur la diversité fongique de la rhizosphère du blé réalisées dès les années 1995 illustrent bien cette difficulté. Deux couples de primers ont été utilisés pour amplifier spécifiquement de l'adn issu du gène d'arnr 18S à partir d'adn extrait directement de la rhizosphère ; les deux couples sont nécessaires pour obtenir l'éventail le plus large de champignons en excluant les autres eucaryotes. Les 61 clones analysés identifiaient 24 espèces appartenant à différents genres de champignons. Toutefois, cette méthode n'a pas permis de détecter des espèces du genre Fusarium qui sont pourtant facilement cultivables à partir des mêmes sols, suggérant que ceux-ci pourraient en fait être minoritaires en quantité. D autres expériences montrent par exemple que l'isolement d'adn d'un échantillon de sol et la mise en culture du même échantillon permettent respectivement d'identifier 51 et 67 espèces. Une seule une espèce est identifiée par les deux méthodes! Malgré ses défauts, la méthode de mise en culture permet d'étudier plus à fond la biologie des espèces. Une bonne culture en apprend encore actuellement plus sur la biologie d un organisme qu'une séquence d'adn. Elle est donc toujours largement utilisée. Elle est souvent couplée avec l obtention de séquences qui vont permettre d analyser la position phylogénétique des espèces récoltées. Si l échantillon présente un fort intérêt, une séquence complète du génome peut être réalisée, car les nouvelles technologies de séquençage ont maintenant un coût relativement réduit. Sinon, seule une région diagnostique est déterminée. C est aussi ce qui est fait si de nombreux échantillons Figure 69 Exemples de mise en culture directement à partir d échantillon de sols. Quelques milligrammes de terre provenant d une prairie ont été déposés sur deux milieux différents permettant la croissance fongique. Les deux milieux contiennent des antibiotiques pour limiter la croissance bactérienne. Chacun des milieux (riche à droite, pauvre à gauche) donne différentes espèces de champignons. Deux graines ont germé sur le milieu de droite. 116

126 doivent être analysés. La région séquencée, appelé «code barre», dépend des espèces. Dans le cas des champignons eumycota, le code barre le plus utilisé est la séquence intergénique située entre les ARN 28S est 18S, appelée ITS pour «intergenic transcribed spacer». Chez les algues et les protozoaires, les codes barre recommandés sont Les parties D2 et D3 du gène de la grande sous-unité du ribosome et le gène mitochondrial cox1 codant une sous-unité de l oxydase du cytochrome L avancée des méthodes de séquençage à haut débit permet non seulement d obtenir à bas cout les séquences des génomes de nombreux organismes, mais aussi d inventorier de manière exhaustive les ADN, et donc les espèces présents dans un biotope donné. Il suffit d'extraire directement de l'adn à partir de prélèvements de milieux : terre, vase, contenus d intestins, etc. Cet ADN est ensuite utilisé au cours Cryptophyta Stramenopila Alveolata Viridiplantae Cercozoa Amoebozoa Eumycota Choanozoa Metazoa Apusozoa Telonemia Unknown d'expérience d'amplification par PCR avec des amorces dérivées de gènes codant des ARNs ou des protéines conservées au cours de l'évolution. Les plus fréquemment utilisés dans le cas des microbes eucaryotes sont les gènes codant les ARNr 18S et 28S. Ces ARNs comportent différentes régions qui évoluent plus ou moins vite. En utilisant des amorces ad hoc, il est donc possible d'amplifier différentes régions, spécifiques de groupes biologiques plus ou moins importants. Les produits d'amplification sont clonés et les différents clones obtenus sont séquencés à haut débit. La comparaison des séquences 117 Figure 70 Résultat typique d une analyse de métagénomique. L analyse des séquences des gènes d ARN 18S amplifiés à partir d ADN extrait de sédiments du lac Finsevatn en Norvège montre que le groupe d eucaryote majoritaire est celui des Cryptophyta. La plupart des séquences obtenues appartiennent à des espèces inconnues, mais ayant des affinités claires avec un des grands groupes d eucaryotes. Il reste pourtant encore environ 8% d espèces sans aucune affinité (unknown).

127 avec les banques de données permet d'identifier les espèces présentes, et le nombre de clones obtenus ayant une même séquence est une estimation de l'effectif des différentes populations (figure 70). Cette technique, appelée métagénomique, est utilisée depuis longtemps, l analyse de la flore fongique autour des racines décrite plus haut en est un exemple. Mais, elle n a montré toute sa puissance que récemment avec la baisse des couts de séquençage. Maintenant, des millions de séquences peuvent être générées pour quelques centaines d euros, permettant d échantillonner aussi des espèces minoritaires. Les résultats montrent que le plus souvent les séquences ainsi obtenues ne sont pas dans les banques de données et proviennent d'espèces encore inconnues ou déjà cultivées mais non étudiées, confirmant qu une grande partie de la biodiversité des microbes eucaryotes est encore inconnue. Ils confirment aussi que les espèces majoritaires ne sont pas forcément celles qui peuvent être mise en culture ou qui sont facilement observées. Cosmopolitisme et endémisme Pour estimer la diversité globale des eucaryotes, il faut faire des estimations à partir des données obtenues pour chaque biotope et du nombre de biotopes potentiels. Certaines études extrapolent ensuite ces données pour définir la biodiversité globale. Par exemple, dans une région donnée, le nombre d'espèces d'eumycoya est toujours supérieure au nombre des Embryophyta. On pourrait donc en conclure qu'il existe plus de champignons que de plantes. Mais, un point important est l'endémisme (présence uniquement dans une région géographique précise) versus le cosmopolitisme (présence 50 µm Apodera vas Hyalosphenia papilio Nebela ansata Figure 71 Trois amibes Amoebozoa ayant des répartitions géographiques différentes. Ces trois amibes habitent les tourbières. Hyalosphneia papilio est une morpho-espèce avec au moins douze lignées génétiquement indépendantes retrouvées autour du cercle polaire nord ; Apodera Vas habite uniquement dans les régions dérivant du Gondwana (hémisphère sud) et Nebela ansata uniquement dans le nord-est des Etats-Unis. 118

128 dans une vaste région géographique; à l'extrême dans le monde entier) des espèces. En effet, il est possible que les champignons soient plus cosmopolites que les plantes et que donc le nombre d espèce fongique soit surestimé. Encore une fois, du fait du manque de données, la structuration des populations de protistes est mal connue. Une analyse récente de la structuration de la morpho-espèce Hyalosphenia papilio (figure 71), une amibe à thèque du phylum des Amoebozoa, utilisant la séquence du gène mitochondrial codant la sous-unité I de l oxydase du cytochrome (COI), montre qu il existe en fait probablement une douzaine de lignées génétiquement indépendantes, dont les pourcentages de ressemblance au niveau du gène COI varient de 1% à 11.6%. Les différentes lignées semblent spécifiques des différents continents mais la majorité des différences génétiques s expliquent par des effets de la nature du milieu ; ces amibes vivent dans des tourbières. De même, il semble que l'on ne trouve pas des amibes à thèque de l'espèce Apodera vas (Amoebozoa, figure 71) dans l'hémisphère Nord, bien que ce soit la région la plus étudiée, suggérant que ces amibes ne sont pas cosmopolites, mais inféodées aux régions issues du Gondwana (Afrique, Amérique du Sud, Australie et Antarctique). Enfin, une dernière amibe à thèque Amoebozoa, Nebela ansata (figure 71), semble restreinte aux tourbières du nord-est des Etats-Unis. Le même type de structuration est retrouvé chez les champignons. Par exemple, Craterellus tubaeformis (figure 72) est une morphoespèce, qui semble contenir au moins trois lignées génétiquement indépendantes, une en Amérique du Nord et l autre en Europe, la dernière semble coexister à Québec et en Europe. Les modélisations et des mesures montrent que 95% des basidiospores Figure 72 Craterellus tubaeformis. Ce champignon présente plusieurs variétés bien connues des mycologues gastronomes. La variété représentée ici est la variété «lutescens». Le séquençage de la région code barre ITS des différentes variétés suggère une spéciation reliée à la répartition géographique avec trois lignées indépendantes. Les individus nordaméricains (type 1) sont en général génétiquement différents des individus européens (type 3) avec 17% de divergence dans la région ITS. Un des trois types (type 3) se retrouve pourtant à Québec et en Belgique. 119 émises par un carpophore de Basidiomycota tombent après moins d un mètre parcouru, suggérant que beaucoup de champignons ne se dispersent pas facilement sur de grandes distances. De fait, comme pour Craterellus tubaeformis, l analyse fine des populations indiquent que bien souvent il existe une structuration en fonction de la géographie en sous-espèces voire en espèces. Par exemple, pour de nombreux parasites fongiques, la spéciation serait en relation avec l hôte comme chez les Ophiocordyceps parasites des fourmis du genre Camponotus. Alors que l on pensait que seule Ophiocordyceps unilateralis était impliquée, les résultats de l analyse d une petite région,

129 la «Zona da Mata» de la forêt brésilienne, a permis de découvrir quatre nouvelles espèces, chacune spécifiques des espèces de Camponotus parasitées. L extrapolation sur une échelle globale indique que plusieurs dizaines, voire centaines, d espèces parasiteraient les Camponotus, chacune présente dans l aire de répartition de leur hôte! A l opposé des résultats précédents, l'analyse des gènes ribosomiques des flagellés des sources hydrothermales du fond de l'océan pacifique a montré que l'on trouve le plus souvent les mêmes espèces que dans les fjords du Danemark. Des analyses similaires indiquent que les mêmes Foraminifera planctoniques sont présents dans les océans arctique et antarctique. En résumé, il semble que comme les animaux et les plantes, les protistes, champignons inclus, ont souvent des structurations en complexes d espèces avec des lignées plus ou moins isolées au niveau génétique ; chacune des lignées montrant des adaptations plus ou moins poussées à des biotopes particuliers. Il est cependant probable que les aires de répartitions des différentes lignées soient plus larges que dans le cas des animaux et des plantes. Ceci n'est pas surprenant, en effet les formes de résistances telles que les spores ou les kystes peuvent être transportées par le vent ou les courants marins sur de grandes distances et les exemples où l'on retrouve les mêmes espèces autour du monde sont fréquents. A l opposé, certains protistes ont clairement des aires de répartition très restreintes. En conséquence, certains chercheurs pensent que le cosmopolitisme est un cas général et que l'on connaît déjà la presque totalité des microorganismes. Pour d'autres, l'endémisme est largement sous-estimé. Il est probable que la vérité se trouve entre les deux positions et qu'en fonction des groupes de protistes l'endémisme ou bien le cosmopolitisme sont prépondérants. 120

130 Méthodes pour classer les êtres vivants Nous avons vu que pour comprendre le monde eucaryote la meilleure classification est celle qui reflète au mieux les relations de parenté évolutive entre les organismes : la classification phylogénétique. Le but est de définir des groupes monophylétiques, rassemblant donc les individus issus d'un ancêtre commun, et de définir leurs relations de parenté. Notez que ce n'est pas forcément celle qui permet d'identifier le plus rapidement les organismes, en particulier s il n est pas possible d obtenir des portions de séquences de leur génome. Usuellement, la recherche de caractères partagés, les synapomorphies, est la méthode de choix pour regrouper des espèces au sein d un groupe monophylétique. Malheureusement, dans le cas des protistes, deux mécanismes évolutifs ont longtemps perturbé la détermination des synapomorphies, masquant ainsi les vraies relations de parenté : la convergence et la régression. A l inverse, les différenciations cellulaires ont pu résulter parfois dans le classement dans deux groupes différents pour une même espèce. 10 µm Chilodenella sp. Ciliophora Opalina sp. Opalinata Stephanopogon sp. Pseudociliatida Figure 73 Trois unicellulaires ciliés ayant des origines phylogénétiques indépendantes. Ces 3 ciliés ont des tailles et des morphologies similaires acquises par évolution convergente. Les horloges moléculaires indiquent que leurs ancêtres ont divergé il y a plus d un milliard d années. Evolutions convergentes et régressives, différentiations Nous avons vu que la classification des microorganismes eucaryotes a longtemps reposé sur l analyse des cycles de vie incluant les caractères morphologiques visibles à l'œil nu, au microscope optique ou au microscope électronique et les modes trophiques. 121

131 Figure 74 Carpophores de Russules (Russulales) à gauche et d amanites (Agaricales) à droite. La forme de ces fructifications a été acquise par évolution convergente. Inopportunément, les espèces ont adopté de manière répétitive des formes et des modes de vie similaires. Ces évolutions dites convergentes résultent du fait que lorsque les organismes sont soumis à des pressions de sélections identiques, l'évolution sélectionne souvent le même type de réponse : la plus adaptée! Il en résulte des ressemblances morphologiques et/ou biologiques qui sont souvent créée par des moyens différents. Par exemple, l acquisition de cils plutôt que des flagelles semble être un mode de déplacement plus performant que celui effectué avec un ou deux flagelles. Ce type de locomotion a été coopté par au moins trois groupes de protozoaires, les Ciliophora, les Opalinata et les Pseudociliatida (figure 73). Ces évolutions convergentes sont très nombreuses et se retrouvent à tous les niveaux de la phylogénie. Les ancêtres des ciliés de la figure 73 ont probablement divergé il y plus d un milliard d années. Les carpophores de russules et d amanites (figure 74) qui sont morphologiquement très proches ont aussi évolué par convergence mais beaucoup plus récemment. En effet, les Russulales et les Agaricales ont probablement divergé au capsules polaires 100 µm actinospore nématocyste sporoplasme contenant 64 cellules sporoplasme binucléé 10 µm myxospore Figure 75 Spores de Myxobolus cerebralis, un Myxozoa. Myxobolus cerebralis infecte des annélides oligochètes via les myxospores et les saumons via les actinospores. Les nématocystes et les capsules polaires permettent d adhérer et facilitent donc la pénétration dans l hôte du sporoplasme. Une fois entrés, ces parasites se développent sous forme de cellules amiboïdes qui vont redifférencier des spores en fin de cycle.

132 Aspergillus nidulans = Emericella nidulans cleistothèces conidies (spores asexuelles) 10 µm conidiophore anamorphe téléomorphe ascospores spores sexuelles 100 µm Figure 76 Anamorphe et téléomorphe du champignon Aspergillus/Emericella nidulans. Les anamorphes et les téléomorphes de ce champignon ont longtemps été rangés dans deux classes différentes : «Deuteromycetes» pour l anamorphe et «Plectomycetes» pour le téléomorphe. L obtention en culture des deux formes à partir soit d une conidie, soit d une ascospore a montré qu il s agit de deux formes d une même espèce. Les condiophores apparaissent dans les cultures avant les cléistothèces. Les phylogénies moléculaires ont permis de la ranger dans la classe des «Eurotiomycetes», qui regroupe la majorité des anciens Plectomycetes. Normalement, le nom officiel de ce champignon devrait être Emericella nidulans. Mais comme il est plus connu comme Aspergillus nidulans, il va conserver ce nom. jurassique (-200/-150 Ma). Leurs ancêtres différenciaient des carpophores en forme de croûtes. L acquisition d un pied favorise la dispersion dans l air en permettant aux spores de partir d un lieu élevé. Celle d un chapeau permet de protéger les spores de la pluie. L évolution régressive, c est-à-dire la simplification des organismes, qui accompagne le parasitisme vient aussi souvent masquer les relations de parentés entre organismes. L exemple le plus démonstratif est probablement celui des Myxozoa. Ces organismes sont des parasites alternant entre un vertébré et un invertébré aquatique. Si certaines espèces ont conservé une structure multicellulaire vermiforme ou pseudoplasmodiale, la plupart ont comme forme trophique un plasmode, voire des cellules amoeboïdes. Leur dispersion se fait via des spores possédant un faible nombre de cellules et de morphologies différentes en fonction de l hôte qu elles quittent (figure 75). La position de ces organismes a été longtemps mystérieuse. Les analyses de séquence ont montré que ce sont des animaux apparentés aux cnidaires, une position proposée 123

133 antérieurement sur la base de la présence dans les spores de nématocystes et de capsules polaires, qui sont des cellules ressemblant aux cnidocystes des cnidaires. A l inverse des évolutions convergentes et régressives qui ont unifié des organismes disparates au sein de groupes polyphylétiques, les différentiations ont mis dans des groupes différents une même espèce. Ceci est particulièrement frappant chez les champignons où les classifications sur les formes de dispersion asexuelle dites anamorphes et sexuelles dites téléomorphes ont conduit à des classifications indépendantes. Les données moléculaires permettent maintenant de superposer les deux classifications (figure 76). De même, les champignons peuvent venir sous forme unicellulaire «levure» ou mycélienne «moisissure». La forme adoptée dépend soit des conditions environnementales, soit du stade de développement. Par exemple, Mucor rouxii croit exclusivement sous forme mycélienne quand l atmosphère ne contient que du N 2. Le CO 2 favorise le développement sous forme levure, alors que l O 2 l inhibe. Phylogénies moléculaires : succès et déboires L'arrivée des études de séquences de gènes et de protéines a profondément modifié la phylogénie. En effet, la comparaison des séquences des ARNr et de diverses protéines conservées chez les eucaryotes, comme les facteurs d'élongation de la traduction, hsp, tubulines, etc., permet en théorie de retracer l'histoire évolutive des eucaryotes selon le précepte que plus les séquences sont proches plus les organismes sont proches et réciproquement. Cette méthode a eu beaucoup de succès et a effectivement permis d obtenir une classification naturelle phylogénétique bien meilleure que les précédentes. Pour ce faire, il existe plusieurs méthodes de calcul de distance, parcimonie, regroupement des voisins, maximum de vraisemblance, etc., dont l'analyse sort du cadre de ce livre. Cependant, lorsqu'on lit la littérature très abondante sur le sujet, on est frappé par les contradictions que l'on trouve en fonction des différentes analyses. C est particulièrement vrai dans le cas des relations entre les grandes lignées de protistes, mais aussi des grandes lignées d animaux et de plantes! D'où peuvent provenir les discordances? Plusieurs raisons peuvent être évoquées l'utilisation de séquences trop courtes conduisant à des alignements où le hasard a une place très importante. Dans ce cas, en fonction des méthodes de calcul de distances choisies, les résultats peuvent être très différents, surtout si les séquences sont très divergentes. Actuellement, ce problème est souvent résolu par l utilisation des séquences de plusieurs gènes, voire de génomes complets. - le nombre et l'éventail des espèces utilisées sont trop faibles pour la reconstruction que l'on tente de faire. Dans ce cas, les séquences sont très divergentes et le signal phylogénétique trop faible. Il faut alors augmenter les nombre des espèces, ce qui demande des calculs longs. L augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs

134 permet souvent de résoudre le problème bien que les algorithmes de comparaison accroissent le temps de calcul exponentiellement avec le nombre de séquences comparées. - l'utilisation de gènes qui évoluent trop vite ou trop lentement. Par exemple, si un gène évolue très vite, les nombreux changements qui se sont produit à la même position, dont certains pouvant annuler les précédents, conduisent à une sousestimation de la distance entre les espèces étudiées. Cela est souvent le cas des ARNr sur lesquels se basent une fraction importante des arbres phylogénétiques. Une autre possibilité est pour un même gène une vitesse d'accumulation de changements différant d'un organisme à un autre. Cela conduit dans les arbres à des branches de longueurs différentes. Dans ce cas, il a été montré que les espèces qui évoluent le plus vite et qui ont les plus longues branches se regroupent à la base de l'arbre. On appelle ce phénomène «l'attraction des longues branches». Il est fort probable que le regroupement des eucaryotes sans mitochondrie qui était observé à la base de l'arbre dans les premières phylogénies, provenait de ce phénomène. Actuellement, des méthodes corrigeant la possibilité de changements multiples et des «bons gènes» évoluant à la bonne vitesse sont utilisés pour pallier le problème. Ces gènes sont différents d un groupe phylogénétique à un autre. Outre ces problèmes liés à l utilisation de trop peu d'informations pour établir des phylogénies, deux autres mécanismes participent à l obtention de fausses phylogénies. Un premier mécanisme est le transfert horizontal de séquences entre espèces différentes. Il semble que ce processus ait eu un rôle moins important que chez les procaryotes. Cependant de nombreux cas de transferts horizontaux ont été mis en évidence soit de procaryotes vers des eucaryotes, soit entre eucaryotes. Si ce mécanisme s explique facilement dans le cas des organismes phagotrophes car l ADN de la proie peut s échapper de la vésicule de digestion et rejoindre le noyau, ou photosynthétiques car le plaste est une source de gènes procaryotes, il est plus mystérieux chez les champignons. Néanmoins, de nombreux cas de transferts entre vrais et faux champignons ont été mis en évidence. Pour l instant, l implication de virus comme vecteur reste peut documentée. Celle-ci pourrait être sous-estimée, en particulier dans les cas de transferts répétitifs dont le cas le plus emblématique est probablement celui des gènes codant pour le facteur de traduction eef1a. Cette protéine essentielle intervient dans la traduction. Elle est beaucoup utilisée pour établir des phylogénies moléculaires car ce facteur très conservé permet de détecter des relations de parenté entre organismes éloignés. L isoforme majeure de ce gène «eef1a» a été remplacée de manière répétitive par l isoforme «EF-like» ou EFL (figure 77). La fréquence des transferts est telle que ceux-ci ont probablement eu lieu via un vecteur, possiblement un virus. L'utilisation dans les comparaisons de gènes dérivant de deux copies d'une duplication ou paralogues, et qui donc ne proviennent d un ancêtre commun comme les orthologues (figure 78), peut aussi conduire à de fausses phylogénies. Les phénomènes de duplications dites segmentales, de diploïdisations ou d hybridations 125

135 Eumycota Holomycota Holozoa Philippe Silar Metazoa Choanozoa Filastera Ichtyosporea Nucleariida Capsaspora owczarzaki Sphaeroforma arctica Amoebidium parasiticum Fonticula alba EFL eef1a eef1b toutes les espèces testées Monosiga Brevicollis Monosiga ovata Salpingoeca rosetta Rozellida Rozella allomycis Microsporidia toutes les espèces testées Chytridiomycota Neocallistomastigomycota Blastocladiomycota Zygomycètes I Zygomycètes II Dikarya Batrachochytrium dendrobatidis Spizellomyces punctatus * - toutes les espèces testées Allomyces macrogynus + * - Blastocladiella emersonii toutes les espèces testées toutes les espèces testées toutes les espèces testées Figure 77 Un exemple de transfert horizontal répétitif. Le facteur d'élongation de la traduction eef1a qui est beaucoup utilisé dans les phylogénies moléculaires est remplacé chez de nombreuses espèces par EFL, un facteur qui lui ressemble mais qui en diffère par de nombreuses insertions et changement d'acides aminés. Il existe quelques espèces qui semblent posséder les deux types de facteurs. L'analyse de la répartition des deux isoformes montre qu'elle ne suit pas du tout les phylogénies déduites avec d'autres protéines ou même celles basées soit uniquement sur eef1a soit sur EFL, indiquant que EFL a été transféré horizontalement de multiples fois. L exemple montré est celui des Opisthokonta, mais le phénomène est général et se retrouve dans toutes les lignées d eucaryotes. Certaines espèces très proches peuvent avoir eef1a (comme Monosiga ovata) ou EFL (comme Monosiga brevicollis). L hypothèse alternative de la présence ancestrale des deux isoformes avec pertes multiples est donc peu probable. Actuellement, la raison des remplacements répétitifs est inconnue. EFL n a pas besoin de co-facteur pour agir, alors qu eef1a nécessite une autre protéine pour se recharger en GTP. La perte d eef1 s accompagne souvent de celle de son co-facteur eef1b. * dénote la présence de gène(s) apparenté(s) divergent(s). qui aboutissent à la création de copies paralogues sont très fréquents. Lorsqu elles sont couplées avec des délétions, des artéfacts apparaissent. Initiées avec l'utilisation des ARN ribosomiques, puis de protéines très conservées comme les facteurs d'élongation de la traduction eef1a et eef2, des protéines du cytosquelette (tubulines, actine) ou des sous-unités de l ARN polymérase, les phylogénies moléculaires continuent de résoudre la position phylogénétique de nombreux protistes eucaryotes, en particulier lorsqu elles utilisent des séquences concaténées de plusieurs gènes. Il semble que 20 gènes judicieusement choisis suffisent le plus souvent à l obtention d une phylogénie correcte, mais avec le progrès des méthodes de séquençage il devient souvent plus rapide d obtenir la séquence complète des génomes. Néanmoins, 126

136 gène ancestral duplication isoforme 1 isoforme 2 orthologues n 1 ancêtre spéciation 1 isoforme 1 isoforme 2 isoforme 1 isoforme 2 orthologues n 2 isoforme 1 isoforme 2 X paralogues spéciation 2 isoforme 1 isoforme 2 X la comparaison de ces gènes mesure l évènement de duplication et pas l évènement de spéciation n 2 Figure 78 Orthologues et paralogues. Les comparaisons des orthologues n 1 (ou n 2) permet de mesurer l évènement de spéciation 1. Par contre, la comparaison des paralogues mesure les évènements de duplication dans l ancêtre (et non l évènement de spéciation 2). Des erreurs peuvent donc se produire si des délétions ont éliminé certaines isoformes. tous les problèmes ne sont pas résolus par ces méthodes. En particulier lorsqu une radiation évolutive rapide s est produite et/ou que les groupes ont divergé depuis très longtemps, ce qui est le cas pour les eucaryotes, le signal phylogénétique est souvent trop faible et les relations entre les différentes lignées sont alors impossibles à établir sur la seule base des séquences. Il est possible alors de rechercher des signatures moléculaires. Ce sont des évènements rares, qui s ils sont partagés, indiquent une relation de parenté, même si les organismes sont très différents. Ce sont par exemple la fusion de deux séquences codantes en une seule, les délétions ou insertions (=indels) de séquences précises, la présence d un enzyme ou d une voie métabolique originale (mais attention aux transferts horizontaux!), les changements de code génétique... Par exemple, la fusion du couple d'enzymes impliqués dans la synthèse de la thimidine, dihydrofolate reductase et thymidilate synthase, en un seul polypeptide chez les eucaryotes Excavata et Diaphoretickes alors que chez tous les autres organismes, Bacteria, Archea et eucaryotes Amorphea, les enzymes sont codés par deux polypeptides différents, a permis de suggérer que les Excavata et les Diaphoretickes sont apparentés. La racine des eucaryotes serait alors placée entre Amorphea d une part et «Excavata + Diaphoretickes» d autre part. 127

137 Cependant, il est clair que le tort actuel pour l'élaboration de la plupart des phylogénies est l'utilisation exclusive des données moléculaires, séquences ou signatures. En effet, l'évolution des eucaryotes est très complexe faisant intervenir de nombreuses symbioses, évolutions convergentes se produisant aussi au niveau moléculaire et transferts horizontaux récurrents qui vont venir obscurcir la vraie phylogénie. Outre l'utilisation de données moléculaires, la reconstitution de l'arbre phylogénétique doit donc aussi prendre en compte de nombreux caractères morphologiques présents et fossiles, biologiques et physiologiques. En particulier, la structure de l appareil flagellaire semble être un bon marqueur phylogénétique. Parmi les succès de ces phylogénies, outre les positionnements au sein de l arbre des eucaryotes de nombreux groupes dont l origine était mystérieuse, il faut souligner : - La preuve que les eucaryotes dérivent d un organisme ayant eu des mitochondries. - La résolution des histoires complexes du plaste et de la multicellularité. - La détermination que des groupes ayant des caractères surprenants comme l absence d histone ou des codes génétiques différents sont des caractères dérivés, c est-à-dire apparu tard au cours de l évolution, et non ancestraux. - La preuve que la diversité des microorganismes est beaucoup plus importante que celle des animaux et des plantes, ce qui se comprend si ces deux groupes dérivent d'unicellulaires particuliers. - Les confirmations que plusieurs groupements faits sur des critères morphologiques subtils correspondent bien à des groupes monophylétiques. Par exemple, les Heterokonta mis ensemble sur des critères de présence de deux flagelles dissymétriques (voir figure 64) forment bien un groupe monophylétique regroupant des organismes de type protozoaire, algue unicellulaires et pluricellulaires, ou champignon (figure 79). - La démonstration que certains assemblages sont polyphylétiques ou paraphylétiques, dont les champignons, les algues et les protozoaires. Bien que des progrès soient réalisés continuellement, les échecs principaux des méthodes moléculaires, comme expliqués ci-dessus, résident dans la difficulté à résoudre les relations de parentés entre les grandes lignées, que ce soit les eucaryotes eux-mêmes avec les Eubacteria et les Archea, entre les trois grandes lignées d eucaryotes (Amorphea, Excavata et Diphoretickes) et virtuellement de toutes les radiations évolutives importantes, dont celles des Metazoa, Streptophyta, Eumycota et Heterokonta. Une vue d ensemble de la diversité des eucaryotes Bien que l inventaire des eucaryotes ne soit pas terminé, les données déjà disponibles et confirmées par les phylogénies moléculaires permettent d avoir une vue 128

138 Actinophrys sol Synura petersenii 50 µm 10 µm Blastocystis hominis 1 cm Fucus vesiculosus Plasmopara viticola Rhopalodia gibba Cafeteria roenbergensis Figure 79 Exemples d Heterokonta. Bien qu hétérogènes en tailles, formes et styles de vies, ces organismes sont apparentés et ont comme caractère partagé la différentiation des flagelles dissymétriques. Notez que chez certaines espèces cette synapomorphie a été perdue! En effet, certaines espèces n ont plus qu un seul flagelle et d autres, comme le parasite Blastocystis, l ont complètement perdu. d ensemble de leur évolution. Néanmoins, celle-ci changera probablement dans ses détails au fur et à mesure que des nouveaux groupes seront décrits. En effet, si les découvertes de nouvelles espèces d animaux et de plantes sont toujours fréquentes, celles de groupes plus larges (genres, familles, ordres ou classes) sont maintenant exceptionnelles. Au contraire, les descriptions de tels rangs taxonomiques, voire de nouveaux embranchements, dans le cas des protistes ne sont pas rares. Par exemple, en 2011 ont été décrit les Rozellida, aussi connu sous le nom de Cryptomycota. Ces organismes apparentés aux champignons étaient auparavant connus par le seul genre Rozella et classé parmi les Eumycota. Les analyses métagénomiques ont montré que ces organismes sont omniprésents dans les écosystèmes aquatiques et très divers génétiquement. Les Rozellida forment maintenant un nouvel embranchement. De même, le nombre d espèce au sein de chaque groupe prête souvent à discussion. Par exemple, les Ciliophora forment un groupe d'unicellulaires qui a des caractéristiques uniques chez les eucaryotes, notamment la présence d un noyau somatique et d un noyau germinal. Les phylogénies moléculaires ont confirmé la monophylie du groupe. Toutefois, les chiffres trouvés dans la littérature scientifique pour le nombre des espèces fluctuent entre et ! Une première estimation a combiné une approche bibliographique des espèces décrites avec un échantillonnage direct. Cette première méthode estime à 3750 le nombre total de morpho-espèces. 800 se trouvent dans les sédiments marins et 1370 dans les sédiments d'eau douce. Des observations directes d échantillons de sédiments estiment à 600 le nombre des espèces marines et à 730 celui des espèces d'eau douce. Les deux estimations convergent donc pour établir un nombre limité de morpho-espèces de Ciliophora. L'analyse de la répartition de ces espèces montre qu'elles sont le plus souvent cosmopolites. En résumé, les 129

139 Ciliophora montreraient une diversité morphologique relativement faible avec une répartition cosmopolite et la plupart des espèces seraient déjà décrites. A l opposé, une analyse statistique suggère que seule la moitié des morpho-espèces ont été décrites car tous les habitats n ont pas été analysés en détail. Le nombre réel des espèces seraient alors proche de car les données de diversité génétique suggèrent qu à chaque morpho-espèce correspond une dizaine d espèces. Dans cette deuxième estimation, 90 % des espèces resteraient à décrire. Ce type de controverse n est pas unique. En effet, des chiffres encore plus divergents sont avancés pour les Eumycota. Environ espèces sont décrites actuellement. On estime généralement à plus d un million le nombre des espèces restant à décrire. Ce chiffre provient d'estimations en fonction du nombre des biotopes qu'il reste à analyser et du fait que les Eumycota semblent moins cosmopolites que souvent supposé. En effet, on connaît de nombreuses espèces ayant un habitat restreint car vivant par exemple en association exclusive avec des plantes ou des insectes. Souvent leur spectre d'hôte est restreint à un genre voire une espèce ou une variété. Dans les régions où la flore et la mycoflore sont bien connues comme en Europe de l ouest, on dénombre six fois plus d espèces de champignons que de plantes. Cela permet d'estimer à 1,5 million le nombre d'espèces de champignon car il existe environ espèces de plantes dans le monde. Ce chiffre ne tient pas compte des parasites/mutualistes d insectes. Certains mycologues soutiennent qu il pourrait exister au moins autant, sinon plus, d espèces de champignons que d inscetes. Comme on dénombre actuellement plusieurs millions d espèces d insectes, ils avancent le nombre de d espèces de champignon Eumycota! Si cette estimation est la bonne, au rythme actuel, il faudra ans pour décrire tous ces champignons Malgré nos connaissances partielles de la biodiversité des protistes et les difficultés à estimer le nombre de leurs espèces, les données contemporaines montrent clairement qu en fonction des groupes eucaryotes, la diversité des espèces semble très variable. Certains groupes ne sont connus que par quelques espèces alors que d'autres comprennent plusieurs milliers d'espèces, voire plus. Dans l'ensemble, ce qu'il faut retenir de la biodiversité des eucaryotes, telle qu elle est connue aujourd hui : L existence de quatre lignées qui ont eu un grand succès évolutif car comprenant de très nombreuses espèces, plusieurs centaines de milliers pour le moins, et qui ont envahi tous les biotopes ou presque: les animaux ou Metazoa, les plantes vertes ou Embryophyta, les Eumycota et les Heterokonta et plus spécifiquement les «algues» Ochrophyta. Ces organismes ont souvent exploité tous les types de styles de vie possible : vie libre, parasitaire, mutualiste, vie aquatique ou aérienne, etc. - l existence d un nombre restreint, actuellement de l ordre d une dizaine, de groupes ayant eu un succès intermédiaire. Le nombre d espèce se compte en milliers, quelques dizaines au plus, avec un habitat souvent plus restreint mais dont la biologie est très variée. Les Ciliophora ou les Haptophyta en sont des exemples.

140 - l existence d'un fourmillement d'autres lignées comportant peu d'espèces et possédant souvent des biologies spécifiques. Par exemple, les Fornicata ou les Percolozoa, aussi appelésheterolobosea, ne sont connus que par quelques dizaines d'espèces. Pourtant, ces organismes ont une biologie qui est très différente de la majorité des autres eucaryotes. Si quelques-unes de ces lignées sont clairement indépendantes des grandes lignées d eucaryotes, la plupart sont en fait des organismes apparentés à des groupes ayant eu un fort succès évolutif (figure 80). Comme dans le cas des radiations évolutives pour lesquels le signal phylogénétique est très faible pour ordonner les différentes lignées qui en sont issues, leur placement est le plus souvent difficile du fait de l ancienneté des divergences du faible nombre d espèces disponibles. En plus de ces groupes bien définis, il existe encore des organismes connus uniquement par des séquences d ADN issues des études métagénomiques. Réciprooquement, de nombreuses espèces, en particulier de flagellés et de champignons ont été décrites morphologiquement mais aucune séquence n est disponible. Souvent ces espèces sont rares et ne sont pas disponibles dans les collections. Si la plupart des champignons rejoindront un des embranchements d Eumycota déjà décrits, les flagellés pourraient définir de nouvelles lignées indépendantes de celles déjà décrites. relations de parentés mal définies invention(s) donnant un fort avantage sélectif relations de parentés mal définies radiation évolutive groupe monophylétique ayant eu un grand succès évolutif groupe paraphylétique d organismes ayant eu un succès évolutif moindre Figure 80 Résultat typique d une analyse phylogénétique chez les eucaryotes. 131

141 La classification phylogénétique des eucaryotes Les phylogénies moléculaires (figure 81) permettent actuellement de regrouper la plupart des eucaryotes sous forme de six lignées monophylétiques, Opisthokonta, Amoebozoa, Achaeplastida, Heterokonta, Alveolata et Rhizaria, d un ensemble probablement polyphylétique, les «Hacrobia», et d un dernier groupe dont le statut est en constante modification, les «Excavata». Les six lignées monophylétiques semblent solidement établies et ne changeront probablement plus. Au contraire, il est fort probable que les Excavata disparaissent, car la plupart des espèces de ce groupe n ont pas été analysées moléculairement. Les données déjà obtenues suggèrent que cette lignée est polyphylétique. Holozoa Opisthokonta Metazoa Choanoflagellata Monde eucaryote Amorphea Excavata Holomycota Conosa Amebozoa Lobosa Eumycota Rozellida Nucleariida Mycetozoa Variosea Tubulinea Discosea Metamonada Discoba «Unikonta» «Opimoda» Achaeplastida Rhodophyta Viridiplantae Diaphoretickes «SAR» Hacrobia Heterokonta Alveolata Rhizaria Glaucophyta Haptista Cryptista Pseudomycota Ochrophyta Bygira Apicomplexa Dinoflagellata Ciliophora Radiolaria Foraminifera Cercozoa «Bikonta» «Diphoda» Eubacteria Archaea Monde procaryote Figure 81 Arbre phylogénétique des eucaryotes. Cet arbre ne prend pas en compte de nombreuses lignées représentées par quelques espèces souvent mal connues. 132

142 Les huit lignées semblent se regrouper pour former trois super-ensembles : les Amorphea, les Diaphoretickes et les problématiques «Excavata». Ces trois grandes lignées contiennent des espèces ayant des formes et des biologies si diverses qu il est impossible de leur trouver des synapomorphies. Le terme Amorphea (= sans forme) reflète d ailleurs cet état de fait. On peut cependant noter que les endosymbioses, primaires, secondaires, etc. du plaste se sont produites uniquement chez les Diaphoretickes. Chacune des cinq lignées de ce super-groupe contient des algues, mais pas uniquement. Actuellement, l ordre de branchement des trois super-ensembles est très incertain. Une signature moléculaire, la fusion des gènes codant la synthétase de thymidylate et la réductase de dihydrofolate, a été proposée pour enraciner l arbre entre les Amorphea (ou Unikonta), chez qui les gènes sont séparés, et les autres eucaryotes (ou Bikonta), chez qui ils sont fusionnés. Cet enracinement permettrait de séparer les eucaryotes en deux ensembles basés sur leur mode de propulsion. Cependant, cette signature semble maintenant moins claire car les deux gènes sont fusionnés chez Thecamonas trahens, un flagellé que les phylogénies moléculaires placent clairement dans les Amorphea, probablement comme groupe frère des Opisthokonta. De même, le terme Unikonta n est pas adapté car de nombreuses espèces d Amoebozoa ont deux flagelles. De plus, il semblerait que la fission des deux gènes, plutôt que leur fusion, serait à l origine de la signature. L arbre serait en fait plutôt enraciné dans les Excavata et scinderait les autres eucaryotes en deux lignées distinctes. En effet, une partie d entre eux, Les Malawimonadea et les Diphyllatea, sont regroupés maintenant avec les Amorphea dans une lignée appelée «Opimoda» et un autre ensemble fusionnerait les Discoba et les Diaphoretickes sous le nom de «Diphoda». Cet enracinement est parfaitement compatible avec la théorie de l origine phagotrophique des eucaryotes. L eucaryote ancestral aurait alors pour morphologie celle d un petit flagellé possédant deux flagelles et un sillon ventral par lequel il phagocytait ses proies. Son corps cellulaire aurait aussi pu se déformer pour permettre le déplacement amiboïde. Amorphea La grande lignée des Amorphea inclut deux grands super-groupes monophylétiques, les Opisthokonta et les Amoebozoa, ainsi que de nombreuses autres lignées connues par quelques espèces d organismes unicellulaires (figure 82). Seules les phylogénies moléculaires permettent de regrouper ces organismes qui ne présentent pas de synapomorphie évidente. En particulier, l appareil flagellaire est très variable avec des organismes ayant deux corps basaux et deux flagelles antérieurs comme la majorité des Amoebozoa et des lignées «mineures», deux corps basaux mais un seul flagelle positionné à l arrière comme les Opisthokonta, un corps basal et un flagelle chez certains Amoebozoa ou sans corps basal ni flagelle chez la plupart des Eumycota, mais aussi 133

143 Amorphea Planomonadida Mantamonadida Rigifilida Diphyllatea Malawimonadea «Sulcozoa» Breviatea Apusomonadida «Apusozoa» Opisthokonta Amoebozoa Figure 82 Arbre phylogénétique des Amorphea. certains protozoaires vivant exclusivement sous forme amibe comme les Nucleariida. A ces types principaux s ajoutent de nombreuses dérivations. On connait par exemple des genres d Eumycota comme Basidiobolus ou Coemansia possédant un restant de corps basal ou du moins ce que l on interprète comme tel car il ne contient pas 9 triplets de microtubules, mais 11 ou 12 microtubules uniques ; ces champignons ne différencient pas de flagelle. La plupart des lignées «mineures» était auparavant classées avec les Pygsuia biforma (Breviatea) pseudopode Thecamonas trahens (Apusomonadida) 10 µm Micronuclearia podoventralis (Rigifilida) Malawimonas jakobiformis (Malawimonadea) Collodictyon triciliatum (Diphyllatea) flagelles Mantamonas plastica (Mantamonadina) Planomonas micra (Planomonadina) vacuoles digestives sillon ventral Figure 83 Quelques espèces de Sulcozoa. 134

144 «Excavata», avec lesquels elles partagent la présence d un sillon ventral impliqué dans la nutrition (figure 83). Actuellement, elles sont regroupées par certains biologistes dans le groupe des Sulcozoa, mais ce groupe aux contours encore flous est probablement paraphylétique, la grande divergence des génomes des lignées mineures résultant dans un flou taxonomique. Il est possible que certains de ces organismes quittent les Amorphea. A l inverse, de plus en plus de flagellés et d amibes dont les positions phylogénétiques étaient incertaines semblent appartenir aux Amorphea. La figure 83 montre quelques-unes des espèces caractéristiques de Sulcozoa. La plupart sont des flagellés possédant deux flagelles positionnés à l avant de la cellule, mais dont un se retourne vers l arrière. Certaines comme Collodictyon ont quatre flagelles et d autres comme les Micronuclearia sont des amibes avec des pseudopodes filiformes qui émergent du sillon ventral. Elles sont le plus souvent protégées par une pellicule semirigide apposée sur la face dorsale. Chez les espèces biflagellées, les flagelles ne servent pas à nager mais plutôt à glisser sur le substrat. Ces organismes sont des phagotrophes typiques se nourrissant de bactéries et d algues, via leur sillon ventral. Du fait de leur intérêt pour comprendre les premières étapes de l évolution des eucaryotes, ces organismes sont actuellement le sujet d intenses recherches, en particulier les Apusozoa, dont les phylogénies moléculaires indiquent qu ils seraient les plus proches parents des Opithokonta (figure 82). Le génome de Thecamonas trahens a été séquencé et les premières analyses suggèrent qu il contient des protéines «intégrines» impliquées dans l adhésion cellulaire chez les animaux, des canaux calciques et potassiques aussi typiques des animaux, et des cyclines de type D retrouvées uniquement chez les Eumetazoa! Les cycles complets de ces organismes sont actuellement inconnus car la reproduction sexuée n a pas été observée, mais il est probable qu ils soient déterminés rapidement. Opisthokonta Ce super-groupe contient des espèces plutôt hétéroclites sur le plan morphologique et biologique, puisqu'il englobe les Eumycota et les Metazoa. Il constitue cependant une lignée phylogénétique maintenant solidement établie grâce à un faisceau de phylogénies et de signatures moléculaires convergentes. C'est la lignée d'eucaryote qui a produit la plus grande variété d'espèces car on estime à plusieurs millions les nombres des espèces d'eumycota et de Metazoa. Outre ces deux groupes majeurs, il contient plusieurs lignées de moindre importance (figure 84), dont les Rozellida/Cryptomycota et les amibes Nucleariida, qui sont les parents proches des Eumycota, et les Choanoflagellata, le groupe d organisme unicellulaire frère des Metazoa. De nombreux caractères sont partagés par ces organismes. La synthétase de thymidylate et la réductase du dihydrofolate sont deux enzymes séparés alors qu'ils sont fusionnés chez tous les autres eucaryotes, à l'exception des Amoebozoa. Lorsqu il n est pas 135

145 Metazoa Opisthokonta Holozoa Holomycota Choanoflagellata Filasterea Icthyosporea Nucleariida Rozellida Microsporidia Eumycota Choanozoa Figure 84 Arbre phylogénétique des Opisthokonta. remplacé par EFL, le facteur d'élongation de la traduction eef1a, une des protéines les plus conservée, possède une insertion de 9 à 15 acides aminés en fonction des lignées, absente les autres eucaryotes. Les Opisthonkonta ont la capacité de synthétiser de la chitine, qu ils utilisent pour renforcer les parois. Ils stockent leurs réserves carbonées sous forme de glycogène. Dans la mitochondrie, le codon UGA spécifie tryptophane au lieu de stop. Cependant, le caractère le plus emblématique qui leur vaut leur nom est la présence d un seul flagelle propulsant leurs cellules flagellées (figure 85). Toutefois, à la base du flagelle unique se trouve un couple de corps basaux, le plus souvent perpendiculaire l un par rapport à l autre, trahissant l origine bliflagellaire de la structure flagellaire des Opisthokonta. Les phylogénies établissent l existence de deux grandes lignées évolutives, celle des Holozoa conduisant aux animaux et celle des Holomycota aux champignons «vrais». Elles montrent que les animaux ont pour proches parents des groupes de protistes unicellulaires, dont les Choanoflagellata, et un ensemble d'espèces, dont la plupart sont des parasites, regroupées dans les Filasterea et les Ichtyosporea. Les champignons Eumycota sont apparentés aux Rozellida, qui semblent se nourrir par phagotrophie et aux Microsporidia dont le parasitisme a entrainé une réduction telle que ces organismes ont longtemps été considérés comme intermédiaires entre les eucaryotes et les procaryotes. Les organismes qui leur sont le plus proche sont des amibes, Nuclearia et Fonticula. Cet assemblage se serait séparé des autres eucaryotes autour de Ma. La séparation entre les Holozoa et les Holomycota se serait produite peu après et celle entre les Choanoflagellata et les métazoaires vers Ma. 136

146 noyaux spermatozoïde humain 100 nm microtubules centrioles 5 µm zoospospores de Neocallimastix frontalis Figure 85 Structure du flagelle chez les Opisthokonta. La majorité des Opisthokonta différencient à un moment de leur cycle une cellule flagellée possédant un seul flagelle postérieur. Chez les animaux, il s agit du spermatozoïde et de la zoospore chez les champignons «chytridiomycètes», tel que Neocallimastix frontalis. Dans les deux cas, ces cellules interviennent dans la dispersion/reproduction et ne sont plus capables de se nourrir. Malgré la présence d un seul axonème, la base du flagelle contient deux corps basaux (centrioles), une trace du passé biflagellaire des Opisthokonta. Dans la majorité des espèces les deux centrioles sont perpendiculaires, mais il existe bien évidemment des exceptions chez certains champignons flagellés. Outre les programmes de séquençage dédiés aux Metazoa et aux Eumycota, un effort qui vise à établir les séquences génomiques de plusieurs organismes unicellulaires Opisthokonta devrait permettre de mieux comprendre leur évolution et plus particulièrement comment la pluricellularité s'est mise en place chez les Metazoa et les Eumycota. Le fait que ces organismes ont probablement moins divergé de l'ancêtre commun des Opishonkonta que les animaux et les champignons vrais nous donne une idée de sa structure. La présence parmi ces espèces simples de groupes flagellés et de groupes amiboïdes confirme que cet ancêtre devait être un phagotrophe capable d'osciller entre une forme amibe et la forme flagellée opisthochonte. Holozoa Les phylogénies récentes définissent les Holozoa comme la lignée des Opisthokonta qui englobe les animaux (Metazoa). Cette lignée comprend aussi un 137

147 ingestion, muscles et nerfs Bilateria multicellularité Ctenophora Cnidaria Myxozoa Placozoa Evolution régressive Metazoa Porifera Hexactinellida Demospongiae Homoscleromorpha Calcarea Filozoa Choanoflagellata Filasterea Holozoa Corallochytrea Mesomycetozoa Choanozoa Ichthyosporea Figure 86 Arbre phylogénétique des Holozoa. ensemble paraphylétique d'organismes unicellulaires possédant des biologies diverses, les Choanozoa (figure 84) ; phagotrophes, parasites, unicellulaires, coloniaux... D'un point de vue anthropomorphique, cette lignée qui englobe les animaux est de la plus haute importance car elle nous donne une idée de l'aspect de notre ancêtre unicellulaire. A la base de cet arbre se trouve les Mesomycetozoa, ce qui veut dire intermédiaire entre les champignons et les animaux. En effet, la plupart des organismes de ce groupe a été rangée avec les champignons dans l ancienne classe disparue des Trichomycetes, car ils possèdent des caractéristiques fongiques comme la possession d un thalle végétatif formé d hyphes et la fabrication de spores pour se disperser (figure 87). La quarantaine d espèces connues sont des symbiotes commensaux ou parasites de poissons, d amphibiens ou de crustacés. Néanmoins, la métagénomique montre que ces organismes sont fréquents et divers dans les écosystèmes marins et dulçaquicoles, indiquant que seule une faible proportion d entre eux est connue de la science. Peu d espèces sont cultivables in vitro, et il est probable que les cycles de vie ne sont pas connus dans leur totalité (figure 87). Celles qui se cultivent sont maintenues dans des milieux axéniques, une caractéristique qui les rapprochent plutôt des champignons. Creolimax fragrantissima peut être transformée et analysée génétiquement par une approche d interférence à ARN. Cette espèce servira donc probablement de modèle d analyse pour les Mesomycetozoa. Une dernière espèce, Corallochytrium limascisporum, est apparentée à ce groupe, voire y 138

148 spores noyaux vacuole kystes 50 µm amibes crampon Amoebidium parasiticum schizogonie Creolimax fragrantissima Figure 87 Cycle asexuel de deux Mesomycetozoa. Amoebidium parasiticum a longtemps été classé avec les champignons car il différencie un thalle végétatif allongé en forme d hyphe et se disperse via des spores. Cette espèce se trouve fixée par un crampon sur la cuticule externe de crustacés et larves d insectes d eau douce. Elle peut différencier des amibes qui vont sortir du thalle et s enkyster et redonner des spores. Cette partie du cycle est similaire à celui de Creolimax fragantissima. Ce symbiote du tractus digestifs d invertébrés marins produit des amibes qui vont grossir et former des syncytiums. De nouvelles amibes émergent après schizogonie du syncytium. Lorsque les cultures vieillissent, les syncytiums restent agglomérés et forment une structure qui ressemble à une morula. appartient. Il formerait alors la seconde classe du groupe, les Corallochytrea, les autres espèces étant actuellement rangées dans les Ichthyosporea. Elle possède un cycle de vie similaire impliquant des amibes pour la dispersion et des cellules isolées se divisant par fission pendant la phase trophique. Dans la nature, elle vit dans les récifs coralliens de la mer d Arabie. Elle se cultive très facilement sur milieu axénique et ne nécessite pas d azote organique pour croitre, un caractère qui la rapproche des champignons. La classe des Filastera ne contient actuellement que deux espèces : Ministeria vibrans et Capsaspora owczarzaki (figure 88). Ministeria vibrans est un phagotrophe marin se nourrissant de bactéries. C est une petite cellule rayonnante qui vit soit sous forme libre, soit fixée sur le substrat par un long pédoncule. Peu de choses sont connues sur cet kyste 5 µm Ministeria vibrans agrégat Capsaspora owczarzaki Figure 88 Capsaspora owczarzaki et Ministeria vibrans, les deux Filastera connus. 139

149 noyau 2 µm vacuoles digestives flagelle Monosiga brevicollis microvillosités thèque Monosiga ovata 5 µm kyste Codosiga botrytis lorica collerette Salpingoeca rosetta Stephanoeca diplocostata Figure 89 Diversité des Choanoflagellata. En haut à gauche, la cellule typique avec sa collerette de microvillosités entourant le flagelle central unique. Le corps cellulaire contient un noyau central. Les proies sont attirées par le courant d eau créé par le flagelle. Elles sont collées sur les microvillosités et collectées à la base de la collerette, où elles sont phagocytées. Le corps cellulaire peut être protégé par une thèque qui prend le nom de lorica lorsqu elle contient de la silice. organisme. Au contraire, de nombreuses données sont disponibles sur Capsaspora owczarzaki, qui est un symbiote d un gastéropode aquatique, Biomphalaria glabrata. Ce mollusque est un vecteur du ver plat Schizostoma mansoni, un parasite de l homme responsable de la bilharziose intestinale. Capsaspora owczarzaki consomme les larves du ver et est donc envisagé comme contrôle du parasite. Il se présente sous forme d amibe rayonnante qui peut se différencier en kyste ou s agréger de manière aléatoire. Le génome de cet organisme a été séquencé et il contient environ 8700 gènes pour une taille de 28 Mb. Parmi ceux-ci, il a été retrouvé des gènes impliqués dans la multicellularité chez les animaux comme des protéines de la matrice extracellulaire, des adhésines ou des kinases de tyrosines. L expression des gènes codant ces protéines est induite durant l agrégation, ce qui est d une similarité troublante avec ce qu il se passe chez les animaux! La dernière classe d Holozoa unicellulaires est celle des Choanoflagellata. C est de loin la mieux connues, même si nos connaissances ont de nombreuses lacunes, et celle qui contient le plus d espèces, puisqu environ 150 morpho-espèces ont été décrites. Ce nombre sous-estime probablement la diversité du groupe car certaines morpho-espèces, telle Codosiga botrytis (figure 89) sont si variable d un point de vue génétique, qu il 140

150 colonie en chaine fécondation nageur lent gamétogenèse colonie en rosette nageur rapide forme fixée haplophase méiose diplophase Figure 90 Différenciation et cycle de vie de Salpingoeca rosetta. faudrait en fait créer des nouveaux genres pour classer les différentes lignées. Les phylogénies moléculaires confirment que c'est le groupe d'organismes qui est le plus proche des métazoaires. Une idée qui était suggérée depuis très longtemps car les Choanoflagellata ressemblent fortement aux choanocytes des Porifera. Les Choanoflagellata habitent les eaux douces ou marines. La cellule typique est une petite cellule uninucléée caractérisée par la présence d'un flagelle unique entouré par une collerette (figure 89). Celle-ci est composée de microvillosités agglomérées les unes aux autres. Le battement du flagelle attire les particules alimentaires comme des bactéries et des petits eucaryotes sur la collerette qui les transporte vers le corps de la cellule, où elles sont ingérées par phagocytose. Ce mode de nutrition semble efficace car d un point de vue écologique les Choanoflagellata peuvent représenter jusqu à 40% des petits flagellés côtiers et filtrer entre 10 et 25% des eaux côtières. Ils éliminent ainsi de nombreuses bactéries dont ils se nourrissent. Ils participent aussi à l élimination des virus car il a été montré qu en leur présence les particules virales sont ingérées et éliminées. Ils servent eux même d aliments pour de nombreux organismes comme des Ciliophora Les cellules sont entourées d'un glycocalyx, c'est à dire d'une structure fibrillaire apparentée à une matrice extracellulaire simple. Ce glycocalyx peut s épaissir et les espèces sont alors protégées par une thèque organique. Un groupe particulier utilise en guise de protection une structure siliceuse en forme de panier tressé: la lorica (figure 89). Ce dernier groupe est monophylétique et marin. Il possède des transporteurs de silice apparentés à ceux des diatomées (Bacillariophyta), qui elles aussi fabriquent une protection siliceuse, le (ou la) frustule. Au cours de leur division, les espèces possédant une thèque ou une lorica émettent des projections qui sont probablement des pseudopodes, montrant que ces organismes ont toujours la capacité de faire des mouvements amiboïdes. Quelques espèces, comme Codosiga botrytis, peuvent former des kystes de résistance (figure 89). Ceux-ci semblent très résistants, car des kystes conservés dans le permafrost et vieux d environ ans ont pu être réveillés. Ils ont donné naissance à des individus en tout point semblables aux individus actuels. 141

151 Beaucoup d espèces ont en fait la capacité de différencier plusieurs types cellulaires en fonction des contraintes externes (figure 90). Le passage entre les formes unicellulaires et la forme coloniale a beaucoup été étudié chez Salpingoeca rosetta, qui semble devenir le modèle d analyse pour ce groupe. Il a pu être montré que la présence de sulfonolipides à des concentrations aussi faibles que M est le signal qui conduit à la formation de colonies. Celles-ci ne résultent pas de l agrégation des cellules, mais bien de leur division et séparation incomplète. Leur formation requiert une lectine de type C qui se localise au centre de la colonie. Les sulfonolipides sont sécrétés par Algoriphagus machipongonensis, la bactérie qui lui sert de proie. La formation de colonies a pour effet d'améliorer le flux d'eau autour de l'organisme et donc de faciliter la récolte de nourriture. Il se pourrait donc que les bactéries aient participé à l apparition de la multicellularité chez les animaux en fournissant les premières molécules de signalisation. Nos connaissances sur le cycle de vie des Choanoflagellata restent incomplètes. Une reproduction sexuée a été décrite uniquement chez certains isolats de Salpingoeca rosetta (figure 90). Elle fait intervenir deux gamètes flagellés de tailles différentes. Ceux-ci sont différenciés lorsque le milieu s appauvrit, par un mécanisme encore inconnu. Une même culture donnant les deux types de gamètes, il semblerait donc que Salpingoeca rosetta soit homothallique. Le diploïde, comme les cellules haploïdes, peut se diviser et semble faire la méiose lors du retour dans un milieu riche, mais celle-ci n a pas encore été mise en évidence cytologiquement. Néanmoins, des recombinaisons génétiques ont été détectées, suggérant bien un processus méiotique. Les génomes des Choanoflagellata restent petits (40-50 Mb) et compacts avec la présence d environ gènes. Comme dans le cas de Capsaspora owczarzaki, certains de ces gènes sont des orthologues de gènes impliqués dans la construction de la multicellularité, voir du système nerveux, suggérant que l ancêtre commun aux Choanoflagellata et aux Metazoa possédait déjà une Bilateria Bilateria Porifera Cnidaria Myxozoa Placozoa Hexactinellida Demospongiae Homoscleromorpha Calcarea Ctenophora Porifera Placozoa Ctenophora Cnidaria Myxozoa Hexactinellida Demospongiae Homoscleromorpha Calcarea Ctenophora en premier Porifera en premier Figure 91 Deux phylogénies de l origine des animaux. L arbre Ctenophora en premier est obtenu en excluant les protéines ribosomiques de l analyse et l arbre Porifera en premier en les incluant. 142

152 partie des gènes importants pour faire un animal. Probablement qu une partie de ces gènes permettent de gérer les différenciations et la formation des colonies observées chez les Choanoflagellata et les autres Filozoa unicellulaires. Il semble surprenant de parler d animaux (Metazoa) dans un livre sur les protistes, mais il est difficile de ne pas les mentionner dans un chapitre sur les Holozoa, et ce d autant plus que certains animaux, et plus particulièrement les éponges, ont longtemps été classés parmi les protistes (figure 63) et sont toujours considérés par certains biologistes comme intermédiaires entre les vrais animaux ou Eumetazoa, et les «protozoaires». Les phylogénies moléculaires ont été pour l instant incapables de résoudre le problème de l origine des animaux. La figure 86 propose la phylogénie qui représente le consensus actuel. Deux groupes posent un problème, les Placozoa et les Ctenophora. En effet, en fonction du lot de protéines utilisées pour construire les arbres phylogénétiques des résultats différents sont obtenus (figure 91). Le cas des Placozoa est peu problématique car ces animaux ont une biologie qui leur est propre et leur placement comme groupe frère des tous les animaux, des Porifera ou des «eumétazoaires» ne vient pas bouleverser notre compréhension de l apparition des animaux. Au contraire, les Ctenophora ont une biologie très similaire à celles des autres Eumetazoa (Cnidaria et Bilateria) : ils possèdent des muscles, des nerfs et se nourrissent par ingestion. Leur placement à la base de l arbre des animaux comme groupe frère des autres animaux (figure 91) révolutionnerait donc notre vision de l apparition des animaux. En effet, dans le scénario classique des Porifera en premier (figures 86 & 91), qui est soutenu par les phylogénies qui incluent les protéines ribosomales, les muscles, nerfs et système digestifs pour l ingestion ont été inventés une seule fois par l ancêtre des Eumetazoa. Au contraire, dans le scénario Ctenophora en premier (figure 91), ces trois caractéristiques seraient apparues par évolution convergente. Un scénario alternatif serait une seule invention à l origine des animaux et une perte chez les Porifera et les Placozoa. D après la position la plus fréquemment trouvée pour les Placozoa comme groupe frère des Bilateria + Cnidaria/Myxozoa, il faut en faudrait probablement imaginer deux pertes indépendantes. Comme ni les Porifera ni les Placozoa ne sont des parasites, il est difficile de réconcilier des pertes de muscles et nerfs avec un avantage sélectif. Les biologistes partisans de la phylogénie «Ctenophora en premier» avancent plusieurs arguments physiologiques pour soutenir leur hypothèse. Parmi ceux-ci, on peut citer l absence apparente dans les deux génomes séquencés des Ctenophora de certains neurotransmetteurs et neurorécepteurs présents chez les autres Eumetazoa et le fait que des différences importantes existent entre les Choanoflagellata et les choanocytes des Porifera. Ces deux types cellulaires auraient donc pu apparaitre par convergence évolutive. Les partisans de la théorie «Porifera en premier» réfutent ces arguments, en considérant que les lignées ont divergé il y a suffisamment longtemps pour expliquer les différences observées et que trop peu de données sont disponibles pour bouleverser la phylogénie établie. Celle-ci s explique de plus en supposant moins d étapes. 143

153 Contrairement aux plantes pour lesquelles la sortie de l'eau a conditionné leur évolution, les Metazoa ont évolué selon une voie qui améliore leur capacité à attraper des grosses proies, d où l apparition dans des organismes pluricellulaires d un système de détection (nerfs), de capture (muscle) et d ingestion (tube digestif). En effet, tous les Metazoa sont au moins primitivement hétérotrophes et demandent des nutriments complexes pour leur alimentation qui est d abord de type phagotrophique chez les Porifera, pour passer à un système par 144 bouche lobée disque tige canal gastro-vasculaire branche gastrovasculaire 1 mm Dendrogramma sp. Figure 92 Des animaux mystérieux, les Dendrogramma. Récoltés pour la première fois en 1986 au large des côtes australiennes, les deux espèces connues de Dendrogramma ont été décrites pour la première fois en Leur structure ressemble à celles des Cnidaria et des Ctenophora, mais ces organismes sont dépourvus des caractères typiques de ces deux lignées, suggérant qu ils appartiennent à une nouveau groupe encore inconnu d animaux. ingestion avec une bouche et un estomac, temporaire chez les Placozoa et permanent chez les autres animaux : le tube digestif. Cette évolution est donc probablement un miroir au niveau pluricellulaire de ce qu il s est passé au niveau unicellulaire lors de l apparition de la cellule eucaryote! De fait, comme dans le cas de la cellule eucaryote, l apparition des animaux a permis un gain de taille important des organismes (figure 53), ainsi qu une augmentation drastique de leur complexité. De même, comme pour l'invention de la cellule eucaryote, il y a eu une "explosion évolutive" des Metazoa qui explique les difficultés actuelles à reconstituer l origine des animaux. Celle-ci a eu lieu au début du cambrien avec l'élaboration de toute une série d'organismes ayant des plans d'organisation connus ou inconnus dans la faune actuelle, dont les fossiles d'ediacara ( Ma) et de Burgess (-544 Ma). Notez que certains animaux «disparus» auraient pu subsister jusqu à nos jours, car récemment des animaux mystérieux en forme de champignons ont été décrits : les Dendrogramma (figure 92). Ils ressemblent à des animaux présents dans la faune fossile d Ediacara. Actuellement, les Metazoa dominent avec les Eumycota la biodiversité des eucaryotes en nombre d espèces. En effet, ils comprennent des groupes aussi vastes que les insectes et autres arthropodes (1,5 millions d'espèces), les nématodes (au moins espèces), les mollusques (au moins espèces), les chordés (plus de espèces), etc. Par contre, leur biomasse totale est très inférieure à celle des plantes, et

154 aussi probablement à celle des champignons, des bactéries et possiblement des autres protistes. Ce succès des animaux, inégalé dans les autres groupes de protistes phagotrophes, a été facilité grâce à l'invention du système nerveux et du système musculaire qui a permis de mieux localiser et attraper les proies mais aussi grâce à la mise au point de régulations qui ont permis l'élaboration d'organismes pluricellulaires organisés avec différents tissus chargés de différentes fonctions. Ceux-ci sont formés de cellules très différenciées. Cela a nécessité en premier temps la mise en place d'un complexe protéique contenant du collagène qui est spécifique aux métazoaires et qui assure la cohésion des cellules au sein des tissus. Dans un second temps, des gènes particuliers codant pour des facteurs de transcription comme les gènes à homéoboite ou gènes Hox ont été utilisés pour mettre en place les plans d'organisation générale. Parallèlement au progrès du système locomoteur et sensitif, divers autres systèmes se sont perfectionnés: systèmes hormonaux permettant une meilleure régulation de l'organisme au cours du développement et en réponse à des stimuli, systèmes immunitaires permettant de mieux combattre les pathogènes et parasites, etc. Malgré leur complexité beaucoup plus poussée, il faut à peine plus de gènes pour faire un animal (~ pour une drosophile, ~ pour un nématode, ~ pour un mammifère) qu'un champignon Eumycota (~ à )! Cependant, ces gènes codent plus souvent des protéines de régulation et moins des enzymes du métabolisme. Ils sont soumis à des régulations beaucoup plus complexes telles Figure 93 Pseudosuberites sulphureus. Cette éponge est commune sur les côtes de France. 145 que des épissages alternatifs qui à partir d'un même gène peuvent fabriquer plusieurs protéines ayant des activités très différentes voir antagonistes. Néanmoins, on sait maintenant que des épissages alternatifs existent mais dans une moindre mesure chez d autres eucaryotes, dont les Eumycota. Les Metazoa ont de plus en communs le fait d'être exclusivement à cycle diplobiontique car la phase haploïde se réduit aux gamètes, volumineux et non mobile pour le gamète femelle, petit et mobile (le plus souvent flagellé) pour les gamètes mâles. Dans ce livre, nous allons donc essentiellement développer les trois phylums qui ont posé des problèmes aux zoologistes : les Porifera et les Placozoa, car leur biologie originale les place à la frontière entre les protozoaires et les vrais animaux, et les Myxozoa car l évolution réductrice liée au parasitisme a longtemps obscurcit leur origine.

155 Il existe environ espèces de Porifera. Plus connus sous le nom d'éponges, on les retrouve tout autour du monde dans les eaux douces mais surtout dans les eaux marines jusqu'à m de profondeur. Ce sont des organismes benthiques et généralement sessiles, c est-à-dire incapables de mouvements (figure 93), mais quelques espèces peuvent se déplacer lentement à la vitesse de quelques mm/h. Elles montrent une organisation primitive avec quatre types de cellules dont les fameuses cellules choanocytes qui ressemblent aux Choanoflagellata, des cellules épithéliales dites pinacocytes, des cellules amiboïdes appelées archéocytes et des cellules formant des pores ou 146 pinacocyte porocyte ostiole archéocyte sycon mésoglée spicule choanocyte chambres à choanocytes atrium oscule ascon leucon Figure 94 Plans d organisation des Porifera. Le type ascon définit la forme initiale simple constituée d un seul tube. Ce type s est complexifié en sycon, où le tube est toujours reconnaissable, puis leucon où les tubes fusionnés ne sont plus facilement détectables. porocytes. Ces quatre types cellulaires s organisent sous la forme de tubes, qui se sont complexifiés au cours de l évolution (figure 93). Cette organisation est moins contrainte que chez les autres animaux. En particulier, la fragmentation d une éponge n est pas fatale et les différents fragments peuvent se réassocier pour redonner des individus viables. Par contre, le mélange de fragments d espèces différentes ne conduit pas à une chimère car chaque fragment reconnaît "le soi" du "non soi"! La paroi du tube (figure 94) est formée d'une couche externe des cellules épithéliales protectrices, d'une couche interne de choanocytes impliqués dans la nutrition de l animal et entre les deux d une matrice protéique, la mésoglée, avec les archéocytes, qui sont totipotentes et peuvent se différencier en tous les types cellulaires. Les connections entre l intérieur et l extérieur se font via les porocytes. Il n existe donc que quatre types de cellules bien définies chez ces organismes, même si certains chercheurs ont pu définir de nombreux sous-types, en

156 particulier pour les cellules amiboïdes, dont certaines sont spécialisées dans le nettoyage de l éponge et forment un système immunitaire primitif, ou dans la sécrétion de collagènes (collencytes et lophocytes), de spongine (spongocytes chez les Desmospongiae) ou des spicules (sclérocytes). Les spicules sont de nature variée en fonction des espèces et comme la spongine donnent une rigidité à l'ensemble. Il n existe donc ni nerf ni muscles. Cependant comme écrit plus haut les éponges sont capables de mouvements simples de déplacement ou de contraction qui résultent de la contraction des cellules épithéliales par un mécanisme encore inconnu. Chez la plupart des espèces, la nutrition se fait au niveau des choanocytes. En effet, la plupart des éponges se nourrissent de bactéries en suspension dans l'eau. Cellesci sont entraînées à l'intérieur de l'éponge par les battements des flagelles des choanocytes en passant par les pores formés par les porocytes. Elles seront phagocytées par les choanocytes, d une manière similaires à ce qu il se passe chez les Choanoflagellata. Des grosses particules alimentaires sont aussi phagocytées, soit par les cellules épithéliales soit par les cellules amiboïdes. Des vésicules alimentaires sont transférées des cellules collectrices vers celles qui en ont besoin. Les éponges filtrent abondamment l'eau car un individu peut filtrer fois son volume interne en 24h et retenir jusqu'à 90% des bactéries en suspension. Elles jouent donc un rôle majeur au même titre que les Choanoflagellata dans l épuration de l eau de mer. Elles pourraient donc servir de système de filtration naturelle et des études sont menées dans ce sens pour développer leur croissance. Il existe quelques espèces possédant des zoochlorelles, des zooxanthelles ou des cyanobactéries endosymbiotiques. De manière générale, les éponges sont associées à de nombreux microorganismes dont des bactéries, archées, levures, champignons filamenteux fabriquant de nombreux métabolites secondaires. Il semble qu elles puissent elle-même fabriquer des métabolites variés, qui les aident à contrôler les populations de symbiotes qu elles hébergent. Cette production et accumulation de métabolites se voit dans les couleurs vives de la plupart des espèces (figure 93). Finalement, il existe des éponges carnivores qui sont capable de digérer des grosses proies, telles que des crevettes ou des petits poissons qu elles attrapent grâces à des spicules. Les archéocytes se déplacent alors pour entourer la proie et sécréter des enzymes qui vont assurer la digestion. Même chez ces espèces carnivores, il n existe donc pas à proprement parler de système digestif. Les éponges sont capables de reproduction asexuée, via des bourgeonnements ou la production de gemmules, qui sont formées de plusieurs cellules entourées d'une paroi protectrice, et de reproduction sexuée (figure 95). Les individus sont le plus souvent hermaphrodites et différencient à des moments différents des spermatozoïdes et des ovules. Les spermatozoïdes sont relâchés dans l'eau et sont aspirés par les individus portant des ovules qui se trouvent généralement dans la matrice. Les spermatozoïdes sont transportés par des cellules spéciales vers les ovules et les fécondent. Les zygotes produits forment des larves ciliées qui sont retenues plus ou moins longtemps dans l'éponge et 147

157 macromères cellules épithéliales flagellées (micromères) archéocytes larve nageuse fécondation développement embryonnaire archéocytes phase adulte juvénile phase adulte méiose et gamétogenèse gemmules cellules épithéliales adulte mature hermaphrodite reproduction asexuée Figure 95 Cycle de vie des Porifera. vont aller ensuite fonder de nouvelles colonies d'éponges. Les phylogénies moléculaires indiquent que les Porifera forment une lignée monophylétique regroupant quatre classes (figure 86). Les génomes séquencés indiquent des tailles allant de 50 à 170 Mb et des capacités codantes allant de à gènes. Leur analyse montre une complexification plus importante des systèmes d adhésion, avec en particulier la présence d une cadhérine capable de fixer la caténine, alors que les cadhérines des Holozoa unicellulaires ne semblent pas pouvoir le faire. Des gènes codant des protéines impliquées dans la formation des épithéliums, dans les communications intercellulaires typiques des animaux plus complexes sont aussi présents ou bien dans le fonctionnement du système nerveux. La présence de tels gènes laisse bien entendu en suspens la résolution de l apparition des animaux. Clairement, les Porifera possèdent déjà la boite à outils pour faire des animaux plus complexes, l ont-elles utilisée au cours de leur évolution, et donc dérivent-elles d animaux plus complexe, est une question encore irrésolue. Il existe une seule morpho-espèce décrite de Placozoa, Trichoplax adhaerens. Cependant, les analyses moléculaires montrent que sous cette uniformité morphologique se cache une grande diversité génétique et donc probablement plusieurs espèces. Ces organismes initialement découverts il y a une centaine d'année dans un aquarium à Vienne en Autriche sont présents dans l ensemble des mers du globe. Ils semblent particulièrement fréquents dans les mangroves. Ils possèdent deux couches d'une dizaine 148

158 cellule à cristal cellule épithéliale dorsale cellule fibre cellule glandulaire cellule épithéliale ventrale cellule à granule lipidique 100 µm Figure 96 Trichoplax adherens. de milliers de cellules formant un disque flexible plat de quelques mm de diamètre (figure 94). Ils ne différencient que 6 types cellulaires : des grosses cellules uniflagellées épithéliales ventrales; des cellules glandulaires et des cellules contenant des granules lipidiques positionnées aussi sur la face ventrale; des petites cellules épithéliales uniflagellées sur la face dorsale, des cellules fibres et des cellules contenant des cristaux baignant dans un fluide à la jonction des deux couches (figure 96). Ce sont des animaux benthiques et mobiles. Ils rampent sur le substrat grâce à leur flagelles et sont capables de se déformer bien que ne possédant pas de muscle, par un mécanisme encore incompris. Ils ne possèdent pas de nerfs, mais les cellules glandulaires secrètent des peptides apparentées aux neuropeptides qui pourraient coordonner le comportement de l animal. De plus, une partie de la machinerie impliquée dans la neurotransmission est codée par le génome de Trichoplax adherens, comme chez les Porifera. Celui-ci mesure 100 Mb environ, soit deux à trois fois plus que le génome du Choanoflagellata Monosiga brevicollis, pour un nombre équivalent de gènes : Les introns sont nombreux, en moyenne 8 par gène, et de petite taille (250 pb). Ils sont donc en nombre équivalent à ceux présents chez les Eumetazoa, mais n ont pas leur grande taille. Par contre les gènes semblent espacés avec un gène tous les 10 kb versus un gène tous les 3 kb chez M. brevicollis. 87% de ces gènes ont un homologue chez les métazoaires et réciproquement 83% des gènes conservés chez les animaux ont un homologue chez Trichoplax adhaerens. Il possède la plupart des voies de signalisation et des facteurs de transcription impliqués au cours du développement embryonnaire, sauf peut-être la voie «hedgehog», mais dans beaucoup de cas ces voies semblent manquer un ou plusieurs composants essentiels à la transmission du signal. Par contre, comme chez les Eumetazoa, la phosphorylation des 149

159 tyrosines semble jouer un grand rôle, car particule alimentaire de nombreuses tyrosines sont phosphorylées chez Trichoplax adhaerens. Trichoplax adhaerens se nourrit de débris et d'algues qu'il digère de manière extra-corporelle. Néanmoins, ces organismes commencent à posséder une sorte de cavité digestive temporaire même si la digestion est encore externe Figure 97 Alimentation chez Trichoplax adherens. (figure 97). Les aliments pénètrent dans les cellules probablement en partie par phagocytose et en partie par absorption à travers des transporteurs comme chez les Eumetazoa car les cellules épithéliales ventrales possèdent des microvillosités (figure 96). Les Placozoa sont diploïdes comme les autres Metazoa. Au laboratoire, leur multiplication s'effectue uniquement de manière asexuée par scissiparité (figure 98) ou par bourgeonnement des "thalles" à partir des cellules de la couche supérieure. La multiplication est rapide avec une fission journalière! Des individus femelles portant des «œufs» peuvent être obtenus en élevant les Placozoa à une température supérieure à 23 C. Ils dégénèrent pendant que l œuf, le plus souvent unique, se différencie. La différenciation des spermatozoïdes ainsi que la fécondation n ont pas été observée. Le développement de l embryon a pu être suivi jusqu au stade 128 cellules, stade auquel tous les embryons meurent. Cependant, on a pu montrer récemment que dans la nature ces organismes ont une sexualité car des analyses de polymorphismes pour différentes régions du génome ont permis de définir des individus homozygotes mais aussi plusieurs individus hétérozygotes pour certains locus, ce qui ne se comprend que s'il y a de la sexualité. De même, le génome de cet organisme contient l'ensemble des gènes connus impliqués dans la méiose. On suspecte donc fortement que les conditions d'élevage sont inadéquates pour obtenir un développement embryonnaire complet. Trichoplax adherens semble donc intermédiaire entre les Porifera et les 150 Figure 98 Division par scissiparité chez Trichoplax adherens.

160 Eumetazoa. Comme les Porifera, il a adopté une multicellularité complexe avec du collagène comme colle principale entre les cellules et un cycle diplobiontique avec une reproduction sexuée anisogamique. Mais il est capable de se déplacer rapidement et d effectuer des mouvements de contraction plus complexes que les Porifera, bien qu il les fasse sans muscles ni nerfs. Il différencie un estomac temporaire, ce qui rappelle plus le mode de nutrition par ingestion des Eumetazoa que celui exclusivement phagotrophique des Porifera. De fait la majorité des phylogénies moléculaires, ainsi que la structure et le contenu de son génome, le place comme le groupe frère des Eumetazoa. Contrairement aux Porifera et aux Placozoa qui n ont probablement jamais eu de systèmes nerveux, musculaires et digestifs, il semblerait que les Myxozoa ont eu de tels attributs. En effets, les phylogénies moléculaires placent clairement ces organismes avec les Cnidaria (hydres, coraux, anémones de mer, méduses, etc.) dans une même lignée salmonidé actinospore myxospore tubifex sporogenèse méiose fécondation Figure 99 Cycle de vie Myxobolus cerebralis, un Myxozoa. L infection des salmonidés commencent après un contact direct avec des spores ou après ingestion de vers parasités. Les "spores" pénètrent à l'intérieur du poisson grâce à l évagination des filaments issus des cellules polaires. Les cellules se divisent et envahissent progressivement l'épiderme, le derme puis le système nerveux. Ensuite, des cellules se différencient en nouvelles spores qui pénètrent dans le ver grâce à leurs filaments polaires. Les cellules s'y multiplient d'abord sous forme de syncytium, puis de cellules uninucléées et enfin de cellules binucléées. C'est dans le ver que se produit la reproduction sexuée. Celle-ci est complexe et fait intervenir des fécondations entre gamètes issus d'une même cellule ancestrale. Puis, les organismes se différencient de nouveau en spores. Durant la totalité du cycle, l'organisme est de petite taille (quelques dizaine de microns) et possède quelques cellules, le tout ayant une structure simple. 151

161 évolutive. Plus de 1400 espèces de Myxozoa sont actuellement décrites. Ce sont des parasites de nombreux animaux, dont des poissons d'intérêt économique, des amphibiens et des reptiles. Une infection chez des canards a été décrite. Pour la plupart des espèces, ils ne possèdent ni muscles, ni système nerveux, ni système digestif. Ils ne différencient jamais de cellules flagellées. En fonction, des espèces et des étapes de leur cycle de vie, ils se développent sous forme de plasmodes, de pseudo-plasmodes, ou bien de couches cellulaires organisées autour d un syncytium. De même, ils vivent soit dans les cavités corporelles, soit dans les tissus entre les cellules ou bien pour certaines espèces dans les cellules. Leur dispersion se fait via des spores de morphologie différentes en fonction du stade du cycle. Les Myxozoa ont donc un cycle complexe qui est longtemps resté mystérieux, en fait jusqu'en 1984, où il a été décrit chez Myxobolus cerebralis. Chez cette espèce comme vraisemblablement chez la majorité des Myxozoa, il y a une alternance entre une phase «myxozoaire» dans des salmonidés et une phase «actinosporée», qui a souvent lieu dans un ver oligochète. Dans le cas de Myxobolus cerebralis, les poissons sont divers et incluent les saumons et les truites d élevage ; le ver est Tubifex tubifex (figure 99). Les analyses biologiques confirment que, malgré une morphologie simple, les Myxozoa sont des organismes proches de Cnidaria que la vie parasitaire 100 µm a simplifié. Ils synthétisent du collagène et possèdent des capsules polaires, qui Figure 100 Buddenbrockia plumatella. sont des cellules ressemblant fortement aux cnidoblastes, les cellules urticantes typiques des Cnidaria. Il est très probable que ces deux types cellulaires soient en fait homologues. Buddenbrockia plumatella (figure 100), un organisme vermiforme qui parasite les bryozoaires, un groupe d'invertébrés aquatiques, a été classé dans ce groupe sur la base de comparaison de séquences. Comme les autres Myxozoa, il possède les capsules polaires caractéristiques. Il est plus complexe que les Myxozoa typiques car sa locomotion est assurée par un groupe de quatre muscles qui courent le long du corps, lui permettant de passer d'un hôte à l'autre. De plus, il mesure quelques centaines de microns ce qui est une taille bien supérieure à celle des autres espèces du groupe. Les analyses des séquences des gènes ribosomiques montrent qu il est proches d autres Myxozoa parasites de bryozoaires et ayant une morphologie plus typiques. Ce groupe parasitant les bryozoaires a divergé rapidement des autres espèces, confirmant que les ancêtres des Myxozoa étaient plus complexes que les espèces actuelles. Cependant, Buddenbrockia plumatella a lui aussi subit une évolution régressive car il est dépourvu de système nerveux, de tube digestif et d'organe de sens. 152

162 Les Myxozoa sont à l'origine d'épizooties importantes dans les aquacultures et une recherche assez intensive est en cours actuellement pour élucider leur physiologie. Dans les élevages, ils sont rarement mortels, même si Myxobolus est fatal aux truites. Toutefois, ils entrainent une diminution de la qualité du poisson. Beaucoup ont des spectres d'hôtes larges et peuvent infester rapidement les aquacultures. Des nouvelles sondes moléculaires permettent maintenant l'identification rapide des parasites et la mise au point de traitements curatifs comme l application de rayons UV qui sont efficaces à certains stades du cycle. Il existe maintenant une souche de truite résistante naturellement aux Myxobolus. Eumycota Holomycota Microsporidia Rozellida Aphelida Nucleariida Rozellomycota Cryptomycota organismes se nourrissant toujours par phagotrophie Figure 101 Arbre phylogénétique des Holomycota. Holomycota La deuxième grande lignée évolutive des Opisthokonta est celle des Holomycota, aussi appelée Nucletmycea. Le groupe d Holomycota qui a eu le plus de succès est sans conteste celui des champignons Eumycota ou vrais champignons. À la base de l arbre phylogénétique (figure 101) se trouvent des organismes dont le mode de nutrition est toujours phagotrophique, les Nucleariida et les Aphelida, confirmant que les Eumycota, dont le mode de nutrition est l osmotrophie, dérivent bien de protistes phagotrophes. Ce mode trophique semble être aussi conservé chez Rozella allomycis, un parasite de champignons appartenant aux Rozellida, le groupe frère des Eumycota. Mais la difficulté à cultiver les autres Rozellida fait que leur mode de vie reste mystérieux. Probablement encouragés par le manque d information à leur sujet, des chercheurs anglais les ont inclus dans le groupe des Cryptomycota, sans savoir si ces organismes sont bien des 153

163 champignons à nutrition osmotrophe! Si la phagotrophie de Rozella est celui typique du filopodes groupe, il vaudra donc mieux conserver le nom de Rozellida pour bien marquer que ce ne sont pas des champignons. Les Rozellida sont apparentées aux Microsporidia, un groupe de parasites intracellulaires qui a tellement régressé que pendant longtemps, il a été considéré comme intermédiaire entre les procaryotes et les eucaryotes! Contrairement 20 µm aux Eumycota qui sont étudiés depuis longtemps, on connaît relativement peu Figure 102 Nuclearia pattersoni. de choses sur les trois autres phylums. Les Nucleariida vivent principalement sous la forme d amibes possédant des pseudopodes rayonnants (figure 102). Ces pseudopodes filamenteux sont produits sans le soutien de microtubules, contrairement aux filopodes des autres amibes rayonnantes du groupe des Rhizaria. De dispersion germination sporophore (sorocarpe) agrégation multiplication végétative manière surprenante, ces amibes ont des mitochondries à crêtes discoïdes, comme les Discoba. Actuellement, quelques espèces seulement sont reconnues comme appartenant à ce groupe mais 154 Figure 103 Cycle de Fonticula alba. Cette espère rare, car isolée qu une seule fois, a mis en place de manière indépendante une multicellularité agrégative. Elle passe sa phase végétative sous forme d'amibes phagotrophes différenciant les filopodes typiques des Nucleariida. Pour élaborer la fructification, les amibes libres se regroupent et secrète une matrice extracellulaire via l appareil de Golgi. Puis une partie d'entre elles se différencie en spores qui finissent par être extrudées au sommet du sporophore sous forme d une sphère conférant au sorocarpe une morphologie caractéristique.

164 d'autres présentant des caractères similaires devraient venir se classer ici. On connaît peu de chose sur la biologie du groupe. Les styles de vie et les biotopes occupés ne sont pas bien déterminés. Elles ont été isolées à partir d'échantillon d'eau douce et l'espèce Nucleria pattersoni a été obtenue à partir des branchies d'un poisson. Les données de métagénomique confirment que ces organismes sont présents dans de nombreux biotopes dulçaquicoles. En revanche, il est possible de cultiver certaines espèces sur boite de Petri en culture monoxénique, ce qui devrait permettre leur étude. Les cycles complets ne sont pas bien connus. Certaines espèces semblent vivre exclusivement sous forme unicellulaires. Elles peuvent ou non former des kystes. D autres, comme Fonticula alba, ont développé une multicellularité agrégative rudimentaire (figure 103). Les quelques 155 zoospores pseudo-flagelle corps résiduel schizogonie spore plasmode Figure 104 Cycle d Amoeboaphelidium protococcarum. Comme tous les Aphelida, cette espèce parasite des algues unicellulaires. Après pénétration dans son hôte, le parasite en consomme le contenu cellulaire et développe un plasmode, qui après schizogonie va redonner des zoospores infectieuses. Dans certaines souches, des spores de résistances peuvent se différencier. A leur réveil ces spores redonnent après schizogonie des zoospores. Le corps résiduel contient les déchets produits par le parasite. espèces connues d Aphelida sont des parasites intracellulaires d algues unicellulaires dont elles régulent les populations. La phase trophique se présente sous forme de petites amibes phagotrophes qui vont donner naissance à des plasmodes (figure 104). Ces plasmodes vont finir par faire une schizogonie et produire les spores de dispersion à l intérieur de la paroi de leurs hôtes qu ils utilisent comme protection. Les zoospores produites peuvent être en fonction des espèces soit amiboïdes, soit flagellées avec le flagelle postérieur typique des Opisthonkonta. A la base du flagelle se trouve aussi un second centriole. Il existe chez les Amoeboaphelidium un pseudo-flagelle immobile dont l origine est obscure. Les séquences de quelques gènes montrent un code génétique non-standard chez ces microorganismes : UAG et UAA semblent coder pour de la glutamine au lieu de stop. La dernière lignée qui se branche avant celle des vrais champignons porte le nom provisoire de Rozellomycota avec deux sous-lignées bien décrites actuellement : les

165 156 zoospore sporange Figure 105 Cycle de Rozella allomycis. enkystement et pénétration plasmode Rozellida et les Microsporidia. Elle contient un ensemble d espèces de culture très difficile pour la plupart car ce sont des parasites intracellulaires d autres eucaryotes. Il est très probable que la phylogénie de ce groupe va beaucoup bouger. En effet, des parasites ayant des cycles et des morphologies similaires semblent exister dans les deux sous-groupes. L évolution réductrice accompagnant le parasitisme fait que seules les phylogénies moléculaires permettent de les classer et encore avec difficulté car dans l un des deux groupes, celui des Microsporidia, le génome a subit aussi une évolution réductrice et accélérée rendant difficile l utilisation de sa séquence pour l analyse phylogénétique. Les données de métagénomique environnementale indiquent que d'autres lignées existent dans de nombreux biotopes et qu elles présentent une diversité génétique importante ; peut-être autant que les Eumycota! Les Rozellida n ont longtemps été connu que par une vingtaine d'espèces parasites d'autres champignons aquatiques, Eumycota ou Pseudomycota. Plus récemment, des parasites intracellulaires d amibes, les Paramicrosporidium, présentant une forte simplification morphologique, et donc ressemblant fortement aux microsporidies, ont été décrits comme appartenant à ce groupe. On ne connaît pas actuellement le mode de vie des espèces détectées par la métagénomique et nos connaissances sur les Rozellida dérivent donc uniquement des Rozella, dont l espèce la plus connue est Rozella allomycis (figure 105). Cette espèce est un parasite intracellulaire de champignons du genre Allomyces. Son cycle commence par une zoospore comportant un flagelle postérieur qui se fixe à une cellule d'allomyces. La zoospore rétracte son flagelle et s'enkyste. Un tube germinatif se forme et pénètre à l'intérieur de la cellule. Le corps cellulaire passe alors à l'intérieur de la cellule hôte où il se développe au détriment du contenu cellulaire sous forme d un plasmode nu dépourvu de paroi chitineuse. La nutrition de ces organismes se fait par phagocytose du cytoplasme de la cellule hôte. Ensuite, le plasmode se différencie en zoosporange dont la paroi contient de la chitine. Il n est pas clair comment la chitine est synthétisée. Initialement, on pensait que la cellule hôte la fournissait, mais quatre gènes codant pour des synthétases de chitine ont été identifiés dans le génome de Rozella allomycis. Ce zoosporange finit par se cliver en zoospores qui se dispersent après rupture de la cellule hôte. Le zoosporange peut aussi se différencier en un sporange de résistance:

166 le cycle de cette espèce est donc très simple car la reproduction sexuée semble absente. Leur condition de parasite intracellulaire suggère que les Rozella ont probablement connu une évolution réductrice, rendant difficile l extrapolation des connaissances acquise sur Rozella allomycis aux autres Rozellida. Des analyses d hybridations avec diverses sondes sur des échantillons pris directement de la nature, montrent que les autres Rozellida sont des petites cellules ovoïdes de 2-3 µm de diamètres, avec un flagelle ou dépourvues de flagelle. Les formes sans flagelle sont interprétées comme des kystes alors que les formes avec flagelle seraient des zoospores. La forme trophique resterait donc encore à découvrir. La présence d une paroi chitineuse typique des Eumycota n a pas pu être mise en évidence par marquage avec une lectine spécifique, ni d ailleurs la présence d une paroi cellulosique. Néanmoins, de la chitine a été détectée chez les Paramicrosporidium. En résumé, bien que possédant un cycle similaire à certains champignons, en particulier pour certaines espèces comme Rozella allomycis qui produit des spores à paroi chitineuse, ces organismes n ont probablement pas fait une transition complète vers l osmotrophie et donc ne peuvent être considéré comme des champignons. Les Microsporidia forment l autre lignée des Rozellomycota. Nosema bombycis est la première espèce décrite par Pasteur comme étant responsable de la pébrine, maladie du ver à soie, Bombyx mori. Cette maladie causait des ravages importants dans les centres d'élevage du bombyx pour la production de la soie. Pasteur a montré que ces parasites se transmettaient à la descendance par la mère au cours de la reproduction et il a mis au point un traitement qui consiste à sélectionner des descendants sans parasites pour initier de nouveaux élevages et a ainsi pu "sauver l'industrie française de la soie"! Depuis plus de 1100 espèces ont été décrite. Il est probable que ce chiffre soit très sous-estimé. Comme Nosema bombycis, les Microsporidia sont des parasites intracellulaires de structure simple qui infectent de très nombreux eucaryotes allant des protistes à l'homme avec une préférence pour les invertébrés. Elles ont subi une importante évolution régressive, car elles sont parmi les plus petites cellules eucaryotes et aussi parmi les plus simples. Elles n'ont pas de peroxisomes ni de mitochondries ou d'hydrogénosomes mais des mitosomes. Il n'y a pas non plus de cils ou flagelles. Mais elles possèdent néanmoins un réseau de membranes internes (réticulum). Elles disposeraient d'un appareil de Golgi peu développé. Cette évolution s est accompagnée d une diminution de la taille moyenne des protéines et de la réduction de la complexité du ribosome qui par sa taille ressemble à celui des procaryotes. On constate aussi la diminution de la capacité codante du génome. Chez Encephalitozoon cuniculi, le génome ne mesure plus que 2,9 Mb et ne code que pour environ gènes. Aussi bien en taille qu en capacité codante, ce génome est plus petit qu un génome bactérien! Les gènes sont très proches les uns des autres et les régions 5'UTR sont très courtes car de l'ordre de trois à dix nucléotides. Les gènes dupliqués sont rares. Chez cette espèce, il n'y a pas les gènes impliqués dans le cycle de Krebs et la chaîne respiratoire, peu de gènes impliqués dans la biosynthèse des acides aminés. Par contre il existe de nombreux transporteurs, en particulier des translocases, permettant d'importer 157

167 tube polaire filament polaire disque d ancrage noyau vacuole spore schizogonie et sporogonie (formation des spores) sporonte méronte (plasmode) Figure 106 Cycle d Enterocytozoon bieneusi. les nutriments dont de l'atp à partir du cytoplasme de la cellule hôte. A l opposé d Encephalitozoon cuniculi, le génome de Mitosporidium daphniae mesure 5.7 Mb et code pour gènes. Cette espèce a connu une régression moins importante car au cours du programme de séquençage, un génome mitochondrial a pu être identifié. Les gènes présents soit sur le génome mitochondrial soit sur le génome nucléaire semblent encore permettre une production partielle d ATP sans que l on connaisse l accepteur final d électron. Corrélativement, le génome ne semble pas coder pour les translocases ATP/ADP qui permettent aux autres Microsporidia de prélever l ATP de leur hôte. 158

168 Leur cycle de vie des Microsporidia peut être simple ou complexe en fonction des espèces. En particulier, il existerait chez certaines une sexualité dont les modalités ne sont pas complètement élucidées, ce qu'atteste la présence de gènes de types sexuel dans leur génome. De même, certaines Microsporidia ont besoin de plusieurs hôtes successifs pour accomplir la totalité de leur cycle. Chez Enterocytozoon bieneusi, la sexualité est inconnue et leur cycle de vie est simple (figure 106). Des spores infectieuses sont ingérées. Elles entrent en contact avec la cellule hôte. Elles extrudent une organelle, appelé le tube polaire qui traverse la membrane de la cellule, permettant l'entrée à l'intérieur du cytoplasme de l'hôte. Le tout se produit en l'espace de 2 secondes! La spore subit d'abord des modifications morphologiques avec notamment un gonflement de sa vacuole; ceci est dû à l augmentation de la pression osmotique dans la spore. En effet, la spore qui est imperméable à l eau est très concentrée en solutés. La spore activée hydrolyse certains polymères, ce qui conduit à un pic de pression osmotique qui va ainsi faire entrer l eau. Puis une rupture du disque d ancrage se produit. Le tube polaire est alors expulsé violemment permettant sa traversée de la membrane plasmique de la cellule hôte. Il y a ensuite passage du sporoplasme, c est-à-dire du contenu cellulaire de la spore, vers la cm xénoma Figure 107 Xénoma causé par Glugea anomala après l infection d une épinoche (Gasterosteus aculeatus). cellule hôte au travers du tube polaire ; notez la petitesse du tube polaire et la déformation que doit donc subir le sporoplasme! La mécanique de passage du sporoplasme se fait là encore probablement par pression osmotique avec augmentation en taille d une vacuole qui va rester dans la spore. Dans la cellule hôte, le sporoplasme subit une multiplication massive par fission binaire. Chez certaines espèces, ce processus peut donc donner lieu à des cellules avec plusieurs noyaux de type plasmode ou à des arrangements plus complexes avec plusieurs cellules à plusieurs noyaux. Cette multiplication peut s effectuer soit en contact direct avec le cytoplasme de la cellule hôte ou bien s effectuer dans une vacuole parasitophore. Cette prolifération va donner naissance à ce que l on appelle les mérontes. Ces derniers vont subir une étape de division et de maturation: la sporogonie. Ceux-ci sont à ce stade appelés sporontes. Cette phase permet aux sporontes d acquérir toutes les structures de la spore comme la capsule de la spore ou le tube polaire C'est à ce moment que pourrait se produire la méiose chez certaines espèces. La phase de sporogonie peut également aboutir à un xénoma à la fin de la phase infectieuse. Le xénoma est un complexe dans lequel les Microsporidia intracellulaire prennent le contrôle métabolique de la cellule hôte pour augmenter la production de spores (figure 107). Par exemple, il n'est pas rare de trouver des arthropodes dont la quasi-totalité de

169 l'organisme a été remplacée par une masse hypertrophiée de spores de Microsporidia. Les spores sont entourées d'une paroi contenant des protéines, des polysaccharides et de la chitine. Elles sont très résistantes aux variations de température, de ph, etc. Elles assurent donc efficacement la dispersion de ces parasites. Il faut noter que certaines Microsporidia ont des spectres d'hôtes très larges et qu une même espèce peut infecter des vertébrés et des invertébrés. Elles posent de nombreux problèmes dans les élevages d'insectes, dont Nosema apis qui parasite les abeilles et bien évidement Nosema Bombycis qui attaque les vers à soie. Certaines espèces parasites d insectes pourraient être utilisées comme bio pesticides en particulier Nosema locustae contre les criquets ou Brachiola algerae contre les moustiques. Les autres cibles importantes pour les élevages incluent les crustacés, les mollusques et les poissons, les oiseaux. Certaines espèces sont des pathogènes opportunistes qui infectent fréquemment les personnes immunodéprimées et sont responsables de «microsporidioses». La Table 8 résume les principales infections humaines. On estime que 8% de la population européenne a été infectée une fois au cours de sa vie par une Microsporidia. Dans la plupart des cas, l infection reste asymptomatique. Table 8 : principales microsporidioses Espèces Réservoir Contaminations Pathologies Encephalitozoon cuniculi Encephalitozoon hellem Encephalitozoon intestinalis Enterocytozoon bienusi Nosema corneum rongeurs, animaux domestiques inhalation, contact direct, aérosol hépatites, péritonites populations à risque immunodéprimés perruches? kératoconjonctivites immunodéprimés? ingestion porc, primates ingestion insectes? diarrhées chroniques, atteintes disseminées diarrhées chroniques keratites nécrosantes immunodéprimés immunodéprimés immunodéprimés immunocompétents Eumycota Les Eumycota, ce qui veut dire «vrais champignons», constituent une des lignées d'eucaryotes qui a connu le plus grand succès évolutif. C est aussi une des plus connues du grand public (figure 108) car elle contient tous les gros champignons ou macromycètes que nous consommons, les levures que nous utilisons fréquemment en cuisine pour faire le pain et les brioches, ou bien que avons domestiqué pour produire des alcools tels que le vin et la bière, mais aussi la plupart des moisissures ou micromycètes qui transforment et pourrissent nos aliments ou les objets que nous fabriquons. C est aussi dans ce groupe que se classent les champignons responsables des mycoses ou bien des pourritures et certains 160

170 Encadré 13 Les Eumycota ont adopté au cours de leur évolution des styles de vie très variés. Les saprotrophes (synonymes : saprobes ou saprophytes) se nourrissent de matières mortes. Ils occupent une niche écologique importante, celle des recycleurs des matières organiques, le plus souvent d'origine végétale et difficiles à dégrader comme la cellulose ou la lignine. La majorité de cette activité se fait dans les sols des terres émergées qui concentrent la plus grande biomasse et diversité de ces champignons. Ils sont à la base de chaînes alimentaires secondaires variées qui débutent donc par des matières mortes (d'origine végétale en majorité) recyclées par ces champignons qui eux-mêmes sont mangés par des insectes, des myxomycètes, etc. L apparition des champignons capables de dégrader efficacement la lignine (Basidiomycota de type pourritures brunes et blanches), il y a 300 million d années, coïncide avec la fin des dépôts importants de charbon, suggérant une relation causale entre les deux. Beaucoup d Eumycota vivent en association avec des photo-autotrophes qui leur fournissent directement nutrition carbonée et/ou azotée. Certains vivent en association symbiotique avec des algues pour former les lichens (figure 46) pour lesquels plusieurs dizaines de milliers d'espèces sont répertoriées. Comme ces organismes ont beaucoup été étudiés par les botanistes, on considère que la quasi-totalité des morpho-espèces est actuellement décrite, ce qui n'est pas le cas des autres groupes trophiques. Les phytopathogènes ont développé des modes de vie parasitaires. La grande majorité des maladies des plantes cultivées et sauvages sont causées par des champignons Eumycota. Pour d'autres, les associations sont commensales ou mutualistes. Les endophytes vivent entièrement dans la plante. Les mycorhiziens développent au contraire un mycélium qui est en partie dans le sol et en partie dans la plante. Ils forment des structures spéciales avec les racines, les mycorhizes. Il en existe plusieurs types dont les deux plus importants sont les ecto- et les endomycorhizes. Dans tous les cas, le champignon vit dans le cortex de la racine sans qu il ne traverse l endoderme. La plante fournit des produits de la photosynthèse et le champignon apporte des sels minéraux, de l azote, du phosphate. Il protège aussi de la dessiccation et des pathogènes qui pénètre par la racine. ectomycorhize hyphes fongiques endoderme xylème phloème membrane plasmique paroi 161 réseau de Hartig manteau épiderme cortex vésicules/arbuscules hyphes fongiques endomycorhize Dans les ectomycorhizes, le champignon entoure la racine d un manteau et s insère entre les cellules du cortex pour former le réseau de Hartig, qui sera le lieu d échange

171 entre la plante et le champignon. Ce type de mycorhize est apparu tard au cours de l évolution, mais comme elle se produit avec la majorité des arbres des forêts boréales, elle a un rôle très important dans les écosystèmes. Dans les endomycorhizes, le champignon pénètre la racine et traverse certaines parois cellulaires, mais sans pénétrer dans le cytoplasme des cellules racinaires. Les échanges se font au niveau de la juxtaposition de la membrane de la cellule végétale avec l hyphe fongique. Ce type de mycorhize est présent dans la quasi-totalité de plantes terrestres et se fait avec des groupes précis d Eumycota primitifs, les Glomeromycota et les Endogonales. Les plantes sans mycorhizes ont évolué récemment et leurs ancêtres avaient des mycorhizes indiquant que cette association est très ancienne. Quelques genres d Eumycota se sont spécialisés en tant que parasites ou mutualistes d'animaux comme les champignons du tubes digestifs des ruminants ou ceux qui sont cultivés par les fourmis et les termites. Notez que comme leur optimum de température se situe vers C, ils ne sont pas très performants (sauf quelques exceptions) pour envahir et se maintenir dans des organismes à sang chaud. De fait, les maladies qu'ils causent, appelé mycoses, affectent souvent des sujets avec un système immunitaire déficient. Le mode de vie le plus surprenant est celle de champignons qui, à l'image des plantes carnivores, suppléent leur régime en azote en capturant et consommant des petits animaux et protozoaires, surtout des nématodes, qu'ils capturent au moyen de pièges divers: hyphes collants, hyphes lasso... Une fois capturée, la proie est envahie par des hyphes, tuée et consommée par osmotrophie. Ce comportement prédateur a été inventé plusieurs fois au cours de l'évolution! Outre les animaux, les champignons parasitent aussi d autres champignons. Certaines lignées, comme celle des Trichoderma, se sont spécialisées dans ce mode de vie. La plupart des champignons peuvent utiliser plusieurs de ces stratégies nutritionnelles. Par exemple, beaucoup d'espèces pathogènes de plantes peuvent vivre durant la mauvaise saison en saprotrophes sur les débris végétaux. Certains saprotrophes vivent le début de leur vie en endophytes et envahissent la plante lorsque celle-ci meurt. Plus surprenant, des champignons connus comme entomopathogènes peuvent vivre en saprotrophes dans le sol ou bien en endophytes dans les plantes! Notez que la réutilisation de mêmes stratégies nutritionnelles par des champignons appartenant à des groupes phylogénétiques différents est très fréquente chez les Eumycota. Il en va de même pour de nombreuses caractéristiques morphologiques et ou physiologiques. Ces convergences évolutives sont bien évidemment imposées par les stratégies de vie similaires de ces organismes qui soumis à des pressions de sélection identiques évoluent vers les mêmes types d'adaptations. Cette diversité de stratégies nutritionnelles explique leur succès évolutif et leur biomasse importante car ils peuvent utiliser virtuellement toute matière organique, vivante ou morte, même si celle-ci est difficile à digérer, voire toxique! mildious qui affectent nos cultures. Le nombre exact d'espèces d'eumycotas est pour le moment inconnu. Environ espèces ont été décrites, mais il est probable qu'il en existe au moins 1 ou 1,5 million ; peut-être même 10 millions (voir page 130, les raisons de ces estimations aussi disparates). Un sol typique de forêt ou de prairie peut contenir jusqu'à plusieurs centaines d'espèces. Avec les techniques moléculaires actuelles, dix grammes de sol permet d'identifier en routine une centaine d'espèces, qui sont 162

172 10 µm majoritaires dans l'échantillon. Cela suggère que plusieurs centaines d'espèces coexistent dans un gramme de sol, sous forme d'hyphe mais aussi de spores. Collectivement, ils forment une biomasse Figure 108 Quelques Eumycota connus. En haut à gauche, le cèpe de Bordeaux, considérable que Boletus edulis ; en bas à gauche, Penicillium camemberti recouvrant du l'on évalue bien camembert ; en haut à droite, un mur attaqué par une moisissure, probablement supérieure à celle Stachybotrys chartarum ; en bas à droite, la levure Saccharomyces cerevisiae utilisée pour cuisiner les pâtes levées et fabriquer les alcools par fermentation. des métazoaires! En particulier, ils représentent souvent plus de la moitié de la biomasse totale (en excluant la biomasse racinaire) au niveau de la couche supérieure des sols, soit le premier mètre de profondeur. Les bactéries n en représentent que dix à vingt pourcents et les animaux une dizaine de pourcents ; le reste étant les divers autres protistes eucaryotes. Dans les sols des forêts en bonne santé et dans les matières en décomposition des eaux douces, les deux biotopes dans lesquels ils sont les plus fréquents, ils peuvent représenter jusqu'à 90% de la biomasse. Ils occupent tous les biotopes, en haute montagne sur les rochers et sous la neige, dans le fond des océans où une grande diversité de champignons Eumycota a été trouvée dans les écosystèmes associés aux dorsales océaniques, dans les récifs coralliens, dans les eaux douces et salées, y compris la Mer Morte, sur les joints de votre lave-vaisselle... Si leur optimum de température est généralement situé autour de 20 C, certaines espècessont capables de pousser à des températures inférieures à 0 C et d'autres de vivre à des températures élevées car ce sont les eucaryotes les plus thermophiles. Par exemple, l optimum de croissance des espèces vivant dans le compost est d'environ 55 C. Certaines spores d espèces qui colonisent les espaces ravagés par le feu peuvent survivre à une exposition bien supérieure à 100 C. Ils réclament souvent une humidité prononcée (surtout pour la reproduction), cependant certaines espèces peuvent croître sur des milieux dont la «tension en eau» est faible (0,62 pour Aspergillus echinulatus alors que la plupart des plantes meurent dès 0,98). Au niveau du ph, certaines supportent des milieux très acides (ph<3) et d autres des milieux très basiques (ph>9). 163

173 Les stratégies nutritionnelles des Eumycota (Encadré 13) sont variées mais elles reposent toutes, sauf une exception (Geosiphon pyriforme, voir Encadré 10), sur une alimentation de type osmotrophe. C est la caractéristique majeure qui dirige la biologie et l évolution des Eumycota. En effet, l affranchissement de la phagotrophie leur a permis de se protéger par une paroi, qui chez les Eumycota est composée principalement de chitine associée à des α- et β-glucanes. Pour ceci, ils utilisent des synthétases de chitine spécifiques dont certaines sont de type IV. Il est difficile de retracer la raison de la perte de la phagotrophie. Deux théories s affrontent. La première suggère que les ancêtres des Eumycota étaient des parasites, dont le style de vie résulte souvent dans la perte de phagotrophie. Les phylogénies soutiennent cette théorie, car les plus proches parents des Eumycota sont tous des parasites. De plus, des enzymes de type IV sont aussi retrouvées chez Rozella allomycis et les Microsporidia. L autre théorie stipule que les champignons étaient à l origine des saprotrophes qui sont par la suite devenus parasites. De fait, la majorité des espèces de champignons, incluant de nombreuses espèces considérées comme les plus primitives, sont des saprotrophes. Quoiqu il en soit le changement rapide de stratégie trophique est un fait marquant de l évolution des Eumycota (Encadré 13). La paroi qui rigidifie donne aux cellules leur forme et leur permet d envahir efficacement des milieux liquides et solides ou de se protéger. Par exemple, on ne connaît pas de virus fongique possédant une phase extracellulaire. Les grandes tendances évolutives sont donc la capacité accrue à dégrader des matières organiques indigestes pour les autres êtres vivants, en particulier la lignocellulose, et des modes de dispersion efficaces, en particulier dans l air, car comme les animaux et les plantes, les Eumycota sont sorti de l eau pour envahir les écosystèmes terrestres. La plupart des espèces ont une structure intracellulaire typique des eucaryotes avec un noyau dont l'enveloppe généralement ne disparaît pas pendant la division, un réseau de membrane interne (réticulum, Golgi, endosome...), des mitochondries et un cytosquelette classique. Cependant, dans beaucoup d'espèces, il y a un découplage entre la caryocinèse ou division 164 fructification thalle sporophore germination et croissance végétative Figure 109 Cycle de vie typique d un Eumycota. dispersion spores du noyau et la cytocinèse ou division cellulaire. Les cellules sont donc plurinucléées et adoptent donc souvent une forme dit syncitiale ou coenocytique. Les cellules sont dans la plupart des cas entourées par une paroi rigide et solide, dont la composition est variable en fonction des

174 groupes d Eumycota. Chez la plupart des espèces, la chitine et des β-glucanes servent de squelette auquel s'ajoute une matrice variable composée principalement d α-glucanes et/ou de mannoprotéines. La paroi résulte du dépôt de matériels fabriqués dans la cellule et de la synthèse in situ une fois le squelette mis en place. La membrane plasmique des Eumycota contient plusieurs stérols spécifiques pour chacune des grandes lignées. Le plus célèbre et répandu est l'ergostérol qui est une des cibles des antifongiques et qui sert à estimer la biomasse fongique dans les échantillons. Bien qu essentiels, le(s) rôle(s) des différents stérols dans la biologie des hyphes n'est pas encore totalement compris. Une caractéristique des champignons est leur grande plasticité morphologique. Premièrement, leur cycle de vie se découpe en trois étapes qui ont des aspects morphologiques très différents (figure 109). Les sporophores ou fructifications et les spores sont impliqués dans la dispersion, alors que le thalle est responsable de la partie végétative du cycle. La majorité des espèces nous apparaissent principalement via leurs structures de reproduction, tels que les carpophores des macromycètes en automne. La majorité des récoltes se fait donc sous cette forme bien que celle-ci soit souvent très éphémère. C est donc les formes des fructifications et des spores qui ont pendant longtemps dirigé la classification des champignons, d autant plus qu elles sont relativement constantes pour une espèce donnée. Néanmoins, les champignons sont souvent capables de différencier des fructifications sexuelles et asexuelles fort dissemblables qui ont conduit à donner deux noms, voire plus, pour un même champignon (figure 76). L Encadré 14 donne un petit aperçu de la diversité des sporophores et des spores et les principales catégories définies par les mycologues. Elles peuvent être directement obtenues à partir des fructifications. C est ce que l on appelle les sporées. Il existe aussi des appareils qui permettent d échantillonner les spores en suspension dans l air. Elles peuvent représenter jusqu'à 45% des particules en suspension dans l'air. On estime qu'environ 50 millions de tonnes de spores sont émises dans l'atmosphère chaque année, ce qui en fait une source majeure d'aérosols organiques! Le taux moyen de spores en suspension dans l'air est de 10 à 20 par litre d'air mais peut dans certains cas dépasser 1 million par litre, en particulier en automne. Elles peuvent alors déclencher des réactions allergiques ou participer à la formation des nuages et de la pluie. La germination des spores redonne la partie végétative du cycle. Celle-ci peut être difficile à obtenir, car la plupart des spores ne germent que dans des conditions spécifiques. Les conidies des Aspergilli germent dans un milieu qui contient du glucose, et l obtention de mycélium et donc simple. Les spores de champignons phytopathogènes germent en général lorsqu elles arrivent sur une surface hydrophobe et celles de la plupart des champignons coprophiles ne germent dans la nature qu après le passage dans le tube digestif d un herbivore. Le taux d échecs pour la germination au laboratoire de ces spores est donc ici plus important, mais ces champignons se cultivent néanmoins assez facilement. A l opposé, on n a jamais fait germer au laboratoire la moindre spore d amanites. De même, la différentiation des fructifications peut s avérer très difficile à obtenir. De fait, l homme 165

175 Encadré 14 Les fructifications ou sporophores ont longtemps servi de base à la classification des Eumycota car leurs formes et leurs tailles allant de quelques microns à plusieurs dizaines de centimètres sont très variées. Les champignons produisant des grosses fructifications, c est-à-dire d un centimètre ou plus, sont dits macromycètes, les autres étant appelés micromycètes. Ces fructifications peuvent être unicellulaires ou pluricellulaires, et dans ce cas elles sont formées d'hyphes plus ou moins différenciés s'agrégeant les uns aux autres. Elles peuvent être le lieu de la reproduction sexuée ou asexuée. Chez les champignons Basidiomycota et Ascomycota, les fructifications sexuelles sont appelées "carpophores" et une terminologie complexe leur est associée. Par exemple, la Fructification asexuelle Fructification sexuelle ou carpophore Conidiophores d Aspergillus niger Ascome de Bulgaria inquinans Basidiomes de Mycena leiana fructification sexuelle (le champignon du langage courant) des Basidiomycota est désignée "basidiocarpe" ou "basidiome", celle des Ascomycota, "ascocarpe" ou "ascome". Le tissu dans le lequel se produisent les méioses et la différenciation des spores est appelé l'hyménium. La forme de cet hyménium permet de définir différents types de carpophores. Les agarics ont un hyménium sur des lames, les bolets et les polypores dans des tubes, etc. L élaboration des carpophores a vu de nombreuses évolutions convergentes, si bien que l ancienne classification des champignons a été complètement remaniée par l arrivée des données de séquençage. Des relations de parenté parfois très suprenantes ont vu le Russula emetica Cyathus sp. Amanita muscarina Phylogénie moléculaire 166

176 jour. Néanmoins, les phylogénies moléculaires ont permis d expliquer des différences dans l ontogenèse des carpophores qui ont lontemps mystifié les mycologues. Les spores des Eumycota présentent une variété d origines et de morphologies qui ont permis leur utilisation dans la classification. Celles issues de la méiose sont dites des méiospores et celles issues de mitoses des mitospores. Le mode de différenciation des méiospores a été le caractère de base qui a servi pour différencier chacune des grandes lignées des Eumycota. Les basidiospores sont spécifiques des «basidiomycètes», les ascospores des «ascomycètes» et les zygospores des «zygomycètes». Cette ancienne classification a bien résisté aux phylogénies moléculaires. En effet, si les zygomycètes ont pour l instant disparu de la classification, les Ascomycota et les Basidiomycota sont toujours présents et différenciés entre autre par leurs méiospores. Les spores sont soit pourvues du flagelle postérieur typique des Opisthokonta et sont dites zoospores, soit en sont dépourvues et dites aplanospores. Les premières sont produites par les champignons primitifs toujours inféodés au milieu aquatique et les secondes par les champignons terrestres. Les zoospores sont métaboliquement actives et servent essentiellement à la dispersion. Les aplanospores interviennent dans la dispersion ou la persistance. Elles sont métaboliquement inactives sauf au moment de la germination. Dans les deux cas, les spores sont incapables d absorber des nutriments et doivent donc vivre sur leurs réserves. Elles peuvent être uni-nucléées, ou plurinucléées, voire pluricellulaires. Les modalités de production de ces spores (différenciation à l'extrémité d'un hyphe pour les chlamydospores, sur une structure particulière pour les conidiospores ou conidies, par différenciation d'un article au milieu d'un hyphe pour les arthrospores...) et leurs formes d'une extrême variété permettent souvent d'identifier l'espèce qui les a produites. zoospores méiospores Olpidium sp. zygospores de Mucor rouxii conidies pluricellulaires d Alternaria alternata aplanospores basidiospores de Coprinus comatus ascospores de Sordaria fimicola arthrospores de Coccidioides immitis mitospores chlamydospores de Candida albicans 167

177 cultive finalement assez peu d espèces comestibles. La forme végétative semble plus facile à domestiquer. Par exemple, des cellules prises à partir des fructifications dans des conditions stériles donnent souvent naissance à des cultures qui peuvent alors être propagées. De même, le dépôt sur des milieux axéniques d échantillons aboutit à la croissance des champignons se trouvant dans l échantillon (figure 69). Enfin, la mise dans le sol «d appâts spécifiques» comme cheveux ou des sources de carbone particulière telle que des bitumes permet souvent la récolte de mycélium pour les espèces poussant lentement mais ayant un régime nutritionnel particulier. Néanmoins, la mise en culture directe de la forme végétative est parfois très ardues, car certaines espèces demandent des milieux très spécifiques et sont souvent concurrencées par des espèces plus vigoureuses. De plus, certains symbiotes parasites ou mutualistes ne peuvent pas pousser sans leur partenaire et leur culture n'a donc jamais été obtenue in vitro en milieu axénique. En résumé, la majorité des espèces n'a jamais pu être cultivée de spore à spore au laboratoire. A l opposé, certaines espèces peuvent être cultivées très facilement sur des milieux simples et ont des cycles courts, ce qui en fait de bons modèles d'études: Saccharomyces cerevisiae, Neurospora crassa, Podospora anserina, Coprinopsis cinerea, Aspergillus nidulans, Sordaria macrospora... La liste est longue! Outre les changements au moment de la reproduction, les champignons peuvent aussi adopter de multiples apparences en fonction des conditions de milieux ou du stade végétatif de leur cycle de vie. Ceux-ci vont bien évidemment dépendre des espèces. L Encadré 15 résume les formes usuelles rencontrées chez les Eumycota, dont les deux principales sont la forme unicellulaire ou levure et celle multicellulaire filamenteuse ou moisissure. Sur boite de Petri, les levures vont donner des colonies ressemblant à des colonies bactériennes et les moisissures des thalles discoïdes avec une croissance beaucoup plus ample. Si pour les levures la forme de la colonie est assez constante, dans le cas des champignons filamenteux, l aspect du mycélium dépend grandement de la composition du milieu ou de la température (figure 110). Alors que bien des espèces ne vivent que sous la forme levure et d autre que sous la forme mycélienne, les champignons Figure 110 Podospora anserina cultivé sur trois milieux différents. La morphologie du mycélium dépend fortement du milieu de culture. A gauche sur un milieu contenant de l acétate d ammonium ; au milieu sur milieu minimum contenant des dextrines et de l urée ; à droite sur une décoction de maïs. 168

178 169 Encadré 15 Les Eumycota différencient une variété de thalles adaptés à leur style de vie. La forme unicellulaire levure apporte vraisemblablement un avantage pour la croissance dans les milieux où la pression osmotique est forte (milieu riche en sucre présent sur les fruits par levures bourgeonnantes Saccharomyces cerevisiae levures fissipares Schizosaccharomyces pombe exemple) car cela diminue la surface de l'organisme et facilite la régulation de l expression des gènes. La forme mycélienne moisissure est la plus répandue dans la nature. Le mycélium est un ensemble d hyphes. L'hyphe est constitué de cellules alignées plurinucléées appelées articles, souvent séparées par des cloisons apex Spitzenkörper vésicules de secrétion noyau apex hyphe de Podospora anserina ou septum (pl: septums ou septae). En effet, chez les Eumycota, l'article apical peut se séparer du reste du mycélium par une cloison (mycélium septé) ou rester en contact avec le reste du thalle (mycélium siphonné). On peut considérer un hyphe comme un plasmode contraint dans un réseau de tubulure. La croissance de l'hyphe est restreinte à l'apex. Il n y a donc pas à proprement parler de division cellulaire, mais plutôt une extension suivie éventuellement de la formation de cloisons. L extension est dirigée par le spitzenkörper, une structure composée à partir du réseau d actine et de vésicules. Celuici-ci semble avoir plusieurs rôles. Il renforce l apex qui est quasiment dépourvu de paroi et empêche l éclatement de la cellule lors d un stress hypo-osmotique. Il produit une pression qui permet l avancée de l hyphe et la pénétration du article substrat. Il contiendrait 5 µm pour ceci un septum polarisome, une structure qui permet la croissance polarisée. Si le substrat est trop dur, des enzymes sont excrétés pour l'amollir. Le spitzenkörper servirait aussi de plateforme pour leur sécrétion. Un découplage spatial de l'activité de sécrétion et de la croissance polarisée a été mis en évidence, montrant la complexité du spitzenkörper. Les champignons peuvent ainsi pénétrer les matériaux les plus durs. La croissance d'un apex est en fait entretenue par plusieurs articles qui sont en amont dans le même hyphe et qui assurent un flot abondant de nutriments, d'énergie, et éventuellement de noyaux. Les composés arrivent dans des granules visibles au

179 microscope. Il en existe deux classes: nm et nm. Ils dérivent du réticulum via le Golgi. Ces granules assurent aussi le transport de produits qui sont excrétés à l'apex au niveau du spitzenkörper. Chez les champignons les plus évolués, ils peuvent passer d'un article à l'autre car les septae qui séparent les articles sont percés d'un pore permettant les échanges cellulaires. La présence et la nature de ces pores sont spécifiques de chaque groupe d Eumycota. De nombreux branchements se font sur les hyphes un peu plus en retrait du front de croissance car il semble exister une compétition en l'apex et la formation de anastomose chez Nectria haematococca branchements. Leurs modalités déterminent en partie la morphologie macroscopique du thalle. Elles sont contrôlées génétiquement et par les conditions nutritionnelles. Une autre propriété des hyphes est la possibilité chez les espèces les plus évoluées de faire des fusions végétatives ou anastomoses. A l apex, les hyphes s éloignent les uns des autres, les anastomoses ne se produisant que lorsqu ils sont âgés de quelques heures. Plus en arrière, les hyphes se vacuolisent et rentrent pour la plupart en vie ralentit car en carence nutritionnelle. Ces cellules restent cependant vivantes pendant très longtemps, jusqu à plusieurs années pour certaines d entre elles! De même, pour une espèce donnée, il existe vraisemblablement plusieurs types d'hyphes distincts que l'on peut reconnaître par leur diamètre. Il est vraisemblable que les gros hyphes participent à des transports sur de grandes distances alors que les petits se spécialisent dans l exploration du substrat. Cette forme cellulaire permet l'élaboration d'un mycélium qui permet au champignon d'envahir très rapidement et très efficacement les milieux solides en trois dimensions. Cela est particulièrement vrai dans les milieux naturels non homogènes que rencontrent la majorité des champignons pour leur croissance. Ce type d'organisation permet en particulier une utilisation différente du milieu par rapport à l'utilisation faite par les colonies de levures (ou les colonies bactériennes). En effet, les cellules de la colonie mycélienne qui se divisent ont toujours des nutriments qui sont à leur disposition. Cette organisation permet des vitesses d'extension sur boite de Petri stupéfiantes : 7 mm/j chez Podospora anserina, 3 cm/j chez Sordaria macrospora et jusqu'à 9 cm/j chez Neurospora crassa! levure mycélium 170 cônes d épuisement du milieu

180 Outre les levures et mycéliums, les Eumycota différencient des thalles de formes variables. Chez les Chytridiomycota et les Neocallimastigomycota, les thalles avec des rhizoïdes sont fréquents. Les rhizoïdes sont des extensions de la cellule en forme de ramifications plus ou moins complexes et qui sporange permettent d améliorer la pénétration du substrat. La cellule reste généralement uninucléée, jusqu à la différenciation du ou des kyste rhizoïde tige sporanges contenant les spores. Les rhizoïdes ne sont donc pas des hyphes même si elles assurent une fonction similaire. De nombreuses espèces parasites d animaux, comme certains Neocallimastix frontalis protoplastes noyaux Entomophthoromycota ou les Pneumocystidiomycetes n ont généralement pas de paroi durant leur phase infectieuse. Ils se présentent donc sous forme de plasmodes de petite taille appelés protoplastes. Cette forme permet probablement d échapper au système immunitaire inné qui reconnait les composants de la paroi comme les β-glucanes. Des protoplastes, appelés mycosomes, permettraient la survie de la plupart des espèces endophytes. Présents à l intérieur des cellules végétales, les mycosomes semblent associés aux plastes. Les hyphes peuvent adopter des formes non canoniques car les champignons ne sont pas moins capables de produire des cellules hautement différenciées que les animaux et les plantes. En effet, il existe une grande variété d'hyphes modifiés qui interviennent à différents moments du cycle de vie: appressorium de champignons phytopathogènes permettant la pénétration de l hôte, haustorium des lichens et autres mutualistes, hyphopodium qui servent à pomper des nutriments, lassos de certains champignons nématophages... Par exemple chez les Laboulbeniomycetes comme les espèces du genre Laboulbenia, des champignons vivant fixés sur la 171 Laboulbenia sp. Entomophaga maimaiga cuticule d un insecte, le thalle possède un nombre fixe de cellules uninucléées ayant des tailles et des formes bien définies. Celles-ci sont impliquées dans la nutrition ou la transmission d un insecte à un autre. Notez que les fructifications possèdent aussi des hyphes modifiés telles que les cystides, pseudocystides, paraphyses, pseudophyses...

181 dits «dimorphiques» peuvent alterner entre les deux. Les transitions levure/hyphe et hyphe/levure sont sous un double contrôle génétique et environnemental, ce qui rend leur déterminisme complexe. Elles modulent ou sont modulées par des aspects particuliers de la vie du champignon, comme l'acquisition de virulence chez les espèces parasites ou la plasmogamie durant la reproduction sexuée. D'un point de vue évolutif, il est très dur de retracer l évolution des différentes formes fongiques. La répartition phylogénétique dispersée des espèces uniquement levuriformes ou uniquement filamenteuses suggère qu'elles sont dérivées d'organismes qui primitivement pouvaient faire les deux. Notez que la majorité des espèces filamenteuses font à un moment de leur vie des spores unicellulaires équivalentes à des levures mais donnant généralement naissance à des hyphes lorsqu'elles germent. Il semble donc que les levures ont évolué à partir de formes plus complexes par évolution régressive. Ceci est confirmé par les analyses génomiques récentes qui montrent que les champignons filamenteux qui ont deux fois plus de gènes que les levures (~ contre ~5 000), possèdent de nombreux gènes en commun avec les Metazoa et qui semblent perdus chez les levures. Les nombreuses convergences morphologiques et biologiques ont longtemps obscurci l'évolution des Eumycota que l'on a longtemps rapproché des plantes. Notez qu il se trouve encore quelques chercheurs pour soutenir que ces organismes dérivent des Rhodophyta! Les phylogénies moléculaires ont grandement clarifié la phylogénie. Elles ont clairement montré que les Eumycota sont très différents des Pseudomycota (voir page Dikarya Ascomycota Basidiomycota sortie de l eau Eumycota Glomeromycota Mucoromycotina Mortierellomycotina Zoopagomycotina Kickxellomycotina Entomophthoromycota «Olpidium» Blastocladiomycota Monoblepharidomycota Chytridiomycota «zygomycètes» «chytridiomycètes» «Champignons inférieurs» Neocallimastigomycota zoospores présentes Figure 111 Phylogénie des Eumycota. 172

182 duplication du génome Saccharomyces cerevisiae Saccharomyces paradoxus 100% Homme souris 90% Saccharomyces uvarum 80% Craniata petits centromères Candida glabrata 70% poulet tétrodon Chordata Kluyveromyces lactis Ashbya gossypii 60% modification du code génétique Candida albicans Dabaryomyces hansenii Yarrowia lipolytica 50% ascidie (Ciona intestinalis) Tunicata Figure 112 Histoire évolutive comparée des Saccharomycetales et des Chordata, basée sur le pourcentage d'identité de séquence entre gènes orthologues. En noir les saprotrophes, en vert un pathogène de plante et en orange des commensaux/pathogènes des mammifères. Seuls quelques évènements génomiques majeurs de l histoire des Saccharomycetales sont indiqués. 309) et qu ils sont proches des Metazoa. Cependant, malgré des recherches intenses, leur évolution (figure 111) reste encore incomplètement connue, en particulier, comme dans la plupart des lignées issues d une radiation évolutive, l ordre de branchement des différents groupes situés à la base de l arbre varie en fonction des gènes utilisés pour construire l arbre. Du fait de la petite taille de leurs génomes, les Eumycota servent de modèles pour comprendre les mécanismes évolutifs au niveau des génomes complets. De nombreux génomes d Eumycota ont donc été séquencés, dont le premier pour un eucaryote, celui de Saccharomyces cerevisiae. Actuellement, la moitié des séquences de génomes disponibles sont celles d Eumycota. Malgré cette profusion, la phylogénie reste imprécise pour les branches basales. Notez que la figure 111 ne mentionne que les embranchements, sans mentionner ni les classes ni les ordres, car il existe plus d une quarantaine de classes et plus de 150 ordres d Eumycota. Les analyses moléculaires montrent qu un ordre représente une diversité génétique au moins aussi grande qu une superclasse voire qu un embranchement de Metazoa. Par exemple, l ordre des Saccharomycetales comprend des organismes aussi divers que les Yarrowia, les Candida ou les Saccharomyces. Le pourcentage d identité moyen (figure 112) entre les protéines de Yarrowia et celles de 173

183 Saccharomyces est du même ordre de grandeur que celui entre les protéines de Ciona, un Urochordata, et celles de l homme, un Chordata. Il existe des Saccharomycetales qui pourraient être encore plus divergents Cette grande dissemblance est aussi présente au niveau génomique, car la synténie des gènes est peu conservée et le contenu en gène est très différent entre les Yarrowia et les Saccharomyces. Une même diversité a été montrée chez les Eurotiales ou encore les Sordariales qui sont les deux autres ordres d Eumycota les plus étudiés, montrant que les Saccharomycetales ne sont pas une exception. perte de la phagotrophie acquisition de la paroi 174 chytridiomycètes perte du flagelle zygomycètes dicaryon multicellularité complexe ascomycètes & basidiomycètes osmotrophie sortie de l eau Figure 113 Schéma évolutif des Eumycota. mycélium septé et anastomosé mycélium siphonné levures Les analyses génomiques montrent donc que les Eumycota ont une longue histoire évolutive car elle semble se produire sur une échelle de temps plus longue que celle des Metazoa. Ceux-ci seraient apparus il y a 800 millions d années et les Eumycota il y a plus d un milliards d années. Leur longue histoire évolutive a donc généré une diversité génétique gigantesque: il existe moins de 10 superclasses d'animaux à mettre en regard des 150 ordres d Eumycota! La date données ci-dessus d apparition des Eumycota a été estimée par une horloge moléculaire incertaine car les premiers fossiles avérés datent du dévonien (vers Ma) avec une prédominance d espèces que l'on considère comme primitives car ne présentant pas toutes les caractéristiques des deux groupes les plus évolués que sont les Ascomycota et les Basidiomycota. Néanmoins des fossiles d'ascomycota complexes datant de cette époque ont été retrouvés, montrant que les champignons avaient déjà une longue histoire

184 évolutive. Les phylogénies moléculaires confirment la multiplicité des évolutions convergentes qui ont eu lieu au cours de l'évolution des Eumycota. Ceci est vrai aux niveaux morphologiques, en particulier au niveau de l'élaboration des fructifications multicellulaires (voir Encadré 14), mais aussi au niveau des stratégies nutritionnelles et des styles de vie (Encadré 13). Leur analyse permet de retracer un schéma évolutif (figure 113). A partir de la forme flagellée opistochonte ancestrale, s est produite une transition vers une alimentation osmotrophe, s accompagnant d une perte de la phagotrophie et de l acquisition de la paroi. Notez que cette forme ancestrale devait aussi pouvoir se différencier en forme amibe. Nous avons vu page 164 vu que les raisons de cette transition sont encore inconnues. Cela a donné des espèces aquatiques se dispersant à l aide de zoospores, mais différenciant des thalles végétatifs plus ou moins complexes. Rapidement, la forme mycélienne est apparue. En effet, afin de pénétrer plus efficacement la matière végétale solide, les Eumycota ont acquis plusieurs fois de manière indépendante la forme hyphale filamenteuse, dans un premier temps siphonnée puis ensuite septée. Des descendants de ces champignons aquatiques conservant le même style de vie sont toujours présents actuellement. Ils étaient rangés dans l ancien groupe des «chytridiomycètes» et sont maintenant répartis dans quatre embranchements (Chytridiomycota, Neocallimastigomycota, Monoblepharidomycota et Blastocladiomycota) et la lignée des Olpididium (figure 111). L étape suivante est la sortie de l eau des Eumycota, ce qui conduit à la perte du flagelle, devenu inutile pour la dispersion dans l air. Le nombre de sortie de l eau est actuellement en débat. La phylogénie de la figure 111 suggère un seul évènement, mais la position des Olpidium est encore en débat. Certaines phylogénies les placent au sein des Eumycota terrestres, suggérant dans ce cas, au moins deux sorties indépendantes. Les premiers Eumycota terrestres ne différenciaient probablement pas de mycéliums complexes. En effet, il existe actuellement des champignons dont les hyphes sont encore siphonnés ou avec des septums complets, empêchant tout transfert de nutriments ou d informations sur de longues distances. Leurs hyphes ne fusionnent ordinairement pas par anastomoses. Corrélativement, ces champignons ne fabriquent pas en général de sporophores complexes et ne dégradent pas très efficacement la lignocellulose, bien qu ils dégradent efficacement la cellulose. Certaines espèces ont par contre la possibilité d'adopter une forme levure. Ils étaient rangés dans la classe des "zygomycètes". Les phylogénies modernes les classent dans deux embranchements (Entomophthoromycota et Glomeromycota) et quatre sousembranchements (Kickxellomycotina, Mortierellomycotina, Mucoromycotina et Zoopagomycotina), mais pour l instant elles ne permettent pas de trancher s ils forment un groupe monophylétique, ou paraphylétique comme indiqué sur la figure 111. Une lignée monophylétique, celle des Dikarya, perfectionne le mycélium avec des pores complexes entre articles et des anastomoses fréquentes et régulées. Ceci s accompagne d une capacité accrue à dégrader la matière végétale et de la production de sporophores multicellulaires de grandes tailles, en particulier au moment de la reproduction sexuée, 175

185 facilitant la dispersion dans l air. Une caractéristique importante de cette lignée est l acquisition de l'état dicaryotique qui leur donne leur nom. En effet, chez la majorité des espèces, la caryogamie est découplée de la plasmogamie. Les Dikarya ont donc généralement une étape longue de leur cycle sous forme de dicaryons avec deux noyaux génétiquement différents. L avantage sélectif de cette étape n est pas encore clairement comprise, mais, au moins chez les Basidiomycota, le dicaryon est plus compétitif que les monocaryons, probablement car il permet comme chez les diploïdes des complémentations développement holocarpique développement eucarpique monocentrique développement eucarpique polycentrique Figure 114 Types de développement chez les chytridiomycètes. Dans le développement holocarpique, la totalité du thalle se transforme en zoospores. Dans le développement eucarpique, seule une partie du thalle se transforme en zoospores avec un seul ou plusieurs centres de formation; on parle respectivement de thalles monocentriques et polycentriques. génétiques entre les deux génomes présent au sein de la même cellule. Les phylogénies moléculaires (figure 111) confirment la classification datant du XIXe siècle en «ascomycètes» (maintenant Ascomycota) et «basidiomycètes» (maintenant Basidiomycota). C est dans ces deux groupes que se trouvent "les champignons" connus du grand public. Ils sont souvent qualifiés de champignons supérieurs en oppositions aux chytridiomycètes et zygomycètes qui sont désignés comme champignons inférieurs. Notez que de manière récurrente, certaines espèces subissent des évolutions régressives et ne vivent plus que comme des levures. Il existe donc actuellement des levures zygomycètes, des levures Ascomycota et des levures Basidiomycota. Parmi les cinq lignées de chytridiomycètes (figure 111), deux seulement différencient du mycélium, les Monoblepharidomycota et les Blastocladiomycota. Les trois 176

186 enkystement enkystement conjugaison hypertrophie cellulaire de l hôte prolifération cellulaire de l hôte spore dormante germination et méiose sporanges Figure 115 Cycle de Synchytrium endobioticum. Cette espèce présente un cycle de reproduction asexuée qui commence par l'enkystement d'une zoospore au contact d'une cellule de pomme de terre. Après pénétration dans la cellule hôte, le champignon prolifère sous forme d un protoplaste plurilobée, ce qui provoque l'hypertrophie de la cellule de patate. Une fois mûr, celui-ci se transforme en sporanges, où murissent des zoospores. Le cycle sexuel commence par la fécondation sous forme d une conjugaison entre deux zoospores. Le zygote s enkyste puis pénètre sous forme d un protoplaste à l'intérieur de la cellule hôte, dont il provoque la prolifération (hyperplasie). C est à ce moment que la pomme de terre différencie les verrues caractéristique de la maladie, appelée de ce fait «galle verruqueuse de la pomme de terre». Finalement, le protoplaste intracellulaire se différencie en une spore dormante. Celle-ci finit par germer pour donner un sporange dans lequel la méiose et la différenciation des zoospores ont lieu. autres produisent des thalles simples avec ou sans rhizoïdes (figure 114). Malgré des ressemblances importantes au niveau des thalles végétatifs, les mycologues ont depuis longtemps différencié les différents groupes de chytidriomycètes en se basant principalement sur l ultra-structure de la zoospore. Ces analyses montrent en particulier que la zone de transition flagellaire ressemble fortement à celle trouvée chez les Choanoflagellata, renforçant les phylogénies moléculaires qui regroupant Eumycota et Holozoa au sein des Opisthokonta. Les réserves permettant à la zoospore de se mouvoir malgré l absence d absorption de nourriture sont stockées sous forme de gros granules lipidiques positionnés dans des endroits précis de la cellule. La zoospore se déplace principalement grâce à son flagelle, mais chez certaines espèces, elle est aussi capable de déformations amiboïdes. Bien que généralement aquatiques, certaines espèces sont adaptées à la vie terrestres En effet, Figure 116 Thalle de Spitzellomyces punctatus. certaines espèces appartenant à différents 177

187 embranchements ont perdu la capacité à différencier des zoospores et produise donc uniquement des aplanospores. Les Chytridiomycota sont les chytridiomycètes les plus abondants. Ils regroupent aussi le plus grand nombre d espèces, quelques centaines. Ce sont des saprotrophes, des parasites de plantes, d'algues, de cyanobactéries ou d'animaux. La totalité du cycle n est connu que pour quelques espèces, dont Synchytrium endobioticum, un parasite des patates (figure 115). Cette espèce est capable de faire un cycle sexuel de type haplobiontique, et un cycle asexuel. Chez les Eumycota, le cycle haplobiontique est une règle générale qui souffre peu d exceptions. L espèce de Chytridiomycota la plus emblématique est probablement Batrachochytrium dendrobatidis, un parasite redoutable des grenouilles responsable de leur déclin constaté actuellement dans une bonne partie du monde. Les têtards semblent immunisés mais un adulte infecté meurt en 15 jours, probablement parce que le champignon perturbe la perméabilité de la peau. Une deuxième espèce apparentée, Batrachochytrium salamandrivorans, s en prend aux fécondation oogone anthérozoïde oospore zoospore germination méiose Figure 117 Cycle de Monoblepharis polymorpha. La germination d'une oospore ou d'une zoospore donne naissance à un thalle polycentrique haploïde qui peut s engager dans une reproduction asexuée avec production de zoospores dans des sporanges. Alternativement, le thalle hermaphrodite peut différencier des gamètes mâles et femelles. Les gamètes femelles s appellent oogones car ce sont des grosses cellules uninucléées. Les gamètes mâles ou antérozoïdes sont des petites cellules uniflagellées produites à partir d'une structure spéciale, l'anthéridie. La plasmogamie et suivie immédiatement de la caryogamie et le zygote formé se différencie immédiatement en oospore de résistance qui va permettre de persister durant la mauvaise saison. Celle-ci subit la méiose et germe pour redonner le thalle filamenteux haploïde. Celui-ci contient généralement de nombreuses vacuoles, ce qui lui donne un aspect caractéristique. 178

188 salamandres. Chez ces deux espèces, seul le cycle asexuel est connu. L espèce servant de modèle de laboratoire est Spizellomyces punctatus, un saprophyte à développement eucarpique monocentrique (figure 116). Jusqu à récemment l importance écologique de ces champignons était sous-estimée. On sait maintenant qu ils sont des acteurs majeurs régulant les efflorescences d algues et qu ils sont abondants dans des biotopes inhospitaliers tels que les sédiments marins profonds et les régions froides incluant les toundras, les lacs glaciaires où la même la neige d altitude. L'embranchement des Monoblepharidomycota possède une vingtaine d'espèces uniquement saprotrophes. Ces champignons différencient des thalles filamenteux polycentriques avec quelques cloisons complètes. Leur mode de reproduction est unique pour les Eumycota car il fait intervenir un "œuf", comme chez les Oomycota qui sont des Pseudomycota très éloignés phylogénétiquement. Cette convergence a longtemps intrigué les mycologues car chez les Oomycota le cycle est diplobiontique, alors que chez les Monoblepharidomycota il est haplobiontique (figure 117). Ces champignons n ont pas d autres particularités pouvant intéresser l industrie humaine et leurs rôles écologiques sont encore mal compris. L embranchement des Neocallimastigomycota contient une vingtaine d'espèces. Ce sont les champignons habitant la panse des ruminants et autres vertébrés herbivores, où, en compagnie de bactéries et de protozoaires, ils participent à la dégradation de la matière végétale. Ils n'ont été découverts qu'en 1974 car la présence au cours de leur cycle de la zoospore flagellée les a fait longtemps confondre avec des protozoaires flagellés. Les thalles végétatifs sont monocentriques, comme chez Neocallimastix frontalis (Encadré 15) ou polycentriques. Leurs rhizoïdes extensifs pénètrent les débris de plantes et les enzymes extracellulaires qu'ils produisent sont particulièrement efficaces pour dégrader la cellulose. Ils sont anaérobies obligatoires et possèdent des hydrogénosomes (figure 31). L hydrogène dégagé est utilisé par des bactéries méthanogènes, donc productrices de méthane, un gaz à effet de serre important. Ils se maintiennent dans la panse grâce aux zoospores qui sont attirées vers les fragments de végétaux nouvellement arrivés. On ne sait pas par contre comment ils se transmettent aux herbivores nouveaunés. Il semble qu'ils peuvent se différencier en formes de résistance qui n'ont pas encore été observées. La reproduction sexuée, si elle existe n a pas non plus été observée chez ces champignons. Leurs enzymes intéressent l industrie et plusieurs espèces, comme Piromyces sp. Ou Orpinomyces sp., ont leur génome séquencé malgré les difficultés à les cultiver. Environ 200 espèces constituent l embranchement des Blastocladiomycota. Elles possèdent des zoospores ayant une morphologie très caractéristique avec en particulier une structure en forme de croissant entourant le noyau bien visible au microscope optique. C est aussi un des rares groupes de champignons ayant des cycles de type haplodiplobiontique. La plupart sont des saprotrophes, mais quelques espèces sont des parasites de plantes ou d'insectes terrestres ou aquatiques. C'est le cas des 179

189 enkystement kyste zoospores haploïdes méiose méiosporange zoospores diploïdes gamétange germination gamète mitosporange gamétange gamète enkystement fécondation kystes germination kystes germination Figure 118 Cycle d Allomyces macrogynus. Cette espèce possède un cycle sexuel et un cycle asexuel. Quand le milieu est épuisé, le mycélium diploïde différencie des sporanges contenant des zoospores. Les zoospores montrent un chimiotactisme positif pour les acides aminés. Lorsqu'elles ont atteint un lieu propice, elles s'enkystent et germent pour redonner un nouveau mycélium. Le mycélium diploïde peut aussi différencier des sporanges avec des parois plus épaisses dans lesquels se produisent les méioses qui aboutissent à la formation de zoospores haploïdes qui s'enkystent et donnent naissance à des mycéliums haploïdes. Lorsque le milieu est épuisé, ceux-ci différencient à l'extrémité de certains hyphes des gamètes mâles et femelles. Notez que les deux types de gamètes sont flagellés mais qu'ils ont une taille et une motilité différentes, le gamète femelle étant défini comme le plus gros et le moins mobile. En l'absence de fécondation, le gamète femelle peut s'enkyster et redonner naissance à un thalle haploïde qui différenciera des gamètes mâles et femelles. Le gamète mâle est attiré par le gamète femelle grâce à une phéromone, la L-sirénine qui est active à des concentrations de l ordre de M. La fécondation donne naissance à un zygote uniflagellé mobile qui s'enkyste rapidement et redonne un thalle diploïde. Coelomomyces, des parasites qui alternent entre une phase haploïde chez un crustacé et une forme diploïde de type protoplaste dans une larve d'insecte, souvent une larve de moustique. Une espèce, Catenaria allomycis, est un parasite des autres Blastocladiomycota. Les formes les plus simples ont un thalle monocentrique, comme les espèces du genre Blastocladiella, alors que d'autres ont un thalle filamenteux polycentrique complexe comme les Allomyces. L'espèce modèle du groupe est Allomyces macrogynus qui est un saprotrophe vivant sur des débris de plantes ou d'animaux (figure 118). Notez que des fossiles de Paleoblastocladia milleri ressemblant aux Allomyces actuels ont été retrouvés dans des sédiments datant de -550 Ma confirmant que les Blastocladiomycota sont des Eumycota primitifs. Les phylogénies moléculaires ont du mal à les positionner sur l arbre évolutif des champignons. Certaines les placent comme groupe frère de tous les Eumycota, ce qui serait en accord avec la possession d un cycle de 180

190 181 protoplaste kystes spore dormante Figure 119 Cycle d Olpidium bornovanus. Cette espèce parasite les racines de concombre. La dispersion et l infection des cellules racinaires se fait par les zoospores. Celles-ci ont la possibilité de s enkyster. A l intérieur de l hôte, le parasite se développe de manière monocentrique sous forme d un protoplaste qui va se différencier en spore dormante ou en sporange. Les zoospores sont expulsées par un une caractéristique qu ils partagent avec les champignons zygomycètes et Dikarya. Le dernier groupe de chytridiomycètes, les Olpidium, pose aussi beaucoup de problèmes aux mycologues. Les phylogénies moléculaires le place soit comme groupe frère des champignons terrestres comme indiqué sur la figure 111, soit comme groupe frère des Entomophthoromycota. Cette dernière position impliquerait que des pertes du flagelle ont eu lieu de manière récurrente chez les champignons terrestres, ce qui n est pas improbable. L autre position n impliquerait qu une seule conidiophore méiose sporange en cours de maturation zoospores spore dormante zygospore protoplaste type haplodiplobiontique et la présence de cholestérol au lieu d ergostérol dans les membranes, un caractère qu ils partagent avec les Chytridiomycota. D autres, comme indiqué sur la figure 111 les mettent comme groupe frère des champignons terrestres. Cette position serait en accord avec des caractéristiques ultrastructurales, comme la possession d un appareil de Golgi dépourvu de citernes, conidie secondaire conidie primaire Figure 120 Cycle d Entomophthora muscae. Cette espèce parasite les mouches domestiques. Après la pénétration dans l'insecte via la germination d'une conidie, le champignon se différencie en protoplastes envahissant puis tuant l hôte. Il entre ensuite le plus souvent dans le cycle asexuel avec production de conidies primaires à la surface de l insecte. Celles-ci peuvent réinfecter directement des nouveaux hôtes ou germer pour redonner des conidies secondaires qui semblent plus infectieuses. Le champignon peut aussi plus rarement s engager dans le cycle sexuel avec production de zygospores. La méiose a probablement lieu dans la zygospore. Celle-ci perdure dans l'environnement puis germe pour donner immédiatement une conidie qui est la propagule infectieuse. Ces champignons semblent homothalliques. Ils produisent aussi vraisemblablement des spores dormantes.

191 zygospore fécondation conidies germination méiose conidiophore Figure 121 Cycle de Piptocephalis fresenia. Ce parasite s attaque aux Mucorales. Elle possède un cycle haplobiontique typique des Zoopagomycotina. Les propagules infectieuses sont principalement les conidies. Après germination, le tube germinatif est attiré par le mycélium de son hôte qui est choisi car il possède une structure pariétale particulière. Après développement, le mycélium génère des conidiophores caractéristiques des Piptocephalis. Le cycle sexuel passe par la formation d'une zygospore issue de la fusion de deux hyphes compatibles, la plupart des espèces étant homothalliques. La méiose a lieu dans la zygospore probablement au moment de la germination. perte lors de la sortie de l eau. Ces organismes sont des parasites obligatoires des plantes et ne peuvent être cultivés en dehors de leurs hôtes. Leur cycle est simple sans sexualité connue (figure 119). Les autres lignées d Eumycota ne produisent plus de zoospores. Cependant, chez les zygomycètes, le centre organisateur du réseau de microtubules, appelé «SPB» pour Spindle Pole Body, possèdent toujours une structure très similaires à celui des pore lenticulaire chytridiomycètes, avec en particulier la présence de microtubules disposés en faisceau, une structure interprétée comme le vestige d un centriole. Les zygomycètes produisent des aplanospores principalement de deux types. Les méiospores sont en général issues de la fusion de deux hyphes en forme d haltère appelés suspenseurs. Leur paroi est très épaisse et elles servent plutôt à la persistance. Elles sont Figure 122 Le pore lenticulaire des Kickxellomycotina. appelées zygospores. Les zygomycètes fabriquent aussi des mitospores dans des structures appelées sporanges, les sporangiospores, ou bien des conidies. L embranchement des Entomophthoromycota regroupe principalement les zygomycètes 182

192 anciennement classés dans les ordres des entomophthorales, des Basidiobolales et des Conidiobolales. Ils sont caractérisés par la production de conidies qui sont expulsées de manière active. Celles-ci ont la possibilité de germer pour redonner des conidies dites secondaires. Les génomes semblent plus grands que chez les autres Eumycota, avec des tailles de l ordre de 700 Mb chez les Basidiobolus et Mb chez Entomophthora aulicae! La majorité des quelques centaines d'espèces de ce groupe parasite les insectes, mais celles ayant divergée en premier sont des saprotrophes ou vivent associées avec des vertébrés. Par exemple, Basidiobolus ranarum est isolé fréquemment à partir d excréments de grenouille sans que l on sache s il persiste dans l amphibien. Les espèces du genre Conidiobolus sont aussi des saprotrophes capables de parasiter les insectes, voire l homme. Ces espèces primitives produisent un mycélium, alors que les espèces les plus évoluées ne produisent en général plus que des protoplastes dans la cavité générale des insectes qu ils parasitent. Leur cycle haplobiontique peut ou non présenter une Figure 123 Mycélium de Rhizopus oryzae. reproduction sexuée (figure 120). Des études menées pour déterminer leur potentiel dans la lutte contre les insectes montrent des résultats probants pour contrôler à long terme les populations d'insectes. Cependant, ils ne peuvent pas juguler une situation épidémique: Les Zoopagomycotina ne sont connus que par quelques dizaines d'espèces. Ce sont principalement des parasites d'autres champignons et de petits protistes ou animaux tels que des amibes, des rotifères ou des nématodes qu'ils piègent grâce à des globules adhésifs. La figure 121 décrit le cycle de l espèce type du groupe Piptocephalis fresenia. Modicella reniformis (Mortierellomycotina) Figure 124 Fructifications multicellulaires chez les zygomycètes. Ces frutifications sont composées de tissus peu différenciés qui contiennent des spores asexuelles cm Rhizophagus sp. MD126 (Glomeromycota) spores 250 µm Sphaerocreas pubescens (Mucoromycotina) 1 mm Endogone flammicorona (Mucoromycotina) 1 cm Peu de choses sont connues sur la biologie de ces champignons. Le sous embranchement des Kickxellomycotina a été défini essentiellement par les phylogénies moléculaires. Les espèces du groupe différencient des hyphes dont les articles sont séparés par des cloisons percées des pores particuliers, les pores lenticulaires (figure 122). Hormis ce caractère partagé, les différents groupes de Kickxellomycotina ont des morphologies et des écologies très variables: les Harpellales sont des

193 parasites de larves d'insectes aquatiques ou de crustacés, les Kickxellales sont principalement des saprotrophes, les Dimargaritales parasitent d'autres champignons et les Asellariales sont des parasites ou commensaux d'insectes. Les thalles peuvent être plus ou moins filamenteux et donnent naissance à des appareils porteurs de spores plus ou moins complexes. Leurs cycles sont classiques avec fabrication de spores asexuées, infectantes dans le cas des parasites, et chez certaines espèces on note la présence de la reproduction sexuée avec le cycle de type haplobiontique typique des Eumycota. Les trois dernières lignées de zygomycètes, Mucoromycotina Mortierellomycotina, et Glomeromycota, ont beaucoup de caractéristiques communes qui les rapprochent des Dikarya. Les phylogénies moléculaires les placent d ailleurs parfois comme monophylétiques et comme groupe frère des Dikarya. La figure 111 donne la phylogénie la plus fréquemment retrouvée avec les Glomeromycota comme groupe frère des Dikarya, les Mortierellomycotina et les Mucoromycotina étant plus distants. Ces trois groupes différencient des mycéliums extensifs (figure 123) avec des hyphes possédant à faible fréquence des cloisons complètes. L intégration du thalle reste donc simple. Figure 125 Phycomyces blakesleeanus, un modèle de laboratoire. Ce Mucoromycotina est un des plus remarquables. Il fabrique des sporangiophores géants haut de 10 à 20 cm ayant une croissance rapide et contrôlable. En particulier, ils peuvent être excisés et terminer leur développement de manière autonome. Ils possèdent des propriétés intéressantes qui en font de bons modèles pour étudier l'influence de phénomènes physiques sur la morphogenèse. En particulier, ils ont un phototropisme positif, un géotropisme négatif et plus surprenant ils présentent un mécanisme d'évitement. En effet, environ trois minutes après qu'un objet soit placé à proximité du sporangiophore, i.e., à 1-3 mm de distance, la croissance de celui-ci est déviée d'environ 1 à 2 par minute! Le mécanisme sensoriel de cette réponse est inconnu. Figure 126 Pilobolus cristallinus une espèce inféodée aux excréments d'herbivores. Cette espèce se reproduit en générant des sporangiophores massifs portant à leur extrémité un sporange compact qui est expulsé à une distance de plusieurs dizaines de centimètres après l'éclatement d'une vésicule caractéristique. Le sporangiophore s'oriente vers la lumière assurant l éjection efficace du sporange. Celui-ci est collant et s'attache aux herbes environnantes. Son ingestion par un herbivore permet la germination des spores. 184

194 mat+ matsuspenseur (zygophore) sporangiospores plasmogamie sporangiophore caryogamie méiose stolon germination germination zygospore germination Figure 127 Cycle de Mucor mucedo. Le cycle commence par la germination d une sporangiospore plurinucléée et haploïde pour donner naissance à un mycélium formé de différents types d'hyphes: des hyphes horizontaux à gros diamètre qui poussent rapidement à la surface du substrat, les stolons, et des hyphes plus grêles qui pénètrent le milieu et assurent la nutrition. Le mycélium s engage le plus souvent dans un cycle asexuel et différencie rapidement des sporangiophores. Chez Mucor mucedo, il existe deux types sexuels. Chacun des types sexuels possède une voie incomplète de biosynthèse d'une hormone, l'acide trisporique. Elle n'est fabriquée que lorsque les deux mycéliums mat+ et mat- sont en présence. Lors de la rencontre de souches de types sexuels compatibles, les mycéliums différencient sous le contrôle de l'acide trisporique les zygophores ou suspenseurs. Les zygophores plurinucléés croissent l'un vers l'autre et après un processus de différenciation complexe ils fusionnent pour donner naissance à une zygospore. Dans cette zygospore, les noyaux s'apparient par couples puis fusionnent et les noyaux diploïdes obtenus font la méiose. Le devenir des différents noyaux n'est pas toujours clair car en fonction des espèces une zygospore donne naissance à des descendants d'un seul type sexuel comme Mucor mucedo, ou à des descendants de l'un ou l'autre type. Les zygospores germent et produisent directement un sporangiophore. La zygospore est particulièrement résistante et germe avec un pourcentage de germination faible et constant de l ordre de 1%. Ce phénomène est probablement lié à un mécanisme de dormance levée progressivement au cours du temps. Néanmoins, des mouvements du cytoplasme assurent une communication primitive. Chez les Glomeromycota, le mycélium est capable d engager à faible fréquence des anastomoses ; il n est pas clair si les Mortierellomycotina et les Mucoromycotina sont capables d en faire autant. De même, en général, lorsque le mycélium est blessé le cytoplasme devient très visqueux au point de blessure limitant les dommages subis par le thalle. Leur paroi contient en plus de la chitine du chitosane, un dérivé désacétylé de la chitine. Certains Mucoromycotina sont capables de différencier des levures en réponses à des variations de certains stimuli environnementaux comme la température ou la pression 185

195 spores multinucléées germination prolifération strigolactones racine endomycorhizes sporulation persistance Figure 128 Cycle de Rhizophagus irregularis. Des spores multinucléées assurent la persistance du champignon dans le sol. Les spores germent sans que la présence d une plante soit nécessaire. Cependant, le mycélium formé en l absence de racine arrête rapidement sa croissance et rentre dans un état de vie métabolique ralentit. Si une racine de plante passe près de ce mycélium, celui-ci se branche extensivement et pénètre la racine. La communication se fait via l émission par la plante d une molécule de strigolactone (le 5- deoxy-strigol) qui agit à très faible concentration car 3 pg placés sur un disque proche d un mycélium sont suffisant pour induire la prolifération des hyphes. Cette molécule entraîne une augmentation du métabolisme mitochondrial du champignon permettant probablement un métabolisme accru. L'activité du champignon semble aussi contrôlée par d'autres hormones de plantes dont l'acide abscissique et l'éthylène. Les endomycorhizes se forment et sont accompagnées de la prolifération du mycélium extra-racinaire. Le cycle se termine par la formation des spores qui sont de très grande taille (un peu moins d 1 mm de diamètre). Celles-ci contiennent souvent plus de 1000 noyaux. en gaz carbonique ou en oxygène. De manière répétitive, ces champignons ont évolué des fructifications pluricellulaires qui toutefois restent simples (figure 124). En résumé ces champignons présentent de manière élémentaire la plupart des caractéristiques des champignons supérieurs. Les Mucoromycotina sont actuellement connus par quelques centaines d espèces, dont certaines sont utilisées en recherche fondamentale, comme Phycomyces blakesleeanus (figure 125) ou Mucor circinelloïdes. La plupart sont des saprotrophes des sols ou des excréments d herbivores (figure 126), mais certaines espèces de l ordre des Endogonales sont des champignons endomycorhiziens. Quelques espèces comme Rhizopus oryzae (figure 123) sont utilisées dans des processus de fermentation et de maturation des aliments. Plusieurs espèces, principalement de l ordre des Mucorales, peuvent causer chez l homme des mycoses rares mais sérieuses, les zygomycoses. La plupart des Mucoromycotina ont des cycles sexuels et asexuels (figure 127), mais chez les Endogonales, la reproduction ne semble pas faire intervenir de spore asexuée et repose 186

196 uniquement sur la production de zygospores regroupées dans une fructification pluricellulaire d'environ 1 cm de diamètre (figure 124). Le sous-embranchement des Mortierellomycotina contient une centaine d espèces vivant principalement comme des saprotrophes habitant les sols. Ils peuvent aussi être isolés comme endophytes. Une espèce, Mortierella wolfii, peut infecter le bétail. Leur cycle de vie est identique à celui des Mucoromycotina. La capacité de certaines espèces comme Mortierella alpina ou Mortierella isabellina à fabriquer des grandes quantités d acides gras polyinsaturés confère à ces champignons un intérêt pour les industries pharmaceutiques et agro-alimentaires. L embranchement des Glomeromycota contient une centaine d espèces réparties en deux ordres, les Glomales et les Geosiphonales. Actuellement l ordre des Geosiphonales contient une seule espèce, Geosiphon pyriformis, qui vit en association avec des cyanobactéries du genre Nostoc (voir l Encadré 10). C'est un organisme rare qui vit parmi les mousses dans une région montagneuse d'allemagne où il n'a été récolté que 5 fois! Le type d'association qu'il effectue avec les cyanobactéries est pour l'instant unique chez les Amorphea. Si les bactéries peuvent parfaitement vivre seules, ce n'est pas le cas du champignon. Comme Nostoc fait la photosynthèse et peut fixer l'azote atmosphérique, le consortium est parfaitement autonome. Après la germination de la spore, le champignon doit trouver son partenaire, car les spores sont dépourvues de Nostoc. Les cyanobactéries ne sont compétentes pour former la symbiose qu'à un moment de leur cycle de développement et la reconnaissance par le champignon semble spécifique de certaines souches de Nostoc punctiforme. Il semble aussi que pour que la symbiose réussisse, une carence en phosphate soit nécessaire. On ne connaît pas actuellement la totalité du cycle et il est possible que Geosiphon pyriformis s'engage aussi des associations de type endomycorhizienne avec d'autres plantes. De fait, les phylogénies moléculaires montrent que la lignée évolutive menant à cette espèce est incluse dans celle des Glomales. Des associations avec les cyanobactéries pourraient être antérieures à la mise en place des mycorhizes avec les plantes terrestres par les autres Glomeromycota Les Glomales sont beaucoup plus importantes d un point de vue écologique car ce sont des organismes abondants dans les écosystèmes terrestres mais qui passent souvent inaperçus. En effet, ils forment les endomycorhizes dites vésiculo-arbusculaires avec la majorité des plantes, puisqu environ 90% des espèces de plantes supérieures et beaucoup de plantes inférieures, y compris certaines bryophytes vivent en association avec des Glomeromycota. On a montré que la présence de ces champignons dans les biotopes améliore non seulement la production de biomasse mais aussi accroît la biodiversité végétale. Bien que les différentes morpho-espèces de Glomales montrent une préférence d'hôte, il semble qu'elles soient capables de s'associer plus ou moins efficacement avec quasiment toutes les plantes! Les endomycorhizes vésiculo-arbusculaires doivent leur nom à la présence de vésicules lipidiques et à la forme des hyphes intracellulaires. L'association est obligatoire pour le champignon car il est très difficile, voire impossible de 187

197 les cultiver sur boite de Pétri. Il semble en effet que ces champignons ne puissent pas assimiler correctement le glucose à partir du sol et que l'élongation des acides gras n'est possible que lorsque le champignon Ascomycota Taphrinomycotina est associé à la plante. Leur récolte et leur culture ne peuvent donc se Saccharomycotina faire qu'avec la plante partenaire. Dikarya Pezizomycotina Leur cycle est simple et apparemment dépourvu de Basidiomycota Figure 129 Phylogénie des Dikarya. Pucciniomycotina Ustilaginomycotina Agaricomycotina reproduction sexuée (figure 128). Ce dernier point est encore en débat car il semblerait que de rares recombinaisons génétiques soient présentes chez certaines espèces. Cependant, comme leur mycélium peu cloisonné est capable de faire des anastomoses, la présence d un cycle parasexuel ne peut pas être exclue. Le rôle exact des anastomoses est encore inconnu chez les Glomeromycota. Elles pourraient permettre le mélange de noyaux d origines différentes et favoriser la diversité génétique. A l opposé, il a été montré qu il existe entre isolats de l espèce Glomus mossae des mécanismes d incompatibilité, similaires à ceux présent chez les Dikarya, qui agissent en empêchant les fusions effectives des hyphes ; la première étape de reconnaissance semble néanmoins se produire. Cette barrière pourrait limiter la propagation des bactéries présentes chez différents isolats et qui ne semblent pas toutes être mutualistes. La composition génétique des Glomeromycota a longtemps été sujet à débat. Des séquences complètes de génome montrent que ces organismes ont des mycéliums possédant des noyaux génétiquement homogènes, mais présentant un fort plasmogamie caryogamie méiose phase dicaryotique (mitoses conjuguées) phase diploïde phase végétative haploïde (mitoses) Figure 130 Cycle typique des Dikarya. Chez les Dikarya, le cycle est majoritairement de type haplobiontique et la méiose est précédée par une étape plus ou moins longue sous forme de dicaryon. Néanmoins, de nombreuses variations existent comme par exemple des cycles haplobiontiques ou haplodiplobiontiques sans phase dicaryotique étendue chez certaines levures. 188

198 formation des anses ou boucles chez les Basidiomycota formation des crochets chez les Ascomycota (Pezizomycotina) formation mitose de la conjuguée protrusion Figure 131 Mécanismes de maintien de l état dicaryotique chez les Dikarya. polymorphisme entre les unités codant les ARN ribosomaux. Comme ceux-ci ont été très utilisés pour mesurer la diversité génétique, ceci a conduit à une surestimation de la diversité génétique de ces champignons. Notez que la morphologie des spores de Glomeromycota est caractéristique et que des fossiles de l'ordovicien (- 400 Ma) permettent de dater leur apparition à la même période que la sortie de l'eau des plantes (-450 Ma). Certains chercheurs pensent que ces Glomeromycota et/ou les Endogonales ont pu être déterminants dans cette sortie vers les milieux terrestres en permettant une meilleure utilisation des nutriments des sols. Malgré leur grande diversité génétique, l ensemble des champignons inférieurs ne représente qu environ 5% des espèces décrites de champignons Eumycota. En effet, la très grande majorité des espèces actuelles appartient à la lignée monophylétique des Dikarya (figures 111 et 129). Les espèces de ce groupe ayant divergé en premier, Taphrinomycotina et Saccharomycotina chez les Ascomycota, Pucciniomycotina et Ustilaginomycotina chez les Basidiomycota, conservent certaines caractéristiques des champignons inférieurs, en particulier une intégration du thalle minimale et la production asque anastomose des cellules uninucléées Figure 132 Cordons mycéliens. Ces faisceaux d hyphes agrégés permettent de mieux envahir les substrats. Lorsqu ils sont mélanisés, ils portent le nom de rhizomorphes. Ils sont plutôt caractéristiques des Agaricomycotina. 189

199 de fructifications multicellulaires encore simple. Néanmoins, dans certains cas, une évolution régressive, en particulier chez les Saccharomycotina, semble en partie responsable de cette simplicité. Chez les deux sous-embranchements les plus évolués, Pezizomycotina chez les Ascomycota et Agaricomycotina chez les Basidiomycota, l intégration du thalle est maximale et la production de fructifications multicellulaires complexes est la règle. En effet, dans ces deux groupes, les hyphes ont des cloisons percées d un pore central associé à des structures permettant le passage sélectif de nutriments, d organites et d informations, favorisant les communications intercellulaires à courtes et longues distances. Ils s engagent fréquemment dans des anastomoses. Celles-ci interviennent à différents moments, en particulier pendant l étape dicaryotique qui caractérise le cycle des Dikarya (figure 130), car elles participent au maintien de l état dicaryotique (figure 131). De manière surprenante, il semble que cette intégration de plus en plus complexe du thalle se soit produite par évolution convergente. En effet, la structure des pores connectant les articles est différente chez les Ascomycota et les Basidiomycota. De même, le contrôle de la formation des anses d anastomose des Basidiomycota est sous le contrôle du système des récepteurs/phéromones sexuels et de facteurs de transcription à homéodomaine, alors que la formation des crochets des Pezizomycotina ne l est pas. Le mycélium des Dikarya est donc en général capable de comportements que ne peuvent pas adopter ceux des champignons inférieurs. Premièrement, ils peuvent mieux explorer leur substrat de croissance en différenciant des faisceaux d hyphes pouvant assurer le transport de grande quantité de métabolites et organites sur de longues distances (figure 132). Le mycélium peut ainsi traverser de larges régions dépourvues de nutriments. D'autres mécanismes permettant une meilleure communication à longue distance sont suspectés tels que l'émission de petites molécules ayant des propriétés 190 marqueur de la mort cellulaire en bleu marqueur de l oxydation en brun P. chrysogenum P. anserina absence de réaction dans les confrontations P. anserina x P. anserina Figure 133 L interférence hyphale, un mécanisme d immunité innée. Certains Eumycota, comme Podospora anserina, sont capables de différencier le soi du non soi. En effet, uniquement en présence d hyphes d une autre espèce, ce champignons produit une oxydation qui peut aboutir à la mort de l autre champignon, ici Penicillium chrysogenum. L intérence hyphale fait intervenir une machinerie commune avec celle des plantes et des animaux, incluant en particulier une oxydase du NADPH et une voie MAP kinase. L oxydation est mesurée par l accumulation d un précipité brun de diaminobenzidine et la mort cellulaire par celle de bleu Evans à la confrontation des deux champignons.

200 diverses telles que des activateurs ou des inhibiteurs de la croissance, de la différenciation, etc. Ces molécules peuvent être solubles dans l eau ou bien volatiles dans l air. Les mycéliums des champignons supérieurs peuvent exhiber des rythmes de croissance circadiens indépendants de la lumière ou bien directement contrôlés par la lumière, permettant aussi de coordonner l ensemble de la colonie. La croissance est souvent dirigée par des phénomènes de tropisme. Citons les tropismes vers les nutriments, la température optimale ou bien le phénomène de répulsion des hyphes jeunes entre elles, sauf au moment de l élaboration de structures pluricellulaires ; les anastomoses ne concernent en effet que les hyphes âgés ou bien ceux très jeunes issus de la germination des spores et appelés tubes germinatifs. Le tropisme le plus surprenant décrit est celui que font plusieurs espèces de champignons se dirigeant vers des sources d émission de radioactivité! Cela est à mettre en relation avec le fait que la croissance de champignons fortement mélanisés semble accélérée en présence de radiations! Les hyphes des champignons supérieurs sont aussi capables de reconnaissance du soi et du non soi, avec des mécanismes différents qui agissent lorsque les hyphes appartiennent à la même espèce ou bien à des espèces différentes. La reconnaissance intra-spécifique peut prendre deux formes. Dans tous les cas, les hyphes d une même espèce finissent par s attirer s ils sont suffisamment âgés. Des mécanismes empêchent alors soit la fusion des hyphes, soit aboutissent à la mort de la cellule fusionnée. Ce phénomène s appelle incompatibilité végétative pré- ou post-fusion. Il est sous le contrôle de différences génétiques Figure 134 La sénescence de Podospora anserina. En haut deux cultures de la souche sauvage, en bas deux cultures d'un mutant ayant une plus grande longévité. Au niveau de la barre foncé à droite les cellules sont mortes. Les cellules qui meurent sont donc les "plus jeunes" car celles issues des dernières divisions! Dans la majorité des cas analysés, dont celui de Podospora anserina, la sénescence est corrélée à une déstabilisation de l'adn mitochondrial qui se modifie au cours des divisions et finit par causer la mort des cellules par asphyxie. Les causes de cette déstabilisation, chez cette espèce et les autres champignons, restent encore obscures. 191 entre les hyphes, des hyphes génétiquement homogènes pouvant fusionner entre eux avec succès, alors que des hyphes génétiquement différents ne peuvent pas. La reconnaissance interspécifique s apparente aux phénomènes d immunité innée présente chez les animaux et les plantes et porte le nom d interférence hyphale (figure 133). De nombreuses espèces de champignons supérieurs ont une capacité de croissance végétative infinie. On cite par exemple le cas d'une espèce d'armillaria dont le mycélium couvre 9 km 2, pèse tonnes et dont l'âge est estimé à 5000 ans ou bien celui de Neurospora crassa qui a été cultivé in vitro pendant deux ans sans perte de vigueur ; l'apex aura donc parcouru 65 m. Au contraire, certaines ont une capacité à

201 Figure 135 Thalle de Lobaria pulmonaria. Le thalle végétatif de cette espèce, comme celui de la majorité des lichens, est composé de tissus simples comportant des cellules fongiques différenciées. 192 proliférer qui est limitée comme la plupart des champignons coprophiles, dont Podospora anserina (figure 134). Il existe de nombreux syndromes de dégénérescences du mycélium dont les causes sont de nature épigénétique. Beaucoup d espèces sont capables de former des thalles végétatifs multicellulaires, comme les espèces formant les lichens (figure 135). D autres produisent des formes de résistances pluricellulaires et fortement mélanisées, les sclérotes (figure 136). Lorsqu ils sont placés dans de bonnes conditions, ces sclérotes vont donner naissance directement à des sporophores. Toutefois, c est au moment de la production des spores que les Eumycota différencient les structures multicellulaires les plus complexes. La fabrication des spores asexuelles se produit le plus souvent sur des structures simples, comme par exemple le conidiophore des Aspergillus (figure 76), voire par fragmentation du mycélium, mais peut chez certaines espèces impliquer la production de structures complexes. Au contraire, au moment de leur reproduction sexuée, les Eumycota différencient très fréquemment des structures multicellulaires très élaborées car certains carpophores peuvent atteindre de très grandes tailles - plus de 50 cm de hauteur et adopter des formes complexes (figure 137). Les mécanismes qui déclenchent la fabrication des fructifications sont encore largement inconnus. Chez les Ascomycota, ils font intervenir des protéines G et des cascades de Figure 136 Sclérotes de Botrytis cinerea. Les sclérotes sont des agrégats compacts d'hyphes qui vont permettre au champignon de passer la mauvaise saison. Ces sclérotes donnent naissance directement à des fructifications au retour de la saison propice au développement. MAP kinases. Celles-ci répondent à et intègrent de multiples signaux (température, lumière, dureté du substrat, carence spécifique ) qui font qu il est souvent difficile au laboratoire d obtenir des fructifications. Le mode de construction de fructifications est aussi largement inconnu. La diversité des formes repose sur l'arrangement d'hyphes associé à leur coloration différentielle. Ceux-ci présentent parfois des différenciations cellulaires poussées: on dénombre par exemple chez Neurospora crassa, un Pezizomycotina, au moins 28 types morphologiques d'hyphes, dont la plupart se trouvent uniquement dans la fructification. Il

202 est probable qu'il en existe plus chez les Agaricomycotina. La plupart des articles semblent être totipotents et pouvoir régénérer à eux seuls un individu complet. Il existe néanmoins des cellules qui meurent par apoptose au cours du développement de certaines de ces structures et d'autres cellules qui semblent être différenciées de manière terminale. Les fructifications complexes sont une adaptation à la dispersion dans l air, car comme les plantes et les animaux, les Dikarya ont conquis le milieu aérien. Leur évolution est donc en partie dirigée par l'efficacité de leur dispersion des spores en milieu aérien. En raison de leurs mycéliums intégrés et leurs fructifications multicellulaires, les Dikarya sont donc à l image des animaux et des plantes, capables de comportements complexes. De fait, le thalle mycélien des Dikarya n est pas une simple colonie. C est un réseau de cellules interconnectées entre elles et qui peuvent échanger des nutriments et des informations. Le thalle est capable de sentir son environnement et de mettre en place des réponses appropriées. Les données indiquent donc qu'un thalle mycélien s apparente plutôt à un individu. Par exemple, lorsqu il est cultivé sur certains milieux, Podospora anserina montre une répartition non aléatoire de la répartition de ses fructifications contrairement à ce qui est attendu si le thalle était homogène (figure 138). Outre la multicellularité complexe, des innovations métaboliques ont probablement participé au succès évolutif des Dikarya. En particulier, la capacité de certaines espèces à dégrader la lignine leur a permis d'accéder à des sources de carbone que les autres saprotrophes ne 193 apothécie (Ascomycota) hyménium agaric (Basidiomycota) Figure 137 Deux types de carpophores à multicellularité complexe. A gauche Sarcoscypha coccinea, un Ascomycota, produit une fructification de type apothécie et à droite Macrolepiota rhacodes, un Basidiomycota, une fructification de type agaric. Ces deux types de fructifications complexes sont apparus de manière indépendante. Dans les deux cas, les carpophores sont formés d hyphes différenciés. L hyménium est la portion des carpophores portant les cellules faisant la méiose et à l origine des spores.

203 peuvent pas utiliser. Ceci a passé par la mise au point d une machinerie enzymatique capable d'attaquer les polymères de manière non spécifique. L apparition des Dikarya efficaces pour dégrader la lignocellulose date de la fin du carbonifère, la période qui a vu l accumulation de matière végétale dans les sédiments pour donner le charbon. Il est donc très probable que l apparition du système de dégradation efficace des Dikarya empêche depuis l accumulation du charbon sauf dans quelques écosystèmes, où ces champignons sont peu performants comme dans les tourbières. Les Dikarya se sont aussi rapidement associés à des organismes photosynthétiques que ce soit des cyanobactéries ou des algues pour donner les lichens, ou bien à des plantes qu ils colonisent en tant que pathogènes ou que mutualistes. De fait, ils forment par exemple des ectomycorhizes avec la majorité des arbres des forêts boréales mais aussi avec quelques arbres des forêts tropicales. Les associations qu ils engagent ne s arrêtent pas aux végétaux puisque certains vivent en commensaux, mutualistes ou parasites d animaux, de protozoaires ou d autres champignons. Les changements de modes trophiques sont très fréquents au sein des différentes lignées et les mêmes types d association sont formés de manières récurrentes. Il existe par exemple des lichens Basidiomycota, même si la majorité d entre eux sont des Ascomycota, les proportions sont inversées pour les champignons ectomycorhiziens, car la plupart d entre eux sont des Agaricomycotina. Le cas de l'assimilation du nitrate chez les Trichoderma est à ce point de vue intéressant. En effet, l'utilisation du nitrate nécessite un transporteur de nitrate, une reductase de nitrate qui réduit le Figure 138 Répartition des fructifications sur un thalle de Podospora anserina. Les fructifications (les petits points noirs) sont réparties principalement selon un rond qui n est pas sans rappeler les ronds de sorcières. 194 nitrate (NO 3 ) en nitrite (NO 2 ), une réductase de nitrite qui réduit le nitrite en ammonium (NH 4 + ). Ces trois gènes sont souvent codés sous forme d un «cluster» et semblent avoir été transférés aux Dikarya via un transfert horizontal, probablement à partir des Pseudomycota. En effet, ces trois gènes manquent chez les champignons inférieurs. Ils ont aussi été perdus chez certaines levures Dikarya. L'utilisation de nitrate comme source d'azote a probablement permis aux Dikarya de mieux se nourrir dans les milieux pauvres en azote qui constituent leurs biotopes. Une preuve supplémentaire de l'importance de ce cluster est son absence chez les Trichoderma qui sont des champignons exclusivement endophytes et parasites et qui ont donc accès à des sources d'azote essentiellement via la plante où leur hôte fongique. Trichoderma reesei fait exception car il possède un cluster qui ressemble fortement à celui des Basidiomycota, qui sont souvent parasités par les Trichoderma. C est la seule espèce

204 saprotrophe du genre. Il est probable donc que celle-ci a pu d'affranchir de son hôte en partie via l'acquisition du cluster d assimilation du nitrate. Du fait de leur importance écologique, de leurs capacités métaboliques et de leur aptitude à dégrader, les champignons Dikarya ont un impact conséquent sur les sociétés humaines. Une partie est consommée comme les champignons de Paris, les truffes, les morilles, les girolles, les cèpes... Les marchés pour ces champignons peuvent être très importants: La truffe blanche d'italie Tuber magnatum - peut atteindre le prix de /kg! La truffe noire du Périgord - Tuber melanosporum /kg! Les prix notés à Paris en décembre 2006 sont présentés sur la figure 139. Il n est donc pas surprenant que des meurtres peuvent être commis au nom de ces champignons! Le cèpe de Bordeaux - Boletus edulis- peut valoir jusqu'à 200 /kg et se négocie usuellement à 20 /kg. Annuellement, il se consomme environ tonnes de champignons de Paris qui se négocient 2 /kg, tonnes de Shiitake à 10 /kg et tonnes de pleurotes à 5 /kg. Environ tonnes de champignons appartenant à d'autres espèces sont commercialisées. Cette estimation ne prend pas en compte une quantité indéfinie de champignons qui sont directement consommés après avoir été ramassés au cours des promenades dominicales... Certaines espèces sont utilisées pour la transformation des aliments. C'est particulièrement les cas de la levure Saccharomyces cerevisiae utilisée pour la fabrication du pain et de boissons alcoolisées comme le vin, la bière ou le cidre. De nombreuses autres interviennent dans l affinage des fromages, tels que le camembert ou le roquefort, ou bien la production de produits fermentés comme le Figure 139 Les carpophores de truffes peuvent atteindre des prix très élevés. chocolat ou la sauce de Les prix sont en euros par kilo. soja. Les Dikarya fabriquent de nombreuses substances ayant des effets biologiques. Elles sont le plus souvent issues du métabolisme secondaire, mais certaines comme la plectasine, un peptide sécrété par un Ascomycota et possédant une forte activité antibactérienne à l image des peptides produits par le système de défense innés des animaux, est produite via la traduction cytosolique. Souvent, ces produits sont très toxiques et peuvent être mortels à très faibles doses. Ils font alors l'objet de contrôle s'ils entrent dans la chaîne alimentaire. Certains sont utilisés par l'homme comme médicaments. Dans les années 1990, parmi les 20 médicaments les plus prescrits, six dont bien sûr la pénicilline mais aussi la cyclosporine empêchant les rejets de greffes et les lovastatines à l activité anti-cholestréolémique avaient une origine fongique. Ils fabriquent aussi de nombreux enzymes dont les propriétés intéressent les industriels. En particulier, 195

205 ils sont les seuls à fabriquer des enzymes utilisables dans l'industrie du papier comme ceux dégradant la lignine et qui donc "blanchissent" proprement le papier. De grands espoirs sont aussi portés sur ces enzymes pour les technologies du futur, avec la possibilité par exemple de les utiliser pour fabriquer des piles biodégradables. Leurs effets sur les sociétés humaines ne sont pas seulement bénéfiques. C'est parmi ce groupe d'organisme que se trouvent la vaste majorité des champignons responsables de mycoses, les maladies humaines générées par les champignons. Collectivement, les champignons tuent actuellement plus que le paludisme! Les animaux, en particulier ceux que nous élevons, ne sont pas en reste. Toutefois, du fait de leur optimum de température inférieur à 37 C, leur impact sur les animaux à sang chaud est moindre que sur 20 µm Taphrina deformans (Taphrinomycotina) 5 µm Figure 140 Asques et ascospores. Saccharomyces cerevisiae (Saccharomycotina) ascospores Ascobolus stercoreus (Pezizomycotina) ceux à sang froid. Les plantes que nous cultivons ne sont pas non plus épargnées et certains des pathogènes majeurs des plantes sont des Dikarya. Environ 80% des maladies des plantes sont causés par des champignons de ce groupe. Les récoltes stockées sont des nourritures idéales pour certaines espèces qui détruisent en une large part ; regardez dans votre frigo! Il en va de même pour de nombreux objets en bois comme les charpentes, les vieux papiers ou des sculptures. Un navire anglais au XIXème siècle a même dû être détruit avant son lancement car il a été mangé par les champignons avant la fin de sa construction! Du fait de leur diversité et leur importance, nous allons voir successivement plus en détail les Ascomycota et les Basidiomycota. 20 µm asque Ascomycota Les Ascomycota, ascomycètes dans le langage vernaculaire, forment le groupe de Dikarya qui contient le plus grand nombre d'espèces, puisqu environ 65% des espèces de champignons décrites appartiennent à cette lignées. Le caractère partagé du groupe, reconnu dès le XIXème siècle est le fait que leurs méiospores sont produites à l'intérieur d'un sac ou asque, d'où leur nom d'ascospores (figure 140). Les analyses phylogénétiques confirment que le groupe est monophylétique et montrent que ces champignons se sont 196

206 Ascomycota Taphrinomycotina Saccharomycotina Archeorhizomycetes Schizosaccharomycetes Pneumocystidiomycetes Traphrinomycetes Neolectomycetes Saccharomycetes Saccharomyceta Pezizomycotina Dothideomyceta Orbiliomycetes Pezizomycetes Coniocybomycetes Lichinomycetes Lecanoromycetes Eurotiomycetes Arthoniomycetes Leotiomyceta Sordariomyceta Dothideomycetes Xylonomycetes Geoglossomycetes Leotiomycetes Figure 141 Phylogénie des Ascomycota. Sordariomycetes Laboulbeniomycetes diversifiés en trois lignées indépendantes: Taphrinomycotina, Saccharomycotina, et Pezizomycotina (figure 141). Celle des Taphrinomycotina a divergé en premier, suivie par celle des Saccharomycotina. Les champignons de ces deux classes restent simples. Au contraire, la classe des Pezizomycotina contient des espèces ayant des caractères complexes. Les Taphrinomycotina, appelés anciennement Archiascomycetes, forment un groupe d'ascomycota primitifs comportant quelques dizaines d'espèces, mais arborant des biologies très variées. Actuellement, cinq classes sont distinguées. Les Taphrinomycetes sont des parasites de plantes. Dans la nature, on les rencontre principalement dans les feuilles sous forme de mycélium dicaryotique, un état aussi présenté par les Basidiomycota, mais pas 197 Figure 142 Symptômes créés par deformans sur un pêcher. Taphrina

207 prolifération du mycélium entre les cellules Figure 143 Cycle de Taphrina deformans. Les asques sont directement formés sur le mycélium et exposés au milieu extérieur. Ils déchargent leurs spores violemment à la manière de certains Pezizomycotina. La récupération des ascospores et leur germination donne au laboratoire des colonies de levure haploïdes saprotrophes. L'inoculation de ces levures permet l'infection des plantes. Taphrina deformans est homothallique et l'infection avec des levures issues d'une seule cellule est suffisante pour compléter le cycle. Celui-ci se termine après prolifération du mycélium dicaryotique entre les cellules de l hôte par la méiose et une mitose post méiotique conduisant à la formation d'asques à 8 ascospores. 198 méiose et formation des asques transition vers la forme filamenteuse dicaryotique ascospore dispersion prolifération sous forme de levures? par les autres Ascomycota pour lesquels l état dicaryotique est confiné dans une fructification. Ce mycélium ne peut pas être cultivé en milieu axénique. Les souches monocaryotiques sont levuriformes et peuvent se cultiver. L espèce type de la classe est Taphrina deformans, un parasite des pêchers et des amandiers (figure 142). Son génome a été séquencé. Il mesure 13.5 Mb et contient environ gènes, ce qui le rapproche plutôt des génomes de levures que ceux des espèces mycéliennes qui ont des génomes deux fois plus grands. Le cycle (figure 143) est essentiellement sexuel. Il n existe que trois espèces de Neolectomycetes appartenant toutes au genre Neolecta. Ces champignons forment des fructifications pluricellulaires (figure 144). Cellesci sont apparues par évolution convergente. En effet, bien que l'ontogenèse de ces fructifications soit inconnue, la fabrication des asques qu'elles portent se produit de manière différente de celle des Pezizomycotina. En particulier, il n'y a 1 cm pas de crochet et les deux noyaux qui vont fusionner sont attachés par une structure visible en microscopie électronique. L analyse du pore entre les articles du mycélium, la seule réalisée à ce jour pour un Taphrinomycotina, montre une structure simple différente de celle trouvée chez les Pezizomycotina. Malheureusement, ces champignons ne se cultivent pas sur boite de Petri, dû au Figure 144 Carpophores de Neolecta irregularis. fait que les Neolecta sont probablement

208 différentiation des ascospores 199 méiose caryogamie libération germination conjugaison Figure 145 Cycle de Schizosaccharomyces pombe. Le cycle est haplobiontique dans la nature, mais il est possible en laboratoire de faire pousser les diploïdes qui se divisent alors comme les haploïdes. Les levures conjuguent lorsque se produit une carence en azote et dans les conditions normales les diploïdes effectuent immédiatement la méiose pour donner des asques à 4 spores. des champignons mycorhiziens. Les espèces de la classe des Archaeorhizomycetes, n ont été découvertes que récemment et n ont longtemps été connues que par des séquences d ADN environnemental. Il en existerait des centaines d espèces qui semblent vivre associées aux racines des plantes. Ne formant pas de mycorhizes, ces champignons seraient des saprotrophes qui se nourriraient des exsudats racinaires. La grande fréquence avec laquelle elles sont détectées indique que ces champignons sont omniprésents dans les sols, en particulier ceux des toundras, et forment probablement une biomasse considérable. Ce n est que très récemment que leur mise en culture a permis de mieux les étudier. La lenteur de leur croissance (quelques mm par mois) ne permet pas de conclure sur leur mode trophique. On ne leur connaît pas de cycle sexuel, ni même asexuel. Des renflement des hyphes sont présents et pourraient servir de chlamydospores. libération kyste mûr avec corps intrakystiques (asque avec ascospores) méiose + mitose cytokinèse par fission mitose trophozoïte (plasmode uninucléé) conjugaison kyste (cellule mère de l asque) mitose Figure 146 Cycle de Pneumocystis jirovecii. Les trophozoïtes haploïdes se divisent par mitose. La conjugaison de deux trophozoïtes conduit à la différenciation d'un kyste dans lequel se produit la méiose et une mitose postméiotique produisant huit corps intrakystiques. Ceux-ci seront libérés par rupture de la paroi du kyste. La terminologie utilisée est celle pour des protozoaires parasites ; entre parenthèse celle pour les champignons qui devrait être utilisées.

209 La classe des Schizosaccharomycetes ne contient que quatre espèces de levures saprotrophes se divisant par fission. Le membre le plus connu est la levure Schizosaccharomyces pombe qui est utilisée en Afrique pour faire de la bière. Maintenant, elle est utilisée dans de nombreux laboratoires de recherche qui étudient divers aspects de la biologie cellulaire. En effet, on peut facilement sélectionner des mutants chez cette levure et en faire l'analyse génétique. Elle a servi en particulier de modèle pour l'étude du cycle cellulaire. Elle se reproduit par fission binaire, d'où son nom anglais de "fission yeast", en français «levure fissipare». Elle a un cycle haplobiontique avec deux types sexuels (figure 145). Son génome est disponible. Il est réparti sur trois chromosomes. C'est le génome d'une cellule eucaryote non parasite qui contient le plus petit nombre de gènes ; l estimation actuelle est de La dernière classe des Taphrinomycotina, celle des Pneumocystidiomycetes, contient des espèces que l on a longtemps classées comme des protozoaires parasites. En effet, les Pneumocystis sont des commensaux ou des parasites obligatoires des poumons des mammifères. En général l'infection est asymptomatique, mais devient sérieuse si le système immunitaire est déficient. Les données moléculaires montrent qu'il existe plusieurs espèces qui micropores ou plasmodesmes infectent chacune spécifiquement un hôte. Figure 147 Micropores des Saccharomycotina. Il pourrait même exister autant d'espèce de Pneumocystis que d'espèce de mammifères! Pneumocystis jirovecii infecte spécifiquement l'homme (figure 146). C'est est probablement l'opportuniste le plus répandu chez les malades atteints du SIDA. Ce champignon est présent tout autour du monde et pénètre dans l'organisme via les voies respiratoires. Cependant, on ne connaît toujours pas la forme infectieuse qui propage la maladie. Une fois dans les poumons, il se développe essentiellement à l'intérieur des alvéoles et provoque des pneumonies si le système immunitaire est déficient. Malheureusement, on ne sait pas cultiver in vitro ces champignons, ce qui rend difficile leur étude. Le génome composé d'une quinzaine de chromosome est de petite taille (8 Mb) et a un fort taux de nucléotide T et A (65%). De manière inhabituelle pour les Ascomycota mais classique pour les Basidiomycota, les gènes sont riches en introns. Les Saccharomycotina, anciennement les Hemiascomycetes, ne représentent que 1% des espèces de champignons. Malgré cela, ce groupe contient de nombreuses espèces importantes pour l industrie humaine, dont la levure de pain/vin/bière, Saccharomyces cerevisiae. De ce fait, les Saccharomycotina servent de modèles d études dans de nombreux laboratoires et d usine de production de protéines et de métabolites dans l industrie. En particulier, Saccharomyces cerevisiae a beaucoup servi pour analyser la 200

210 physiologie cellulaire de la cellule eucaryote (Encadré 16). Actuellement, les Saccharomycotina sont utilisés pour comprendre l évolution des génomes, résultant dans la disponibilité du plus grand nombre de séquence complète de génome pour un groupe défini d eucaryote (voir figure 112). Il en existe au moins 600 espèces, mais leur diversité doit être grandement sous-estimée, car un inventaire récent de la diversité des levures présent dans l'intestin de coléoptères tropicaux a permis de doubler le nombre d'espèces de de Saccharomycotina! Les analyses génomiques montrent que ces organismes dérivent de champignons plus complexes par évolution réductrice. Ils ne forment pas de structures de fructification multicellulaire et la plupart sont des levures qui se divisent par bourgeonnement. Cependant, quelques espèces produisent des pseudohyphes dans certaines conditions, voire de vrais hyphes comme Geotrichum candidum, Ashbya gossypii ou Yarrowia lipolytica. Ces hyphes sont néanmoins plus simples que celles des autres champignons supérieurs avec en particulier l absence d un pore central et la présence de micropores (figure 147). La plupart sont des saprotrophes adaptés à la consommation de sucres simples ou de lipides, mais on peut les trouver comme commensaux de vertébrés ou d'insectes. Ashbya gossypii parasite le coton. Dans ce groupe, on trouve les Candida, dont une dizaine d'espèces sont des pathogènes opportunistes de l'homme. Les Candida causent des infections cutanées ou systémiques, transmissibles par différentes routes dont la voie sexuelle. L'espèce actuellement la plus importante est Candida albicans qui est le champignon pathogène de l'homme le plus répandu (Encadré 16). Neurospora crassa grains de Woronin Podospora anserina Figure 148 Pore à grains de Woronin des Pezizomycotina. Les grains de Woronin sont des peroxisomes modifiés ne contenant qu une seule protéine. Ils sont positionnés près du pore central, vu de face à gauche. Ils déversent leur contenu pour occlure le pore si un des deux articles souffre d une blessure. Les Pezizomycotina, anciennement Euascomycetes, représentent le groupe très majoritaire des Ascomycota avec plusieurs dizaines de milliers d'espèces décrites, soit 60% des champignons connus. Ils ont envahi la plupart des milieux : eaux, sols, plantes et intestins des animaux Ils ont évolué de manières récurrentes vers tous les styles de vie. 201

211 Encadré 16 Deux espèces de Saccharomycotina sont si importantes pour les sociétés humaines qu elles méritent un approfondissement de leur biologie : Saccharomyces cerevisiae et Candida albicans. Saccharomyces cerevisiae est cultivée par l'homme depuis plus de 9000 ans pour fabriquer le vin en Asie Mineure, plus de 6000 ans pour fermenter la bière à Babylone et plus de 2000 ans pour faire du pain en Egypte. On la trouve naturellement dans les sécrétions de sève émises par les arbres et sur les fruits en décomposition où elle se nourrit des sucres présents. Néanmoins, le moyen le plus simple d'en récolter est de visiter les cuves de fermentation des vignobles! Saccharomyces cerevisiae se présente sous forme d une cellule uninucléée sphéroïde mesurant une vingtaine de micron. Sa taille dépend de la souche, de son âge car elle se divise par bourgeonnement, et de son degré de ploïdie. Dans certaines conditions de stress et de ploïdie, elle présente une croissance pseudo-hyphale ou une croissance invasive. Le temps de génération dans de bonnes conditions est d'environ 80 minutes. Son cycle est de type haplodiplobiontique avec deux types sexuels mata et matα. La croissance en absence d'oxygène entraîne l'utilisation exclusive de la fermentation et la plupart des enzymes de la respiration sont alors réprimés. La fermentation est suffisante pour assurer la survie de la cellule, Saccharomyces cerevisiae est donc un organisme aérobie facultatif. Lorsque les souches sont cultivées dans des conditions aérobies en présence d'une forte concentration de glucose, elle commence par effectuer la fermentation des sucres en éthanol. Puis un changement de métabolisme, la transition diauxique, se poursuit avec l'utilisation de l'éthanol jusqu'à sa consommation complète, suivie de l'entrée en phase stationnaire. C'est ce métabolisme qui est responsable de l'utilisation de la levure pour pseudo-hyphes conjugaison carence en azote bourgeonnement (mitose) bourgeonnement (mitose) méiose sporulation carence en carbone Cycle de vie de Saccharomyces cerevisiae croissance invasive 202

212 fabriquer du pain, du vin et de la bière. Au cours des deux derniers siècles, Saccharomyces cerevisiae a accompagné les chercheurs dans les recherches en Biologie. Pasteur au XIXe siècle l'a utilisée pour montrer que les processus de fermentations sont dus à des microorganismes et que chaque type de fermentation est associé à des microorganismes particuliers, jetant ainsi les bases de la microbiologie moderne. En 1897, Buchner a montré que des extraits acellulaire de levure pouvait convertir le glucose en éthanol et CO 2, montrant que le métabolisme énergétique peut être effectué par de la matière inerte, et que les produits responsables pouvaient être purifiés, ouvrant ainsi la voie à la biochimie. Saccharomyces cerevisiae a été introduite pour des études de génétique au cours des années 1930 et au cours des années 1970 et 1980, elle s'est imposée comme le modèle majeur des études de biologie moléculaire et cellulaire chez les eucaryotes. Cela a culminé avec la séquence complète de son génome terminée en 1996 et la délétion systématique de tous ses gènes en C'était la première séquence complète d'un organisme eucaryote. C'est incontestablement l'organisme eucaryote le mieux connu par les scientifiques. Lorsque l'on cherche la banque de donnée "PubMed" du NCBI avec le terme Saccharomyces plus de citations sont retournées. Le nombre d'articles scientifiques publiés sur cet organisme est d'environ par an! Candida albicans est actuellement le champignon responsable du plus grand nombre de mycoses. Sa détection est difficile, car cette espèce est un élément normal de la microflore de l'intestin. C'est sa prolifération due à diverses causes qui provoque la maladie. Les infections systémiques affectent les malades immunodéprimés et sont souvent mortelles. Elles 203 levure pseudo-hyphe hyphe Julien Bouillon commencent par l'invasion du tube digestif sur la paroi duquel les levures s'attachent. Lorsqu'elles sont présentes en grande quantité, elles peuvent conduire à des malnutritions. Elles peuvent ensuite envahir d'autres tissus. On considère que tous les humains ont eu au moins une fois dans leur vie des problèmes avec ces levures. Elles constituent maintenant environ 10% des infections nosocomiales et posent des problèmes sérieux pour les malades immunodéprimés. Outre des levures, elles produisent des pseudo-hyphes ou des hyphes. Elles peuvent aussi former des chlamydospores. La transition entre levure et hyphe est importante dans le processus infectieux ; les levures étant adaptées plutôt pour la dissémination et les hyphes pour la pénétration dans l'hôte. Cette levure peut aussi échapper aux macrophages et donc persister dans l organisme. Candida albicans se reproduit uniquement asexuellement et ne fait jamais de méioses. Cependant, un processus apparenté à de la sexualité a été décrit chez ce champignons. Les souches sont généralement diploïdes mais avec de nombreuses variations de caryotypes dont des aneuploïdies. Quelques rares souches haploïdes ont été identifiées ; elles dérivent de souches diploïdes par pertes de chromosomes et peuvent redonner directement des diploïdes, probablement après un défaut de séparation de noyaux fils

213 conjugaison diploïde opaque Cycle de Candida albicans MTLα tétraploïde MTLa diploïde blanc pseudo-hyphe hyphe chlamydospore haploïdes blancs pseudo-hyphe haploïdes opaques perte de chromosome sans méiose transition épigénétique hyphe chlamydospore après mitoses. Elles ont les mêmes capacités de différenciations végétatives que les levures diploïdes. Les deux types sexuels homologues de mata et matα de Saccharomyces cerevisiae MTLa et MTLα sont présents dans le génome. La plupart des souches diploïdes possèdent les deux types sexuels et sont incapables de conjuguer. Elles ont une morphologie constante qui conduit à un aspect «blanc» des colonies. Par contre, lorsque l'un des types sexuels est absent, Candida albicans devient capable de conjuguer avec une autre souche homozygote pour le type sexuel complémentaire. La conjugaison peut se produire entre haploïdes pour redonner un diploïde ou entre diploïdes homozygotes pour le type sexuel pour donner un tétraploïde! Cependant, toutes les cellules homozygotes ne s engagent pas avec la même fréquence dans la conjugaison. En effet, les colonies des souches homozygotes pour le type sexuel peuvent adopter deux formes morphologiques : une blanche ressemblant aux souches diploïdes hétérozygotes pour le type sexuel et une forme dite opaque ayant des cellules plus allongées. La fréquence de conjugaison est cent fois plus élevée sous la forme opaque. Par contre, les cellules blanches sont beaucoup plus résistantes car leur paroi est plus épaisse. Le passage entre les formes blanches et opaques, est contrôlé par un mécanisme épigénétique faisant intervenir l auto-activation d un facteur de transcription. Il est probable que c'est une adaptation aux milieux hostiles que Candida albicans rencontre dans le corps : la forme blanche lui permet de résister et la forme opaque de conjuguer avec des cellules voisines et donc de pouvoir réassocier des combinaisons génétiques pour mieux s'adapter. Après conjugaison, le retour à l état diploïde du tétraploïde est mal compris, mais se fait par perte aléatoire de chromosomes comme au cours de passage de l état diploïde à l état haploïde. 204

214 La moitié des espèces décrites vit en association avec des algues pour former les lichens. Cependant, cette proportion n'est pas significative car la plupart des espèces de lichens sont déjà décrites alors que celles des autres groupes trophiques ne sont que partiellement connues. Les saprotrophes sont très nombreux et bien connus pour altérer nos aliments. Quelques-uns sont des ectomycorhiziens, de nombreux autres sont des parasites/symbiotes de plantes ou d'animaux. La plupart des espèces exhibent les caractéristiques typiques des champignons supérieurs. Ils ont un thalle filamenteux intégré avec anastomoses efficaces et des pores septaux dits à grains de Woronin qui permettent de relier les articles entre eux (figure 148). Certaines espèces peuvent basculer vers un mode de croissance en tant que levure. Ils édifient des fructifications pluricellulaires souvent de tailles inférieures à 1 mm mais parfois de grandes tailles, comme les helvelles (figure 149). Ces fructifications ont servi de base à la classification jusqu à la fin du XXème siècle (Encadré 17). Les phylogénies moléculaires ont depuis montré que les fructifications ont évolué de manière convergente de multiples fois. Outre les ascospores, les Pezizomycotina sont capables de produire de nombreuses mitospores qui peuvent assurer la dissémination asexuée. Il existe plusieurs mécanismes qui permettent de produire ces mitospores, comme la fragmentation du mycélium ou la différenciation de certains articles. Les plus communes sont les conidies ou conidiospores qui se différencient à l'extrémité d'un hyphe particulier, le conidiophore (Encadré 17). Les conidiophores peuvent être isolés ou regroupés en synemata (sing. synema). Ils sont soit directement exposés à l extérieur, soit protégés dans des structures de protection, les acervules et pycnides (Encadré 17). La plupart des espèces ont donc un cycle sexuel et un cycle asexuel. La figure 150 représente le cycle générique autour duquel il existe de nombreuses variations. Les phylogénies moléculaires répartissent les Pezizomycotina en treize classes, dont six sont importantes aussi bien par le nombre d espèces qu elles possèdent que par leurs rôles écologiques. La classe qui semble être la plus divergente est celle des Orbiliomycetes. Ce placement est confirmé par certaines phylogénies mm Helvella crispa 1 cm Podospora anserina 1 cm Ascocoryne sarcoides 100 µm Erysiphe flexuosa Figure 149 Quelques fructifications de Pezizomycotina. Les fructifications d Helvella crispa ou Ascocoryne sarcoides sont parfaitement visible à l œil nu alors que celles de Podospora anserina et d Erysiphe flexuosa ne le sont pas.

215 206 Encadré 17 Comme chez les Basidiomycota, la forme des fructifications sexuelles a longtemps servi de base à la classification des Pezizomycotina. Classiquement, les mycologues apothécie distinguaient les discomycètes produisant des apothécies, les pyrénomycètes élaborant des périthèces ou des pseudothèces et les plectomycètes fabriquant des cléistothèces ou des gymnothèces. hyménium Les apothécies sont des fructifications, où Ciboria batschiana l hyménium est ouvert sur l extérieur. Comme chez Ciboria batschiana, elles ont le plus souvent une forme de coupelle surmontant un petit pied avec l hyménium positionné sur la face supérieure. Cependant, chez certaines espèces, elles adoptent des formes plus complexes (figure 149, Helevella crispa). Leur taille varie de quelques dizaines de micromètres à plus de dix centimètres de diamètre. La présence de ce type de fructification chez la majorité des Pezizomycotina, dont les Orbiliomycetes et Pezizomycetes qui sont les lignées ayant divergé le plus tôt, indique que les apothécies sont le type de base dont dérivent les autres. Par exemple, les truffes que nous consommons, la truffe noire du Périgord et la truffe blanche du Piémont, dérivent d apothécies par fermeture et prolifération interne de l hyménium. Les périthèces ont un hyménium protégé à l intérieur d un péridium qui a la forme d une poire haute d environ 1 mm. Le périthèce peut être glabre, où recouvert de «poils» comme chez Lasiosphaeria ovina. Lasiosphaeria ovina L hyménium tapisse le fond de la structure, ce qui permet aux asques d être orientés périthèce hyménium verticalement. Les ascospores peuvent alors s échapper par l ostiole positionné au sommet du périthèce. Les pseudothèces possèdent une structure similaire à celle des périthèces, mais diffèrent dans leur ontogénèse. En effet, les périthèces se développent autour d un gamète femelle après que celui-ci soit fécondé. Ce type de développement est dit ascohyménial. Au contraire, le pseudothèce se différencie en premier avant le gamète femelle qui est donc fécondé une fois que le pseudothèce a terminé son développement qui est dit ascoloculaire. Les pseudothèces sont aussi souvent associés à des asques «bituniqués». Ces asques sont entourés de deux parois qui se fissurent

216 séquentiellement pour permettre l expulsion des ascospores. Comme chez Hypocrea jecorina, les pseudothèces et les périthèces peuvent être regroupés dans des agglomérats d hyphes appelés stromata (sing. stroma). Les cléistothèces sont des fructifications complètement fermées. Notez que les truffes sont parfois considérées comme des cléistothèces, toutefois, la majorité des mycologues réserve cette dénomination aux fructifications de petite taille sans hyménium Hypocrea jecorina disposé en couche. En effet, dans un cléistothèce typique, les asques ne sont plus disposés sous forme d un hyménium différencié, alors que les truffes possèdent toujours un hyménium bien défini. Les ascospores ne sont plus expulsées activement en dehors du cléistothèce et servent donc plutôt à la persistance qu à la dispersion, comme chez Aspergillus nidulans. Les gymnothèces ont une structure similaire aux cléistothèces mais possèdent un péridium plus lâche constitués d hyphes entremêlés. Beaucoup de Pezizomycotina ne sont connus que par leur sporophores asexuels (anamorphes). Anciennement, ils étaient rangés dans la classe des Deuteromycetes avec tous les autres champignons connus uniquement par leur forme de dispersion asexuelle. Cette classe artificielle n existe plus et les formes sexuelles (téléomorphes) de nombreuses espèces sont identifiées de plus en plus fréquemment. Toutefois, il est souvent facile de reconnaitre un champignon en analysant l anamorphe. Traditionnellement, deux grands types sont définis : les Hyphomycetes formant des mitospores directement sur le mycélium et les Coelomycetes produisant des spores dans des cavités. Hyphomycetes cléistothèce Aspergillus (Emericella) nidulans Coelomycetes conidiophores acervule synema pycnide 207

217 mitose posméiotique ascospores dispersion germination et croissance végétative conidies dispersion asque méiose caryogamie gamétogénèse sporophore (carpophore) plasmogamie ascogone trichogyne primordium spermatie germination et croissance végétative Figure 150 Cycle générique des Pezizomycotina. La plupart des espèces sont aptes à compléter des cycles asexuels et sexuels. Le cycle asexuel passe le plus souvent par la production de conidies se dispersant facilement dans l air. Le cycle sexuel commence avec la différenciation de gamètes mâles et femelles. Le gamète mâle est soit une cellule ressemblant à une conidie, la spermatie, soit un hyphe particulier, l'anthéridie. Le gamète femelle est une grosse cellule possédant une morphologie particulière, l ascogone. Le champignon peut être homothallique ou hétérothallique de type bipolaire. La plasmogamie entre le trichogyne de l ascogone et le gamète mâle conduit au dicaryon. Chez l'ensemble des Pezizomycotina, l'étape dicaryotique caractéristique se produit dans la fructification et est maintenue grâce au mécanisme cellulaire décrit sur la figure 131 Il permet la génération de nombreuses méioses à partir d'une seule fécondation. La caryogamie a lieu dans la cellule mère de l'asque et est immédiatement suivie de la méiose et de la formation des ascospores. Notez que chez certaines espèces ce n'est pas la cellule apicale qui voit la caryogamie des deux noyaux mais la cellule basale qui se reforme. La présence d une mitose post-méiotique permet d obtenir des asques à huit spores. Chez certaines espèces, il peut se produire plusieurs mitoses post-méiotiques aboutissant à des asques à 16, 32, 64 ou 128 ascospores. De même, dans certains cas, deux noyaux issus de méiose ou de mitoses peuvent se retrouver dans la même ascospore, aboutissant à la formation d asques avec quatre ascospores dicaryotiques. En général, une fois les ascospores mûres, elles sont éjectées de la fructification à très haute vitesse. C'est en fait le vol le plus rapide connu actuellement dans la nature avec des accélérations de g conférant des vitesses pouvant atteindre 25 m/s. Notez que pour atteindre de telles vitesses, il n'est pas nécessaire d'imaginer des mécanismes complexes car une pression de turgescence classique est suffisante pour assurer la propulsion. Ce type de mécanisme d'expulsion des ascospores explique en partie chez ces champignons la position dans la fructification de l'hyménium qui est dirigé le plus souvent vers le haut. moléculaires, mais pas toutes, et des données sur l ultrastructure des asques et des pores septaux qui semblent plus simples que chez les autres Pezizomycotina. Il en existe quelques centaines d espèces. Ce sont des saprotrophes vivant principalement dans les sols. Leur cycle sexuel est mal connu car les téléomorphes sont rarement observés et produisent des apothécies très petites. La majorité des espèces piègent des nématodes pour compléter leur régime alimentaire. C'est le cas d Arthrobotrys oligospora qui capture 208

218 des nématodes et autres petits animaux via des hyphes spéciaux en forme de collets (figure 151). Les proies sont ensuite digérées par des enzymes extracellulaires. L autre candidate pour être la classe la plus divergente est celle des Pezizomycetes. Cette Figure 151 Nématode piégé par Athrobotrys oligospora. lignée comporte des champignons qui ont des fructifications de type apothécie, très souvent de grande taille. Les membres les plus connus ont un intérêt culinaire, truffes, morilles et pezizes (figure 152). Plus de espèces de Pezizomycetes sont décrites actuellement. Dans ce groupe se trouvent surtout des saprophytes mais aussi quelques espèces formant des ectomycorhizes comme la truffe avec le chêne et quelques autres arbres. D'autres espèces vivent associées avec des végétaux sans que l'on sache toujours clairement les relations qu'ils entretiennent. Par exemple, les morilles sont saprotrophes mais semblent pouvoir dans certains cas engager des mycorhizes. D autres sont clairement des parasites de plantes comme les Neottiella. Malgré l intérêt gastronomique, la fructification de ces champignons est pour l'instant mal contrôlée. Par exemple, la truffe nécessite la présence des arbres pour fructifier et le signal requis est inconnu. C'est aussi dans ce groupe que se trouve les Ascobolus qui sont utilisés comme modèles dans quelques laboratoires ou en classes de biologie. Les Ascobolus ont des fructifications microscopiques et sont fréquents sur les excréments d'herbivores. 209 Figure 152 Deux Pezizomycetes. A gauche, la pézize orangée, Aleuria aurantia, et à doite la morille conique Morchella conica. Les deux espèces sont commestibles.

219 Les autres Pezizomycotina sont répartis en deux grandes lignées. Les Sordariomyceta et les Dothideomyceta. Les Sordariomyceta regroupent cinq classes dont deux sont importantes numériquement et pour leurs rôles dans les écosystèmes. En effet, la classe des Geoglossomycetes ne contiennent que quelques espèces. Les phylogénies moléculaires individualisent ces champignons saprotrophes qui forment des apothécies de grandes tailles et déformées en forme de bâtonnets ou de spatules (figure 153). On les trouve souvent associés avec les mousses. Les quelques espèces de la classe des Xylonomycetes décrites actuellement vivent comme des endophytes des hévéas. On ne connait pour l instant de ces champignons que les anamorphes qui produisent des conidies protégées dans des picnides. La lignée des Laboulbeniomycetes contient des espèces dont la biologie est très particulière en comparaison avec celle des autres Pezizomycotina. En Figure 153 Geoglossum fallax. effet, ce sont des épibiontes d'insectes qui ont un développement défini donnant naissance à un thalle possédant un nombre constant de cellules. Celui-ci est composé de quelques dizaines au plus de cellules (souvent moins) et mesure quelques dizaines de micromètres. Fixé sur la cuticule d'un insecte, souvent à un endroit précis, on ne sait pas s'il provoque une gêne pour l'insecte (figure 154). Ce thalle différencie un petit périthèce donnant naissance à des ascospores qui sont collantes et assurent la propagation du champignon au cours des contacts entre insectes. La plupart des espèces sont homothalliques mais il existe quelques hétérothalliques. Il en existe plusieurs centaines d espèces. Plus importante, la classe des Leotiomycetes contient plusieurs milliers d espèces incluant des saprotrophes, des mycorhiziens et des parasites nécrotrophes ou au contraire obligatoire de plantes. Les fructifications sont souvent de type apothécies et très colorées (figure 155), mais les Erysiphales différencient des cléistothèces caractéristiques (figure 146, Erysiphe flexuosa). Parmi les pathogènes importants, on peut citer Sclerotinia sclerotiorum, Botrytis cinerea et les Monilia (figure 156). Ces champignons sont des pathogènes nécrotrophes à large spectre d'hôte car jusqu'à 200 espèces différentes sont attaquées par Sclerotinia sclerotiorum. Botrytis cinerea provoque la "pourriture grise". Cependant, il est aussi utilisé 210 Figure 154 Hesperomyces sp. sur une coccinelle.

220 au cours de la vinification des vins liquoreux tels que les Sauternes. En effet, dans certaines conditions climatiques, il entraîne une "pourriture noble" qui permet au vin d'acquérir sa richesse en sucre et son goût caractéristique. Les Monilia attaquent les fruits comme les pommes, les poires ou les coings et provoque la moniliose, une maladie redoutée des producteurs de fruits. La cinquième et dernière classe des Sordariomyceta est celle des Sordariomycetes. Cette lignée contient plus de espèces qui vivent soit saprotrophes soit en parasites ou mutualiste de plantes, d animaux ou d autres champignons. Leurs fructifications sont des périthèces ne se développant qu'après la fécondation du gamète femelle par un gamète mâle (figure 146, Podospora anserina). Ceux-ci peuvent ne pas avoir d'ostiole, mais dans ce cas un hyménium 211 Figure 155 Deux Leotiomycetes typiques. En haut, Bisporella citrina et Chlorociboria aeruginascens en bas. différencié est toujours présent, ou être groupé dans un stroma de grande taille comme chez les Xylaria (figure 157). C'est dans ce groupe que l'on trouve les champignons modèles de laboratoire qui sont très utilisés pour faire des analyses génétiques et moléculaires : Sordaria, Neurospora et Podospora. Ces saprotrophes ont une croissance rapide, des demandes nutritionnelles simples et un cycle de reproduction sexuée court et parfaitement maîtrisé. Ils servent donc de modèles d'études de génétiques moléculaires pour élucider de multiples phénomènes biologiques. De nombreuses espèces de ce groupe sont des pathogènes de plantes qui posent de gros problèmes en agriculture. Magnaporthe oryzae est le principal pathogène du riz, la céréale la plus consommée dans le Figure 156 Monilia sp. sur un coing. monde. Fusarium graminearum (=Gibberella zea) est un important parasite du blé qu il peut polluer de mycotoxine. Pour le premier, l'infection est propagée soit par des conidies ou via le mycélium qui alors pénètre la plante par la racine. Pour le second, l'infection est propagée par les ascospores. Claviceps purpurea qui infecte le seigle, est une autre espèce fameuse à cause des alcaloïdes qu'elle

221 Figure 157 Carpophore de Xylaria polymorpha. A droite, la coupe montre les périthèces sur le pourtour enchâssés dans le stroma. produit et qui si on les consomme, en mangeant du pain fabriqué à partir de farine contaminée, entraîne l'ergotisme associé à des gangrènes, des pertes de membres et la mort. Les alcaloïdes que produit ce champignon entraînent des vasoconstrictions. De nombreuses "épidémies" d'ergotisme se sont produites dans le passé sans qu'à l'époque, on en identifie la cause. Maintenant, ces alcaloïdes servent de médicaments mais aussi de drogues, le fameux LSD est un dérivé des alcaloïdes de ce champignon! Tolypocladium inflatum, une espèce endophyte proche des Claviceps, produit la cyclosporine A qui a permis le développement des greffes d'organes car c'est un immunosuppresseur qui n'a pas d'effet secondaire. Ophiostoma ulmi et novo-ulmi ont détruit les ormes en Europe et maintenant en Amérique du Nord. Cryphonectria parasitica détruit les Figure 158 Cordyceps sp. sur une chenille. châtaigniers en Amérique du Nord. La liste de ces pathogènes importants pour les sociétés humaines est encore longue! Les Sordariomycetes pathogènes des animaux sont regroupés principalement dans la famille des Cordycipitaceae. Leur impact sur les populations d insectes est mal connu, mais ces champignons sont collectés très fréquemment suggérant un rôle majeur dans le contrôle des populations (figure 158). Enfin, il existe quelques espèces qui parasitent d'autres champignons comme les Trichoderma (figure 159). Trichoderma reseei, la seule espèce du genre qui est saprotrophe, est très utilisée dans l'industrie comme source de divers enzymes lytiques (glucanases, cellulases, hemicellulase...) qu'elle secrète dans le Figure 159 Trichoderma sp. sur un carpophore. milieu en grande quantité. 212

222 La deuxième grande lignée des Pezizomycotina est celle des Dothideomyceta qui regroupe six classes. Les Lecanoromycetes, Arthoniomycetes, Lichinomycetes et Coniocybomycetes regroupent des lichens. Toutes fabriquent des apothécies, dont les structures diffèrent d une classe à l autre. De ces quatre classes, la plus importante est celle des Lecanoromycetes puisqu elle regroupe 90% des espèces de lichens connus (figure 160). Quelques espèces de cette classe sont des saprotrophes qui semblent avoir perdu la capacité de vivre en tant que lichen. Une espèce, Stictis/Conotrema, peut d ailleurs adopter les deux styles de vie. Figure 160 Trois lichens Lecanoromycetes. De gauche à droite : Xanthoria parietina, Peltigera horizontalis et Cladonia coccifera. La classe des Dothideomycetes contient plus de espèces présentant tous les styles de vie connus chez les Eumycota: saprotrophes, lichens, parasites et mutualistes de plantes, d animaux etc. C est probablement la classe la plus diverse de Pezizomycotina. Dans ce groupe, les fructifications sont des pseudothèces (figure 161) contenant des asques ayant un mécanisme particulier de libération des spores qui les distingue des autres Pezizomycotina fabriquant des pseudothèces. Les asques dits bituniqués ont en effet deux parois qui se rompent séquentiellement. Parmi les espèces importantes citons les Alternaria qui produisent des spores allergènes ; les Cochliobolus, Leptosphaeria, Pyrenophora et Mycosphaerella qui infectent de nombreuses plantes cultivées : colza, blé, maïs, etc. Enfin parmi les saprotrophes retenons Baudoinia compniacensis qui se nourrit de vapeur d alcool et que l on retrouve dans les distilleries de whisky ou sur les toits de Cognac! La dernière classe des Figure 161 Pseudothèces de Leptosphaeria maculans. Dothideomyceta et plus généralement des Pezizomycotina, celle des Eurotiomycetes, et probablement la plus importante pour les sociétés humaines. En effet, dans cette classe sont regroupés d importants pathogènes de l homme, mais aussi des champignons utilisés dans l industrie et surtout le champignon qui a conduit à la découverte des antibiotiques, Penicillium notatum. Il en existe plusieurs milliers d espèces. Dans la nature, les 213

223 Eurotiomycetes sont des saprotrophes, qui éventuellement peuvent s attaquer aux végétaux, ou à des lichens. Leur phylogénie suggère fortement que les formes saprotrophes dérivent des lichens. Ces champignons possèdent des fructifications plus simples que celles des autres Pezizomycotina. Ce sont des cléistothèces ou des gymnothèces. Les membres les plus connus sont les Aspergillus et les Penicilliums. La différence entre les deux genres est basée sur la forme des conidiophores mais celle-ci reflète imparfaitement leur phylogénie. Les téléomorphes sont souvent inconnus car la plupart des espèces n'ont pas de sexualité connue. Ils produisent en contre partie des quantités invraisemblables de conidies très volatiles. De fait, la majorité des contaminations observées sur les aliments ou les matériaux sont des Penicilliums ou des Aspergillus (figure 162). Les Aspergillus servent de modèles d'étude dans de nombreux laboratoires mais ils sont aussi beaucoup utilisés dans l'industrie pharmaceutique et agroalimentaire. Aspergillus oryzae est utilisé pour la fabrication du saké. Il démarre la dégradation de l'amidon du riz et les sucres produits servent de bases pour la fermentation par des levures ou des bactéries. Aspergillus niger est employé pour la production d'acide citrique dont tonnes sont produites chaque année. Plusieurs espèces d'aspergillus produisent des mycotoxines (ochratoxines, sterimagocystines...) qui Figure 163 Penicillium chrysogenum. sont très toxiques. Comme ces champignons ont la capacité de pousser sur des milieux assez secs, ils peuvent envahir les denrées alimentaires si celles-ci ne sont pas correctement stockées. L'accumulation de mycotoxines peut alors devenir dangereuse et conduire à la perte des produits stockés. Les Penicillium sont surtout célèbres pour la production d'antibiotiques. De fait, le premier antibiotique découvert et exploité était la pénicilline produite d'abord par Penicilium notatum, maintenant par Penicillium chrysogenum (figure 163). De nos jours, beaucoup d'antibiotiques sont synthétisés chimiquement mais certains continuent d'être purifiés à partir des champignons comme des béta-lactames dont la penicilline G et la cephalosporine C. C'est dans ce genre que se trouvent les fameux Penicillium camemberti et Penicillium roqueforti dont les noms évocateurs indiquent qu'ils interviennent dans la fabrication des fromages (figure 108). 214 Figure 162 Aspergillus glaucus contaminant un pot de confiture.

224 Aspergillus fumigatus Penicillium marneffei Table 9 : principales mycoses causées par les Eurotiomycetes Espèces Pathologies populations à risque Histoplasma (= Ajellomyces) capsulatum Blastomyces (= Ajellomyces) dermatitidis Coccidioides immitis et Coccidioides posadasii allergies, pneumonies, mycoses systémiques. atteinte du système lymphatique, hépatomégalie, splénomégalie, dyspnée et gêne respiratoire. Primo-infection ressemblant à une grippe qui évolue sous forme de pseudo-tuberculose, puis sous une forme généralisée mortelle. Maladie chronique affectant d abord les poumons puis se généralisant. Les premiers symptômes sont ceux d une grippe. syndrome grippal prolongé, fatigue, douleurs musculaires et perte de poids. Evolution en pneumonies. Dissémination systémique possible. Paracoccidioides brasiliensis Atteinte des muqueuses nasales de la bouche et des sinus avec ulcérations. Pneumonies. Risque de mycoses systémiques. Trichophyton spp. pieds d athlètes, onychomycoses et teignes diverses. Epidermophyton floccosum pieds d athlètes, onychomycoses et teignes diverses. immunodéprimés et rarement immunocompétents Immunodéprimés et rarement immunocompétents Immunocompétents et immunodéprimés Immunocompétents et immunodéprimés Immunocompétents et immunodéprimés Immunocompétents et immunodéprimés Sportifs, enfants Sportifs, enfants De nombreux Eurotiomycetes sont importants pour la santé publique (Table 9). Le plus important en France est Aspergillus fumigatus qui cause des aspergilloses souvent fatales. Il infecte les sujets immunodéprimés, surtout les patients suivant un traitement contre le cancer. Ses spores sont allergènes et de petite taille. Elles pénètrent dans l'organisme par les voies respiratoires. Le champignon cause donc principalement des pneumonies. D autres espèces importantes appartiennent à l ordre des Onygénales, dont les membres sont en majorité des saprotrophes communs des sols. Cet ordre contient néanmoins plusieurs espèces qui sont de vrais pathogènes virulents car capables d infecter des sujets sains. Cependant, on les trouve aussi naturellement comme saprotrophes dans 215

225 les sols, montrant que leur parasitisme est occasionnel et découle probablement d adaptation à leur milieu, plutôt que d une stratégie propre au parasitisme. La contamination se fait aussi essentiellement par l inhalation de spores et devient sévère plutôt chez les immunodéprimés. Le champignon subit une transition dimorphique vers une forme levure dans le corps humain, alors qu il pousse sous forme de filament dans la nature. Enfin, il existe de nombreuses espèces capables de persister dans la peau ou les ongles où elles créent des pieds d athlètes, des teignes ou des onychomycoses. Basidiomycota L embranchement des Basidiomycota, ou des basidiomycètes, forme le deuxième grand embranchement des Eumycota puisqu il contient 30% des espèces de champignons décrites. Le caractère qu ils partagent est la production de leur méiospores par bourgeonnement de cellules spécialisées, les basides. Elles sont donc appelées basidiospores (figure baside Ustilago maydis (Ustilaginomycotina) Puccinia graminis (Pucciniomycotina) Tremella mesenterica Coprinus comatus Calocera viscosa 216 hétérobaside Figure 164 Basides et basidiospores. holobaside 20 µm 5 µm basidiospore (Agaricomycotina) 164). De plus, la majorité des espèces présente un mycélium dicaryotique issu de la plasmogamie de cellules sexuellement compatibles. Chez les Ascomycota, seuls les Taphrinomycetes présente un tel mycélium, l étape dicaryotique étant inexistante chez les Saccharomycotina et restreinte à l intérieur de la fructification chez les Pezizomycotina. Le maintien de l état dicaryotique se fait selon le schéma décrit dans la figure 131. Ce mécanisme produit un boucle mycélium portant une structure caractéristique au niveau des cloisons entre les articles appelée boucle ou anse d anastomose (figure 165). L observation des boucles est donc un bon diagnostic pour déterminer si un mycélium provient d un Basidiomycota. Néanmoins, tous les Basidiomycota ne produisent pas ces boucles et leur absence n est donc pas un bon critère pour les exclure. Les phylogénies moléculaires confirment largement la Figure 165 Boucle d anastomose.

226 Agaricostilbomycetes Mixiomycetes Pucciniomycotina Tritirachiomycetes Cystobasidiomycetes Microbotryomycetes Classiculomycetes Basidiomycota Cryptomycocolacomycetes Atractiellomycetes Pucciniomycetes Ustilaginomycotina Exobasidiomycetes Ustilaginomycetes Bartheletiomycetes Agaricomycotina Tremellomycetes Dacrymycetes Agaricomycetes monophylie du groupe et définissent trois sous-embranchements : Pucciniomycotina, Ustilaginomycotina et Agaricomycotina (figure 166). Les Pucciniomycotina, anciennement Urediniomycetes, comprennent 7500 espèces. Ce sont pour la plupart des champignons parasites obligatoires de plantes, surtout des gymnospermes et des angiospermes, ce qui semble être le style de vie ancestral des espèces du groupe. D'autres vivent comme des saprotrophes ou des parasites d'insectes et de champignons. Quelques espèces se sont adaptées à la vie aquatique et on en trouve dans les eaux douces et marines. Les espèces phytopathogènes sont souvent des biotrophes obligatoires et ont des cycles de vie variés qui peuvent nécessiter deux Figure 167 Pore simple des Pucciniomycotina. hôtes et faire intervenir jusqu'à Figure 166 Phylogénie des Basidiomycota.

227 propagules de dispersion différentes! Chez beaucoup d'espèces les spores sont nombreuses et rougeâtres d'où le nom de rouilles donné à ces champignons. Il va sans dire que ces rouilles causent des dégâts considérables aux cultures en particulier pour les cultures de céréales. Les pores septaux sont simples et possèdent parfois des corpuscules ressemblant à des grains de Woronin typiques des Pezizomycotina (figure 167). Les boucles dans le mycélium sont souvent rares. Quelques espèces fabriquent des fructifications multicellulaires simples, souvent de petite taille. D'autres ont régressé vers des formes se divisant essentiellement comme des levures. Celles-ci vivent souvent en association avec les plantes et forment en particulier la majorité de la biomasse du phylloplan. Parmi les neuf classes reconnues dans le sous-embranchement, sept ne contiennent que quelques espèces. Des deux dernières classes, celle des Pucciniomycetes est la plus riche en nombre d espèces et la plus importante dans les écosystèmes et en agriculture, alors que celle des Microbotryomycetes n est connue que par les études de biologie évolutive qui sont menées en utilisant un de ses représentants, Microbotryum violaceum. La classe des Pucciniomycetes, et plus particulièrement l'ordre des Uredinales, englobe 90% des espèces de Pucciniomycotina. Ce sont des parasites de plantes biotrophes obligatoires attaquant de nombreux hôtes, allant d arbres comme les pins à des herbes ou des buissons comme le framboisier (figure 168). La plus connue est Puccinia graminis qui infecte les céréales et cause la rouille noire du blé. Les autres rouilles du blé sont causées par Puccinia striiformis pour la rouille jaune et Puccinia recondita pour la rouille brune. Dans l'antiquité, ces espèces causaient de tels ravages que les latins au début du printemps célébraient les «Robigalia», une fête pour apaiser le dieu Robigus sensé être responsable des ravages aux cultures causés par Puccinia graminis. Le cycle de Puccinia graminis est le plus complexe parmi les eucaryotes car il fait Figure 168 Phragmidium rubi-idaei, la rouille du framboisier. 218 intervenir deux hôtes et cinq formes de spores (figure 169). Un deuxième ordre étonnant de Pucciniomycetes, comprenant environ 170 espèces, est celui des Septobasidiales. Ce sont des parasites ou des mutualistes de cochenilles. En effet, si certaines espèces ont clairement un comportement de parasites vis-à-vis des cochenilles, d autres forment une structure qui dans son fonctionnement ressemble à un lichen, sauf que la place du phycobionte est tenue par les cochenilles! Leur cycle commence comme Puccinia graminis par une baside septée qui libère ses basidiospores. Celles-ci peuvent bourgeonner des levures qui génèrent des colonies lorsqu elles sont mises en culture. Lorsque les spores/levures rentrent en contact avec une cochenille, elles génèrent un

228 promycélium (baside) basidiospores binucléées dispersion par le vent germination mycélium primaire méiose germinations répétées des basidiospores caryogamie téliospores céréales épine vinette pycniospores plasmogamie télium urédiospores mycélium secondaire pycnide urédie aeciospores aecie mycélium secondaire dispersion par le vent Figure 169 Cycle de Puccinia graminis. Le cycle commence au printemps avec la germination des téliospores bicellulaires et diploïdes, suivie rapidement de la méiose et de la formation des basidiospores sur une hétérobaside ou promycélium. Les basidiospores sont libérées activement et peuvent germer à répétition. Elles sont dispersées par le vent et ne peuvent pas infecter les céréales. Elles arrivent sur l'hôte secondaire, l'épine vinette Berberis vulgaris, dans lequel se forme un mycélium haploïde et monocaryotique ou mycélium primaire. Des pustules, en fait des pycnides, se forment sur la face supérieure des feuilles de la plante. Elles contiennent des pycniospores qui vont servir de gamète mâle et des hyphes réceptifs qui vont servir de gamètes femelles. Une solution sucrée attire des insectes qui vont assurer la propagation des pycniospores vers des souches de types sexuels compatibles. Lorsqu'une pycniospore arrive sur un hyphe réceptif de type sexuel compatible, la fusion cellulaire se produit et donne naissance au mycélium dicaryotique dit mycélium secondaire. Il produit les aeciospores (ou éciospores) dans des aecies (écies) qui se forment à la face inférieure des feuilles. Les aeciospores ne peuvent pas réinfecter l'épine-vinette. Elles sont dispersées par le vent et vont aller contaminer des céréales, où elle donne naissance à un mycélium secondaire dicaryotique. Ce mycélium différencie des urédies contenant des urédiospores qui vont amplifier l'infection sur les céréales jusqu'à ce que l'automne arrive et se produise la formation des téliospores bicellulaires, dicaryotiques d'abord, puis diploïdes. Celle-ci sont très résistantes et vont passer l'hiver en repos. La connaissance du cycle a permis de réduire drastiquement les problèmes causés par cette rouille car il a suffi de supprimer son hôte alternatif, l'épine-vinette, pour diminuer l'infection. mycélium qui va proliférer pourformer un thalle au-dessus d'une feuille ou d'une branche hébergeant les cochenilles (figure 170). Le thalle contient des chambres qui abritent les animaux. Une partie des cochenilles est pénétrée par des suçoirs du champignon. Elles sont alors stériles, plus petites et apportent la nourriture au consortium en suçant la sève de la plante. Les autres cochenilles sont libres, fertiles et... protégées par le thalle mycélien! Sur la face supérieure du thalle sont produites les basides. Le thalle 219

229 multicellulaire sert donc aussi de fructification. Ces associations peuvent avoir un impact fort en agriculture. En effet, Septobasidium cochenilles libres mycélium cochenille esclave pseudopedicellatum est un pathogène Figure 170 Septobasidium theae et ses cochenilles. important des citronniers dans le sud des Etats-Unis, Spetobasidium bogoriense s attaque avec succès aux caféiers et Septobasidium theae aux théiers. La classe des Microbotryomycetes contient des espèces saprotrophes, parasites de champignons et surtout parasites de plantes comme les Microbotryales. Ceux-ci possèdent un cycle ressemblant à celui des charbons (Ustilaginomycotina) avec lesquels ils ont longtemps été classés (figure 171). remplacement du pollen par les téliospores téliospore diploïde germination méiose basidiospore promycélium (baside) caryogamie levures mitoses plasmogamie (conjugaison) dissémination par les insectes pollinisateurs mycélium dicaryotique infection des nouvelles fleurs colonisation de la plante par le mycélium dicaryotique Figure 171 Cycle de Microbotryum violaceum. Les téliospores diploïdes sont transportées de fleurs en fleurs par les insectes. Elles germent pour donner naissance à un promycélium porteur des basidiospores. Leur germination donne des cellules haploïdes qui se propagent comme des levures. La fusion de deux levures sexuellement compatibles génère un mycélium dicaryotique qui infecte la plante hôte pour redonner les téliospores au niveau des anthères des nouvelles fleurs, où elles attendent l'insecte qui les dispersera. 220

230 Microbotryum violaceum l'espèce modèle du groupe, infecte une centaine d'espèces de caryophyllacées et cause le charbon des anthères, qui est une maladie sexuellement transmissible (figure 172). Cette maladie est très commune et il est fréquent de rencontrer des silènes ou des saponaires infectées. Le champignon est utilisé comme modèle en génétique pour comprendre la dynamique et l évolution des infections fongiques chez les plantes, ansi que les modes d évolution des chromosomes sexuels. En effet, la Figure 172 Microbotryum violaceum sur saponaire. Les spores violettes du champignon ont conjugaison a lieu entre levures de types remplacé sur les étamines les grains de pollen sexuels compatibles qui sont portés par des normalement translucides. chromosomes sexuels différents. Le sous-embranchement des Ustilagomycotina regroupe environ 1700 espèces dont la plupart des espèces sont des parasites de plantes à fleurs infectant un seul hôte. D autres comme les Malassezia colonisent la peau des mammifères, y compris l homme, ou elles se nourrissent des sécrétions sébacées. Les espèces phytopathogènes attaquent les fleurs et empêchent la formation des graines. Elles ont donc un impact économique important. Elles alternent souvent entre une phase mycélienne infectieuse et une phase levure saprotrophes. Elles attaquent leur hôte de manière particulière en secrétant des dépôts à l'intérieur des cellules de plantes via des vésicules caractéristiques. A la fin de l'infection, elles forment souvent des amas de spores noires d'où le nom de charbon qui leur a été donné. Leurs pores septaux sont plus complexes que chez les Pucciniomycotina (figure 173). coiffes membranaires Figure 173 Pore septal chez les Ustilaginomycotina. Le pore est entouré de vésicules dérivant du réticulum appelées coiffes membranaires. Chez plusieurs ordres, ce pore n est pas présent et a probablement disparu par évolution régressive. Deux classes ont définies sur la base des données moléculaires. 221

231 La classe des Ustilaginomycetes contient l espèce la plus connu du sousembranchement, Ustilago maydis qui attaque le maïs et génère des galles, c'est à dire des tumeurs où le tissu de l'hôte est hypertrophié et mélangé avec le mycélium, qui remplace les grains dans l'épi (figure 174). Le cycle est très similaire à celui de Microbotryum violaceum, mais la dispersion des téliospores se fait par le vent et non par les insectes. Outre son aspect destructeur de récoltes, certaines espèces ou souches d'ustilago peuvent entraîner des désordres sérieux pour la santé humaine. La consommation de maïs parasité par Ustilago maydis est très répandue au Mexique où les galles sont très prisées et vendues sous le nom de huitlacoche (figure 175). Leur ingestion peut entraîner des malaises divers connus sous le nom d ustilaginisme, surtout chez les enfants. Le champignon produit diverses toxines, alcaloïdes et autres dont certaines inhibent l'action téliospore diploïde germination méiose promycélium (baside) sporidies (basidiospores) dispersion par le vent mitoses levures plasmogamie (conjugaison) caryogamie galles sur les épis mycélium dicaryotique colonisation de la plante par le mycélium dicaryotique Figure 174 Cycle d Ustilago maydis. Le cycle commence au printemps par la germination de la téliospore diploïde accompagnée de la méiose pour donner naissance à un promycélium de 4 basides haploïdes. Chacune de ces cellules produit au moins un bourgeon, la sporidie, qui est l'équivalent d une basidiospore. Le bourgeonnement peut se répéter plusieurs fois et donc produire des colonies de levures. Si des cellules sexuellement compatibles se rencontrent, il y a fusion cellulaire et formation du dicaryon. Ceci entraîne la formation du mycélium bouclé et l'envahissement de la plante, qui ne se produit donc que s'il y a fusion sexuelle. Lorsqu'il atteint la surface de la plante, le mycélium peut aussi parfois produire des spores dicaryotiques qui assurent une propagation asexuée. La fusion nucléaire intervient dans les téliospores en formation pendant l'automne dans des galles qui occupent la place des grains dans l'épi, terminant le cycle et assurant la production d'une forme de résistance pendant l'hiver. 222

232 Figure 175 Galles d Ustilago maydis ou huitlacoche (au centre) vendues parmi d autres légumes et champignons sur un marché au Mexique. 223 de l'adrénaline. Il provoque aussi des avortements chez le bétail. Les autres membres de la classe ont des cycles similaires et infectent de nombreuses plantes. La classe des Exobasidiomycetes contient aussi des pathogènes importants, dont Tilletia caries qui est un pathogène du blé provoquant la carie. Son cycle ressemble à celui d'ustilago maydis. Les jeunes plans sont infectés au printemps et l'infection est asymptomatique jusqu'à la récolte, où le grain est remplacé par la masse poudreuse des spores. Celles-ci ont une longévité d'au moins 15 ans dans le sol. Le cycle de ce champignon a été déterminé par Isaac-Bénédict Prévost ( ) au début du XIXème siècle, qui a donc montré pour la première fois, bien avant Robert Koch, que la cause d une maladie était en fait un microbe. Les Malassezia sont d autres membres importants de la classe. Ces levures commensales de la peau peuvent dans certaines conditions mal définies proliférer et causer des dermatites dont les pellicules du cuir chevelu ou le pythiriasis versicolor. Le sous-embranchement des Agaricomycotina, anciens Hymenomycetes, est le pendant pour les Basidiomycota des Pezizomycotina, car il contient la majorité des espèces décrites, soit plus de , et il englobe la majorité des champignons familiers qui produisent des carpophores de grande taille, qui ont bien évidemment servi pour établir les premières classifications (Encadré 18). Certains sont comestibles comme les champignons de Paris, les girolles, les bolets, les pieds de moutons etc. ; d autres sont toxiques comme les amanites, les galérines etc. Des espèces ayant des aspects très semblables peuvent être pour les unes comestibles et les autres très toxiques voire mortelles. Le nombre de "spécialistes" étant passé dans l'autre monde à cause des champignons ne se compte plus. Je vous engage pour plus d'informations à aller voir "Le Roman d'un Tricheur" de Sacha Guitry ou d'écouter Mireille, Pills et Tabet dans "les fleurs et les champignons". Leurs styles de vie sont très variés. La majorité des Agaricomycotina sont des saprotrophes impliqués dans le recyclage du bois et autres matières végétales. Certains sont très efficaces pour la dégradation de la cellulose et de la lignine car ils produisent et exportent vers le milieu extracellulaire de nombreux enzymes (peroxidases, laccases, hydrolases ). Quelques espèces sont des lichens et de nombreuses autres vivent en tant que mutualistes mycorhiziens. Plusieurs Agaricomycotina sont capables de

233 224 Encadré 18 Comme chez les Ascomycota, la forme de la fructification était un caractère important de la classification des Agaricomycotina. Les phylogénies moléculaires ont montré de nombreuses convergences avec l apparition répétée de la plupart des formes, en particulier dans la classe des Agaricomycetes (voir la Table 10). Dans l ancienne classification, la partie des Agaricomycotina produisant des basides septées, maintenant la classe des Tremellomycetes et l ordre des Auriculariales, étaient casées avec les Ustilaginomycotina et les Pucciniomycotina dans la classe défunte des Phragmobasidiomycetes. Les espèces différenciant des basides non septées étaient rangées dans la classe des Holobasidiomycetes, ellemême «agaric» «bolet» «hydne» séparée en deux sous classes : les Hymenomycetes avec un hyménium exposé à l air libre et les Gasteromycetes avec un hyménium non exposé. Parmi les Hymenomycetes qui produisent le champignon classique avec un pied central (ou stipe) et un chapeau (ou pileus), les mycologues distinguaient les «agarics» avec l hyménium positionné sur des lamelles, les «bolets» où l hyménium tapisse des pores et les hydnes où il est sur des aiguillons. Les autres formes fréquemment «croute» «cervelle» rencontrées sont les «croutes» et «cervelles», les «clavaires» en forme de corail et les «polypores» en forme de console. «clavaire» «polypore»

234 «vesse» «géaster» «cyathe» Les Gasteromycetes exhibent une grande variété de formes. Les plus célèbres sont les vesses. Dérivant de ces vesses, les géasters ressemblent à des étoiles et les cyathes à des nids d oiseaux. Sans conteste, les carpophores les plus étranges sont rencontrées dans l ordre des Phallales. Ils adoptent des formes allant d une étoile brillement colorée en rouge, à des cages, des fleurs ou des phallus! Ces différents carpophores ont pour but d assurer avec efficacité la dispersion des spores. Pour les Hymenomycetes le principal vecteur étant le vent, la tendance évolutive principale est d assurer un départ des spores le plus haut possible, d où l édification répétée des pieds ; la forme ancestrale étant le type «croute». Les lames, plis pores et aiguillons ont pour but d augmenter la surface de production des spores. Chez les Gasteromycetes, la pluie et/ou les animaux jouent un rôle prépondérant. Par exemple, la fructification des cyathes, en forme de nid d'oiseau, est étudiée pour la dispersion par les gouttes de pluie, qui lorsqu'elles éclaboussent l'intérieur de la coupelle, propulsent les "péridioles", les petites masses contenant les spores et ressemblant à des œufs. Celle des Phallales sont souvent brillement colorées, voire comme Aseroe rubra ressemblent à une fleur, Anthurus archeri Aseroe rubra car elle assume la même fonction: attirer des insectes. Ici, les publics visés sont des mouches et donc l'odeur de ce type de fructification mime celle des cadavres. Les mouches attirées Clatrus ruber Phallus impudicus consomment la gleba, la Phallales substance noirâtre contenant les spores. Les Agaricomycotina n ont donc pas été moins inventifs que les plantes et les animaux quand il a s agi d évoluer des stratégies pour se disperser! 225

235 226 parenthésomes (coiffes membranaires) Figure 176 Dolipore (pore septal) des Agaricomycotina. s'attaquer aux plantes saines ou affaiblies, en particulier les arbres, et sont donc de dangereux parasites. D autres sont des mycoparasites ou des parasites d animaux. Un genre contient des pathogènes importants de l'homme causant des mycoses systémiques principalement chez les malades immunodéprimés. Les pores septaux sont appelés «dolipores». Ils possèdent une morphologie typique avec des vésicules associées qui dérivent du réticulum endoplasmique (figure 176). En coupe, elles apparaissent comme une parenthèse en pointillé, d où leur nom de parenthésome. En réalité, il s agit d une coiffe continue percée de petits pores. Le nombre de pores varie dans les différentes classes. Ils sont absents chez les espèces ayant divergées en premier, e.g, les Tremellomycetes, et nombreux chez les Agaricomycetes plus «évolués». Le parenthésome contient des protéines caractéristiques présentes uniquement chez les Agaricomycotina. Les dolipores sont nécessaires au bon fonctionnement du mycélium et à l'élaboration de la fructification. En effet, la délétion d'un gène codant la protéine spc33 chez Schizophyllum commune entraîne une diminution de la croissance et une réduction de la production de carpophores. Le mycélium de ce mutant ne ferme pas ses pores septaux lors de blessure. Le mycélium des Agaricomycotina ainsi pourvu de dolipores est capable comme celui des Pezizomycotina de supporter la production de fructifications pluricellulaires complexe. Cependant, contrairement aux Pezizomycotina, la dispersion par les spores asexuelles semble moins répandue. Le cycle générique de ces champignons est présenté sur la figure 177. Cependant, de grandes fluctuations existent autour de ce cycle avec des modalités différentes pour la fabrication des basides et des basidiospores et surtout pour le développement et la morphologie de la fructification. Celle-ci peut avoir l'aspect classique de «champignon» mais aussi se présenter comme des croûtes, gelées, consoles, coraux, outres, étoiles, phallus ou même nids d'oiseau! Ces formes sont reliées au mode de dispersion (Encadré 18). Actuellement, la phylogénie moléculaire des Agaricomycotina définit quatre classes d importances variables. La première, celle des «Bartheletiomycetes», n a pas encore le rang formel de classe et ne renferme qu une seule espèce, Batheletia paradoxa (figure 178). Ce champignon est un saprotrophe qui vit sur les feuilles de Gingko biloba. Les gingkos sont des reliques d'un groupe de gymnospermes abondant durant l ère

236 dispersion germination croissance végétative mycélium primaire haploïde gouttelette de Buller basidiospores plasmogamie méiose caryogamie baside mycélium secondaire dicaryotique croissance végétative sporophore (carpophore) bouton (primordium) Figure 177 Cycle générique des Agaricomycotina. Le cycle commence par la germination de basidiospores qui donnent naissance à des mycéliums haploïdes dit primaires. Ceux-ci sont généralement peu combatifs et ont des capacités à proliférer réduites. La rencontre de deux mycéliums primaires de types sexuels compatibles entraîne la formation du mycélium dicaryotique bouclé. Celui-ci a des potentialités de croissance beaucoup plus grande. Lorsque les conditions sont propices, souvent lorsque le mycélium est carencé, des boutons sont différenciés. Une partie d entre eux va se développer en carpophores porteurs des basides, puis des basidiospores. Chez les Hymenomycetes qui se dispersent via le vent, les spores portées par les stérigmates, qui sont les petites excroissances au sommet de la baside, sont expulsées par un mécanisme original. Une sphère de liquide apparaît à la base de la basidiospore, la gouttelette de Buller, sur une structure spéciale de la spore appelée l'appendice hilaire. Le mécanisme mis en jeu est encore discuté. Cette goutte coalesce avec une autre couche liquide apposée à la surface de la spore, provoquant un changement du centre de gravité de l'ensemble. Cela conduit au décollement de la basidiospore de son stérigmate avec une accélération de l'ordre de g. La distance parcourue est suffisante pour s'éloigner suffisamment de la baside sans rencontrer la paroi de l'hyménium situé en face! La spore tombe ensuite par gravité puis est dispersée par le vent. La fabrication de la goutte explique la nécessité de l'humidité de l'air pour la dispersion de ces champignons. Ce mécanisme explique aussi la morphologie générale des fructifications d'agaricomycotina: un pied pour mettre l'hyménium en hauteur, la position infère du tissu fertile pour que les spores tombent et le chapeau pour sa protection. L'espacement des lames, le diamètre et la forme des pores sont aussi en relation avec ce mécanisme d'expulsion. D autres stratégies sont décrites dans l Encadré 18. secondaire. Ils sont donc considérés comme des "fossiles vivants". De manière intéressante, Bartheletia paradoxa présente comme son substrat des caractères archaïques, avec la présence de micropores plutôt qu un pore centrale dans les septums entre articles et des «téliospores» qui donnent naissance aux basidiospores, comme chez 227

237 228 1 cm télium Figure 178 Bartheletia paradoxa sur une feuille de Gingko biloba. Les télia (sing. télium) différencient des spores diploïdes résistantes qui peuvent perdurer dans l environnement. Leur germination donne naissance aux basidiospores. les Pucciniomycotina et Ustilaginomycotina. Il semblerait donc que ce champignon soit lui aussi un "fossile vivant". Les phylogénies moléculaires confirment sa position à la base des Agaricomycotina, mais ne permettent pas de trancher cette espèce définit une nouvelle classe, ou s elle est incluse dans celle des Tremellomycetes. La classe des Tremellomycetes inclut principalement des saprotrophes et des parasites d'autres champignons. Ces Agaricomycotina présentent toujours des caractères archaïques. Les pores septaux ont des parenthesomes non perforés ou perforés mais avec les vésicules en forme de cupules. Certaines espèces produisent des téliospores. Les basides sont chez la plupart des espèces septées de manière transverse (figure 164, Tremella mesenterica). Le stade haploïde est levuriforme comme chez certains Pucciniomycotina et Ustilaginomycotina. La fusion de deux levures sexuellement compatible donne naissance à un mycélium dicaryotique qui différencie un carpophore souvent gélatineux (figure 179). Le cycle ressemble donc à celui des Ustilaginomycotina. D'autres espèces vivent essentiellement sous forme de levures. C est le cas de deux pathogènes de l'homme, Cryptococcus neoformans et Cryptococcus gattii qui se développent comme des levures bourgeonnantes capsulées (figure 180). On les trouve naturellement dans les sols, en particulier ceux riches en excréments de pigeons ou sur certains arbres comme des eucalyptus. Leur reproduction sexuée requiert une grande quantité d inositol, ce qui fait que ces champignons ne la font dans la nature que sur les eucalyptus qui en contiennent beaucoup. Les téléomorphes, appelé Filobasidiella neoformans et Figure 179 Carpophore de Tremella foliacea. Filobasidiella bacillispora, ne produisent pas de carpophores. Ces champignons sont hétérothalliques avec deux types sexuels, MATa et MATα. Lors d une carence en azote, deux cellules compatibles fusionnent. Un hyphe

238 bouclé dicaryotique se forme et donne naissance à son extrémité à une holobaside, c està-dire une baside non septée. Celle-ci produit quatre basidiospores qui se divisent immédiatement pour donner naissance à des chaines de levures (figure 180). Au laboratoire, il est possible d'induire un cycle sexuel «monocaryotiques». Dans ce cas, le mycélium résulte de la fusion de deux noyaux de même type sexuel et donne des hyphes diploïdes présentant des boucles incomplètes. La méiose a lieu normalement dans la baside située à l'extrémité des hyphes. Dans la nature, seul le type sexuel MATa est fréquent. Les Cryptococcus provoquent la cryptococcose. L'infection est chronique et commence par les poumons après inhalation de propagules infectieuses. Chez les sujets immunocompétents les lésions restent localisées. Mais chez les patients immunodéprimés, le champignon se dissémine en 5 µm 229 capsule baside 5 µm basidiospores Figure 180 Anamorphe et téléomorphe de Cryptococcus (Filobasidiella) neoformans. ayant une prédilection pour le système nerveux. Quelques antifongiques, qui perdent leur effet rapidement car des résistances se développent au cours du traitement, ou l'ablation chirurgicale des lésions localisées permettent de combattre ces parasites qui conduisent généralement à la mort. Actuellement, on recense annuellement 300 millions de cas, principalement chez les malades atteints du SIDA. Notez que Cryptococcus gattii peut infecter des sujets non immunodéprimés et provoquer des dommages sérieux. Une épidémie impliquant des centaines de patients a récemment eu lieu à Vancouver au Canada. De nombreux eucalyptus avaient été plantés dans la région autour de la ville... Les Cryptococcus sont capables de persister dans l organisme pour resurgir ultérieurement. En fait, ils peuvent se maintenir longtemps à l intérieur des Figure 181 Dacryopinax spathularia. macrophages. Ceci provient probablement du fait que dans leur milieu naturel, ils sont les proies d amibes. Au cours de l évolution, ils ont mis au point une stratégie leur permettant d échapper à leur prédateur en inhibant la digestion par les enzymes hydrolytiques du

239 Figure 182 Quelques espèces d Agaricomycetes commestibles. D en haut à gauche à en bas à droite : la girolle Cantharellus cibarius, la trompette de la mort Craterellus cornupioides, le pleurote Pleurotus ostreatus, le lactaire Lactarius deliciosus, le pied de mouton Hydnum repandum et la langue de bœuf Fistulina hepatica. lysosome. Les éléments clé de cet échappement sont la mise en place d un revêtement de mélanine et la présence de la capsule de glucuroxylomannan. Les mêmes mécanismes interviennent pour la persistance à l intérieur des macrophages! La classe des Dacrymycetes contient une centaine d espèces. Ce sont des saproptrophes communs. Ils sont caractérisés par leur dolipore ayant des parenthesome percé d un seul pore central et leur baside en forme de fourchette à deux pics (figure 164, Calocera viscosa). Leurs fructifications sont souvent brillement colorées en orangé/jaune et exhibent des formes de cervelles, de cupules ou de coraux (figure 181). La dernière classe, celle des Agaricomycetes, est la plus importante numériquement puisqu elle regroupe plus de espèces décrites. Leur cycle de vie, leur mycélium à dolipores perforés et leurs holobasides sont typiques des Agaricomycotina à quelques exceptions près comme certaines Auriculariales qui sont les espèces ayant divergées en premier. Les Agaricomycetes sont principalement des saprotrophes, en fait les plus performants du monde vivant pour dégrader la lignocellulose, et des mutualistes mycorhiziens. Quelques espèces sont des pathogènes attaquant les arbres, comme les armillaires, Heterobasidion annosum qui parasite les conifères ou Crinipellis perniciosa qui attaque le cacaoyer, ou bien des lichens. Ce sont probablement les champignons les plus communs du sol, même s'ils sont moins souvent isolés en culture que les Ascomycota ou les Mucoromycotina du fait de leur croissance plus lente que celles des autres Eumycota. Ils se sont diversifiés de manière surprenante et les stratégies qu'ils ont mises au point pour se disperser sont multiples, aboutissant à des 230

240 fructifications de formes, tailles et couleur très variées (les champignons photographiés de l Encadré 18 sont tous des Agaricomycetes). Les détails de leur classification complexe dépassent le contenu de ce livre. D'autant plus que leurs fructifications se sont mises en place via de multiples convergences évolutives, rendant difficile l'établissement des liens de parenté par l'analyse simple de la morphologie des carpophores et des spores. De plus, il reste de nombreuses espèces qui n'ont pas encore été analysées et de nombreuses lignées restent encore à découvrir. La Table 10 donne les principales lignées définies actuellement et les types de fructifications qu'elles ont mises en place. Il est simple de voir dans cette table que les principaux types de carpophores ont été inventés par de nombreuses lignées! L'analyse fine des résultats des phylogénies indique que la fructification ancestrale du groupe serait de type "croûte". Notez qu'il est vraisemblable que des espèces donnant des croûtes et qui ne sont pas encore analysées, voire pas encore découvertes, caractérisent des lignées évolutives supplémentaires à celles indiquées dans la table, car celles-ci présentent des morphologies très similaires et sont souvent discrètes et donc peu étudiées. Table 10 : types de carpophores dans les différentes lignées d Agaricomycetes Agaricomycetidae Phallomycetidae Agaricales Boletales Atheliales Geastrales Gomphales Hysterangiales Phallales Corticiales Polyporales croûtes plis $ agarics pores* hydnes clavaires fermée Auriculariales Cantharellales Sebacinales Gloeophyllales Hymenochaetales Thelephorales Russulales Trechisporales croûtes plis $ agarics pores* hydnes clavaires fermée $ plis= cervelles et formes de type «girolles» ; * pores= bolets ou polypores ; fermée= truffes, vesses etc. Les Agaricomycetes sont collectivement très importants dans la nature car ils participent activement à la formation des sols. Ils en assurent la santé car ils fabriquent les acides humiques qui retiennent les sels minéraux ; les acides humiques sont des produits de dégradation de la lignine. Ces champignons sont aussi à la base de la chaîne alimentaire menant aux petits animaux qui participent au recyclage des détritus végétaux. En tant que mycorhiziens, ils participent à la nutrition minérale de nombreuses espèces de 231

241 Figure 183 Deux modèles de laboratoire. Les coprins des excréments d herbivore comme Coprinopsis cinera ou le Coprinopsis sp. de la photo de gauche et Schizophyllum commune de la photo de droite sont très utilisés comme modèles dans les laboratoires. plantes, surtout les arbres des régions boréales. Ils ont aussi un rôle important dans la nutrition des "gros animaux", tels que les écureuils, les sangliers et... l'homme! En effet, la majorité des «champignons» consommés (figure 182) appartiennent à cette classe comme les girolles, cèpes, trompettes de la mort, rosés des prés, champignons de Paris, shiitake, pleurotes, lactaires, pieds de moutons, langues de bœufs, les pieds bleus, etc. Certaines espèces, comme les coprins ou Schizophyllum commune sont des modèles de laboratoires pour étudier le développement de la fructification, en particulier l'étape de méiose, ou la structure et le fonctionnement du type sexuel (figure 183). D'autres sont analysées pour leur contenu en gènes qui codent des protéines capables de dégrader les carbohydrates complexes car leurs enzymes trouvent des applications pratiques dans blanchiment des papiers ou la fabrication de biocarburant à partir de matières végétales mortes. Amoebozoa lobopode noyau vacuole vacuoles digestives Figure 184 Amoeba proteus, un Amoebozoa typique. 232 endoplasme ectoplasme 50 µm Deuxième grande lignée des Amorphea, l embranchement des Amoeboza compte environ espèces qui pour la plupart sont des amibes phagotrophes se déplaçant à l aide

242 de pseudopodes lobés, c est-à-dire ayant une forme plutôt cylindrique et avec deux compartiments : un interne granuleux ou endoplasme et un périphérique hyalin ou ectoplasme (figure 184). Les amibes peuvent être nues ou protégées par des tests de formes et compositions variables. Les tests ou thèques sont des protections de compositions variables qui entourent et protègent les cellules. Il existe des espèces capables de différencier des flagelles dont le nombre va de un chez Phalansterium à plusieurs dizaines chez Multicilia. Néanmoins, les formes flagellées ont généralement deux flagelles. De manière récurrente, les Amoebozoa ont évolué des formes de dispersion via des spores montées sur des petits pieds. Dans plusieurs lignées, cela culmine avec la différenciation de Mycetozoa sorocarpes, les sporophores de Archamoeba ces organismes, multicellulaires. Varipodida Comme les Conosa Phalansteriida Variosea Opistokonta, les Holomastigida Amoebozoa possèdent deux Discosea gènes distincts Lobosa codant pour la Tubulinea réductase de dihydrofolate et la Figure 185 Phylogénie des Amoebozoa. synthétase de thimidilate. Ces organismes sont très fréquents dans les eaux douces et les sols. La plupart sont des phagotrophes se nourrissant de bactéries ou de protistes. Certains sont des parasites, dont un est très dangereux pour l homme, Entamoeba histolytica. Les phylogénies moléculaires séparent les Amoebozoa en deux sousembranchements, les Conosa et les Lobosa (figure 185). La pauvreté des caractères morphologiques et les évolutions convergentes nombreuses portant sur l apparition de la multicellularité ou la forme et la composition des tests rend difficile la classification. Les synapomorphies pour chacun des deux sous-embranchements sont rares. Les Conosa peuvent toujours différencier des flagelles alors que les Lobosa vivent uniquement comme des amibes. Pour chacun des sous-embranchements, les lignées évolutives indépendantes sont nombreuses et seules les plus importantes sont indiquées sur la figure 185. Le sous-embranchement des Lobosa contient actuellement deux classes, Discosea et Tubulinea. Les amibes de ce groupe sont des phagotrophes qui vivent principalement dans les sédiments vaseux et les sols humides. Elles ont des morphologies et des tests divers (figure 186). Les phylogénies moléculaires ont permis de mieux comprendre leur évolution. Les amibes protégées par des tests sont regroupées au sein des Tubulinea avec des amibes nues, dont la plus connue est Amoeba proteus (figure 184), alors que les 233

243 Thecamoeba sphaeronucleolus Chaos diffluens Dermamoeba sp. Vanella simplex 50 µm Saccamoeba limax Paramoeba eilhardi Discosea Mayorella sp. Arcella sp. Tubulinea Difflugia sp. Figure 186 Diversité des amibes du sous-embranchement des Lobosa. kyste méiose? kystes plasmogamie divisions végétatives caryogamie germination dispersion sporocarpe agrégation et enkystement Figure 187 Cycle de Copromyxa protea. Le cycle asexuel de cet organisme passe par la formation d un sorocarpe multicellulaire. Un cycle sexuel serait présent mais la méiose reste à observer. 234

244 Discosea contiennent essentiellement des amibes nues. De nombreuses convergences ont eu lieu au niveau de la composition du test ce qui rend obsolète l ancienne classification qui reposait en partie sur ce caractère. La nouvelle classification a permis de déterminer que les différences dans la formation et la morphologie des pseudopodes ainsi que la forme du test et surtout celle de l orifice par lequel sortent les pseudopodes sont des caractères importants de différenciation des différents ordres et familles. Dans ce sousembranchement, une multicellularité agrégative est apparue une fois chez les Copromyxa qui sont de la classe des Tubulinea (figure 187). flagelles Le sousembranchement des Conosa contient trois Multicilia sp. Phalansterium filosum 20 µm classes : Variosea, Archamoeba et Mycetozoa. La première, celle des Variosea, pourrait être paraphylétiques comme indiqué sur la figure 185. Les membres du groupe Acramoeba sp. Flamella sp. sont des phagotrophes qui vivent en eau douce et Figure 188 Quelques représentants de la classe des Variosea. dans les sols humides. Elle englobe trois ordres dont deux contiennent des Amoebozoa vivant uniquement ou principalement sous forme de flagellés (figure 188). Le plus basal, celui des Holomastigida, contient les Multicilia, des «flagellé» porteur de plus de vingt flagelles. L ordre des Mastigamoeba balamuthi Phalansteriida, contient flagelle les Phalansterium qui sont des flagellés porteurs d un unique flagelle. Une espèce, Phalansterium filosum, est capable 10 µm transitoirement de 100 µm mouvements amiboïdes. Les pseudopodes qu elle Pelomyxa palustris produit sont plutôt fins. Entamoeba gingivalis Les amibes de l ordre des Figure 189 Quelques représentants de la classe des Archamoeba. 235

245 236 ingestion kystes noyaux dispersion désenkystement mitoses trophozoïtes Figure 190 Cycle d Entamoeba histolytica. Les kystes quadrinucléés sont les formes infectantes, bien qu ils n'assurent qu'une protection relative et sont assez fragiles. Après entrée dans l'intestin, les sucs digestifs permettent l'émergence des trophozoites. Ceux-ci se divisent par fission binaire et se nourrissent de débris intestinaux. Une fois dans le sang, Entamoeba histolytica est capable d'engloutir des érythrocytes. Des nouveaux kystes sont relâchés au moment de l expulsion des selles. Varipoda ont les mêmes pseudopodes fins. La classe des Archamoeba contient des amibes qui vivent en anaérobiose et qui donc ne respirent plus. Ceci s est accompagné par une régression de la mitochondrie jusqu à ce qu elle ne persiste chez certaines espèces que sous forme d un mitosome. La plupart des Archamoeba ont un flagelle (figure 189), mais celui-ci est peu actif car les dynéines permettant le mouvement sont incomplètes. Chez certaines espèces, la désorganisation flagellaire est encore plus prononcée avec par exemple des corps basaux possédant uniquement des doublets au lieu de triplets de microtubules. Chez les Entamoeba, le flagelle est absent et n a laissé aucune trace. Ces phagotrophes vivent soit dans les sédiments chargés en matières organiques, soit en association commensales ou parasitaires avec des animaux. C est le cas d Entamoeba gingivalis (figure 189) qui vit dans notre bouche, ainsi qu Entamoeba intestinalis et Entamoeba dispar dans nos intestins comme commensaux. Entamoeba histolytica est au contraire un pathogène qui peut provoquer de graves dysenteries fatales. En général, l'infection est bénigne car elle reste localisée à l intestin. Néanmoins, Entamoeba histolytica peut pénétrer dans les vaisseaux sanguins et provoque alors des diarrhées sanglantes. Une fois la barrière intestinale franchie, l amibe peut coloniser d'autres parties du corps comme les poumons, le cerveau et surtout le foie où elle va causer des abcès. L infection devient alors très dangereuse voire mortelle. On estime que 10% de la population humaine est infectée par Entamoeba histolytica qui est la troisième cause, parmi les parasites, de mortalité et de morbidité provoquant environ à morts par an. Elles ont un cycle de vie dépourvu de sexualité (figure 190). La dernière lignée des Amoebozoa, la super-classe des Mycetozoa, a connu plusieurs changements de noms du fait que la position phylogénétique des organismes

246 types «protostélide» petit plasmode fructification fructification type «dictyostélide» type «myxogastride» sorogène type «hyperamibe» plasmode géant Figure 191 Types de développement anciennement reconnus chez les Mycetozoa. qu elle contient a longtemps été mystérieuse. En effet, un bonne partie de ses membres a une phase trophique phagotrophe, une caractéristique plutôt «animale», mais se disperse en édifiant des sporophores multicellulaires appelés sorocarpes comme les champignons! Initialement, appelés Mycetozoa (= champignons animaux), ils ont ensuite été connus pendant plus de cent ans sous la dénomination de Myxomycota (champignons gélatineux), pour récemment redevenir des Mycetoza. Tous ont une phase trophique phagotrophe, ce qui les disqualifie pour être des champignons! Les analyses moléculaires ont complexifié leur classification en montrant que de nombreuses convergences ont eu lieu au cours de l évolution du groupe et que l ancienne classification basée sur le type de développement du sporophore est caduque. Certaines espèces anciennement classées dans les Mycetozoa ne sont même pas des Amoebozoa! Une partie a rejoint les Nucleariida, comme Fonticula alba, une partie les Discoba, comme les Acrasis et les Pocheina, et une partie les Rhizaria comme les Guttulinopsis, d autres, comme les Copromyxa, ont rejoint d autres classes des Amoebozoa. Traditionnellement, les mycologues/protozoologistes distinguaient trois types de développement pour les membres du groupe (figure 191). Le type «protostélide» vit essentiellement sous forme d amibe, éventuellement sous forme de petits plasmodes ayant quelques noyaux, et pour 237

247 se disperser différentie des sorocarpes portant une ou quelques spores. Malheureusement, ce type de développement a été «inventé» de multiples fois chez les Amoebozoa, ce qui fait que l ancienne classe des Protostelida est polyphylétique avec des représentants dans virtuellement toutes les classes d Amoebozoa! Le type «dictyostélides» vit sous forme d amibes qui vont se regrouper et donner naissance à une structure pluricellulaire par multicellularité agrégative, le sorogène. Cette structure peut être dépourvue de mouvements, mais chez certaines espèces, elle peut se déplacer de manière autonome. Elle est alors appelée pseudoplasmode. Comme elle ressemble à une limace, le nom de limax est aussi parfois utilisé. Notez que les organismes à multicellularité agrégative qui 238 Varipodida? holomastigiida? Myxogastria Myxogastrea Archamoeba? Phalansteriida? Columelida Lucisporida Exosporeae Dictyosteliida Cavosteliida* Schizoplasmodiida* stemonitida Physarida Echinosteliida Liceida Trichiida Ceratiomyxida Soliformoviida* Protosteliida* Protosporangiida* Figure 192 Phylogenie des Mycetozoa. Les flèches indiquent les points de branchement possibles des différentes lignées de Variosea et Archamoeba. * indique un développement de type «protostélide» ne sont pas des Mycetozoa, comme Fonticula alba, les Acrasis/Pochein a ou les Copromyxa ne différencient pas de pseudoplasmod e. Ce type de développement semble avoir évolué une seule fois chez les Dictyosteliida. Le troisième type appelé «myxogastride» est une complexification du cycle de certains protostélides. Les espèces qui ont adopté ce type vivent d abord sous forme d amibes libres, qui vont donner naissance à un plasmode géant. Cela suit souvent la fécondation entre amibes sexuellement compétentes, mais comme il existe des souches homothalliques, cela peut se produire en absence de plasmogamie entre amibes différentes. Le plasmode finit par donner naissance à des fructifications multicellulaires, parfois de grande taille, ressemblant superficiellement à des petits champignons. Ce type de développement a aussi été évolué une seule fois, chez les Myxogastrea. Récemment un autre type de développement, celui des «hyperamibes» (figure 191) a aussi été montré comme présents chez ces Myxogastrea. Ce développement est plus simple avec trois formes,

248 0.5 mm Dictyostelium sphaerocephalum Dictyostelium purpureum Acytostelium serpentarium Polysphondylium patagonicum Figure 193 Sorocarpes de divers Dictyosteliida. 239 Polysphondylium pallidum amibes, flagellés et kystes. Il n est actuellement pas encore très clair s il s agit d une régression avec perte de la capacité à former des plasmodes et des sorocarpes, ou si une partie du cycle de ces Hyperamoeba n a pas encore été observée. L ensemble des convergences évolutives font que la classification des Mycetozoa est incomplète et complexe (figure 192). Les phylogénies moléculaires diffèrent fortement en fonction des gènes choisis pour les construire et il se pourrait par exemple que les deux autres classes des Variosea et des Archamoeba soient en fait mélangé avec celle des Mycetozoa. Seules les classes Dictyosteliida et Myxogastrea seront développées ici, car les données sur la quarantaine d espèces de «protostélides» sont rares et incomplètes. Plus d une centaine d'espèces de Dictyosteliida sont actuellement décrites. On les trouve fréquemment tout autour du monde dans les tapis de feuilles en décomposition des forêts d'arbres à feuilles caduques, où elles se nourrissent de bactéries par phagotrophie. Dans des conditions de nutrition ad libitum, les amibes peuvent se diviser toutes les 3 heures. Au laboratoire il est possible de les cultiver sur un milieu axénique complexe mais défini. Le temps de génération est alors de 9 heures. L espèce modèle du groupe est Dictyostelium discoideum (figure 52 et Encadré 19). Les différentes espèces de Dictyosteliida diffèrent par la forme des sorocarpes (figure 193), leur capacité à former des kystes et des limax, ou les molécules qui servent pour déclencher le mouvement d agrégation des amibes. Si chez Dictyostelium discoideum et les espèces proches, l AMPc joue ce rôle, chez les autres espèces, il est tenu par l acide folique, un dipeptide modifié appelé glorine, ou la néopterine, un produit de dégradation du GTP. Les analyses de

249 Encadré 19 Le Dictysosteliida Dictyostelium discoïdeum est un modèle de laboratoire utilisé pour étudier des mécanismes généraux de la cellule eucaryote, tels que le mouvement amiboïde, l apoptose ou la signalisation intercellulaire. En effet, cette espèce peut s'étudier facilement. On dispose de souches poussant sur milieu axénique et se stockant dans de l'azote liquide. Elles sont facilement transformables avec des plasmides intégratifs ou réplicatifs porteurs de différents marqueurs de sélection. Des expériences permettent des créer rapidement des mutants aléatoires par mutagenèse insertionnelle. La délétion des gènes est aussi simple en utilisant les mêmes méthodes que dans la levure Saccharomyces cerevisiae. Les gènes sont aussi inactivables par interférence à ARN. Des cycles sexuels et parasexuels permettent de faire de la génétique et par exemple de construire des doubles mutants très facilement. La séquence complète du génome de Dictyostelium discoideum est disponible. Celui-ci mesure 34 Mb répartis sur 6 chromosomes et il est très riche en AT (~80%) et en éléments répétés. Le nombre estimé de gènes se situe autour de ; ce qui veut dire que le génome est plutôt compact avec un gène tous les 2,6 kb. agrégation multiplication carence agrégation conjugaison microkyste méiose et mitoses aspidocyte limax macrokyste dispersion spores sorocarpes Le cycle de Dictyostelium discoideum est complexe. Il commence par la germination de spores d où émergent les cellules amiboïdes, uninucléées, haploïdes de 10 µm de diamètre. En présence de bactéries, elles s'alimentent et se divisent par mitoses. Elles émettent un signal inconnu qui leur permet de se repousser les unes des autres afin de se disperser et de ne pas épuiser localement la nourriture. De même, elles montrent un chimiotactisme important pour l'acide folique, un produit rejeté par les bactéries. Elles exportent un enzyme détruisant cet acide, empêchant une uniformisation de sa concentration et ainsi la localisation des sources d émission. Lorsque les bactéries ont été consommées, le comportement des amibes change. Elles cessent de se repousser et de répondre à l'acide folique. Elle commence à émettre de l'ampc. Ce produit attire les autres amibes du voisinage qui se concentrent et se mettent à leur tour à émettre de l AMPc. Cela aboutit à la formation de centres qui attirent de plus en plus d'amibes. 240

250 Celles-ci se déplacent vers le centre pendant 100 secondes et parcourent ainsi 20 µm ; ensuite elles émettent un pulse d'ampc et deviennent réfractaires à l'attracteur. Puis, elles recommencent un cycle. Le système aboutit à des regroupements d amibes autour des centres attracteurs. Des agrégats contenant entre quelques centaines et quelques centaines de milliers de cellules se forment au bout de quelques heures. Les cellules sont maintenues entre elles par les discoïdines, des protéines d'adhésion cellulaire propres à Dictyostelium discoideum. La spécificité de ces protéines empêche la formation d'amas avec des amibes provenant de différentes espèces. La taille des limax ainsi obtenu peut atteindre un millimètre. Chez Dictyostelium discoideum, le limax constitue un véritable organisme pluricellulaire. Il possède plusieurs types cellulaires, incluant les cellules qui vont former la tige en s'apoptosant dites cellules «pré-tiges», et les spores ou cellules pré-spores. Des cellules, les cellules sentinelles ou S, sont impliquées dans un mécanisme de défense vis à vis de pathogènes car elles se comportent comme des macrophages et éliminent les bactéries dangereuses telles que les légionelles. Elles forment donc un système immunitaire inné primitif! Cette mise en place d'une multicellularité par agrégation de cellules soulève des problèmes de socialité très intéressants. Il existe en effet des souches de Dictyostelium discoïdeum qui investissent peu dans la mise en place de la tige. Dans des limax mixtes avec d'autres souches, elles vont donc tricher et produire plus de spores au détriment de leurs congénères! Le limax peut se déplacer pendant plusieurs jours sur le substrat et montre un comportement intégré car il est attiré par la chaleur et la lumière afin d'atteindre la surface de la litière de feuille. Là, il se différencie en un sorocarpe composé de 3 parties : un disque basal, un pied ou tige et une masse de spores dont le sommet montre le début d une différentiation en un épithélium polarisé. Les cellules qui donnent naissance à chacune de ces parties sont localisées à des endroits définis dans le limax. La différenciation suit donc un vrai processus morphogénétique comme dans un organisme pluricellulaire. Au cours de sa formation, le sorocarpe peut aussi empaqueter des bactéries qui vont être dispersées avec les spores, montrant que Dictyostelium discoideum pratique une agriculture simple! Les différentiations dans le limax ne sont pas les seules que peut effectuer Dictyostelium discoideum. En effet, les amibes ont la possibilité de se différencier en «microkystes» lorsque les conditions sont défavorables et en «aspidocytes» lorsqu'elles rencontrent certains poisons comme des métaux lourds ou des antibiotiques. Ces kystes n'ont pas de paroi mais sont résistants aux détergents. Il montre une élévation du métabolisme des lipides, suggérant que leur résistance passe par un mécanisme actif. Lorsqu'ils sont remis dans de bonnes conditions, ils retrouvent leur forme d'amibe en une heure. Tout le cycle de formation du limax et du sorocarpe s'accomplit lorsque les cellules sont haploïdes. Il existe aussi un cycle sexuel. Dictyostelium discoideum est majoritairement hétérothallique avec des types sexuels bipolaires, mata et mata. Le cycle est initié par la rencontre de deux cellules de type sexuel compatible, la cellule mata étant attirée par de l'éthylène émis par la cellule mata. Le contact provoque l'émission d'ampc qui attire d'autres amibes résultant dans la formation d'un agrégat où se produit la fusion de cellules mata et mata, suivie de la caryogamie. Le diploïde obtenu digère les cellules environnantes pour produire une grosse cellule qui se différencie en forme de résistance, le macrokyste. Dans des conditions ad hoc, le macrokyste germe, la méiose, suivie de mitoses, se produit et des amibes sont relâchées. 241

251 spores Figure 194 Ceratiomyxa fruticulosa. Cet Exosporeae est très fréquent dans les forêts tempérées. Il produit ses spores de manière externe. séquences montrent que les espèces de Dictyosteliida ont commencé à diverger il y a environ un milliard d années. Génétiquement, ils sont donc plus divers que les animaux, ce qui se reflète dans les modalités très variées de leur développement! Avec près de mille espèces décrites, et de nombreuses découvertes chaque année, la classe des Myxogastrea est une lignée d Amoebozoa qui a connu un grand succès évolutif. Leur développement typique est de type «myxogastride» (figure 191) avec une phase haploïde unicellulaire et une phase diploïde plasmodiale. Les plasmodes différenciés par ces organismes sont caractéristiques et possèdent des propriétés extraordinaires qui intéressent fortement les scientifiques (Encadré 20). Deux sous-classes sont différenciées en fonction de la façon dont leurs spores sont produites. Cette distinction est soutenue par les phylogénies moléculaires. Les trois espèces connues appartenant à la sous-classe des Exosporeae produisent leurs spores à la surface de la fructification (figure 194). Les spores sont donc directement en contact avec le milieu Figure 195 Quelques sorocarpes de Myxogastria. De gauche à droite et de haut en bas, Enerthenema intermedium, Stemonitis fusca, Arcyria incarnata, Leocarpus fragilis, Lycogala epidendron et Fuligo septica. La première espèce différencie des sorocarpes à peine visible à l œil nu, alors que chez la dernière ils mesurent plusieurs centimètres. 242

252 Encadré 20 Les Myxogastrea ont deux stades trophiques, un haploïde unicellulaire et l autre diploïde plasmodial. Ce dernier est celui qui est le plus facilement observable, y compris dans la nature, où il n est pas rare qu il émerge de sa cachette au moment où il va se transformer en sorocarpes. Le plasmode peut atteindre des tailles impressionnantes chez certaines espèces et former un disque de 30 cm de diamètre! Cette cellule unique contient alors des milliards de noyaux dont les divisions sont synchrones. S il est blanc ou vivement coloré, en jaune, bleu ou rouge selon les espèces, on le dénomme phanéroplasmode. S il est plus discret, c est-à-dire translucide et/ou de petite taille, on le qualifie alors d aphanoplasmode. Il est possible de le sectionner car le cytoplasme se gélifie instantanément après coupure! Les morceaux redonnent naissance à des plasmodes distincts qui peuvent se fusionner pour donner naissance de nouveau à un plasmode unique, un comportement qui n est pas sans rappeler le «blob» des films de sciencefiction Cette analogie se poursuit avec le comportement prédateur du plasmode qui phagocyte tout ce qui l entoure depuis les bactéries et les levures jusqu à des carpophores de champignons hauts de plusieurs centimètres! Le plasmode se déplace lentement sur et dans son substrat. En effet, il se produit dans le plasmode des courants cytoplasmiques intenses dont le sens alterne toutes les minutes et dont le déterminisme est encore inconnu. Ils servent à la distribution des métabolites et de l'oxygène, mais participent probablement aussi à la déformation amiboïde rythmique qui lui permet de ramper. Cette structure en opposition à une structure pluricellulaire explique la biologie de ces organismes. En effet, le plasmode est très déformable car il a été démontré qu'il est capable de passer à travers un trou de 1 µm de diamètre, ce que ne pourrait pas faire un animal. Ces organismes ont donc la capacité d'envahir et de chasser efficacement dans les matériaux poreux comme les morceaux de bois morts, où ils représentent les prédateurs majoritaires. Le plasmode peut ainsi augmenter de volume en se déformant au fur et à mesure qu il phagocyte ses proies, bien protégé dans le substrat! S il est stressé, comme durant une sécheresse, le plasmode se différencie en une forme de résistance, le sclérote qui peut se réhydrater au retour de la pluie. Finalement, il faut noter que le plasmode peut dégénérer et mourir. Les premières études ont montré que cette dégénérescence est liée à des modifications de la mitochondrie comme observé chez les Eumycota (cf. figure 134). Plusieurs biologistes s intéressent de très près aux propriétés des plasmodes de 243

253 Myxogastrea. En effet, il a été montré qu ils sont capables de résoudre des problèmes complexes. Par exemple, des expériences montrent de manière amusante que le plasmode de Physarum polycephalum peut déterminer le chemin le plus court pour sortir d un labyrinthe. Pour ceci, un patron en plastique du labyrinthe est déposé sur du milieu gélifié et des morceaux de plasmodes sont ajoutés. Comme le plasmode, n'aime pas ramper sur le plastique, il occupe la partie interne du labyrinthe. L'adjonction de flocons d avoine servant de nourriture permet de définir une entrée et une sortie au labyrinthe avec plusieurs chemins possibles entre les deux. Le plasmode va ramper vers ces sources de nutriments. Les courants cytoplasmiques qui relient les deux parties principales du plasmode passent au début par tous les chemins possibles entre les deux sources (au milieu) mais rapidement, il ne reste plus qu'un seul, quasiment toujours le plus court! Cette propriété est très intéressante car le plasmode peut résoudre rapidement des problèmes mathématiques qui visent à chercher les parcours les plus courts ou bien optimaux. Souvent ces problèmes réclament pour leur solution des temps de calculs que même nos ordinateurs modernes ne peuvent pas fournir. Le plasmode résout le problème en quelques heures! flocons d avoine marquant l entrée et la sortie du labyrinthe fragments de plasmodes le plasmode a optimisé les flux D'autres études montrent que le plasmode de Physarum polycephalum optimise son alimentation. En effet, lorsqu il est mis en présence de plusieurs sources de nourritures, il va engager des contacts avec celles qui vont optimiser le contenu alimentaire, c est-à-dire permettant de maintenir un rapport azote sur carbone idéal! Ce plasmode est aussi capable d avoir une mémoire spatiale de son environnement. Pour cela, il laisse une trace de son passage sous forme d une sécrétion gluante de polysaccharide. Il évite ensuite autant que possible de repasser sur ses traces! Cela se montre facilement en lui laissant le choix pour aller vers des flocons d avoine d emprunter un chemin vierge ou présentant des traces de son passage. Dans plus de 95% des cas, il choisit le chemin vierge. Les scientifiques japonais ont déjà commencé à utiliser des plasmodes pour construire des portes logiques en vue de la construction d'un ordinateur biologique, pour contrôler des robots en utilisant le fait qu ils fuient la lumière ou encore pour élaborer des réseaux complexes en vue d'optimiser des réseaux de transport, électriques, informatiques, etc. 244

254 extérieur. Des trois espèces, qui capillitium appartiennent toutes à l ordre de Ceratiomyxida sporocyste et au genre Ceratiomyxa, une, Certiomyxa stipe fruticulosa (figure 194) vit dans les forêts tempérées hypothalle alors que les deux autres se rencontrent dans les forêts tropicales. Toutes Figure 196 Structure d un sorocarpe typique de Myxogastria. différencient des aphanoplasmodes (Encadré 20). Les analyses moléculaires suggèrent que Ceratiomyxa fruticulosa est une morpho-espèce qui cache une grande diversité génétique et donc probablement plusieurs espèces au sens génétique. Au contraire des Exosporeae, les espèces de la sous-classe des Myxogastria produisent leurs spores dans des sorocarpes recouverts d une protection, le péridium. Ce sorocarpe peut adopter des formes et des tailles variables allant de quelques centaines de microns à plus de dix centimètres de diamètre (figure 195). La forme la plus commune possède un disque de fixation au substrat ou hypothalle, une tige ou stipe et une masse de spores ou sporocyste au sommet (figure 196). L ensemble ressemble donc à un petit champignon avec un pied et un chapeau globuleux. Si le sorocarpe ressemble à un champignon, c'est qu'il assure la même fonction de permettre une dispersion efficace des spores dans le milieu aérien. Chez certaines espèces, les spores enfermées dans le péridium peuvent être soutenues par une structure qui prolonge le stipe, la collumelle et/ou à l'intérieur du sporocyste, une structure fibrillaire, le capillitium, permet après séchage et extension de projeter les spores hors du péridium. L espèce modèle du groupe est Physarum polycephalum, dont la manipulation au laboratoire est bien maitrisée (figure 197). Cette espèce est hétérothallique tétrapolaire avec un locus mata possédant plusieurs allèles et qui a un effet majeur ; seuls les croisements entre souches différant au locus mata conduisent à la formation du plasmode. L autre locus, matb, a un effet qualitatif. Il est aussi multiallélique et des croisements entre souches compatible sont plus de fois efficaces qu entre souches incompatibles. Ce locus contrôle la fusion des cellules, alors que mata régule la formation du plasmode. Un troisième locus triallélique, matc, influence l efficacité des croisements à différents ph. De nombreuses variations existent autour de ce cycle. Certaines espèces restent toujours diploïdes et d autres toujours haploïdes. D'autres espèces peuvent utiliser indifféremment plusieurs types de cycles, homothalliques ou hétérothalliques, sans que l on en comprenne bien le déterminisme. 245

255 Un caractère qui semble partagé par les Myxogastria est la présence d édition des ARN dans la mitochondrie. La plupart des éditions sont des insertions de C, occasionnellement des insertions de T, de AA, AU, CU, GU et GC. Il peut aussi y avoir des substitutions de C par des U. Les sites d'édition sont espacés à peu près uniformément de 25 nucléotides et sont localisés dans les ARNm, certains ARNt et les ARNr. La classification traditionnelle, basée principalement sur la morphologie du sorocarpe et l ornementation et la couleur des spores mais aussi sur le type de plasmodes (phanéro- ou aphanoplasmodes), reconnaissait 5 ordres (figure 192). Les sorocarpes peuvent être sessiles ou montés sur un stipe (figure 195, Enerthenema intermedium, Stemonitis fusca, et Leocarpus fragilis), avoir ou ne pas avoir une columelle ou un capillitium. Ils peuvent être regroupés sous forme d un «pseudo-aethalium», les sorocarpes de type aethalium ressemblant quant à eux à un coussin aplati (figure 195, Lycogala epidendon et Fuligo septica qui présente un aéthalium en formation). Les dispersion germination spores divisions cellulaires amibes sorocarpes méioses kystes flagellés cellularisation conjugaison sclérote croissance plasmode Figure 197 Cycle de Physarum polycephalum. Le cycle commence par la dispersion de spores qui germent pour donner naissance lorsque les conditions d'humidité sont ad hoc à une ou plus rarement deux cellules. Si l'environnement est plutôt sec des amibes sont libérées, si l'environnement est humide, il apparaît des cellules biflagellées. Ces cellules passent d'une forme à l'autre en fonction de la disponibilité en eau ou peuvent se différencier en kystes si les conditions sont adverses. La rencontre de deux cellules sexuellement compatibles donne naissance à un plasmode. Celui-ci peut se différencier de manière réversible en un sclérote ou macrokyste, si les conditions deviennent trop sèches. Lorsque les nutriments sont épuisés dans le milieu, le plasmode migre vers la surface de son substrat et se cellularise. De manière concomitante, les cellules font la méiose et l ensemble se différencie en sorocarpes, où se forment des spores. Un plasmode peut en fonction de sa taille donner naissance à quelques sorocarpe ou plusieurs centaines. Les spores très résistantes permettent la survie dans l environnement. 246

256 Metamonada Fornicata Parabasalia Diplomonadida Retortamonadida Amorphea Preaxostyla Trimastigida Oxymonadida Jakobea Discoba Diaphoretickes Tsukubamonadea Pharyngomonadea Percolozoa Percolatea Heterolobosea Tetramitia Discicristata Euglenozoa Euglenida Symbiontida Diplonemida Kinetoplastea Figure 198 Phylogénie des Excavata. Les flèches indiquent les points de branchements les plus probables des Amorphea et des Diaphoretickes. données moléculaires montrent qu il existe de nombreuses convergences et que cette classification doit être revue. Comme les Dictyosteliida, Les Myxogastrea sont plutôt discrets n'ont que peu de rapport avec l'homme. Il n'y a pas de parasite ou d'espèces d'intérêt pharmaceutique. Ils sont néanmoins 10 µm extrêmement communs dans les forêts et les sousbois humides tout autour de la terre, mais ils peuvent aussi habiter des biotopes restreints comme les espèces qui vivent en bordure des glaciers en cours de fonte ou celles qui vivent dans les déserts. Comme les Eumycota, ils sont faciles à mettre en évidence surtout au moment de leur fructification. Pour les observer, il suffit de récolter des écorces d'arbres ou des morceaux de bois morts qu il faut ensuite laisser tremper pendant une nuit dans de l'eau. 247 Spironucleus salmonicida Giardia muris Hexamita sp. Diplomonadida Figure 199 Quelques Fornicata. Chilomastix caulleryi caryomastigonte Retortamonas sp. canal ventral Retortamonadida

257 Les échantillons sont ensuite maintenus dans une humidité constante. Après une incubation de plusieurs jours, les plasmodes et/ou les sorocarpes sont facilement observable à la loupe ou l œil nu. Des sorocarpes de Dictyosteliida peuvent aussi être obtenus de cette manière ; la meilleure source étant des échantillons de sols forestiers. L «élevage» des plasmodes de Myxogastrea est très facile car il suffit de les nourrir avec des flocons d avoine! «Excavata» Il est probable qu aucune autre lignée d eucaryote n a posé tant de problèmes aux biologistes que celle des «Excavata». En effet, elle a englobé différents embranchements au cours du temps et actuellement elle est en cours de démembrement car les phylogénies moléculaires montrent qu une partie des groupes qu elle englobait, dont les Malawimonadea et les Diphyllatea, sont apparentés aux Opisthokonta et Amoebozoa. Ils ont donc rejoint les Amorphea. Un des deux embranchements qui composent les Excavata actuels, celui des Discoba, est apparenté aux Diaphoretickes ; le deuxième, celui des Metamonada, du fait de sa biologie particulière, n est pour l instant clairement affilié ni aux Amorphea ni aux Diaphoretickes. La raison principale des incertitudes sur la phylogénie des «Exavacata» tient probablement à leur très grande diversité génétique. En effet, ce super-embranchement défini initialement sur des critères morphologiques semble en fait englober les eucaryotes «les plus primitifs», descendants directs de l ancêtre des eucaryotes. Les Amorphea et les Diaphoretickes aurait dérivé à partir de lignées particulières d «Excavata» (figure 198). Confirmant ceci, les biologistes cellulaires considèrent que les flagelles de ces organismes sont les moins «dérivés» par rapport au type ancestral. La plupart des espèces ont un sillon ventral où les aliments sont phagocytés, un caractère qu ils partagent avec les Malawimonadea et les Diphyllatea. La figure 198 donne la phylogénie actuelle. L embranchement des Metamonada regroupe un ensemble de protistes anaérobies dont certains vivent libres dans les sédiments ou les eaux chargées en matières organiques et d autres vivent en associations mutualistes ou parasitaires avec les animaux. Du fait de leurs styles de vie ces organismes ont des mitochondries qui ont fortement dérivées et sont devenues soit des hydrogénosomes soit des mitosomes. Trois classes sont actuellement reconnues sur les bases principalement des phylogénies moléculaires et de l arrangement des flagelles. La classe des Fornicata contient quelques centaines d'espèces. Sa classification est très fluctuante et elle est généralement scindée en deux sous-classes, Diplomonadida et Retortamonadida. Ce sont des protistes unicellulaires flagellés hétérotrophes possédant un noyau associé de manière caractéristique avec un réseau de microtubules spécifique, le tout s appelant un «caryomastigonte» (figure 199). Quelquesuns vivent libres dans les eaux riches en matières organiques et pauvres en 248

258 Figure 200 Cycle de Giardia intestinalis. Le cycle est simple sans vraie sexualité connue. La division se fait par fission binaire, ce qui nécessite l'attachement du parasite à la muqueuse via un disque adhésif; autrement celui-ci nage rapidement dans la lumière intestinale. Les formes libres se différencient en kystes résistants à la dessiccation et permettant la dissémination à l'extérieur de l'organisme. Les kystes entrent dans l'hôte et se transforment en trophozoïtes. Le trophozoïte mesure µm et comporte deux noyaux identiques, actifs transcriptionnellement et liés à quatre paires de flagelles. Il n'y aurait pas de vrai cycle sexuel, mais la présence de gènes typiquement impliqués dans la méiose dans le génome suggère que ces organismes aient été sexués dans le passé. Ces gènes interviendraient maintenant dans un processus de caryogamie permettant l'échange de matériel génétique entre les deux noyaux. Ces échanges expliqueraient pourquoi le génome diploïde de Giardia intestinalis possède peu de polymorphismes entre les copies du génome présentes dans chacun des noyaux. oxygène, mais la majorité vit en commensal ou parasite de l'intestin des animaux. Par exemple, Spironucleus salmonicida (figure 199) est un parasite du saumon. Toutes les données biologiques indiquent que ces organismes sont très simples car leur structure interne montre une absence de mitochondrie, et chez certaines espèces au moins une absence d'appareil de Golgi, de peroxisomes etc. L'espèce parasite de l'homme Giardia intestinalis (= Giardia lamblia = Giardia duodenalis) est le Fornicata le plus étudié (figure 200). Cette espèce est très commune dans les pays sous-développés, en particulier dans les orphelinats, mais aussi dans certaines grandes cités des Etats-Unis, d'australie ou à Moscou. L'adjonction de chlore ne la tue pas. Très infectieuse, elle est transmise via l'ingestion d'aliments souillés par des fèces de personnes contaminées. L'incubation dure de une à quatre semaines. Elle cause des diarrhées non mortelles qui se soignent souvent d'elles même : c'est d ailleurs une cause majeure des diarrhées dans le monde. Outre un métabolisme simple, Giardia intestinalis n ayant qu un mitosome, la séquence du génome de cet organisme a montré une capacité codante réduite. Le génome mesure 12 Mb réparti sur cinq chromosomes et code pour environ 6500 gènes. La plupart des complexes moléculaires impliqués dans la réplication et l'expression de l'information génétique sont simples car ils comportent un nombre réduit de sous-unités. Le génome code pour le complexe d'épissage mais pour l'instant seulement quatre introns ont été identifiés! Giardia instestinalis possède aussi un cytosquelette particulier. Il y a bien des microtubules et les flagelles sont typiques des eucaryotes, mais il ne semble pas y avoir de dynéine. De même, le génome possède un gène codant pour l'actine mais ne possède pas de gènes 249 kystes à quatre noyaux dispersion noyaux disque d attachement désenkystement mitoses trophozoïtes binucléés avec huit flagelles

259 Tricercomitus sp. Histomonas meleagridis 20 µm Calonympha sp. Dientamoeba fragilis Trichomonas gallinae Trichonympha sp. Gigantomonas herculea Figure 201 Diversité des Parabasalia. codant pour des protéines associées aux microfilaments, dont la myosine. Le génome de Spironucleus salmonicida montre une complexité plus grande aussi bien au niveau de l expression de l information que du métabolisme ; cette espèce possède un hydrogénosome. En résumé, toutes les données indiquent que Giardia instestinalis et membrane ondulante soutenu par un flagelle noyau axostyle Figure 202 Structure et cycle de Trichomonas vaginalis. Les trophozoïtes font entre 10 et 23 µm. Outre les hydrogénosomes, ils possèdent entre trois et cinq flagelles, ainsi qu un appareil de Golgi associé avec les fibres formant le corps parabasal, la structure caractéristique du groupe. L axostyle est une structure microtubulaire associée aux corps basaux impliquée dans la motilité et/ou la structuration cellulaire. Trichomonas vaginalis a un cycle simple dépourvu de sexualité ou de formation de forme de résistance ; la reproduction se fait uniquement par fission binaire. Trichomonas vaginalis a besoin d'un ph égal à 4 pour se développer. Notez qu'au cours de la mitose chez cette espèce comme chez les autres Parabasalia, le fuseau mitotique se trouve à l'extérieur du noyau et s'attache aux centromères via la membrane nucléaire. 250

260 50 µm Pyrsonympha sp. Trimastix pyriformis Dinenympha fimbriata Oxymonas dimorpha Trimastigida Figure 203 Quelques Preaxostyla. Oxymonadida les autres Fornicata sont des organismes simples dérivant d'une évolution réductrice à l'image de ce qui s'est passé chez de nombreux autres parasites. La classe des Parabasalia contient environ 400 espèces. Ces organismes ont des morphologies variées allant de formes flagellées à des formes amiboïdes (figure 201), qui éventuellement changent en fonction des conditions externes ou du stade de développement. Ils sont initialement caractérisés par un arrangement du caryomastigonte différant de celui des Fornicata avec les quatre corps basaux et les fibres de soutien reliés à l appareil de Golgi, définissant une structure appelée «corps parabasal» qui a conféré son nom à la classe. Sur ce modèle existent de nombreuses variations quant au nombre de flagelles, allant de zéro à plusieurs dizaines. Le corps parabasal est associé avec une structure microtubulaire particulière, l axostyle (figure 201). De plus, le nombre de flagelle peut évoluer en fonction de leur stade de développement, si bien que différentes formes d une même espèce ont pu être classées dans des genres séparés. Chez la plupart des espèces, il n'existe pas de formes de résistance telles que des kystes. Les Parabasalia vivent donc en association avec les animaux soit en tant que commensaux comme Trichomonas tenax et Trichomonas hominis qui vivent dans la bouche chez l'homme, soit comme des parasites tels que Trichomonas gallinae ou Histomonas meleagridis qui s attaquent aux oiseaux, ou encore en tant que mutualistes comme les espèces que l'on trouve dans le système digestif des termites. Ces dernières vivent elles-mêmes en symbiose mutualistes avec des bactéries qui effectuent l'hydrolyse de la cellulose, permettant in fine aux termites de se nourrir de bois. La plupart des espèces ont des hydrogénosomes, dont le fonctionnement est décrit figure 31. L'espèce la plus étudiée est Trichomonas vaginalis, qui est responsable d une maladie sexuellement transmissible (figure 202), la trichomonase ; ces Parabasalia font partie des espèces ne formant pas de propagules de dispersion et de résistance, ils ont besoin d'un milieu toujours humide pour se transmettre... Les symptômes sont surtout présents chez la femme avec des vaginites et des urétrites. L homme est souvent porteur sain, mais le parasite peut provoquer des urétrites. La trichomonase est la maladie 251

261 sexuellement transmissible thèque pédicelle Reclinomonas americana Histiona aroides Jakoba libera kyste Andalucia godoyi 10 µm Tsukubamonas globosa non virale la plus commune, touchant environ un quart des femmes au cours de leur vie. Elle est présente partout autour du monde. Le génome de Trichomonas vaginalis, qui mesure 160 Mb, contient 65% de séquences répétées et, de manière très surprenante, environ gènes codant des protéines, soit deux fois Figure 204 Quelques Jakobea et Tsukubamonadea. plus que chez l'homme! Une caractéristique rare de ce génome est qu'il ne semble pas contenir de gène codant pour la myosine, comme celui de Giardia intestinalis. Environ 150 gènes proviennent de transferts horizontaux à partir de bactéries ; une indication que les ancêtres de cette espèce qui ne se nourrit actuellement que par osmotrophie, étaient des phagotrophes. Comme les Fornicata, les Parabasalia dérivent donc de phagotrophes libres par évolution régressive. La troisième et actuellement dernière classe constituant les Metamonada, celle des Preaxostyla, contient quelques dizaines de protistes anaérobies flagellés (figure 203), vivant libres pour les membres de la sous-classe des Trimastigida ou en symbiose mutualiste obligatoire dans l intestin d animaux, principalement des termites et des blattes, Stachyamoeba lipophora pour les membres de la sousclasse Oxymonadida. Comme Fumarolamoeba ceborucoi 10 µm les Parabasalia, ils Pharyngomonas kirbyi participent à la dégradation du bois. Ils sont caractérisés par leurs quatre flagelles, la cannelure ventrale d alimentation typique des Excavata, des Stephanopogon minuta Psalteriomonas lanterna hydrogénosomes, un Figure 205 Diversité des Percolozoa. 252

262 cytosquelette asymétrique incluant une structure microtubulaire particulière appelée preaxostyle. Cette structure ressemble à l axostyle des Parabasalia et comme lui sert à la natation et au soutien cellulaire. Ils possèdent des hydrogénosomes mais leur appareil de Golgi est réduit. Peu de choses sont connues sur ces organismes très difficilement cultivables. L embranchement des Discoba a été défini essentiellement sur la base des phylogénies moléculaires qui indiquent qu il est monophylétique. Les deux premières classes des Jakobea et des Tsukubamonadea ne comportent que quelques espèces mais dont la biologie est intéressante. La classe des Jakobea contient une douzaine d espèces de flagellés toutes classées dans l ordre des Jakobida. Ce sont des cellules biflagellées bactérivores qui vivent dans les eaux douces ou marines (figure 204). Elles peuvent nager librement ou être attachées à un substrat et protégées par une lorica, qui est un test en forme de panier. Elles possèdent une cannelure d alimentation ventrale bien développée et un caryomastigonte associé à un appareil de Golgi ayant un seul dictyosome. Elles se reproduisent par fission binaire ; un cycle sexuel n a pas été observé. Leur propriété la plus remarquable est leur génome mitochondrial qui contient un très grand nombre de gènes et conserve clairement les propriétés d un génome procaryote (voir le chapitre sur la mitochondrie page 39). La structure du génome mitochondrial suggère donc que ces flagellés ont peu évolué et ressembleraient donc beaucoup aux ancêtres de la cellule eucaryote. Leur mode alimentaire et leur style de vie libre confirmerait donc la théorie de l origine phagotrophique de la cellule eucaryote. Pendant longtemps, les Malawimonadida et les différentiation flagellé Diphyllatea qui ont la amibe même biologie ont été kyste classés avec les Jakobea. Les phylogénies division moléculaires les placent à la base de la radiation des Amorphea, une position enkystement qui semble confirmer l hypothèse que ce type d eucaryotes flagellé avec un caryomastigonte associé à l appareil de Golgi et une cannelure ventrale participant à la phagocytose de bactéries Figure 206 Cycle de Naegleria gruberi. Cette espèce possède les capacités de différenciation en kyste et en flagellé typiques du groupe. La différenciation de l'amibe en flagellé est très rapide, durant environ une heure. Elle peut être provoquée au laboratoire en diluant par exemple le milieu de culture des amibes. Seules les amibes se divisent. 253

263 sporocarpe dispersion spore Pocheina flagellata Acrasis helenhemmesae germination amibes kyste sporulation divisions Acrasis tarkasan 10 µm agrégation Acrasis rosea Acrasis kona Figure 207 Cycle d Acrasis rosea et sporocarpes d autres espèces d Acrasida. est le plus «primitif». La classe des Tsukubamonadea ne comporte actuellement qu une seule espèce (figure 204) rangée dans l ordre des Tsukubamonadida et dont la biologie et la morphologie sont comparable à celle des Jakobea. Les phylogénies moléculaires la différencient clairement des Jakobea, ce qui est confirmé par la structure de son génome mitochondrial qui code pour deux fois moins de gènes que celui de Reclinomonas americana. Le super-embranchement des Discicristata regroupe deux embranchements, celui des Percolozoa, aussi appelés «Heterolobosea sensus lato» et celui des Euglenzoa. Il comprend environ 1400 espèces qui présentent toutes des mitochondries avec des crêtes discoïdes. Avec 140 espèces décrites (figure 205), l embranchement des Percolozoa est mal connu. Ce sont pour la plupart des petites cellules incolores, uninucléées et qui sont adaptées à la vie dans de nombreux milieux, y compris des milieux extrêmes halophiles, acidophiles ou thermophiles. Une lignée s est adaptée à la vie en anaérobiose et possède des hydrogénosomes dont le fonctionnement semble similaire à celui des Parabasalia. La plupart des espèces peut se différencier soit en forme amiboïde dont les pseudopodes sont «éruptifs», c est-à-dire qu ils se forment brusquement, soit en forme flagellée, soit en kystes. Le passage de la forme amiboïde vers la forme flagellée se fait au moment de la rencontre d'eau afin de pouvoir nager. La forme flagellée ne se divise pas et ne se nourrit généralement pas. Elle doit donc retrouver une forme amibe pour prendre de la 254

264 nourriture. Le nombre de flagelles varie de deux à plusieurs centaines chez les espèces du genre Stephanopogon (figure 205). Les kystes sont très résistants, leur survie pouvant durer plusieurs dizaines d'années. Les deux espèces les plus connues sont Naegleria gruberi et Naegleria fowleri. La première sert de modèle de laboratoire pour étudier la transition entre la forme amibe et la forme flagellée (figure 206). La seconde est responsable de la méningoencéphalite amibienne, une maladie rare mais fatale. Elle vit généralement dans des eaux stagnantes chaudes à 35 C et s'attrape par contact avec les muqueuses nasales. Elle est rare en Europe sauf dans les eaux chaudes à la sortie des centrales nucléaires ou dans les piscines mal entretenues... Elle pénètre dans le cortex cérébral qu'elle détruit rapidement, causant la mort en moins d'une semaine. Actuellement, il n'existe pas de traitement. Ce processus infectieux est un cul de sac car, les amibes n'ont pas de mécanismes pour se propager une fois la mort du malade. Les infections s'attrapent donc aléatoirement et n'ont pas d'aspect épidémique. Ces amibes ne sont pas un problème de santé publique, mais sont suivies de près par EDF... Une lignée, celle des Acrasida, a évolué une multicellularité agrégative avec différenciation de sporophores simples mais ayant une morphologie caractéristique (figure 207). La classification des Percolozoa est en changement constant et la figure 198 ne donne qu une phylogénie provisoire qui devrait se modifier rapidement. Initialement, l embranchement des Heterolobosea regroupait les amibes non agrégatives dans la classe des Schizopyrenida et les agrégatives dans la classe des Acrasida. Puis d autres espèces, en particulier les Pseudociliatida du genre Stephanopogon ont été montrées comme apparentées aux Heterolobosea. De même, les Acrasida semblent dériver de Schizopyrenida particuliers. Certains biologistes ont alors conservé le nom d Heterolobosea entendu au sens large (sensus lato) pour nommer toutes les espèces et d autres ont opté pour le nouveau nom de Percolozoa, gardant aux Heterolobosea au sens strict (sensus stricto) son acceptation originelle, mais en changeant son statut en classe avec deux ordres : Schizopyrenida et Acrasida. Pour ces derniers biologistes, le genre Stephanopogon et les Percolomonas qui leur sont apparentés sont rangés dans une autre classe, celle des Percolatea. Hélas, les phylogénies moléculaires sont en contradiction avec la capacité à s agréger, ainsi que les données morphologiques du kyste et de l appareil flagellaire qui ont servi à établir la classification traditionnelle. Elles indiquent que les espèces maintenant rangées dans la classe des Pharyngomonadea ont divergé en premier (figure 198 et figure 205, Pharyngomonas kirbyi). Ces espèces ont une biologie typique du groupe car elles peuvent alterner entre une forme amibe et une forme nageuse à quatre flagelles. Les autres espèces forment une radiation évolutive d au moins six lignées indépendantes dont l ordre de branchement dans l arbre phylogénétique est peu clair. Cinq de ces lignées, toutes actuellement sans nom, recouvrent l ancienne classe des Heterolobosea, et la dernière l ancienne classe des Percolatea. Les Acrasida sont inclus dans une des lignées innommées. A part les synapomorphies des Percolatea qui ont perdu la forme amiboïde et vivent comme des flagellés ou des ciliés capables d enkystement, il n existe pas de 255

265 caractère partagé évident pour les autres lignées. L ensemble des six lignées définit la classe des Tetramitia Diplonema metabolicum (figure 198). Le second Bihospites bacati embranchement des Discicristata, celui des Euglenozoa, regroupe quatre classes (figure 50 µm Calkinsia aureus 198). Basée initialement sur la phylogénie Rhynchopus amitus moléculaire, un Diplonemida Symbiontida caractère pourrait être Figure 208 Quelques Diplonemida et Symbiontida. partagé par l ensemble des classes. En effet, l'expression de leur génome semble très différente de celle présente chez les autres eucaryotes. Les gènes sont regroupés en unités de transcription polycistroniques comme les opérons bactériens. Cependant, ces gènes ne sont pas rassemblés selon leur fonction comme dans le cas des procaryotes. Il existe un mécanisme de trans-épissage qui permet de couper les longs pré-messagers polycistroniques en messagers monocistroniques (voir figure 15). Les messagers matures sont ensuite exportés vers le cytoplasme pour y être traduits. L'analyse des extrémités 5' des messagers montre qu'elles sont identiques pour de nombreux gènes. Elles sont en fait ajoutées au cours de la réaction de trans-épissage entre l'arn pré-messager du gène et un ARN structuré commun à de nombreux gènes, l'arn SL. Cette réaction est probablement catalyzée par le splicesome. Malgré leur cotranscription les messagers de gènes d'une même unité sont présents en quantités variables montrant que la régulation de l'expression se fait en grande partie au niveau de la dégradation des ARN messagers. L'analyse des promoteurs montre que ceux-ci ne contiennent pas de séquences consensus identiques aux promoteurs eucaryotes typiques et que leur fonctionnement est donc probablement différent. L'analyse des génomes disponibles, qui pour l instant appartiennent tous à des membres de la classe des Kinetoplastida, montre un impact de ce mécanisme sur l organisation globale des gènes. Ceux-ci sont orientés dans le même sens sur de très grandes portions chromosomiques. Deux classes, celles des Diplonema et celle des Symbiontida ne contiennent que quelques espèces chacune (figure 208). Les Symbiontida vivent en association avec des bactéries épibiotiques dans des sédiments intertidaux pauvres en oxygène auquel ils sont sensibles. Du fait de leur style de vie, leur mitochondries sont modifiées et ressemblent à des hydrogénosomes. L absence de données de séquences extensives sur les espèces de 256

266 cette classe limite nos connaissances à leur sujet. Leur ADN ribosomique est facilement amplifiable à partir d échantillons de sédiments marins anoxiques, suggérant qu ils sont communs dans ces environnements. La plupart des Diplonemida sont des phagotrophes mais certaines espèces pourraient être à certains moments de leur cycle de vie des parasites de diatomées ou d'invertébrés. Bien que peu d espèces soient décrites, ils semblent présents et fréquents dans les eaux océaniques, qu elles soient proches de la surface ou plus en profondeur. Si la position exacte des Symbiontida au sein des Euglenozoa est peu claire, Les Diplonemida sont plus proches des Kinetoplastida que des Euglenida. En effet, le séquençage des génomes mitochondriaux des Euglenozoa montre que ceux-ci sont fragmentés chez les Euglenida, les Diplonemida et les Kinetoplastida. Cependant, les structures sont différentes dans les trois groupes. Les Diplonemida possèdent un génome mitochondrial, où les gènes sont fragmentés en morceaux d'environ 250 paires de base et sont inclus sur des petites molécules circulaires, ce qui impacte fortement sur la structure des ARN messagers (voir Encadré 5). De plus, certains ARNm sont édités. Chez les Kinetoplastida, le génome est aussi fragmenté en molécules circulaires et la séquence des gènes a fortement dégénéré, si bien que les messagers doivent être aussi corrigés par édition, souvent extensivement (voir Encadré 5). Au contraire, chez les Euglenida, le génome mitochondrial semble fragmenté sur des molécules linéaires et les ARNm ne pas nécessiter d édition avant d être traduits. De plus, les Diplonemida et Kinetoplastida, mais pas les Euglenida, arborent une compartimentation de certains enzymes de la glycolyse dans des peroxisomes spéciaux, les glycosomes, une caractéristique unique chez les eucaryotes. La classe des Kinetoplastea contenant l ordre unique des Kinetoplastida, tire son nom de la structure particulière de la mitochondrie trouvée chez les différents membres. Celle-ci contient en effet une inclusion opaque kinétoplaste parfaitement visible au microscope, le noyau kinétoplaste. C est Bodo saltans en fait le génome mitochondrial, dont la fragmentation, l amplification et le mode d expression typique de la Paratrypanosoma confusum classe (voir Figure 209 Quelques Kinetoplastea. 257 Ichtyobodo necator 5 µm Leishmania mexicana (promastigote) Phytomonas serpens

267 Neoparamoeba pemaquidensis 258 Perkinsela sp. noyau Figure 210 Perkinsela sp., un endosymbiote des amibes du genre Neoparamoeba. Encadré 5) résultent en une quantité d acides nucléiques complexés à des protéines suffisante pour être détectable en microscopie optique. Si le kinétoplaste est présent dans l ensemble des espèces du groupe sa structure et son fonctionnement diffèrent en fonction des espèces. Par exemple, les différents gènes subissent l'édition à différents degrés. Notez que l édition est régulée en fonction du cycle. Chez les parasites de l'homme qui alternent entre l'homme et un insecte, la respiration mitochondriale est active chez l'insecte mais inactive chez l'homme, ceci est corrélé à des niveaux d'édition différents pour certains messagers. Il existe environ 400 espèces de Kinetoplastea (figure 209). La forme végétative typique est monoflagellée ou biflagellée, sa morphologie change fortement au cours du cycle. Une partie des Kinetoplastea vit en phagotrophe libre, alors que d autres sont des parasites d autres protistes, de plantes ou d animaux. Certains ont un seul hôte et sont donc monoxènes alors que d autres en ont deux et sont donc dixènes. Une espèce, Perkinsela sp., vit en tant qu endosymbiote d amibes du genre Neoparamoeba, des Amoebozoa parasites des salmonidés. Elle a beaucoup dégénéré et ne ressemble plus qu à un organite apposé au noyau de l amibe et se divisant de manière coordonnée avec celuici (figure 210). Les phylogénies moléculaires montrent que les espèces parasites dérivent des espèces libres et que les espèces dixènes dérivent des espèces monoxènes. Le scénario le plus probable est donc des premières adaptations indépendantes au parasitisme d un seul hôte dans de nombreuses lignées de Kinetoplastida. Les modalités de ces adaptations peuvent être variées. Par exemple, les Ichtyobodo sont des ectoparasites de poissons, alors que Paratrypanosoma confusum est un parasite de l intestin des moustiques Culex pipiens. Notez qu alors que ce parasite semble fréquent chez le moustique, il n a jamais été retrouvé dans le sang de vertébrés, suggérant qu il demeure confiné à l intestin et n est pas injecté lors du repas sanguin, ce que confirme sa localisation spécifique dans l intestin moyen et postérieur. Si le premier hôte se nourrit à partir d un autre organisme en le piquant, il devient un vecteur lorsque le parasite s adapte pour infecter un second hôte. De fait, les Kinetoplastea dixènes parasites de vertébrés sont transmis par des moustiques, des phlébotomes qui sont des mouches hématophages, des puces ou encore des sangsues. De même, les Phytomonas qui infectent les plantes sont transmises par divers insectes phytophages. Les Leishmania ont par contre un mode de transmission particulier. Elles sont présentes dans les déjections des réduves qui sont des punaises suceuses de sang. Ce n est pas la piqûre qui transmet le parasite, mais le grattage des boutons qu elles causent en présence des déjections contaminées. La position phylogénétique de Paratrypanosoma confusum confirme ce

268 trypomastigotes trapus repas sanguin différentiation forme procyclique mitose méiose mitose épimastigote trypomastigote élancé différentiation gamètes repas sanguin trypomastigotes métacycliques fécondation Figure 211 Cycle de Trypanosoma brucei gambiense. Le cycle débute par la prise d un repas sanguin par la mouche tsé-tsé sur un hôte infecté. Les trypomastigotes trapus présents dans le sang vont se différencier en épimastigotes et migrer de l intestin de la mouche vers ses glandes salivaires. Ils vont se diviser et éventuellement s engager dans une méiose. Les cellules haploïdes produites vont immédiatement conjuguer pour redonner des épimastigotes diploïdes. Les méioses débutent une douzaines de jours après l entrée des parasites dans la mouche et la fécondation peut être engagée par des gamètes issus de parasites pris lors de repas sanguins différents, ce qui participe à la genèse de diversité génétique. Les épimastigotes se divisent par mitoses et finissent par se différencier en formes trypomastigotes métacycliques infectantes qui vont être injectées lors d un autre repas sanguin de la mouche tsé-tsé. Une fois dans le sang de l homme, elles se différencient en trypomastigotes élancés qui se multiplient par mitose, jusqu à la différenciation en trypomastigotes trapus. mode d évolution de parasites monoxènes vers dixènes car il diverge à la base de la radiation des Trypanosomatida, la plus grande famille des Kinetoplastida qui contient uniquement des parasites dont certains sont monoxènes et d autres dixènes. C est dans cette famille que résident les parasites qui affectent l homme (Table 11). L espèce la plus connue du groupe est Trypanosoma brucei (figure 211) qui cause la maladie du sommeil. Cette espèce est divisée en trois sous-espèces. La première, Trypanosoma brucei brucei, n est pas pathogène pour l homme mais infecte des animaux. La seconde, Trypanosoma brucei gambiense, est responsable de la majorité de cas et provoque une maladie plutôt chronique à évolution lente ; cette sous espèce semble spécifique de l homme. La troisième, Trypanosoma brucei rhodesiense, provoque une infection rapide et sévère ; cette sous-espèce, visiblement mal adaptée à l homme, infecte généralement des animaux. Le cycle alterne entre la mouche tsé-tsé chez laquelle le parasite fait la reproduction sexuée et l homme ou l animal (figure 211). Actuellement, les épidémies de la maladie du sommeil, ou trypanosomiase africaine, sont sous contrôle et le parasite ne 259

269 cause plus qu une dizaine de milliers de mort par an. La maladie de Chagas, ou trypanosomiase américaine, provoque le même nombre de mort, mais le parasite responsable, Trypanosoma cruzi, infecte surtout de manière chronique plus de huit millions de personnes, chez qui elle cause des problèmes cardiaques ou digestifs. Les leishmanioses sont causées par plus d une vingtaine d espèces et sont principalement bénignes, mais peuvent souvent laisser des cicatrices déformantes. Les formes viscérales sont plus rares mais mortelles si elles ne sont pas traitées. Actuellement, elles causent plus de décès que les trypanosomes. Ces parasites ont des réservoirs animaux, ce qui rend leur éradication impossible. Table 11 : principales parasitoses humaines causées par les Trypanosomida maladie espèce vecteur symptômes maladie du sommeil maladie de Chagas leishmanioses cutanées leishmanioses muco-cutanées leishmanioses viscérales ou kala-azar Trypanosoma brucei Trypanosoma cruzi Leishmania major Leishmania tropica Leishmania ethiopica Leishmania mexicana Leishmania braziliensis Leishmania donovani Leishmania infantum Parasite extracellulaire dans le sang et, la lymphe migrant ensuite dans le liquide cérébrospinal Parasite intracellulaire Parasites intracellulaires Mouches tsé-tsé (piqûres) Réduves (déjections) Phlébotomes (piqûres) Pour les leishmanioses, seules les espèces principales sont indiquées. fièvres, migraines, démangeaisons, douleurs articulaires suivies de troubles du sommeil et de coma. fièvres, inflammation pouvant évoluer en maladie chronique ( de personnes affectées) avec complications cardiaques. ulcération déformante de la peau à guérison lente (> six mois) ulcération de la peau et des muqueuses avec destructions des tissus, principalement de la bouche et du nez fièvres, anémies, destruction de la rate et du foie. cas/an (morts) (9 000) (10 000) (25 000) Avec plus de espèces décrites, la classe des Euglenida est la plus importante numériquement parmi les Excavata. Ce sont des unicellulaires flagellés (figure 212) avec un ou deux flagelles, rarement plus. Elles habitent les plus souvent dans les eaux douces riches en matières organiques sous pratiquement tous les climats. Quelques espèces sont marines. Si la plupart vivent libres, quelques-unes comme Colacium vesiculosum sont à certains stades de leur cycle des parasites épibiontes ou endobiontes principalement de copépodes. Le ou les flagelles sont insérés dans un réservoir en forme de poire, le complexe vestibulaire, invaginé vers l'intérieur de la cellule. La cellule est renforcée par un cortex flexible. Cette "pellicule" est constituée de microtubules, de protéines particulières 260

270 Petalomonas sp. 10 µm Lepocinclis sp. Rapaza viridis proie (Tetraselmis sp.) ocelle Phacus acuminatus Peranema sp. cytostome Figure 212 Diversité des Euglenida. Euglena gracilis Colacium vesiculosum et d'invaginations du réticulum endoplasmique, le tout organisé en bandes dont le nombre varie en fonction des espèces. Elle permet aux cellules de changer de forme selon un processus appelé métabolie (figure 213), et vient renforcer la cellule. Les Euglenida possèdent aussi un cytostome, ou bouche cellulaire, soutenu par des microtubules. La structure de la pellicule et du cytostome sont différents en fonction des modes alimentaires des Euglenida. En effet, certaines espèces sont des phagotrophes bactérivores, d autres sont «eucaryotivores», c est-à-dire consomment essentiellement des cellules eucaryotes. Certains eucaryotivores et parasites sont capables de se nourrir par myzocytose (voir figure 41). Il existe aussi des osmotrophes et surtout des autotrophes photosynthétiques qui résultent de l endosymbiose secondaire d une Viridiplantae. L espèce la plus connue, Euglena gracilis (figure 212), est un de ces autotrophes 10 µm photosynthétiques ; elle est utilisée dans plusieurs laboratoires pour étudier la physiologie des microalgues. Une partie des espèces peut adopter 261 Figure 213 Métabolie chez Rapaza viridis. Les changements de formes sont très rapides. Il faut quelques secondes au plus pour passer de la forme de gauche à celle de droite plusieurs de ces modes de nutritions en fonction de l environnement. Les phylogénies moléculaires proposent un arbre qui permet de mieux comprendre l évolution des différents modes trophiques et corrélativement de la morphologie (figure 214). A la base

271 cellules rigides perte de la phagotrophie Symbiontida Heteronematales I Sphenomonadales I Rhabdomonadales Heteronematales II bactérivores osmotrophes métabolie endosymbiose secondaire Sphenomonadales II Heteronematales III Rapaza Euglenales Eutreptiales perte de la phagotrophie eucaryotivores mixotrophes photo-autotrophes (Euglenophyta) Figure 214 Phylogénie des Euglenida. de l arbre se trouvent les espèces bactérivores qui sont peu flexibles car elles possèdent peu de bandes, douze au plus. Elles ont un cytostome bien défini, leur permettant de phagocyter leurs proies. Les eucaryotivores sont généralement plus gros et les espèces les plus «évoluées» sont capables de métabolie et ont un cytostome adapté à l ingestion de proies plus grosses. Leur pellicule est composée de plusieurs dizaines de bandes. Une régression de l appareil buccal a eu lieu dans deux lignages. Le premier a conduit à des osmotrophes vivant dans des eaux très riches en matières organiques. Ces espèces montrent une régression de la pellicule et du cytostome. Le second est celui des Euglenida photosynthétiques, les Euglenophyta. L espèce ayant divergé le plus tôt dans la lignée photosynthétique, Rapaza viridis, a une alimentation mixotrophe. Elle possède un plaste issu de l endosymbiose secondaire avec une Viridiplantae. Mais, malgré son plaste, Rapaza viridis ne peut pas survivre plus de 35 jours à la lumière et une semaine à l obscurité sans phagocyter une proie en utilisant un cytostome encore bien développé. Celle-ci doit spécifiquement appartenir à l espèce «Tetraselmis sp. (PRA-361)», une Viridiplantae de la classes de Chlorophyta. Rapaza viridis est capable de conserver pendant longtemps dans son cytosol les plastes de Tetraselmis sp. (PRA-361) montrant qu elle fait de la kleptoplastie. Les autres photo-autotrophes ont une régression de l appareil buccal et des bandes de la pellicule. Elles ont aussi acquis un ocelle qui leur permet de détecter la lumière (figure 212). Les plastes sont entourés de trois membranes, ce qui va dans le sens que le plaste a été acquis par myzocytose et kleptoplastie. L'analyse des génomes chloroplastiques des espèces photosynthétiques montre qu'ils contiennent des introns particuliers dits de groupe III. Une partie des espèces osmotrophes dérivent d espèces photosynthétiques qui ont perdu la fonctionnalité du plaste. Les Euglenida montrent donc 262

272 une évolution complexe de leurs caractères en rapport avec les modes trophiques adoptés. Il existe d autres caractères propres aux Euglenida. Au niveau du noyau, Il semble exister deux types d'introns, les introns trouvés usuellement chez les autres eucaryotes et des introns qui n'ont pas les consensus GT-AG. Ceux-ci sont par contre bordés par des séquences répétées (ce qui rend difficile la détermination de leurs bornes) et peuvent former des structures secondaires qui rapprochent leur extrémité 5' de leur extrémité 3'. On ne connaît pas encore le mécanisme d'épissage de ces introns. Une autre caractéristique est la condensation permanente de leurs chromosomes. Ils se divisent par mitose close, c'est à dire que la membrane nucléaire ne disparaît jamais. La reproduction sexuée n a pas été détectée chez les Euglenida qui se divisent donc par mitose suivie d une division longitudinale de la cellule. Au préalable, les bandes pelliculaires, les flagelles et l appareil buccal ont été dupliqués. Contrairement aux Kinetoplastida, l absence de pathogènes majeures au sein de la classe engage peu les scientifiques à étudier ces organismes. La complexité de leur évolution montre pourtant qu il s agit d une lignée avec une très longue histoire évolutive, à l image des autres lignées d Excavata. Diaphoretickes Comme le super-embranchement des Amorphea, les Diaphoretickes regroupent un ensemble de lignées sur la base de phylogénies moléculaires (figure 215). Les Archaeplastida Diaphoretickes Haptista Cryptista Hacrobia Heterokonta (Stramenopiles) Alveolata SAR Rhizaria Figure 215 Phylogénie des Diaphoretickes. 263

273 organismes rangés ici ont aussi peu de ressemblances, puisque certains restent des phagotrophes et d autres ont adopté un mode de vie osmotrophe. Mais, le style de vie le plus marquant chez les Diaphoretickes est celui de photo-autotrophes photosynthétiques car c est dans ce super-embranchement que se trouve la plupart des lignées photosynthétiques, toutes celles issues des endosymbioses primaires et la majorité de celles issues des endosymbioses secondaires et tertiaires. Les raisons de la capacité à engager des endosymbioses mutualistes avec des organismes photosynthétiques restent obscures. La découverte de gènes impliqués dans la biosynthèse des polymères de réserves dont l origine semble être des Chlamydiae a suggéré, qu au moins pour l endosymbiose primaire, la présence de bactéries pathogènes intracellulaires pourrait avoir aidé l établissement de la symbiose. Cependant, cette théorie est encore débattue et ne semble pas pouvoir expliquer les multiples endosymbioses secondaires et tertiaires. Parmi les caractères partagés des Diaphoretickes, on peut citer la présence, au moins initialement, de deux flagelles en position antérochonte. Bien évidemment, chez un grand nombre de lignées, en particulier celles qui sont photosynthétiques, les flagelles ont disparus et à l opposé se sont multipliés chez les Ciliophora et les Opalinata. La présence de deux flagelles, comme chez les Excavata, confirme la structure biflagellée de l ancêtre des eucaryotes. La position vers l avant est aussi rencontrée chez les Excavata et a permis le rangement de ces deux groupes dans la lignée des Bikonta (figure 81). Les phylogénies moléculaires donnent des résultats divergents, en particulier pour les lignées regroupées dans le super-embranchement probablement polyphylétique des «Hacrobia». Même les groupes présentant un caractère partagé clair comme les Archaeplastida, qui regroupe les organismes issus de l endosymbiose primaires du plaste, ont des phylogénies encore en discussion. La classification de la figure 215 est donc provisoire. Archaeplastida Le super-embranchement des Archaeplastida regroupe les descendants directs de l eucaryote qui a fait l endosymbiose primaire du plaste (voir pages 53-59). Ils sont donc caractérisés par la présence de plastes entourés de deux membranes qui leur servent de manière exclusive pour se nourrir. Ils ne font donc en général plus de phagocytose. Seules quelques algues prasinophytes, telles que Cymbomonas, semblent avoir conservé cette caractéristique. En revanche, une partie conséquente d entre eux a conservé la capacité à se mouvoir grâce aux deux flagelles antérochontes typiques des Diaphoretickes. La présence quasi constante d une paroi à base de cellulose entourant la cellule empêche par contre les mouvements amiboïdes. La monophylie du groupe est confirmée par les phylogénies basées sur les ADN plastidiques et mitochondriaux, mais pas toujours par les gènes nucléaires. L analyse des gènes du noyau est probablement compliquée par le fait 264

274 µm Figure 216 Fossiles de Bangiomorpha pubescens. Ces fossiles datant de millions d années ressemblent aux Rhodophyta actuelles du genre Bangia. Ce sont les plus anciens pour lesquels une origine eucaryote est sans conteste. qu un grand nombre d entre eux provient d un transfert des plastes vers le noyau. Des estimations indiquent en effet qu en fonction des espèces d Archaeplastida cinq à vingt pourcents des gènes nucléaires proviennent du symbiote cyanobactérien et que ceux-ci ne sont pas forcément impliqués dans la physiologie du plaste. De plus, d autres transferts ont eu lieu en provenance d autres bactéries, dont des Chlamydiae, ce qui obscurcit encore plus l évolution du groupe. La lignée est ancienne car les plus anciens fossiles appartenant clairement aux eucaryotes sont des Archaeplastida et plus précisément des Rhodophyta (voir page 25 et figure 216). Cela place l évènement d endosymbiose primaire à une date antérieure à millions d années. Depuis, les Archaeplastida se sont diversifiés pour occuper de nombreuses niches écologiques, évidemment principalement celles où de la lumière est disponible. Actuellement trois embranchements d importances variables sont reconnus (figure 217). L embranchement des Glaucophyta comprend une vingtaine d'espèces unicellulaires ou coloniales (figure 218) qui semblent avoir divergé en premier au cours de l évolution des Archaeplastida (figure 217). Elles sont rares dans la nature et vivent dans les eaux douces, sous formes libres ou fixées. Elles possèdent des alvéoles sous membranaires, un caractère qu elle partage avec les Alveolata, sans que l on puisse déterminer s il s agit une homologie ou d un caractère résultant d une évolution convergente. Certaines ont deux flagelles alors que d autres en sont dépourvues. La structure de la paroi dépend des espèces, qui peuvent être nues, avec une paroi noncellulosique ou avec une paroi cellulosique. Leur caractère le plus remarquable est leurs plastes particuliers, appelés muroplastes ou cyanelles, qui conservent une trace de peptidoglycane entre les deux membranes (figure 34). Dans la membrane interne, un système de sécrétion bactérien Sec simplifié est présent. Toutes ses sous-unités sont cependant codées par des gènes nucléaires. L'ADN plastique est localisé au centre du plaste dans une structure qui ressemble à un nucléoïde. La cyanelle ressemble donc dans sa structure fortement à la cyanobactérie endosymbiotique initiale. Elle est indispensable

275 Rhodophyta Cyanidiophytina Rhodophytina Metarhodophytina Eurhodophytina Glaucophyta Cyanidiophyceae Stylonematophyceae Rhodellophyceae Porphyridiophyceae Compsopogonophyceae Bangiophyceae Florideophyceae Chlorophyta Viridiplantae Streptophyta Streptophytina Prasinococcales Palmophyllales Pyramimonadales Mamiellophyceae Nephroselmidophyceae Pycnococcaceae Picocystis Ulvophyceae Chlorophyceae Trebouxiophyceae Chlorodendrophyceae Pedinophyceae «Prasinophytes» Mesostigmatophyceae Chlorokybophyceae Klebsormidiophyceae Charophyceae Coleochaetophyceae Zygnemophyceae Embryophyta (plantes terrestres) Figure 217 Phylogénie des Archaeplastida. à la vie de l'algue car si on les tue (par adjonction d'antibiotique) l'algue meurt rapidement. Outre de la chlorophylle a, l appareil photosynthétique comporte des pigments bleus/verts de phycocyanine et allophycocyanine, donnant une belle couleur turquoise. Les réserves carbonées produites sont de l'amidon qui est stocké à l'extérieur du plaste. L'analyse des enzymes impliqués dans la synthèse de ces réserves montre que leurs propriétés sont proches des enzymes trouvés chez les Rhodophyta. Les deux sous- 266

276 10 µm formes immobiles forme motile Cyanophora paradoxa gangue mucilagineuse Glaucocystis nostochinearum Gloeochaete wittrockiana Figure 218 Quelques Glaucophyta. unités de la ribulose 1,5-biphosphate carboxylase (RuBisCO) sont codées par le génome plastidique. L embranchement des Rhodophyta ou algues rouges rassemble environ espèces. Plus de 95% des espèces sont marines et vivent dans toutes les mers du globe, où elles constituent une part non négligeable des algues côtières. Néanmoins, elles ont envahi d autres biotopes terrestres ou dulçaquicoles. Il existe même une espèce, Rufusia pilicola, qui pousse spécifiquement sur les poils des paresseux à trois doigts. Certaines ont adopté un style de vie parasitaire avec comme hôtes d autres Rhodophyta. D autres vivent en symbiote avec des protistes marins comme les Foraminifera. Il s agit peut-être de la préfiguration d endosymbioses secondaires supplémentaires, car les endosymbioses de Rhodophyta ont donné naissance à de nombreuses autres lignées d algues (voir page 59 et suivantes). Elles ont des morphologies très variées car quelques-unes sont unicellulaires et mesurent 2 µm alors que d'autres sont pluricellulaires et forment des thalles qui peuvent mesurer jusqu'à 50 centimètres. Entre ces deux extrêmes, il existe tout un ensemble d espèces possédant des thalles en forme de filaments, de plumeaux, de feuilles etc. Elles sont le plus souvent sessiles et accrochées via un crampon sur les rochers ou plus rarement planctoniques. Certaines espèces, les «algues corallines» sont calcifiées grâce à un dépôt de carbonate de synapse calcium dans leur paroi. Elles forment une très grande proportion de la masse des récifs coralliens ; en fait dans certains endroits, elles prédominent sur vésicules du réticulum les coraux pour la construction des Figure 219 Formation d une synapse. 267

277 récifs! Des structures calcifiées similaires ont été retrouvées dans des strates anciennes datant du précambrien vers Ma. Enfin, certaines espèces sont capables d'endurer des biotopes particulièrement hostiles comme des bas ph, des métaux lourds et/ou des eaux chaudes. Par exemple, Cyanidium calderium a un optimum de croissance à ph=2 et à une température de 57 C! Toutes sont dépourvues de flagelles et elles ont de nombreux caractères partagés. Citons la localisation plastidique des gènes codant les petites et grandes sousunités de la RuBisCO, l absence des ancres glycosylphosphatidylinositol (GPI) ou de l autophagie. Leurs génomes nucléaires semblent coder pour un nombre réduits de gènes, car même une algue pluricellulaire comme Chondrus crispus n a que gènes. Ce chiffre est à confronter aux gènes d Arabidopsis thaliana et aux de Chlamydmonas reinhardtii. Chaque fonction cellulaire semble codée dans le génome par des gènes en copie unique. Ce nombre réduit de gènes est en accord avec l absence de flagelles, de GPI et de l autophagie. Il Figure 220 Fusion cellulaires chez les Rhodophyta. permet aussi d expliquer pourquoi ces algues n ont pas eu le succès évolutif des Viridiplantae qui ont pu sortir de l eau, car elles manquent probablement de flexibilité génétique pour s adapter aux écosystèmes terrestres plus changeants que les écosystèmes marins. La paroi cellulaire est composée de cellulose associée à d autres polymères, pectine, agar, carraghénanes... Les plastes ont un génome linéaire. Ceux-ci contiennent des nombreux pigments dont de la chlorophylle a et d, des carotènes, et surtout des phycoérythrines et des phycocyanines. Les proportions relatives de ces deux derniers pigments donnent aux Rhodophyta leurs variétés de coloration. En effet, les "algues rouges" ne sont pas toutes «rouges» mais aussi parfois brunes, vertes ou bleues! La présence de ces pigments permet l'absorption et l'utilisation des ondes lumineuses qui pénètrent le plus profondément dans l'eau (lumière verte, bleue et violette) soutenant ainsi la croissance de ces algues jusqu'à une profondeur de 100 m. Le record est 268 m de fond, où l'intensité lumineuse est de 0,5% de celle de la surface. Le principal polymère de réserve est l amidon floridéen ou rhodamylon, sorte d'amidon qui est produit par polymérisation d'une quinzaine de résidus de glucose ; celui-ci est stocké à l'extérieur du plaste. 268

278 Chez les espèces pluricellulaires, la séparation des deux cellules filles après la mitose est souvent partielle. Des pores persistent dans la paroi entre les deux cellules nouvellement formées et des vésicules provenant du réticulum endoplasmique viennent se positionner dans le trou (figure 219). Ces jonctions intercellulaires sont ensuite souvent scellées par des bouchons protéiques appelés «synapses». La forme de ces synapses sert de marqueur phylogénétique. Lorsque des cellules d une même espèce sont proches, elles peuvent s engager dans des processus de fusions qui ne sont sans rappeler les anastomoses des champignons supérieurs (figure 220). Ces fusions permettent entre autre de réparer des blessures et d assurer la cohésion du thalle. Chez les espèces les plus évoluées, les cellules sont souvent plurinucléées, comme dans les mycéliums syncytiaux des Eumycota. Ces propriétés communes des thalles de Rhodophyta et des Dikarya, ainsi que des modalités similaires de la reproduction sexuée (voir la légende des figures 225 et 228), ont amené les biologistes du XIXème siècle à postuler que les Rhodophyta seraient les ancêtres des champignons. Nous savons maintenant qu il s agit de convergences évolutives. La reproduction peut être asexuelle, via la production de spores ou la fragmentation des thalles, ou sexuelle en fonction des différentes lignées. Actuellement, les phylogénies moléculaires différencient quatre sous-embranchements, dont un, celui des Eurhodophytina, contient 98% des espèces. Le sous-embranchement qui diverge en premier, celui des Cyanidiophytina, contient quelques espèces uniquement unicellulaires et vivant généralement dans des environnements extrêmes comme les sources volcaniques hydrothermales (figure 221). Le Cyanidiophytina 100 µm Galdieria sulphuraria Cyanidioschyzon merolae 10 µm Rhodophytina Stylonema alsidii Rhodella violacea Porphyridium cruentum Figure 221 Quelques Cyanidiophytina et Rhodophytina. 269

279 20 µm feuille de zostère servant de support 1 cm Rhodochaete parvula Smithora naiadum Compsogon sp. Figure 222 Quelques Metarhodophytina. génome de ces algues semble encore plus réduit que celui des autres Rhodophyta car il ne contient plus que gènes chez Cyanidioschyzon merolae. Cette espèce, comme les autres membres du groupe, est d ailleurs très petite car elle mesure 2 µm dans sa plus grande largeur. Outre son noyau, cette algue ne possède qu une mitochondrie, un plaste et un appareil de Golgi avec deux dictyosomes. Le sous-embranchement des Rhodophytina contient quelques dizaines d espèces unicellulaires ou formant des colonies filamenteuses microscopiques (figure 221). Les cellules au sein de ces colonies ne sont pas reliées par des synapses. Au contraire des Cyanidiophytina, ces algues sont souvent marines et planctoniques. Néanmoins, quelques espèces pluricellulaires comme Stylonema alsidii vivent fixées ou ont envahi le milieu aérien, comme Rufusia pilicola habitant la toison des paresseux. Les espèces de ces deux sous-embranchements n ont pas de reproduction sexuée connue mais certaines sont capables de former des spores de résistance. Le troisième sousembranchement, celui des 270 bouchon protéique Metarhodophytina couche externe aplatie membrane Florideophyceae revêtement Bangiophyceae couche externe bombée Figure 223 Structures des synapses chez les Rhodophyta pluricellulaires. Seules quelques structures représentatives sont indiquées pour les Florideophyceae.

280 Pyropia (ex. Porphyra) yezoensis 50 µm Porphyra umbilicalis 1 cm Figure 224 Quelques Bangiophyceae. 271 Bangia atropurpurea Metarhodophytina, rassemble aussi quelques dizaines d espèces d algues coloniales ou pluricellulaires, dont certaines sont macroscopiques (figure 222). Chez une fraction des espèces, celles appartenant aux ordres des Rhodochaetales comme Rhodochaete parvula et des Compsopogonales comme les Compsogon, les cellules sont reliées par des synapses simples (figure 223). Par contre, chez les espèces de l ordre des Erythropeltidales, comme Smithora naiadum, les synapses sont absentes. La reproduction est encore principalement asexuelle. Toutefois, un processus sexuel avec production de gamètes mâles et femelles a été détecté chez certaines espèces comme Smithora naiadum sans que la totalité du cycle soit établi. Le dernier sous embranchement, celui des Eurhodophytina est divisé en deux classes (figure 217), inégales par le nombre d espèces qu elles contiennent. La classe des Bangiophyceae ne contient que 200 espèces environ et un seul ordre celui des Bangiales. Ces algues sont pluricellulaires, mais la pluricellularité est encore simple, sans différenciations poussées. Chez les Porphyra, le thalle est constitué d une seule couche de cellules identiques et chez Bangia, les filaments sont composés de cellules peu différenciées (figure 224). Elles ont un cycle de type haplo-diplobiontique avec deux stades diploïdes et un stade haploïde ayant des morphologies très différentes, appelé cycle trigénétique (figure 225). En effet, après la fécondation, le zygote se divise pour donner un carposporophyte, qui reste sur le thalle haploïde et où des carpospores, appelées zygotospores chez les Porphyra, seront produites. Celles-ci vont germer pour donner naissance au deuxième stade diploïde dit «conchocelis», car avant que les phycologues découvrent qu il n était qu une étape du stade de vie, il était classé dans un genre à part, Conchocelis. Le nom vient du fait que le conchocelis pousse spécifiquement sur des coquilles de mollusques. Ils se présentent sous forme de filaments ramifiés

281 gamètes fécondation zygotospores (carpospores) spores asexuelles gamètes carposporophyte méiose Stade diploïde «conchocelis» sur coquille de mollusque conchospores Figure 225 Cycle des Porphyra. Le cycle commence par la germination des conchospores qui est accompagnée de la méiose pour donner naissance à des thalles haploïdes mâles ou bien femelles. En aquaculture, ce sont ces spores qui servent pour initier les cultures d algues. Certaines espèces, mais pas toutes, fabriquent des spores asexuelles qui sont parfois utilisées dans ce but. Les thalles haploïdes différencient selon leur sexe des gamètes mâles et femelles. Les gamètes mâles fécondent les gamètes femelles pour donner naissance à un zygote qui se divisent plusieurs fois. Le carposporophyte ainsi obtenu va produire les zygotospores, aussi appelées carpospores. Les zygotospores vont germer sur les coquilles de mollusques marins et donner les thalles conchocelis qui vont produire de nouvelles conchospores. microscopiques. Les thalles haploïdes sont eux de formes diverses, filamenteux ou foliacés en fonction des espèces (figure 224). Les synapses ne sont présentes que pendant le stade conchocelis et ont une morphologie encore simple (figure 223). C est dans cet ordre que ce trouve les Bangia qui ressemblent aux fossiles de Bangiomorpha (figure 216 et 224) et surtout les Porphyra qui sont utilisées dans l'alimentation humaine. Elles sont particulièrement appréciées en Asie pour leur valeur nutritive en vitamines et protéines et sont cultivées intensivement pour cet usage depuis plus de 400 ans au Japon et plus de ans en Chine. Elles servent à fabriquer le «nori». Ce produit représente un marché qui se chiffre annuellement en centaines de million d euros ; par exemple, en 2008 le marché était d environ 1 milliard d euros pour tonnes d algues produites. Notez que l'élucidation du cycle de Porphyra en 1949 a été importante (figure 225) car elle a permis la maîtrise des cultures. La classe des Florideophyceae est la plus importante en diversité car elle regroupe actuellement près de espèces. Elles sont très fréquentes dans les zones côtières, où elles occupent un rôle important de producteur primaire. Ces Rhodophyta sont pluricellulaires et montrent une grande variété de formes, allant de filaments à des 272

282 plumeaux ou des lames plus ou moins ramifiés (226). Les cellules sont reliées par des synapses complexes dont la morphologie varie en fonction des différents ordres (figure 223). Les Chondrus crispus Corallina officinalis thalles sont souvent complexes. Par exemple, 1 cm dans les thalles cylindriques, les cellules centrales sont de grande taille et se branchent pour donner des cellules plus petites, qui répètent Polysiphonia elongata le processus. Les cellules Dumontia contorta restent ensuite accolées les unes aux autres pour Figure 226 Quelques Florideophyceae. donner une médulla centrale et un cortex périphérique (figure 227). La croissance est généralement apicale mais peut être intercalaire dans quelques familles. Certaines cellules se différencient pour secréter différents produits bromés, iodés ou mucilagineux. Pour la plupart, les Florideophyceae ont un cycle complexe aussi trigénétique (figure 228). Chez certains ordres, les cortex deux stades diploïdes sont très différents, medulla comme chez les Bangiophycea filament central e et dans cellules péricentrales d autres ils Figure 227 Structure typique d un thalle cylindrique de Florideophyceae. ont des morphologies similaires. De même, des variations importantes existes sur la durée de ces trois stades, dont certains peuvent être très réduits, voire inexistants chez certaines espèces. C est à ce groupe qu appartiennent les algues corallines calcifiées et surtout plusieurs espèces qui sont utilisées pour produire deux composés importants : l'agar (ou agar-agar) et les carraghénanes. Ces composés utilisés principalement par l industrie agroalimentaire sont des polymères de galactoses sulfatés. Avec deux autres polymères, le 273

283 spermaties (gamètes ) cystocarpe fécondation péridium haploïde carposporophyte diploïde thalles haploïdes (gamétophytes) carpogone (gamètes) trychogyne carpospores méioses tétraspores thalle diploïde (tétrasporophyte) Figure 228 Cycle de Condrus crispus. Le cycle commence par la germination des tétraspores issues de la méiose pour donner naissance à des thalles haploïdes ou gamétophytes mâles ou femelles. Ceux-ci différencient selon leur sexe soit des gamètes mâles ou spermaties, soit des gamètes femelles ou carpogones. Les gamètes mâles libérés dans l eau vont féconder les gamètes femelles en fusionnant avec le trichogyne, une extension filiforme du gamète femelle. Le zygote résultant d une fécondation se divise plusieurs fois, protégés dans une struture portée par le thalle maternel, appelée cystocarpe. Le carposporophyte ainsi obtenu va produire les carpospores. Les carpospores vont germer pour donner naissance à des thalles diploïdes ou tétrasporophytes en tous points semblables aux thalles haploïdes. Ce cycle ressemble superficiellement à celui des Pezizomycotina. En effet, les tétraspores ressemblent à des tétrades, les thalles haploïdes qui en sont issus produisent des gamètes de morphologies similaires à celles de certaines classes de Pezizomycotina comme les Sordariomycetes, et la fécondation est suivie de même par une étape de divisions cellulaires dans une structure dont le péridium a une origine maternelle. L analogie s arrête ici dans le cas de Condrus crispus, car la plasmogamie est suivie immédiatement de la caryogamie et deux thalles diploïdes sont différenciés avant la méiose, alors que chez les Pezizomycotina une étape dicaryotique longue est présente; de plus, celle-ci est immédiatement suivie de la méiose. Chez certaines autres Florideophyceae, le tétrasporophyte est réduit, renforçant la similarité des cycles. funorane et porphysane, leur présence sert de protection aux algues pour éviter une dessiccation trop rapide. L'utilisation dans les laboratoires de l'agar pour gélifier les boites de Petri est bien connue. On s'en sert aussi dans des préparations alimentaires comme des gelés ou des desserts. Les carraghénanes servent d'agents épaississants dans diverses préparations culinaires dont les milk-shakes, glaces, yaourts, flans et crèmes variées. Le funorane, qui ressemble dans sa composition à l agar, sert de colle dans certaines industries au japon et en chine. Les marchés actuels pour ces produits, combinés à celui des alginates produits par les algues brunes, sont non négligeables, se chiffrant à plus d un demi-milliard d euros (Table 12). Les algues corallines sont aussi mises à contribution car elles sont utilisées pour amender les sols en calcaire. Le maërl est un mélange de ces algues avec d autres tests calcaires et du sable. Il est riche en sels minéraux. Son ajout 274

284 dans les sols, à hauteur de tonnes par an en France, permet d enrichir les sols et d éviter leur acidification. 275 Table 12 : Polymères produits par les Rodophyta et les Phaeophyta polymère algues utilisées masse Prix valeur totale (tonnes) ( /kg) (millions d ) Agar Gelidium sp. Pterocladia sp. Gracilaria.sp Carraghénane Kappaphycus alvarezii Eucheuma denticulatum Betaphycus gelatinum Chondrus crispus Alginates Laminaria sp. Macrocystis pyrifera Ascophyllum nodosum > Total > Le troisième et dernier embranchement appartenant aux Archaeplastida, celui des Viridiplantae, est le plus divers. Il contient des algues, dites «algues vertes», mais aussi les plantes terrestres. Celles-ci sont issues d un des deux sous-embranchements reconnus actuellement, celui des Streptophyta, ce qui rend les algues vertes et le sousembranchement des Streptophyta paraphylétiques (figure 217). Il existe environ espèces d algues vertes et plus de espèces de plantes. Néanmoins, les algues vertes ont une diversité génétique et biologique beaucoup plus grande que les plantes. La plupart des espèces sont dulçaquicoles, mais une partie des algues Chlorophyta vit en mer, soit fixée sur un substrat soit dans le plancton côtier. Quelques-unes se sont adaptées à la vie terrestre dans les zones humides comme les troncs d'arbre, les sols mouillées ou la neige fondante. Certaines prolifèrent dans les déserts. Beaucoup vivent en symbioses comme les chlorelles ou les phycobiontes des lichens. Elles peuvent être unicellulaires et mobiles grâce le plus souvent à deux flagelles antérochontes ou bien immobiles et sans flagelle. Ces algues unicellulaires peuvent être très petites comme certaines Prasinophyta qui n atteignent pas 2 µm de diamètre, alors que des espèces du genre Acetabularia peuvent atteindre 10 cm de hauteur, tout en restant uninucléées. La multicellularité, exclusivement non agrégative, a émergé de multiples fois au cours de l évolution des Viridiplantae. Si elle a atteint sa complexité la plus grande chez les Embryophyta, il existe toutefois de multiples autres lignages coloniaux ou multicellulaires, dont les formes vont de thalles filamenteux simples à des thalles en forme de feuilles, de plumeaux, de sphères Dans chacun de ces lignages, les différentes formes sont apparues par évolution convergente, ce qui empêche l utilisation de critère morphologique en phylogénie, au moins pour définir les grandes lignées (voir figure 57 par exemple l évolution chez les Chlamynomonadales/Volvocales). Dans certains cas, la multicellularité résulte de

285 1 cm Palmophyllum crassum (Palmophyalles ) 10 µm Prasinoderma coloniale (Prasinococcales) Nephroselmis olivacea (Nephroselmidophyceae) Ostreococcus tauri Micromonas pusilla (Mamiellophyceae) Figure 229 Quelques Prasinophyceae. Picocystis CCMP2805 Cymbomonas tetramitiformis (Pyramimonadales) l assemblage de cellules comme chez les plantes, mais dans d autres cas, les algues sont des syncytiums unicellulaires et multinucléés. Hormis la présence du plaste issu de l endosymbiose primaire, ces algues ont peu de caractères partagés. Le plaste entouré de deux membranes contient de la chlorophylle a et b, ainsi que des pigments accessoires de types caroténoïdes et xanthophylles. Ils sont adaptés pour recueillir des lumières rouges et bleues peu pénétrantes, expliquant la répartition exclusivement en surface de ces algues, à l exception des Palmophyllales qui peuvent se rencontrer jusqu à 100 m de profondeur. La synthèse du polymère de réserve, l amidon, a lieu dans le plaste et la petite sous-unité de la RuBisCO est codée par le génome nucléaire, contrairement aux Glaucophyta et aux Rhodophyta. La plupart des algues Viridiplantae ont une paroi à base de cellulose, qui est percée de plasmodesmes dans de nombreuses lignées, mais les espèces primitives sont nues ou recouvertes par des écailles organiques. La diversité de leurs formes et de leurs biologies indiquent une histoire ancienne, même si les premiers fossiles avérés ne datent que de 750 millions d années. Cette histoire ancienne est confirmée par une grande divergence de leurs séquences génomiques. Cette grande diversité génétique rend problématique l établissement d un arbre phylogénétique correct (figure 217). Initialement basée sur la structure de la base du flagelle, la présence d une paroi et les modalités de la mitose, la classification en deux sous-embranchements, Chlorophyta et Streptophyta, ainsi que la plupart des classes définies par les botanistes après l avènement de la microscopie électronique, sont largement confirmés par les phylogénies moléculaires (figure 217). Le sous-embranchement des Chlorophyta contient environ espèces. L évolution du groupe commence par la séparation rapide de plusieurs lignées d algues unicellulaires flagellées, souvent de très petite taille, collectivement regroupées dans la classe des Prasinophyceae (figure 229). Néanmoins, le flagelle a été perdu de manière 276

286 répétitive et plusieurs Prasinophyceae non apparentées sont coccoïdes. De même, les Palmophyalles forment des colonies composées de cellules coccoïdes enchâssées dans une matrice gélatineuse qui recouvre les rochers dans des endroits pauvres en lumière, montrant ainsi un début de multicellularité. Les cellules sont nues ou recouvertes d écailles organiques. La reproduction sexuée semble exister mais est difficile à mettre en évidence. Certaines, comme Cymbomonas ou Micromonas, sont capables de phagocyter des bactéries, confirmant une origine phagotrophique pour les Archaeplastida. Celles-ci servent d appoint alimentaire en absence de lumière ou en absence d oligoéléments, mais ne peuvent pas assurer la survie de ces algues pour lesquelles le mode de nutrition mixotrophe semble obligatoire. La plupart des Prasinophyceae sont marines mais quelques-unes sont dulçaquicoles. Cette classe est formellement appelée à disparaître car elle est paraphylétique (figure 217). Bien que ne contenant que quelques dizaines de morpho-espèces, au moins sept lignées sont définies actuellement. Leur ordre de branchement reste obscur du fait de leur grande diversité génétique et biologique. De plus, plusieurs lignées ne sont connues que par leurs «ADN environnementaux». La morphologie cellulaire, la forme des écailles, les modalités de leur division et la structure des flagelles sont très variées, confirmant une origine ancienne des différentes lignées. La mieux connue est celle des Mamiellophyceae. Celle-ci contient les Ostreoccocus, des algues planctoniques marines ou vivant dans les lagunes côtières, unicellulaires, coccoïdes et qui sont parmi les plus petits eucaryotes connus car ne mesurant qu un micron de diamètre. Leur volume est donc le dixième de celui d Escherichia coli. L analyse par séquençage complet révèle un petit génome compact d environ 12,5 Mb et une capacité codante d environ gènes. La comparaison des génomes d Ostreococcus tauri et d Ostreococcus lucimarinus indique que ces deux espèces ne partagent que 95% de leur gène et que les 277 Tetraselmis indica 10 µm (Chlorodendrophyceae) Pedinomonas minor (Pedinophyceae) Scherffelia dubia Figure 230 Quelques Pedinophyceae et Chlorodendrophyceae. protéines orthologues ne se ressemblent qu avec 70% d identité. De telles différences sont similaires à celles observées entre les génomes de poissons et ceux de mammifères Les génomes d isolats différents de Micromonas pusilla, des algues flagellées appartenant aussi aux Mamiellophyceae montrent les mêmes tendances, suggérant que cette morpho-espèce masque une large biodiversité génétique. De fait, les génomes des différents isolats poussant dans

287 différents biotopes semblent adaptés aux conditions rencontrées. Ils mettent donc probablement en évidence plusieurs espèces différentes de morphologie identiques. A l opposé de ces génomes compacts, celui de la Pyramimonadales Cymbomonas tetramitiformis mesure environ Mb et code pour plus de gènes. Parmi ceux-ci se trouvent des gènes connus pour être impliqués dans la phagocytose, comme attendu d après le mode de nutrition mixotrophe de l algue. Il semble manquer certains gènes impliqués dans la biosynthèse des acides aminés, suggérant que leur absence empêche la perte définitive de Figure 231 Division avec phycoplaste. 278 Microtubules du phycoplaste Plan de division noyau la phagotrophie chez Cymbomonas. Parmi les gènes présents dans les génomes séquencés des Prasinophyceae se trouvent ceux de la biosynthèse du peptidoglycane, dont l origine est probablement cyanobactérienne. La synthèse de peptidoglycane chez ces algues, comme chez la mousse Embryophyta Physcomitrella patens qui possèdent aussi ces gènes, reste à démontrer. L ensemble des autres Chlorophyta ou «core Chlorophyta» est monophylétique et est apparentée à une des lignées de Prasinophyceae. Actuellement, les phylogénies pointent vers celle des Picocystis et algues apparentées. Deux lignages ayant actuellement le statut de classe et anciennement rangés avec les autres Prasinophyceae, les Pedinophyceae et les Chlorodendrophyceae divergent en premier (figure 230). Dans les deux cas, il s agit d algues unicellulaires marines ou bien dulçaquicoles. Les Pedinophyceae ont un seul flagelle et sont dépourvues de parois ou autres écailles protectrices. Il en existe une vingtaine d espèces. Leur position phylogénétique exacte au sein des «core Chlorophyta» est encore inconnue, mais leur mode de division qui ne fait pas intervenir un phycoplaste laisse à penser qu elles pourraient avoir divergé en premier comme indiqué sur la figure 217. Le phycoplaste est un réseau de microtubule qui se forme parallèlement au plan de division et participe à la définition du lieu du clivage (figure 231). Les Chlorodendrophyceae ont quatre flagelles et sont protégées par des écailles organiques fusionnées. Il en existe une cinquantaine d espèces. Elles utilisent un phycoplaste au cours de la division. Les phylogénies moléculaires les placent clairement comme groupe frère des Trebouxiophyceae, Chlorophyceae et Ulvophyceae, les trois autres classes des «core Chlorophyta». Par contre, l ordre de branchement de ces trois classes est encore débattu et varie en fonction des gènes utilisés pour définir les phylogénies.

288 Chlorococcum echinozygotum Oedogonium sp. 20 µm Scenedesmus quadricauda Dunaliella salina Chaetophora sp. Figure 232 Diversité des Chlorophyceae. La classe des Chlorophyceae est la plus importante numériquement avec plus de espèces décrites (figure 232). Elles sont principalement dulçaquicoles avec quelques espèces terrestres. Elles sont unicellulaires ou forment des thalles pluricellulaires simples : filaments et sphères de complexité variables. Certaines sont motiles et utilisent deux ou quatre flagelles, d autres sont immobiles. Plusieurs espèces possèdent comme les Euglenida un organe sensible à la lumière ou stigma. Cet «œil» primitif constitue le système le plus simple et le plus commun pour détecter la lumière. Il contient de la rhodopsine comme photorécepteur, comme chez les animaux. Après activation du photorécepteur par la lumière, celui-ci active un canal à Ca 2+, ce qui provoque un influx massif de calcium dans la région exposée à la lumière. A faible niveau de lumière, la dépolarisation engendrée active de manière spécifique les battements des flagelles, ce qui change la direction de la nage. En lumière continue, cela provoque un phototropisme positif vers la source lumineuse. Si un flash de lumière vive est donné, cela provoque un afflux massif de calcium vers l'œil engendrant à l inverse une réponse phobique à la lumière. Si la plupart des Chlorophyceae sont exclusivement photo-autotrophes, les espèces du genre Polytomella vivent dans les eaux riches en matières organiques et ont perdu la capacité photosynthétique. Les espèces types du groupe sont Chlamydomonas reinhardtii (figure 233) et Volvox carteri (figure 234). 279

289 280 mitoses méiose conjugaison zygospore Figure 233 Cycle de Chlamydomonas reinhardtii. Comme toutes les Chlorophyta, cette algue possède un cycle haplobiontique. La phase diploïde réduite se présente souvent comme une forme de résistance ou zygospore. A l'issue de la méiose, quatre spores sont formées à partir de la zygospore, ce qui permet une analyse de tétrades comme chez les levures Ascomycota. L algue est hétérothallique bipolaire. Le plaste est transmis par un des parents et les mitochondries par l autre. «Chlamydom onas» et «Volvox» sont des systèmes modèles d'études de génétique moléculaire dans plusieurs laboratoires. La première est de loin la plus étudiées car les techniques sont au point depuis plus longtemps. Chlamydomonas étant unicellulaire, haploïde avec un cycle bien défini, elle se manipule facilement. Il est par exemple possible d'isoler facilement de nombreux mutants et de faire des analyses de génétique classique, mais aussi d inactiver les gènes et de faire des analyses de génétique inverse. Elle est utilisée pour étudier entre autre la photosynthèse ou la mise en place des flagelles et du stigma. Chez volvox, la phase asexuée est plus complexe. En effet, cet organisme présente une structure multicellulaire simple avec des différenciations entre une lignée "somatique" comprenant un seul type de cellule et lignée germinale comprenant aussi un seul type cellulaire, ainsi que des processus morphogénétiques simples. Il sert de modèle pour étudier l évolution de la multicellularité. Les séquences complètes des génomes de ces deux algues sont disponibles. Ceux-ci ont des tailles et des compositions semblables, malgré les structures différentes des deux algues, confirmant que le passage à la multicellularité nécessite peu d invention génétique. En effet, le génome de Chlamydomonas contiendrait gènes répartis sur 118 Mb de séquence et Volvox sur 128 Mb. La classe des Trebouxiophyceae est riche de plus de 800 espèces. Ce sont des algues unicellulaires, filamenteuses ou avec des thalles plus ou moins organisés (figure 235). Un certain nombre de ces algues ont des tailles microscopiques et font partie des plus petits eucaryotes connus, comme Nanochlorum eukaryotum qui présente des

290 spermatozoïdes zygote méiose globules polaires gonidies fécondation «ovules» Maturation des colonies filles (retournement) division asymétrique dans les colonies filles spermatophores Libération des colonies filles colonie adulte Figure 234 Cycle de Volvox carteri. A l état adulte, les colonies sont constituées de cellules biflagellées ressemblant à chlamydomonas et 16 cellules germinales ou gonidies. Les mouvements synchronisés des flagelles des cellules somatiques permettent le mouvement de l'ensemble de la colonie. La différentiation en cellules somatiques et germinales est liée à une division cellulaire asymétrique, la grosse cellule devenant la cellule germinale. Au cours de la maturation, les gonidies gagnent l intérieur de la colonie, font quatre mitoses puis les divisions asymétriques ; des mini-colonies se développent donc dans la colonie principale. Les colonies filles ont les flagelles tournés vers l'intérieur. Pour orienter correctement les flagelles, il se produit un retournement comme celui d'un doigt de gant. Puis, la colonie mère se déchire et libère les colonies filles. Volvox carteri peut aussi faire la reproduction sexuée, pendant laquelle les gonidies soumises à des phéromones sexuelles se différencient en colonies porteuses d "ovules" de grande taille ou de "spermatozoïdes" biflagellés de plus petite taille et regroupés dans des spermatophores. Il existe donc des colonies mâles et des colonies femelles sous le contrôle d un locus sexuel complexe bipolaire. La fécondation conduit à une zygospore qui au moment de la germination fait la méiose. Celle-ci produit une seule cellule viable soit mâle soit femelle, et trois globules polaires qui avortent. la cellule viable se divise et se différencie en colonie. caractéristiques intriguantes. Elle mesure 1,5 µm et possède un seul plaste et une seule mitochondrie. De manière intéressante, elle semble dépourvue d'histones et de nucléosomes, ce qui questionne la façon dont elle partitionne son génome nucléaire au moment de la mitose. La plupart des espèces ont une reproduction essentiellement asexuée. Chez les espèces pour lesquelles la reproduction sexuée est connue, les cycles sont de type diplobiontiques ou haplodiplobiontiques. Elles ont colonisées la plupart des milieux dont les régions aériennes humides comme les troncs, etc. De très nombreuses espèces vivent en symbioses mutualistes ou parasitaires. Les «chlorelles», dont la plupart 281

291 Prasiola calophylla Dictyosphaerium elegans 1 mm Chlorella vulgaris 10 µm Trbouxia flava Prototheca wickerhamii Raphidonema longiseta Figure 235 Quelques Trebouxiophyceae. sont des Trebouxiophyceae et quelques-unes des Chlorophyceae, vivent en endosymbioses avec des animaux. Les espèces des genres Trebouxia, Pseudotrebouxia, Myrmecia, etc. sont fréquemment associés à des champignons pour former des lichens. Les quelques Trebouxiophyceae parasites ont perdu l aptitude à faire la photosynthèse. Helicosporidum parasiticum attaque les insectes. Elle pénètre les insectes par ingestion sous forme de kystes unicellulaires et se retrouve sous forme filamenteuse dans leur hémolymphe. Dans ce milieu, elle prolifère et génère des spores qui elles même génèrent des kystes qui sont excrétés dans le milieu après perforation de la cuticule de l'insecte. Des espèces proches d Helicosporidum parasiticum appartenant au genre Prototheca sont pathogènes opportunistes pour l'homme chez qui elles causent des protothecosis et pour le bétail et les chiens chez qui elles causent des mastitis. Ces algues sont incolores, rondes et sans flagelle. Elles sont ubiquitaires dans la nature et vivent dans les sols où elles consomment diverses matières organiques. Prototheca wickerhamii est l'espèce pathogène de l'homme ; Prototheca zopfii est l'espèce pathogène des animaux. Elles ont la capacité de coloniser le tube digestif sans causer de maladie. Chez l'animal, Prototheca zopfii peut envahir divers organes et ainsi causer la mort. Chez l'homme, Prototheca wickerhamii cause des dermites, des infections localisées à la suite de blessures infectées ou bien des infections systémiques chez les malades immunodéprimés. Un polymère extracellulaire à base de galactane sulfaté est probablement responsable des inflammations causées par 282

292 20 µm Caulerpa taxifolia Ulothrix zonata Trentepohlia sp. 5 cm 5 µm Oltmannsiellopsis unicellularis Enteromorpha intestinalis Bryopsis plumosa Figure 236 Diversité des Ulvophyceae. ces algues. Les analyses moléculaires montrent une évolution complexe des Trebouxiophyceae avec des convergences évolutives aussi bien au niveau de la morphologie, de la perte des flagelles que des styles de vie. La dernière classe des «core Chlorophyta», celle des Ulvophyceae, contient près de espèces. Elles sont principalement marines et sessiles, formant souvent des thalles de grandes tailles. Certaines se trouvent en eau douce ou bien dans les milieux aériens humides. Quelques-unes comme les Trentepohlia vivent comme des phycobiontes de lichens. Elles sont bien connu du grand public car plusieurs espèces comme les «ulves» ou les «entéromorphes» sont consommables comme sous l'appellation "laitue de mer». Les thalles peuvent être filamenteux, en forme de feuille de laitues, d intestin ou plus complexes (figure 236). Elles peuvent être unicellulaires, avec des tailles allant du microscopique à plus de 10 centimètres de hauteur, ou pluricellulaires. Dans ce dernier cas, le thalle peut être composé de cellules uninucléées ou plurinucléées et donc présenter une structure coenocytique. Certaines espèces sont même complètement dépourvues de cloisons et le thalle est un siphon géant mesurant éventuellement plusieurs centimètres. C est le cas par exemple de Bryopsis plumosa, une algue qui participe aux écosystèmes récifaux. Le thalle est siphonné avec une vacuole qui occupe le centre de la cellule et une fine couche de cytoplasme à la périphérie, cette structure permet d'échanger rapidement les organelles, des nutriments et autres métabolites qui baignent au sein d un même cytoplasme. Cependant, ce type d'organisation rend l'algue très vulnérable aux agressions physiques. En effet, aucun septum ne permet d'isoler un 283

293 dispersion zoospores méiose gamétophyte gamétophyte gamètes gamètes sporophyte fécondation zygote Figure 237 Cycle d Ulva lactuca. Chez cette espèce, le cycle est haplodiplobiontique. Les thalles diploïdes, ou sporophytes, et haploïdes, ou gamétophytes, ont des morphologies identiques. Notez qu ils ne font que deux cellules d'épaisseur mais peuvent atteindre une taille de plus de 30 cm de hauteur. Il existe des gamétophytes mâles et de gamétophytes femelles. Les gamètes mâles sont légèrement plus petits que les gamètes femelles, mais ont la même morphologie. Tous sont biflagellés. Après fécondation, le zygote quadriflagellé s enkyste puis différencie le sporophyte. Celui-ci produit des zoospores diploïdes quadriflagellées qui redonnent les gamétophytes mâles et femelles.. compartiment endommagé. Bryopsis plumosa a donc mis au point un système qui permet de régénérer une paroi cytoplasmique dans des conditions extrêmes. Lorsque l algue est coupée, elle extrude des "sub-protoplastes" qui sont des assemblages gélifiés de cytoplasme contenant des organites et potentiellement des noyaux. En une dizaine de minutes, les sub-protoplastes génèrent un mucus gélatineux qui assure leur protection. Puis un sillon se forme entre cette couche gélatineuse et le contenu cellulaire. A ce stade, les sub-protoplastes peuvent encore fusionner. Après une douzaine d'heure, une membrane plasmique est régénérée et quatre heures plus tard c'est au tour de la paroi cellulaire de se former. La couche gélatineuse possède les propriétés de semi-perméabilité 284

294 typiques des membranes plasmiques. Il s'agit donc d'une alternative temporaire à la membrane plasmique ayant les mêmes propriétés. Ce type d algues siphonnées est très performant. De fait, les caulerpes de l espèce Caulerpa taxifolia envahissent actuellement prolifération et migration des noyaux 285 méiose thalle reproductif noyau diploïde unique thalle végétatif zygote noyaux haploïdes conjugaison différentiation des kystes kystes gamètes libération des gamètes Figure 238 Cycle d Acetabularia acetabulum. Le cycle commence par la différenciation du zygote pour donner le thalle végétatif typique uninucléé ; cette étape peut prendre deux ou trois ans avec une régression du thalle durant l hiver. Lorsque les conditions sont réunies, le thalle passe en mode reproductif et différencie le chapeau typique à chaque espèce. Le noyau fait ensuite la méiose puis de nombreuses mitoses. Les noyaux migrent dans le chapeau. Celui-ci différencie les kystes (ou spores) multinucléés. Ces kystes très résistants permettent de passer l hiver. Au printemps suivant, ils s ouvrent et libèrent plusieurs millions de gamètes qui vont conjuguer et redonner des zygotes. les fonds de la Méditerranée. Cette espèce est normalement tropicale. Une variété «aquariologique» pouvant vivre à plus basse température a été relâchée accidentellement des aquariums de Monaco. Depuis, elle se propage rapidement en détruisant les écosystèmes indigènes. En effet, elle prospère en automne quand les eaux sont très chaudes, alors que les autres algues se fanent. Au retour du printemps, elles ont alors envahit les lieux. Certains clament que l'algue synthétise des toxines qui pourrait s'accumuler ensuite dans la chaîne alimentaire et propose son éradication. La lutte se concentre actuellement sur l'utilisation du cuivre et de limaces herbivores, mais les succès sont variables. Il semble cependant qu après avoir proliféré, elle disparaît spontanément. Les espèces types pour les Ulvophyceae sont Ulva lactuca (figure 237), une algue multicellulaire avec un thalle composé de cellules uninucléées et Acetabularia acetabulum (figure 238), une algue unicellulaire de grande taille. Les acétabulaires appartenant au genre Acetabularia ont longtemps servi de modèles de laboratoire. C'est en particulier grâce à ces algues que Joachim Hämmerling ( ) a montré que l'information génétique qui dirige le développement est contenue dans le noyau. Les cellules sont constituées de 3 parties : la base rhizoïdale, la tige et la tête qui se différencient au moment de la reproduction. Or, le noyau unique est situé dans la base. Du fait de leur

295 grande taille, des expériences de greffe entre la tige et la base en utilisant espèces présentant des morphologies de la tête différentes sont possibles. Dans tous les cas où une tête a régénéré, celle-ci était du type de la base contenant le noyau et non du type de la tige Une fois encore, l évolution de ces algues est complexe avec de nombreuses convergences évolutives au niveau morphologique et d apparition de la multicellularité. Cependant, les algues coenocytiques semblent monophylétiques et les algues siphonnées sont apparentées aux algues unicellulaires de grande taille comme les acétabulaires et forment avec elles un groupe monophylétique, sans qu il soit possible de conclure si ces deux types d organisation ont des origines uniques. Les Ulvophyceae ont des interactions intéressantes avec les bactéries qui semblent participer à la mise en place de la multicellularité. Il a été montré que les Enteromorpha et deux algues proches, Monostroma oxyspermum et Ulva lactuca, utilisent la thallusine produite par des bactéries comme facteur de morphogenèse. En présence de cette molécule, elles poussent sous forme de thalles Mesostigma viride Chlorokybus viride caractéristiques, alors que sans le facteur elles poussent sous forme d agrégats de cellules non différenciées! Les espèces du genre 10 µm Enteromorpha sont très communes dans la zone intertidale. Leurs zoospores motiles s'attachent au Klebsormidium flaccidum zoospore substrat pour différencier un nouvel individu et sont Figure 239 Quelques Streptophyta primitifs. capables de se détacher si le substrat ne leur convient pas. Les substrats qu'elles colonisent sont les biofilms bactériens. En fait, elles sont capables de détecter les N-acylhomoserine lactones, des molécules utilisées pour le quorum-sensing bactériens et participant à la mise en place des biofilms. Le deuxième sous-embranchement des Viridiplantae, celui des Streptophyta, englobe à la fois des algues, dites «charophytes», et les plantes terrestres ou Embryophyta. La séparation avec les Chlorophyta est ancienne, car datant de probablement plus d un milliard d années. Deux lignées semblent avoir divergé en premier, celles des Mesostigmatophyceae et des Chlorokybophyceae (figure 217). Les analyses les plus récentes suggèrent que ces deux classes forment une lignée monophylétique, mais ce résultat est encore discuté. Dans les deux cas, il s agit algues unicellulaires sans reproduction sexuée connue. L unique espèce connue de Mesostigmatophyceae, Mesostigma viride (figure 239), est intéressante car c est la seule 286

296 espèce de Streptophyta ayant des flagelles pendant sa phase végétative, chez les autres membres du groupe, les formes flagellées servent uniquement à la dispersion ou la reproduction. Ces flagelles sont insérés latéralement, ce qui semble être un caractère partagé des Streptophyta. De plus, cette algue dulçaquicole n a pas de paroi cellulosique mais est recouverte d écailles et de mucilage comme les Prasinophyceae, avec lesquelles elle a longtemps été classée. Des analyses partielles de transcriptomes montrent que Mesostigma viride présente au niveau de la photosynthèse des caractéristiques retrouvées chez les plantes, comme l utilisation d une déshydrogénases du glyceraldehyde-3- phosphate plastidique particulière, confirmant sa position phylogénétique clé pour comprendre l apparition des plantes. La seule espèce de Chlorokybophyceae connue autrement que par des séquences d ADN, Chlorokybus atmophyticus, est une algue rare qui vit sur les rochers mouillés, où elle forme des petits paquets cubiques de quelques cellules ; elle se disperse à l aide de zoospores biflagellées (figure 239). Les cellules sont entourées d une paroi dont la composition exacte est encore inconnue, mais qui est différente de celles des plantes, car sans xylanes, mannanes ou xyloglucanes. Une troisième lignée qui a divergé après les Mesostigmatophyceae et les Chlorokybophyceae, celle des Figure 240 Divison avec phragmoplaste. 287 Microtubules du phragmoplaste Plan de division noyau Klebsormidiophyceae, présente aussi des caractères primitifs. Cette classe compte actuellement une cinquantaine d espèces dulçaquicoles ou terrestres. Elles forment des colonies simples filamenteuses ou en en paquet (figure 239) et se reproduisent, comme les Chlorokybophyceae, via la production de zoospores biflagellées. Elles peuvent survivre des conditions difficiles en produisant des akinètes, qui sont des spores produites par épaississement de la paroi. Cependant, cette paroi n a pas la même structure que celle des plantes. L analyse du génome de Klebsormidium flaccidum a permis de montrer que cette algue présente déjà quelques-unes des caractéristiques nécessaires aux plantes pour vivre dans le milieu aérien. Elle a en effet l équipement enzymatique pour produire plusieurs hormones utilisées par les végétaux pour leur développement ou répondre au stress comme l auxine (acide indole 3-acétique), l acide abscissique, l isopentényladénine, le jasmonate ou l acide salicylique. Elle possède les récepteurs à ces hormones, suggérant qu elle peut les utiliser pour signaliser des réponses à des stress. Son génome plastidique code les gènes pour un des deux systèmes utilisés par les plantes pour protéger l appareil photosynthétique lors d un trop grand

297 Micrasterias rotata Netrium digitus Closterium lunula Docidium undulatum 100 µm Staurastrum anatinum Planotaenium interruptum Zygnema sp. Figure 241 Diversité des Zygnematophyceae. ensoleillement Ce système, basé sur un complexe de 18 protéines et ressemblant à une déshydrogénase du NADH, crée un flux cyclique d électrons. Il semble donc que les Klebsormidiophyceae aient acquis quelques-unes des propriétés qui ont été nécessaire à la sortie de l eau par les plantes. Les trois autres classes de charophytes présentent des caractéristiques proches des Embryophyta aussi bien au niveau de la structure de leur paroi que du mode de cytocinèse. En effet, certaines espèces synthétisent des mannanes, des xylanes et des xyloglucanes et de la sporopolléline, voire de la lignine comme les plantes. Cependant, les mécanismes de biosynthèse ne sont pas encore connus, ce qui ne permet pas de conclure s il s agit d homologies ou de convergences évolutives. La cytocinèse suit les mêmes modalités et utilise un phragmoplaste (figure 240), alors que les Mesostigmatophyceae, Chlorokybophyceae et Figure 242 Divison chez Micrasterias. Klebsormidiophyceae se divisent à l aide d un sillon comme les protozoaires. La plupart sont des algues d eau douce, quelques espèces poussant en eaux saumâtres. Les phylogénies indiquent que la classe des Zygnematophyceae serait la plus proche des plantes et celle des Charophyceae la plus éloignées, la classe des Coleochaetophyceae occupant une position intermédiaire (figure 217). Cet ordre des branches, qui n a pas encore été validé définitivement, est surprenant car les algues Zygnematophyceae ont un thalle beaucoup plus simple que ceux des 288

298 289 conjugaison Figure 243 Cycle de Spirogyra. Ces algues, comme les autres Zygnemarophyceae, ont un cycle haplobiontique. Deux cellules conjuguent, leurs cytoplasmes fusionnent ainsi que les noyaux pour donner un zygote qui s'entoure d'une paroi épaisse. Plus tard, lorsque les conditions redeviennent favorables, la méiose se produit et trois des quatre noyaux dégénèrent. La zygospore germe ensuite pour donner naissance à un nouveau thalle haploïde. Les souches analysées semblent homothalliques. Charophyceae et Coleochaetophyceae. Cela suggèrerait donc soit des convergences évolutives nombreuses des Charophyceae et Coleochaetophyceae avec les plantes, soit plus simplement une évolution vers une complexité réduite chez les Zygnematophyceae. Avec plus de espèces validées, cette classe contient une bonne partie des algues Viridiplantae qui vivent posées sur le fond des eaux douces, où elles forment une part importante des producteurs primaires. Ces algues sont dépourvues de flagelles et ont donc une mobilité réduite. La plupart sont unicellulaires, mais il existe des espèces filamenteuses ou coloniales (figure 241). Chez les espèces multicellulaires, il n y a pas de plasmodesmes entre les cellules. Elles présentent souvent des formes géométriques étonnantes (figure 241). Leur multiplication passe principalement par des divisions asexuelles, qui chez certaines espèces comme les Micrasterias peuvent être asymétriques et impliquer des phénomènes zygospores germination méiose Figure 244 Thalle de Chara sp. et structures de production des gamètes. L oogone est la structure fusiforme protégée par les verticilles en spiral. L anthéridie sphérique située juste en dessous contient les spermatozoïdes biflagellés.

299 setae 500 µm forme aquatique Coleochaete orbicularis forme subaérienne 50 µm setae Chaetosphaeridium globosum Coleochaete irregularis Figure 245 Quelques Coleochaetophyceae. morphogénétiques complexes (figure 242). La reproduction sexuée a lieu dans des conditions adverses et produit des zygotes résistants, comme chez les Spyrogyra, des Zygnematophyceae très répandues (figure 243). Il existe plus de 700 espèces de Charophyceae. Leur thalle est composé de cellules géantes multinucléées mesurant jusqu'à plusieurs centimètres de longueur disposées côtes à côtes pour former un tube. De nouvelles cellules forment des branches latérales qui partent de nœuds disposés régulièrement (figure 244). La croissance se fait à partir d une cellule apicale et l'algue est ancrée dans le substrat via une structure spécialisée formée par des rhizoïdes translucides. Souvent le thalle est entouré d'un précipité carbonaté d aragonite qui lui confère une structure cassante. Parmi les caractéristiques qui les rapprochent des plantes vertes, on trouve les présences de plasmodesmes entre les cellules et de nombreux chloroplastes discoïdes. Cependant les plasmodesmes ont une structure simple car ils sont dépourvus du desmotubule, cette structure dérivée du réticulum endoplasmique et occupe le centre du pore chez les plantes. Ils ressemblent donc aux plasmodesmes rencontrés chez les Chlorophyta. On note aussi le fait que l'ovule ou oogone est protégé avant la fécondation par une enveloppe de cellules stériles (figure 244). Les Charophyceae ont un cycle de vie haplobiontique similaire à celui des Zygnematophyceae. Ils différencient des structures mâles qui sont des anthéridies multicellulaires produisant des spermatozoïdes biflagellés. Après la fécondation, le zygote 290

300 anthéridie oogone différenciation des gamètes spermatozoïdes fécondation cellules corticales méiose zoospores asexuelles méiospores flagellées mitoses Figure 246 Cycle de Coleochaete orbicularis. Le cycle est haplobiontique. Des oogones et des spermatozoïdes biflagellés sont différenciés sur les thalles haploïdes. Les spermatozoïdes sont produits dans des anthéridies. Un seul spermatozoïde est produit par anthéridie. Ce qui les rend uniques et proches des plantes, c'est le fait qu'après la fécondation, le zygote formé reste protégé par le thalle parental dans des chambres bordées par des cellules corticales protectrices et nourricières. Cependant, contrairement aux plantes et aux Charophyceae, la protection se met en place après la fécondation. Ensuite, le zygote subit la méiose qui est suivie de quelques mitoses postméiotiques pour donner naissance à plusieurs spores biflagellées (entre 8 et 32) qui vont redonner naissance à des thalles haploïdes. Ces algues sont aussi capables de reproduction asexuée via la formation de cellules biflagellées mobiles qui peuvent nager et régénérer de nouveaux thalles. devient comme chez les Zygnematophyceae une forme de résistance appelée oospore qui permet de passer la mauvaise saison. La méiose a lieu juste avant la germination et un seul des quatre noyaux haploïdes est apte à se diviser pour redonner un individu adulte comme chez les Zygnematophyceae. Elles sont aussi capables de reproduction asexuée en différenciant différentes cellules spécialisées à partir des cellules rhizoïdales. Les membres de la dernière classe de Streptophyta, celles des Coleochaetophyceae, possèdent les caractéristiques les plus similaires aux plantes. Il en existe une quarantaine d'espèces caractérisées par la présence à leur surface de filaments de protection contre les herbivores appelé setae (figure 245). Quelques espèces sont unicellulaires, les autres étant soit filamenteuses, soit composées d'un disque avec une monocouche de cellules. Tout un ensemble de données de biologie confirmées par les analyses moléculaires indique que ces algues sont des proches cousines des plantes 291

301 terrestres. Il existe des fossiles de plantes primitives du genre Parka qui ressemblent fortement au Coleochaetophyceae discoïdes. Les cellules des espèces pluricellulaires sont connectées entre elles grâce à des plasmodesmes. Ces plasmodesmes sont de larges pores (20-40 nm) qui connectent entre elles les cellules des plantes. Des extensions du réticulum, similaires au desmotubules, semblent passer à travers ces pores qui permettent donc d'avoir la lumière du réticulum en commun pour deux cellules connectées. Ils interviennent probablement pour transporter des petites molécules et de l'eau entre cellules. Elles synthétisent des parois cellulaires comportant de la cellulose et de la lignine. Elles ont aussi la capacité de synthétiser, outre la sporopolléline, la cutine et divers composés phénoliques retrouvés spécifiquement chez les plantes. D'autres caractères liés au cycle de vie montrent aussi une ressemblance avec les plantes (figure 246). En particulier, les cellules entourant les zygotes se divisent pour donner une couche de cellules protectrices et nourricières. Ce tissu protecteur ressemblent au tissu nourricier des plantes qui, je vous le rappelle, ont reçu le qualificatif d'«embryophyte» pour cette propriété. Comme les Klebsormidiophycea, les Zygnematophyceae, Charophyceae et Coleochaetophyceae sont capables de résister à divers stress dont la dessiccation. Coleochaete orbicularis peut différencier deux types de thalles selon les conditions, culture liquide ou culture en milieu humide comme une surface de quartz humidifiée. Le thalle aquatique et le thalle subaérien diffèrent dans leur structure (figure 245). Les cellules issues de thalles subaériens conservent leurs propriétés après une exposition d une semaine à l air et à la lumière. Une fois remis dans l eau, ils différencient sans problème des zoospores. Chez cette espèce, la sporopollenine et la lignine permettent aux zygotes et aux cellules mères des méiospores de passer des mauvaises conditions dont des périodes de sécheresse. Il semble donc que ces algues aient déjà acquis une partie des caractéristiques qui auraient permis une sortie de l eau. Malheureusement, aucune séquence de génome n est disponible pour les trois classes d algues les plus proches des plantes, empêchant une analyse systématique similaire à celle réalisé sur Klebsormidium flaccidum. Les Embryophyta, ce que l'on appelle le plus communément les «plantes» dérivent donc probablement d algues pré-adaptées à la vie aérienne, car vivant probablement dans des eaux douces s asséchant régulièrement. Leur évolution est intimement liée à leur sortie des eaux qui s est produite vraisemblablement une seule fois il y a 450 Ma. En effet, on retrouve les premiers fossiles ressemblant à des plantes primitives datant de cette période et les études de phylogénie moléculaire suggèrent une seule origine pour la totalité des plantes actuelles. Plusieurs facteurs physicochimiques des écosystèmes terrestres ont probablement encouragé l'émergence hors de l eau des plantes. La lumière pour assurer la photosynthèse y est plus intense, le gaz carbonique y est plus disponible et les sels minéraux plus abondants, même s il a fallu aller les prélever dans des sols probablement peu propices au départ. Il est remarquable de constater que la 292

302 sortie de l'eau des plantes est concomitante à la mise en place des endomycorhizes avec les champignons «inférieurs» de type Mucoromycotina et Glomeromycota. Ces endomycorhizes concernent la majorité des plantes y compris des espèces très primitives comme les hépatiques (voir figure 47). Seules quelques lignées de plantes supérieures comme les Brassicaceae peuvent s en passer, ce qui suggère une désassociations tardive entre ces plantes et leurs champignons endomycorhiziens. Il est donc fort probable que ceux-ci ont été des acteurs importants, certains chercheurs pensent déterminants, dans la sortie de l'eau probablement en permettant une meilleur absorption des sels minéraux. Pour sortir de l'eau, les plantes ont dû cependant résoudre plusieurs problèmes spécifiques du milieu aérien. Outre la résistance à la dessiccation, probablement déjà présentes chez leurs ancêtres algues, il leur a fallu gérer la gravité, car elles ne sont plus dans un milieu de même densité, les rayons ultraviolets, les variations rapides de chaleur et diverses autres turbulences qui sont plus prononcées dans l'air que dans l'eau. L'absence d'eau est aussi particulièrement cruciale pour la dissémination des gamètes et/ou des zygotes. Pour contourner ces problèmes, elles ont développé des voies de biosynthèses impliquées dans le renforcement de la paroi et/ou la résistance aux stress, dont certaines semblent préexister chez les algues charophytes, comme l'activation des chaînes de biosynthèse de lignine, de cutine et de divers composés phénoliques intervenant dans la résistance aux stress. Elles ont ainsi été recouvertes d'une cuticule imperméable sécrétée par des cellules épithéliales. Le pollen et les spores ont été recouverts de sporopolléline qui les protège et favorise ainsi leur dispersion dans l'air. Les parois se sont renforcées par de la lignine, ce qui a permis une croissance en hauteur vers la lumière. D un point de vue métabolique leur photosynthèse est adaptée pour résister à de fortes lumières via la production de flux cycliques d électrons. Ceux-ci sont créés par deux systèmes, un déjà présent chez Klebsormidium flacidum et ressemblant à une déshydrogénase de NADH et l autre utilisant la protéine PGR5 qui semble aussi présente chez d autres algues Chlorophyta, Rhodophyta et Glaucophyta. Elles possèdent de nombreuses voies de signalisation qui leur permettent de répondre de manière fine à de nombreux stimuli afin de gérer les contraintes du milieu aérien. Elles ont utilisé les systèmes hormonaux pour réguler la croissance cellulaire et la différenciation ouvrant la voie à une multicellularité complexe. Elles ont mis en place l'internalisation des échanges gazeux en élaborant des structures spéciales, les stomates, formant des pores pour réguler les entrées et sorties d'air. Leur perfectionnement culmine avec l apparition des systèmes de vascularisation facilitant le transport des nutriments et la croissance en hauteur. Le thalle devient un «cormus» constitué de racines, de tiges et de feuilles, mis en relation par un système vasculaire de xylème et de phloème. Une fois encore, ces hormones sont déjà présentes chez les Klebsormidiophyceae. Pour une reproduction efficace dans l air, les Embryophyta ont élaboré des organes de reproduction protégés de la dessiccation, car enfermés dans des structures, comme les Coleochaetophyceae. Le cycle de vie chez les plantes considérées comme 293

303 primitive, telles que les mousses et les hépatiques, est de type haplobiontique et fait toujours intervenir un gamète mâle mobile, nécessitant de l eau. Il ressemble donc probablement à celui de leurs ancêtres. Au cours de l'évolution, on constate une modification progressive du cycle tendant à l augmentation de la phase diploïde et la disparition de la motilité du gamète mâle. Celui-ci est d'abord dispersé par le vent puis par les insectes. L analyse des algues charophytes montre qu elles possèdent de nombreuses adaptations au milieu terrestre et que celle-ci ont simplement été perfectionnées par les plantes. Il est probable que de nombreuses lignées d algues vivant dans les milieux s asséchant périodiquement possédaient des propriétés permettant une sortie de l eau. Pourquoi seules les plantes sont sorties avec un tel succès est encore un mystère. Est-ce qu un seul facteur, en particulier l association avec des champignons Eumycota, a été déterminant ou bien des facteurs multiples ont-ils été nécessaires? Quoi qu il en soit les Embryophyta est un des groupes d'eucaryotes qui a eu le plus de succès. Les plantes ont en effet colonisé la plupart des biotopes terrestres et certaines sont retournées coloniser les eaux douces ou salées. Si la majorité sont des photo-autotrophes, de nombreuses lignées sont des parasites et ne font plus de photosynthèse. Elles produisent une biomasse considérable et se sont diversifiées de manière fantastique car il en existe actuellement environ espèces. Leur sortie de l'eau a eu un impact majeur sur la biosphère et particulièrement sur le milieu aérien. Premièrement, cela a entraîné un accroissement des flux d'énergie et de nutriments dans les écosystèmes terrestres et d'eau douce. Cela a donc eu des répercussions importantes sur ces écosystèmes en participant probablement à l'évolution des animaux. De même l'accumulation de lignine, de la cellulose et autres composés dégradables par les champignons a eu un impact sur l'évolution des champignons supérieurs. Au niveau du milieu aérien, cela s'est accompagné de changements atmosphériques comme la diminution du gaz carbonique atmosphérique. On pense par exemple que les racines ont facilité l'acidification et la disruption des sols, permettant l'effritement des silicates de calcium et magnésium, qui ont pu alors se combiner au CO 2. La solubilisation des silicates aurait aussi favorisé l'explosion évolutive des diatomées que l'on observe dans les mers depuis le début du tertiaire! «Hacrobia» Le super-embranchement des Hacrobia rassemble plusieurs lignées dont les affinités évolutives sont toujours en suspens (figure 247). La plupart des lignées contiennent des phagotrophes, soit flagellés soit amiboïdes. Les autres incluent des algues issues d une endosymbiose secondaire. Chez la plupart de ces algues, la faculté à phagocyter des proies n'a pas été perdue et elles ont donc une stratégie trophique de type mixotrophe. Certaines sont des composants majeurs du phytoplancton. Les phylogénies 294

304 Haptista Cryptista Haptophytina Heliozoa Rollomonadia Palpitia Prymnesiophyceae Pavlovophyceae Rappephyceae Centrohelea Cryptophyceae Goniomonaphycea Katablepharida Palpitea Microhelida Haptophyta Rappemonada Cryptophyta Corbihelea Heliomonadida Picozoa Telonemea Figure 247 Phylogénie des Hacrobia. moléculaires indiquent en fonction des gènes choisis soit la monophylie soit la polyphilie du groupe. Peu de caractères partagés viennent soutenir la monophilie. Dans la plupart des lignées, mais pas toutes, la structure de la base de l appareil flagellaire est similaire. Chez les groupes possédant des plastes, ceux-ci ont quelques caractéristiques communes, comme le remplacement par transfert horizontal du gène de la protéine ribosomique plastidique rpl36. Comme les phylogénies moléculaires définissent deux lignées indépendantes (figure 247), chacune contenant des algues, l histoire du groupe est probablement complexe. Les deux scénarios envisagés sous l hypothèse de la monophylie sont premièrement une seule endosymbiose, ce qui implique cinq pertes indépendantes du plaste. Alternativement et plus probablement, deux endosymbioses indépendantes à partir du même précurseur photosynthétique ont pu se produire. Quoiqu il en soit, le plaste est clairement issu initialement d une algue Rhodophyta. Ce qui est donc moins clair est comment il est arrivé dans les lignées d Hacrobia photosynthétiques. La première grande lignée, celle des Cryptista, contient un ensemble d unicellulaires phagotrophes souvent de très petite taille (figure 248). Certains adoptent une forme uniquement flagellée. C est le cas des Palpitia qui actuellement ne sont connus que par une seule espèce Palpitomonas bilix, des Telonemea par deux espèces appartenant au genre Telonemia, des Picozoa par Picomonas judraskeda la seule espèce formellement décrite, des Katablepharida par une dizaine d espèces, dont Katablepharis remigera, réparties en cinq genres et des Goniomonaphyceae par quatre espèces de Goniomonas. Ces espèces ne sont que la «partie émergée de l iceberg» car les analyses 295

305 axopodes Telonema subtile Picomonas judraskeda Microheliella maris 10 µm Goniomonas pacifica Palpitomonas bilix cytopharynx Katablepharis remigera Heliomorpha mucosa Figure 248 Quelques Cryptista phagotrophes. d ADN environnementaux montrent que les organismes appartenant à ces lignées sont très divers et abondants dans les eaux marines ou douces. Les proies de ces organismes sont diverses. Palpitomonas bilix et les Goniomonas se nourrissent de bactéries, Picomonas judraskeda semble se nourrir de matières organiques d un diamètre inférieur à 150 nm par pinocytose, et les Telonemia et les Katablepharida d eucaryotes. Ces derniers possèdent un cytopharynx particulier positionné à l avant de la cellule (figure 248). Une espèce, mastigonème Hatena arenicola, ne différencie ce éjectosomes pharynx qu après une division qui voit la répartition inégale d un endosymbiote photosynthétique. En effet, cette espèce a commencé Cryptomonas ovata l établissement d une endosymbiose avec une Viridiplantae Prasinophyta du genre nucléomorphe Nephroselmis (figure 45). Les 50 µm Guillardia theta Microhelida ne sont connus que par Figure 249 Deux Cryptista photosynthétiques. pas une seule espèce, Microheliella 296

306 Acanthocystis aculeata Radiophrys capitata 10 µm Figure 250 Deux Centrohelea typique. maris, qui vit uniquement comme une amibe à pseudopodes rayonnants. Elle était précédemment incluse parmi les «héliozoaires» qui comprenaient l ensemble des amibes à pseudopodes fins et rayonnants, conférant une forme de soleil. Leurs pseudopodes sont souvent sous-tendus par des microtubules et sont appelés axopodes. Cette ancienne classe s est révélée polyphylétique et le terme héliozoaire, qui n a plus de valeur phylogénétique, caractérise maintenant les amibes en forme de soleil. Notez que l embranchement des Heliozoa a été récemment réutilisé pour classer les organismes apparentés au Centrohelea, la classe qui contient la majorité des amibes héliozoaires. Cette classe appartient aux Haptista, l autre grand groupe d Hacrobia (figure 247). La dernière lignée de phagotrophes Cryptista, celle des Heliomonadida, est placée provisoirement près des Microhelida sur la base de caractéristiques ultrastructurales car aucune séquence d ADN n est disponible pour confirmer ou infirmer cette position. L espèce la mieux connue, Heliomorpha mucosa aussi appelée Dimorpha mutans, alterne entre une forme biflagellée et une forme «héliozoaire» (figure 248). Les Cryptista photosynthétiques sont pour la plupart mixotrophes et forment une lignée monophylétique, la classe des Cryptophyceae. Il en existe environ 200 espèces (figure 249). Ces algues unicellulaires sont caractérisées par la présence d'un plaste particulier localisé dans la lumière du 297 Figure 251 Arrangement des microtubules dans les axopodes de Radiophrys ambigua.

307 forme coloniale non motile forme motile flagelles 10 µm Pavlova ennorea (Pavlonophyceae) Prymnesium parvum haptonème flagelle antérieur haptonème flagelle postérieur Prymnesiophyceae coccolithe appendice postérieur Phaeocystis globosa Ophiaster hydroideus 5 µm forme coloniale flagelle postérieur flagelle antérieur 10 µm forme motile 100 µm Figure 252 Diversité des Haptophyta. réticulum. En effet, le Rhodophyta qui a fait l'endosymbiose n'a pas complètement dégénéré et il lui reste un nucléomorphe ainsi qu une relique de son réticulum endoplasmique (Encadré 8). Leur motilité est assurée par deux flagelles décorés de mastigonèmes et des éjectosomes servant à neutraliser des proies et insérés dans une invagination ventrale. Les mastigonèmes sont des extensions protéiques fixées sur l axonème de certains flagelles. Leurs ontogénèses, structures, présences et arrangements sont spécifiques et servent de marqueurs phylogénétiques. Chez les Cryptophyceae, ils sont composés de deux parties de diamètres distincts et donc dits «bipartites». Ils sont disposés sur deux rangs sur le plus grands des deux flagelles et sur un rang sur le plus petit. Parmi les Hacrobia, les mastigonèmes sont présents dans plusieurs lignées mais sont bipartites uniquement chez Palpitomonas bilix chez qui ils sont positionnés sur un seul des deux flagelles et sur une seule rangée. Les Cryptophyceae vivent dans les eaux douces et marines. Elles sont ubiquitaires mais préfèrent les climats froids. Elles constituent une part importante de la microflore des étangs au début du printemps. Quelques espèces vivent en endosymbiose en tant que partenaire photosynthétique avec divers protozoaires. D autres ont perdu la capacité à faire la photosynthèse et se nourrissent de matières organiques. Elles peuvent quelques fois parasiter le tube digestif d animaux, chez qui elles sont dans des rares cas responsables de parasitoses. Elles n ont pas inventé de vraie pluricellularité, même si quelques espèces peuvent former des colonies de cellules 298

308 Philippe Silar agglomérées dans une matrice gélatineuse. Elles se reproduisent en général par mitose méiose et fission binaire ; le processus sexuel mitose mitose semble exister mais est mal connu. La seconde lignée d Hacrobia, conjugaison forme non calcifiée celle des Haptista, est forme calcifiée subdivisée en trois Figure 253 Cycle d Emiliania huxleyi. Les cellules haploïdes sont petites, embranchements mobiles et dépourvues de coccolithes. Leur conjugaison conduit à des (figure 247). Celui des diploïdes de grande taille, non motiles et recouverts de coccolithes. Il est Heliozoa contient la possible de retrouver des cellules nues dans des cultures de cellules calcifiées. classe unique des Centrohelea qui groupe des héliozoaires (figure 250). Ce sont des protozoaires phagotrophes cosmopolites souvent de grande taille qui comme les autres héliozoaires capturent leur proies à l'aide d axopodes rayonnants. Les microtubules qui les soustendent ont une disposition particulière (figure 251). La plupart des espèces sont recouvertes d écailles ou de spicules soit organiques soit siliceux liés par un revêtement gélatineux. Ils sont capables de différencier des kystes et se divisent par fission binaire. La reproduction sexuée n a pas été clairement mise en évidence. Elle pourrait se produire dans les kystes avec la différenciation de gamètes amiboïdes suivie de leur fusion. Très communs dans les eaux douces et marines, ces organismes sont capables d avaler de grosses proies dont des petits animaux. L embranchement des Rappemonada contient quelques espèces d algues qui ne sont connues que par des séquences d ADN et quelques images en fluorescence. Ces algues de petite taille d environ 5 µm possède de deux à quatre plastes. Elles semblent communes et peuvent faire des efflorescences, en particulier dans la mer des Sargasses. Elles semblent apparentées aux Haptophyta qui avec plus de 600 espèces forment l embranchement le plus important des Hacrobia. Les algues Haptophyta sont des unicellulaires, parfois associées en colonies simples, de très petite taille et très répandues dans tous les océans où elles forment un des trois groupes majeurs du phytoplancton avec les diatomées (Bacillariophyta) et les Dinoflagellata. Elles jouent donc un rôle très important dans le cycle du carbone. Si la plupart des espèces habitent les océans, quelques-unes sont terrestres ou dulçaquicoles. Leur diversité est plus grande dans les mers chaudes. Elles sont soit mixotrophes, soit uniquement photosynthétiques, plus rarement uniquement phagotrophes. Elles ont un ou deux plastes contenant des chlorophylles a et c, des diadinoxanthines et des fucoxanthines. Le plaste est entouré de quatre membranes, la plus externe correspondant coccolithe 299

309 à la membrane du réticulum comme chez les Cryptophyta. Par contre s il reste du réticulum du Rhodophyta intégré, son noyau a complètement disparu ; contrairement aux Cryptophyta, les Haptophyta n ont donc pas de nucléomorphes. Cette structure plastidique ressemble fortement à celle des plastes des algues Ochrophyta de la lignée des Heterokonta. Ces dernières n ont cependant pas le transfert horizontal du gène rpl36 commun aux Cryptophyta et Haptophyta. Leurs deux flagelles sont inégaux et ne portent pas d'ornementation. Elles ont en commun la possession d une structure commune, l'haptonème, qui leur donne leur nom. Cette structure ressemblant à un flagelle est une extension cytoplasmique soutenue par six ou sept microtubules disposés en demi-cercle et qui interviendrait dans la détection et la capture des proies (figure 252). Positionné entre les deux flagelles, sa taille varie en fonction des espèces et ne peut être différencié qu à certaines étapes du cycle de vie. Des caractéristiques biologiques et les phylogénies moléculaires définissent deux classes (figure 247). Les Pavlophyceae sont connues par une quinzaine d espèces communes dans les eaux côtières ou saumâtres, plus rarement les eaux douces (figure 252). Le plaste est toujours unique. Les deux flagelles sont clairement inégaux et l ancrage de l haptonème est simple. Elles sont dépourvues d écailles contrairement à la plupart des espèces appartenant à l autre classe, celle des Prymnesiophyceae. Cette classe est très diverses puisqu elle renferme la plupart des 600 espèces d Haptophyta connues (figure 252). Chez les Prymnesiophyceae, le nombre de plaste varie entre un et deux et les flagelles sont très légèrement inégaux. Elles sont souvent recouvertes de plaques organiques qui peuvent se calcifier ou plus rarement se silicater. Le tout est emballé dans un mucilage. Les plaques sont formées à partir de l appareil de Golgi et sont appelées coccolithes, si elles sont calcifiées. Le représentant actuel le plus connu et qui sert de modèle pour les Haptophyta est Emiliania huxleyi (figure 253). Elle appartient à l ordre des Coccolithales dont les représentants différencient toujours des coccolithes pendant une des étapes de leur cycle de vie. Celui-ci a été bien étudié chez Emiliania huxleyi, chez qui il est de type haplodiplobiontique avec deux morphologies très différentes entre les stades haploïdes nageurs et diploïdes non motiles et entourés de coccolithes (figure 253). L analyse de génomes de diverses souches montre une capacité codante inattendue avec plus de gènes répartis sur 140 Mb. Elle révèle aussi une grande variabilité génétique, suggérant que la morpho-espèce Emiliania huxleyi cache plusieurs vraies espèces. Outre les espèces actuelles, et il existe de nombreuses Haptophyta fossiles car leurs coccolithes se pétrifient facilement. Les premieres datent de Ma. Elles ont été particulièrement abondantes au jurassique et surtout au crétacé, car elles forment une bonne partie des dépôts sédimentaires datant de ces périodes. Ensuite, elles semblent avoir subi une extinction massive. 300

310 Actinophryida Ochrophyta Pirsoniida Hyphochytridiomycota Oomycota Developpayellida Pseudomycota Gyrista Opalinata Nanomonadea Placididea Bikosea Labyrinthulida Thraustochytrida Amphitremidae Platysulcus tardus Opalinozoa Sagenista Bigyra Figure 254 Phylogénie des Heterokonta. Heterokonta Le super-embranchement des Heterokonta, aussi informellement nommé «stramenopiles» a été défini essentiellement par les phylogénies moléculaires. Il forme avec les Alveolata et les Rhizaria une lignée monophylétique connue soit par l acronyme SAR (Stramenopiles + Alveolata + Rhizaria), soit sous le nomd Harosa. Ils regroupent de nombreux organismes qui ont peu de choses en commun. Vraisemblablement, c'est le groupe d'eucaryote dans lequel l'évolution a expérimenté le plus grand nombre de plans d'organisations unicellulaires et pluricellulaires. C'est aussi un des groupes d'eucaryotes qui a eu le plus de succès et qui a mastigonèmes envahi 200 nm pratiquement 1 µm tous les biotopes. Les Heterokonta prolifèrent dans flagelle antérieur filament terminal les milieux Base aplatie fourreau tubulaire flagelle postérieur marins, dulçaquicoles Figure 255 Structure des flagelles chez les Heterokonta typiques. mais aussi 301

311 pseudostomes Mastigonèmes bipartites Platysulcus tardus Cafeteria roenbergensis (Bikosea) 20 µm Archerella flavum (Amphitremidae) 5 µm Incisomonas marina (Nannomonadea) Siluania monomastiga (Bikosea) Developayella elegans (Developpayellida) Placidia cafeteriopsis (Placididea) Figure 256 Quelques phagotrophes Heterokonta. terrestres. Ils ont exploré de nombreuses manières de vivre, puisque le superembranchement renferme des phagotrophes, des «champignons», des algues, ainsi que des symbiotes parasites ou mutualistes. Les espèces actuellement connues ne représentent qu une petite partie de leur diversité car les analyses de métagénomique ont identifié plus de dix lignées sur lesquelles rien n est connu. La phylogénie de la figure 254 n indique donc que les lignées matrice membrane externe de la matrice membrane interne de la matrice pour lesquelles des espèces ont été caractérisées autrement que bothrosome Membrane plasmique dans des analyses plaque basale métagénomiques. Les Heterokonta sont caractérisés pour la plupart par Figure 257 Structure du bothrosome. la présence à un moment de leur cycle d'une cellule possédant deux flagelles, dont le plus antérieur porte des mastigonèmes sur une ou deux rangées (figure 255). Ceux-ci sont constitués de trois parties de diamètres distincts et sont donc dits tripartites. Les mastigonèmes sont de nature protéique et mis en place à partir de l'appareil de Golgi. Cet appareil flagellaire hétérochonte leur a conféré leur nom. Les espèces qui n'ont pas ces deux flagelles 302

312 forment des sous-ensembles monophylétiques nichés parmi des groupes avec les 2 flagelles typiques, montrant qu'il s'agit de pertes secondaires. Tous les Heterokonta analysés ont des mitochondries à crêtes tubulaires. Certains groupes sont protégés par des enveloppes ou squelettes siliceux comme les diatomées (Bacillariophyta) ou les Dictyochophyta. L'accumulation de ces structures siliceuses forme une part importante des sédiments et servent aux paléontologues pour 303 régénération bothrosome corps résiduel zoospores dispersion réseau ectoplasmique Figure 258 Structure et cycle de vie des Thraustochytrida. Le cycle est entièrement asexuel. La dispersion se fait grace à des zoospores biflagellées typiques des Heterokonta. Le corps résiduel peut régénérer un nouvel individu. Chez certaines espèces, une forme amiboïde mobile se différencie avant la production des zoospores. les datations et les études de biotopes fossiles. Ces diverses thèques et enveloppes permettent de dater l'apparition des Heterokonta à plus de 700 millions d années dans le passé. A la base de l arbre évolutif, se branche Platysulcus tardus, un petit flagellé possédant l appareil flagellaire typique des Heterokonta, si ce n est que les mastigonèmes semblent bipartites (figure 256). L arbre est ensuite actuellement subdivisé en trois branches majeures, les Sagenista, les Opalinozoa et les Girysta (figure 254). Dans les trois clades, il existe des phagotrophes qui généralement divergent rapidement des autres membres. Pour les Sagenista, les phagotrophes sont les Amphitremidae, des amibes protégées par des écailles ou une thèque avec deux ouvertures aux pôles opposés appelées pseudostomes (figure 256). Leurs pseudopodes sont filiformes et peuvent s anastomoser. Quelques espèces hébergent des chlorelles. Il est probable que Sorodiplophrys stercorea, une amibe qui a inventé la multicellularité agrégative car formant des petits sorocarpes par agrégation cellulaire, trouve sa place phylogénétique dans ce groupe. Les autres Sagenista connus forment une lignée monophylétique et ont longtemps été considérés comme des champignons atypiques, car se nourrissant principalement par osmotrophie, mais ne présentant pas les autres caractéristiques fongiques. De plus quelques espèces peuvent phagocyter des bactéries lorsqu elles différencient de manière transitoire des formes amiboïdes. Ce sont des saprotrophes

313 communs dans les eaux marines et douces ; certaines espèces sont des parasites d animaux, d algues ou de plantes, dont les plus connues sont Labyrinthula terrestris qui cause des dégâts dans les terrains de golf très arrosés et Labyrinthula zosterae qui a tué, il y a quelques années, la plupart des zostères de la côte nord-américaine de l océan pacifique qui servaient d'aliment aux canards, les réduisant à la famine. Ils sont caractérisés par la présence d une structure particulière, le bothrosome (figure 257). Ce bothrosome permet de secréter un réseau «ectoplasmique» original bordé de membranes «plasmique». La plaque basale semble agir dans la rétention des organelles dans le corps cellulaire. Le réseau ectoplasmique semble néamoins avoir la capacité de secréter diverses molécules. Les Thraustochytrida (figure 258) sont unicellulaires et utilisent ce réseau issu d un bothrosome unique comme des rhizoïdes pour dégrader les matières organiques sur lesquelles ils prolifèrent. Leur cycle est simple avec une phase trophique qui ressemble superficiellement à celle des Chytridiomycota (figure 258). La prise de cellule en division 304 membrane plasmique Figure 259 Structure de la forme végétative des Labyrinthula. membrane externe de la matrice bothrosome membrane interne de la matrice nourriture est suivie de la production des zoospores biflagellées typiques des Heterokonta selon un développement de type eucarpique monocentrique (figure 258). La reproduction sexuée n a pas été observée. Chez les Labyrinthulida, les espèces sont unicellulaires dans le genre Aplanochytrium et pluricellulaires dans le genre Labyrinthula. Chez ces derniers, le réseau ectoplasmique est plus développé et forme une gaine à l intérieur de laquelle des cellules ellipsoïdales dépourvues de flagelles se déplacent. Celles-ci sont entourées de deux membranes, leur membrane plasmique et la membrane interne de la matrice, la gaine étant délimitée par la membrane externe de la matrice (figure 259). La matrice contient des polysaccharides secrétés par les cellules. Des écailles sont souvent présentes entre la membrane plasmique et la membrane interne de la matrice Pour obtenir cette structure, les membranes produites par le bothrosome doivent fusionner. Comment Le réseau se met en place, en particulier comment les membranes fusionnent, est encore mal connu. Un

314 trophozoites cytokinèses sans mitose mitoses kyste kyste fécondation méiose gamètes 2 nd têtard 1 er têtard Figure 260 Cycle d Opalina ranarum. Des kystes secrétés par les grenouilles adultes sont ingérés par un premier têtard, chez qui ils se réveillent et migrent dans le cloaque. La méiose et la formation de gamètes mâles et femelles se produisent. Elles sont suivies de la fécondation qui produit des kystes qui sont excrétés. Ingérés par un second têtard, ils éclosent pour donner naissance à des trophozoïtes de petite taille (~500 µm), qui peuvent redonner naissance directement à des kystes. Après métamorphose de la grenouille, les trophozoïtes atteignent des tailles plus grandes (~3 mm) et peuvent contenir jusqu à 2000 noyaux. Lors de la saison de reproduction des grenouilles, les hormones sexuelles entrainent des divisions cellulaires sans croissance, ni mitose. Les cellules qui ont entre deux et douze noyaux forment les kystes qui sont secrétés. cycle sexuel partiel a été identifié chez les Labyrinthula. Les cellules s agrègent pour former des amas. Elles deviennent plus rondes et font des divisions qui ont eté interprétées comme méiose, car un complexe synaptonémal est présent à la première division, suivie d une mitose pour donner huit cellules. Les huits cellules se différencient ensuite en zoospores possédant les deux flagelles héterochontes typiques des Heterokonta. La plasmogamie et la caryogamie n ont pas encore été observées. Actuellement les Sagenista sont connus par une douzaine d espèces d Amphitremidae, une cinquantaine de Thraustochytrida et une vingtaine de Labyrinthulida. 305

315 Les phagotrophes ayant divergés à la base de la branche des Opalinozoa sont pour la plupart des flagellés avec les deux flagelles typiques de Heterokonta (figure 256). Néanmoins, des modifications de la structure peuvent être présentes. Par exemple, Incisomonas marina (figure 256) et Solenicola setigera, l autre membre connu de la classe des Nannomonadea, n ont plus qu un seul flagelle sans mastigonème positionné à l arrière de la cellule comme chez les Opisthokonta! Siluania monomastiga, l un des plus petit phagotrophe connu (figure 256) n a plus que le flagelle antérieur porteur d une seule rangée de mastigonèmes monopartite. Ce flagelle n a plus que des doublets de microtubule dans le corps basal. Chez certaines espèces, la cellule peut dans sa partie antérieure se déformer par des mouvements amiboïdes. Quelques-unes sont protégées par des thèques. Elles se divisent par fission binaire, la reproduction sexuée n'étant pas connue. Ce sont des organismes très abondants. Cafeteria roenbergensis (figure 256) est un des 20 flagellés dépourvu de plaste les plus communs dans les eaux marines. La présence d ultrastructures variables permet donc de définir plusieurs lignées de ces phagotrophes dont la divergence est probablement très ancienne, ce qui est confirmé par les séquences très différentes de leurs gènes. On estime que leur diversité génétique est aussi grande que celle des métazoaires! De même, les morpho-espèces décrites cachent probablement plusieurs vraies espèces. Les phylogénies moléculaires répartissent présentement ces flagellés Opalinozoa en trois lignées monophylétiques, la classes des Nannomonadea qui contient deux espèces décrites, celle des Placididea trois et celle des Bikosea quelques dizaines. La dernière classe des Opalinozoa, celle des Opalinata, contient des organismes vivant en symbioses commensales ou parasitaires avec les animaux. Il existe environ 400 espèces réparties dans deux sous-classes. Les Opalinea sont des commensaux de la partie terminale de l'intestin des vertébrés à sang froid, surtout les grenouilles. Ce sont de grosses cellules pouvant mesurer jusqu'à 3 mm, plurinucléées et recouvertes d'une ciliature régulière et particulière. Elles sont anaérobies et se nourrissent par pinocytoses des fluides présents dans leur biotope. Le cycle d'opalina ranarum alterne entre la grenouille adulte et le têtard (figure 260). Les Blastocystea sont des commensaux ou des parasites comme Proteromonas lacertae et les Blastocystis. Proteromonas lacertae est un µm somatonèmes Figure 261 Proteromonas lacertae. Ce flagellé possède sur les deux-tiers postérieurs des somatonèmes dont la structure ressemble à celle des mastigonèmes. Ils pourraient en être des homologues. Les flagelles semblent eux dépourvus de mastigonèmes.

316 kyste à paroi épaisse 307 kyste à paroi mince forme granulaire dispersion forme vacuolaire forme amiboïde Figure 262 Cycle de Blastocystis hominis. L ingestion de kystes via des aliments souillés provoque la rupture de leur paroi et le reveil de la forme vacuolaire qui présente une large vacuole centrale. Cette forme vacuolaire semble être la forme trophique principale. Elle peut se différencier en formes amiboïdes ou granulaires, dont les rôles sont obscurs. Des kystes sont ensuite différenciés ; ceux à paroi mince semblent impliqués dans l autoinfection et ceux à paroi épaisse dans la dispersion et la persistance dans l environnement. biflagellé anaérobie qui vit dans l intestin terminal des lézards et qui présente une structure unique (figure 261). Les Blastocystis sont des parasites de l intestin des animaux, y compris l'homme. Ils sont dépourvus de flagelle ou d autres structures caractéristiques. Seules les données de séquence ont permis de les classer parmi les Opalinozoa. Ils sont anaérobies et vivent dans l'intestin des vertébrés et d invertébrés. Leurs mitochondries sont modifiées et ont des caractéristiques spécifiques des mitochondries et d autres spécifiques des hydrogénosomes. Elles possèdent en effet un cycle de Krebs partiel et une hydrogénase à fer. Sous une morphologie relativement uniforme se cache une grande diversité génétique. Leur cycle les fait passer par plusieurs formes (figure 262). Le parasite de l homme, Blastocystis hominis, n'est pas très méchant car la plupart des porteurs sont asymptomatiques. Les autres ont des ballonnements, des diarrhées légères, des douleurs abdominales et éventuellement des crampes. Ces organismes se traitent maintenant à l aide d antiprotozoaires. La lignée des Gyrista englobe la grande majorité des espèces d Heterokonta (figure 254). A sa base, divergent aussi des phagotrophes libres possédant les deux flagelles typiques des Heterokonta. Ils sont rangés dans la classe des Developpayellida, dont l espèce la mieux caractérisée est Developayella elegans (figure 256). Les autres lignées ne sont généralement pas des phagotrophes exclusifs, car certains de ces organismes ont fait une endosymbiose secondaire avec un Rhodophyta, les rendant

317 photosynthétiques et d autres sont des champignons osmotrophes. Les modalités de l endosymbiose font encore débat. Certains considèrent qu une endosymbiose unique a donné naissance aux Cryptophyta, aux Haptophyta et aux Ochrophyta, qui sont les Heterokonta photosynthétiques. Les lignées dépourvues de plastes les auraient donc perdues. Leur argument principal est que les plastes ont la même structure dans les trois classes : ils sont entourés de quatre membranes dont la dernière est en fait celle du réticulum/membrane externe du noyau et tous ont pour origine un Rhodophyta. Les opposants à cette théorie soulignent que le transfert horizontal du gène plastidique rpl36, qui caractérise les Cryptophyta et les Haptophyta, est absent chez les Ochrophyta. Il faudrait donc imaginer que le transfert a eu lieu dans un plaste entouré de quatre membranes, ce qui est assez peu probable. Ils signalent surtout que pour expliquer la phylogénie actuelle, il faut imaginer de multiples pertes indépendantes dans de nombreux groupes, ce qui est aussi très peu vraisemblable. Le problème se complique cependant lorsque les génomes des Oomycota, des parents proches des Ochrophyta qui ont adopté un style de vie fongique et qui sont dépourvus de plastes, sont analysés. En effet, des gènes dont la fonction est typiquement associée à celle des plastes sont présents en assez grand nombres dans leur génome. Ces organismes auraient donc effectivement pu avoir un plaste et l avoir perdu. L hypothèse alternative est que les gènes en question auraient pu être acquis par Saproleginales transfert horizontal à Leptomitales Saprolegnomycetes partir des proies par leurs Atkinsiellales ancêtres phagotrophes... Perenosporales De même, les phylogénies moléculaires Pythiales Perenosporomycetes indiquent que les Rhipidiales Actinophryida, qui sont Olpidiopsidales des héliozoaires Haliphthorales lignées basales phagotrophes, ont pour Eurychasma ancêtres des algues Haptoglossa Ochrophyta de la classe Figure 263 Phylogénie des Oomycota. des Raphidophyceae! Quoi qu il en soit, les phylogénies moléculaires montrent (figure 254) que les algues Ochrophyta forment un ensemble monophylétique qui diverge à partir d une lignée, les Pirsoniida, dont les membres actuels ont adopté un style de vie parasitaire tout en étant capable de phagotrophie. Celle-ci émerge d un ensemble d autres organismes ayant des styles de vie fongiques et qui sont connus sous le nom de Pseudomycota. Ces "faux champignons" ont évolué parallèlement aux Eumycota et ont acquis au cours de leur évolution les mêmes propriétés. Pendant longtemps ils ont été classés avec les Eumycota et ce sont les phylogénies moléculaires qui ont permis récemment de les séparer, même si de nombreux mycologues considéraient depuis longtemps que leurs caractéristiques 308

318 étaient très différentes des autres champignons et qu à ce titre ils méritaient d en être séparés. Les phylogénies moléculaires définissent actuellement deux lignées monophylétiques de Pseudomycota (figure 254), en accord avec des biologies différentes, Oomycota et Hyphochytridiomycota. Les 600 espèces d Oomycota ont eu une évolution très similaire à celle des Eumycota. Comme chez les Eumycota, Les espèces plus primitives ont des développements végétatifs similaires à celui des Chytridiomycota et les espèces les plus évoluées se présentent sous forme d un mycélium plurinucléé. Cependant, celui-ci est sans cloison et le diamètre des hyphes est en général plus grand que celui des hyphes d Eumycota. Ces organismes sont communs dans les eaux douces ou salées et les sols, où beaucoup d'espèces vivent en saprotrophes. Il existe aussi de nombreuses espèces parasites d'animaux ou de plantes. Comme chez les Eumycota, différents styles de vie ont été adoptés de kyste manière convergente par les différentes zoospores lignées. Contrairement aux Eumycota, leur paroi contient de la cellulose. Il n existe zoospores pas de forme levure, cellule canon ni de sporophore pluricellulaire complexe. Leur cycle est de type diplobiontique. La synthèse de la lysine se fait via la voie de Figure 264 Cycle d Haptoglossa mirabilis. l'acide diaminopimelique et comme pour les autres Heterokonta, leurs réserves sont faites de laminarines. Les phylogénies moléculaires confirment plusieurs ordres définis sur des critères morphologiques et de physiologiques (figure 263). A la base de l arbre, une lignée monophylétique regroupe les Haptoglossa et l espèce Eurychasma dickinsoni (figure 263). Si Eurychasma dickinsoni possède clairement une biologie fongique typique, les Haptoglossa sont suffisamment originaux pour mériter un traitement séparé. Les espèces de ce genre sont des parasites unicellulaires de nématodes et de rotifères qui ont développé une cellule d une quinzaine de microns, très sophistiquée, pour s introduire à l intérieur de leur hôte : la cellule canon (figure 264). Celle-ci permet au parasite de pénétrer en force dans le nématode de la même manière 309

319 que les Microsporidia pénètrent leur hôte ou les cnidoblastes des Cnidaria injectent leur poison. Une fois dans le nématode, les Haptoglossa forment un ou plusieurs thalles multinucléés entourés de parois et qui finissent par se différencier en sporange. Chez certaines espèces, les spores sont motiles et s enkystent alors que chez d'autres elles sont non motiles. Lorsqu elles sont différenciées, les zoospores sont biflagellées mais ne semblent pas présenter les mastigonèmes typiques du groupe ; il semble néanmoins que certaines espèces ont quelques mastigonèmes résiduels à la base d'un des flagelles. L unique espèce du genre Eurychasma, Eurychasma dickinsoni, infecte un grand nombre d espèces d algues Phaeophyta. Elle possède un cycle holocarpique qui ressemble fortement à celui de champignons inférieurs comme les Chytridiomycota. Comparez le cycle de la figure 119 avec celui d Eurychasma dickinsoni présenté sur la figure Un développement holocarpique est aussi adopté par plusieurs espèces «primitives» appartenant aux ordres des Haliphthorales et des Opsidiopsidales et qui ont divergé juste après les Haptoglossa/Eucharysma (figure 263). Ces Oomycota marins parasitent respectivement des crustacés ou des Rhodophyta. Leur développement est souvent mal connu, par exemple, une reproduction sexuée pour ces organismes n a pas été décrite. Les autres espèces se répartissent en deux grandes classes, Saprolegniomycetes et Perenosporomycetes. Les premiers sont généralement des saprotrophes ou des parasites d animaux dulçaquicoles et les seconds généralement des pathogènes de plantes, de crustacés ou de nématodes, et donc très présents dans les écosystèmes terrestres. Il existe bien évidement de nombreuses exceptions et certains Saprolegniomycetes, comme Atkinsiela dubia, parasitent des crustacés marins et des Perenosporomycetes comme Sapromyces elongatus est un saprotrophe des sols. Il n est pas clair par exemple si la mer est l habitat originel des deux grande lignées ou si les espèces marines ont ré-envahi ce milieu. Ces organismes différencient des mycéliums ressemblant à ceux des champignons inférieurs sans cloison ni anastomoses. Leur cycle est de type diplobiontique avec une phase de reproduction asexuée avec une dispersion assurée par des zoospores biflagellées caractéristiques des Heterokonta, 310 plasmode devenant un sporange protoplaste zoospores hyperplasie cellulaire sporange Figure 265 Cycle d Eurychasma dickinsoni. Le cycle connu est asexuel. L entrée dans une cellule d algue Phaeophyta conduit au développement d un plasmode qui provoque une hyperplasie de la cellule hôte. Celui-ci se différencie ensuite en sporange qui relargue des zoospores biflagellées hétérochontes typiques des Heterokonta.

320 kyste zoospore secondaire kyste zoospore primaire mycélium germination sporanges oogone méioses oospores oosphère fécondation anthéridie Figure 266 Cycle de Saprolegnia parasitica. Cette espèce présente un cycle typique des Oomycota supérieurs. Il existe une phase de reproduction asexuée où le mycélium différencie à l extrémité des hyphes des sporanges contenant des zoospores qui ont la flagellature typique des Heterokonta. La production des zoospores dépend de conditions environnementales variables en fonction des espèces. Ces zoospores peuvent s'enkyster et donner naissance soit directement à un mycélium soit à une zoospore secondaire de structure légèrement différente et qui donnera naissance après enkystement à un mycélium. Chez certains Oomycota un seul type de zoospores est observé. Comme chez la majorité des Oomycota, le mycélium hermaphrodite peut différencier des structures reproductives mâles et femelles. La méiose a lieu dans ces structures spécialisées. La structure mâle ou anthéridie est attirée par des hormones émises par la structure femelle ou oosphère contenant des oogones. Elle émet un tube germinatif qui assure la fécondation à l'intérieur de la structure femelle. Le zygote formé se développe en une oospore de grandes tailles ressemblant à des œufs. Généralement, les espèces sont homothalliques, exceptionnellement elles sont hétérothalliques. et une phase de reproduction sexuée dite oogame, car faisant intervenir un gamète femelle ressemblant à un œuf. Les sporophores qu ils fabriquent sont simples et jamais multicellulaires. L espèce type du groupe est Saprolegnia parasitica, un parasite de poissons, des amphibiens et des crustacés, important en aquaculture. Il a le cycle typique des Oomycota supérieurs (figure 265). Les particularités de ce cycle diplobiontique et la difficulté de culture et d'inactivation des gènes par délétion ont fait que l acquisition des connaissances sur les Oomycota n'a pas autant progressé que celle sur les Eumycota. De plus, les séquençages de génomes de plusieurs espèces montrent une capacité codante 311

321 supérieure à celle des Eumycota. Le génome d Oomycota typique semble contenir gènes répartis sur un génome mesurant 75 Mb, soit une capacité codante double de celle typique des Eumycota. Les membres de la famille des Pythiaceae de l ordre des Perenosporales présentent une caractéristique unique chez les eucaryotes car bien qu'ils soient incapables de fabriquer des stérols, ils n'en ont pas besoin dans le milieu pour leur croissance végétative ; cependant, ceux-ci sont requis pour la reproduction sexuée et la maturation de sporophores. Outre Saprolegnia parasitica, les Oomycota possèdent quelques membres qui sont des pathogènes majeurs, d'importance économique considérable. Phytophtora infestans s'attaque aux pommes de terre et aux tomates et a été la cause au siècle dernier durant l'été 1846 d'une famine en Irlande qui a tué un million de personnes et en a poussé à l'émigration 1,5 million d'autres. C est la dernière grande famine en Europe. Phytophtora infestans pousse dans les tiges et les feuilles mais s'attaque aussi aux tubercules. Dans des conditions ad hoc comme le climat tempéré européen lors d étés «pourris», il se développe rapidement. Il paraîtrait qu'une semaine a suffi pour la destruction complète de la production de pommes de terre durant la famine irlandaise. Cette espèce cause toujours des ravages! Plasmopara viticola est un parasite de la vigne. Il cause le «mildiou». Introduit accidentellement en Europe à la fin des années 1870 via des plants de vignes américains résistants à un puceron qui ravageait alors les vignes en France, il a détruit la quasi-totalité du vignoble français La découverte que le mélange de la chaux et de sulfate de cuivre est actif sur cet Oomycota a permis de développer le premier produit chimique contrôlant un parasite de plantes : la bouillie bordelaise. Il existe une vingtaine d'espèce appartenant à la lignée de Hyphochytridiomycota. Ils sont caractérisés par la perte du flagelle postérieur des Heterokonta car seul persiste le flagelle antérieur porteur des mastigonèmes. Cependant, le corps basal du deuxième flagelle est toujours présent. Ces organismes cosmopolites vivent en saprotrophes dans les sols ou les eaux et en associations mutualistes ou parasitaires. Par exemple, Hyphochytridium catenoides est commun dans les sols mais se trouve aussi associé avec 312 rhizoïdes oogone de l hôte zoospores Figure 267 Cycle de Rhizidiomyces apophysatus. Chez cette espèce, le «protoplasme» précurseur des zoospores est expulsé à l extérieur du sporange avant que les spores soient complètement matures.

322 zoospores auxosomes trophosome Figure 268 Cycle d un Pirsoniida. Après pénétration du frustule, le trophosome permet au Pirsoniida de phagocyter le contenu cellulaire de la diatomée. Le reste du corps cellulaire forme des auxosomes qui finissent par se différencier en zoospores assurant la dispersion. des spores d Oomycota ou des grains de pollen de conifères qu'il parasite. Rhizidiomyces apophysatus parasite lui les oogones d Oomycota. Le cycle asexuel de ces organismes ressemble à celui des Chrytridiomycota ou des Oomycota primitifs (figure 267). La zoospore se fixe et se différencie en kystes. Elle émet des rhizoïdes qui pénètrent l'hôte. A l'intérieur, un thalle peut se former et différencier différentes structures dont des sporanges, qui se développent en fonction des espèces de manière holocarpique, polycarpique monocentrique et polycarpique polycentrique. Jusqu'à présent la reproduction sexuée n'a pas été décrite. Les quelques espèces de Pirsoniida connues sont des parasites/prédateurs de diatomées. En effet, après avoir pénétré le frustule de leur hôte, ils en consomment le corps cellulaire par phagocytose de petits morceaux du «protoplasme», conduisant inévitablement à la mort de leur hôte/proie (figure 268). Ils se dispersent via des zoospores typiques des Heterokonta. Les phylogénies moléculaires les placent comme proches des Hyphochytridiomycota et, comme eux, ils sont dépourvus de plastes. Néanmoins, certaines phylogénies les placent, comme indiqué dans le figure 254, en tant que groupe frère des Ochrophyta photosynthétiques. La résolution de leur position phylogénétique, ainsi que la connaissance de la présence d une relique de plaste chez ces organismes permettrait de conclure sur l origine du plaste chez les Ochrophyta et donc probablement aussi chez les Haptophyta et Cryptophyta. En effet, si leur position comme groupe frère des Ochrophyta et l absence de plaste - ou d une trace génomique ou cytologique de leur présence dans le passé - se confirment, l origine unique de l endosymbiose chez les Ochrophyta, Haptophyta et Cryptophyta deviendra difficilement tenable! La dernière lignée des Heterokonta actuellement connue par d autres données que celles de la métagénomique est donc celle des Ochrophyta. La diversité des 313

323 organismes qui la composent, ainsi que leur importance dans les écosystèmes, prescrivent un traitement dans un chapitre séparé. Ochrophyta La lignée des Ochrophyta rassemble principalement des algues dites "brun-doré". Leurs plastes sont entourés de quatre membranes, dont la plus externe est en continuité avec celle du réticulum. Ils ont donc la même structure que chez les Haptophyta et les Cryptophyta. Cette structure indique qu ils sont le résultat d une véritable endosymbiose secondaire avec un Rhodophyta, telle que représentée sur la figure 38. Leurs couleurs dans les ton bruns, verdâtres, jaunâtres ou dorés sont conférées par les pigments photosynthétiques qui comprennent principalement de la chlorophylle a, de la chlorophylle c et des fucoxanthines. Leurs polymères de réserve sont des huiles comme la Khakista Bolidophyceae Bacillariophyta Hypogyrista Eustigmista Phagochrysia Marista Dictyochophyceae Pelagophyceae Pinguiophyceae Eustigmatophyceae Chrysophyta Leukarachnion Synchromophyceae Picophagea Raphidophyceae Actinophryida Xanthophyceae Aurearenophyceae Phaeothamniophyceae Chrysomerophyceae Phaeophyta Figure 269 Phylogenie des Ochrophyta. 314

324 315 1 µm Bolidomonas mediterranea Figure 270 Deux Bolidophyceae écaille siliceuse Triparma strigata (Parmales) leucosine ou des polysaccharides particuliers comme les laminarines ou les chrysolaminarines. Ces polysaccharides sont des β-1-3 et β-1-6 glucanes de petite taille, comprenant de 50 à 60 résidus glucoses. Ils sont stockés dans une vacuole à l'extérieur du plaste. Les Ochrophyta sont trouvées dans pratiquement tous les biotopes: eaux marines, eaux douces ou milieux terrestres humides. Certaines sont associées à des Eumycota pour former des lichens. De nombreuses espèces ont conservé la capacité à phagocyter des proies et se nourrissent donc par mixotrophie ; d'autres peuvent vivre par osmotrophie. Quelques lignées ont perdu secondairement leur capacité photosynthétique et ont donc retrouvé une alimentation exclusivement phagotrophe. Les thalles peuvent être unicellulaires ou pluricellulaires. La lignée des Phaeophyta a même inventé une pluricellularité complexe. Leur taille peut varier de quelques microns chez les unicellulaires, à des dimensions impressionnantes de plusieurs dizaines de mètres de longs comme chez les sargasses. Les algues Ochrophyta sont d'importants producteurs primaires à la base de la chaîne alimentaire. Ils composent une grande partie du phytoplancton et de la couverture d'algues le long des côtes. La classification des Ochrophyta a été complètement bouleversée par l arrivée des phylogénies moléculaires qui ont montré que des regroupements traditionnels étaient artificiels et que d autres, pourtant surprenants comme la présence dans ce groupe d organismes exclusivement phagotrophes, étaient réels. La figure 269 ne présente que les principales lignées, car le travail d analyse des différentes espèces est loin d être terminé. La lignée monophylétique des Khakista qui diverge en premier contient la classe des Bolidophyceae et la superclasse des Bacillariophyta (figure 269). La classe des Bolidophyceae contient deux ordres, Bolidomonales et Parmales. N ont été décrites pour l instant que deux espèces de Bolidomonales. Toutes les deux appartiennent au genre Bolidomonas. Ces algues sur lesquelles peu de choses sont connues ont la structure typique des flagellés Heterokonta (figure 270). De très petite taille, elles sont dépourvues des écailles siliceuses qui protègent les algues de l ordre des Parmales (figure 270), dont il existe une quinzaine d espèces. Ces algues sont en effet recouvertes de cinq à huit plaques silicatées qui ne sont pas sans rapeller la coque siliceuse, ou frustule, qui protège les algues Bacillariophyta. Ces dernières sont plus connues sous le nom commun de

325 Thalassiosira pseudonana (Coscinodiscophyceae) Eunotogramma weissei (Mediophyceae) frustule 10 µm Diatoma vulgaris (Fragilariophyceae) frustule raphé Rhopalodia gibba (Bacillariophyceae) Phaeodactylum tricornutum (Bacillariophyceae) Pseudostaurosira trainorii (Fragilariophyceae) Figure 271 Quelques Bacillariophyta. diatomées. Il en existe plus de espèces décrites. Toutefois, certains phycologues suggèrent que leur diversité est bien plus grande et qu'il en existerait plus d'un million! Bien qu unicellulaires ou formant des colonies simples, leur taille varie sur trois ordres de grandeur (de 2 µm à 2 mm), soit presque autant que les plantes terrestres! Elles sont ubiquitaires dans les eaux douces et dans les sols humides. Plusieurs espèces vivent associées avec les mousses ou en tant que symbiotes. Mais c est dans les océans qu elles sont particulièrement répandues. Les diatomées de petite taille sont présentes surtout au printemps et en automne alors que les diatomées géantes sont abondantes toute l année. Dans les mers froides, elles composent une large part du phytoplancton et on estime que, via leur photosynthèse, elles fixent à elles seules entre 25% et 50% du carbone total sur terre! C'est probablement le groupe majeur du phytoplancton marin eucaryote représentant environ 50% de sa biomasse. Par leur quantité, les diatomées participent non seulement au cycle du carbone, mais aussi au cycle géochimique du silicium. Certaines espèces des mers chaudes vivent en symbiose avec des bactéries et des cyanobactéries fixatrices d'azote. Ces symbioses sont alors d importants acteurs du cycle de l azote. Les stratégies qui expliquent leur succès sont variées. Comme elles possèdent une large vacuole qui représente environ 40% de leur volume, elles peuvent stocker des nitrates et des phosphates. Elles sont donc capables de passer plusieurs générations sans apport de 316

326 auxospore formation du frustule gonflement spermatozoïdes méioses fécondation dégénération de 3 noyaux divisons cellulaires asymétriques spermatogonies mitose méiose mitose Figure 272 Cycle de Thalassiosira weissflogii. Les divisions mitotiques inégales aboutissent à une réduction progressive de la taille cellulaire. Lorsque celle-ci atteint un tiers de la taille initiale, Thalassiosira weissflogii entre dans un cycle de reproduction sexuée. Les cellules femelles font la méiose qui est suivie de la dégénération de trois des quatre noyaux haploïdes. Les cellules mâles font deux divisions mitotiques, une dans le frustule et l autre en dehors du frustule après sont ouverture. Les spermatogonies ainsi obtenues font la méiose et les spermatozoïdes uniflagellés vont glisser vers les gamètes femelles pour les féconder. Pour ceci, le spermatozoïde penètre à l intérieur du frustule du gamète femelle. Le zygote obtenu gonfle, ce qui provoque sa sortie du frustule et se différencie en auxospore qui va reformer le frustule, l épithèque en premier, l hypothèque en second. nutriments et peuvent vivre dans des milieux où les apports de nutriments sont irréguliers. Elles épuisent rapidement le milieu pour prévenir la compétition d autres algues. Enfin, elles sécrètent des aldéhydes qui arrêtent le développement de leurs prédateurs principaux qui sont généralement des crustacés microscopiques ou des Ciliophora. La forme trophique des diatomées est dépourvue de flagelle et elle est protégée par une structure siliceuse appelée frustule (figure 271). Le frustule est composée de silicate Si(OH) 4 cristallisé associé à des protéines et des polyamines. Les diatomées sont absolument dépendantes de la présence de silice soluble pour leur croissance. En effet, après division, la cellule doit régénérer une moitié de frustule. Celui-ci ressemble à une boite de Pétri composée de deux parties, le fond étant appelé hypothèque et le couvercle épithèque. Au cours de la division chaque cellule fille emporte une moitié de frustule. L autre moitié est fabriquée dans une vésicule dérivant du Golgi avant d être exportée par 317

327 318 Figure 273 Phylogénie des Bacillariophyta. Coscinodiscophyceae «centriques radiales» Mediophyceae «centriques polaires» Fragilariophyceae «pennées sans raphé» Bacillariophyceae «pennées avec raphé» une exocytose. Les modalités de division font que les cellules qui reçoivent l'hypothèque deviennent de plus en plus petites, alors que celles qui reçoivent l épithèque ne changent pas de taille (figure 272). Lorsqu'elles atteignent 30% de leur taille initiale, elles s engagent dans la reproduction sexuée qui va permettre de regagner une taille maximale (figure 272). Le cycle complet peut s étaler sur plusieurs années. Néanmoins, certaines espèces semblent ne pas avoir besoin de ce type de régénération de leur taille et paraissent pouvoir conserver une taille définie au cours des divisions mitotiques. Les frustules présentent une extraordinaire variété de formes, caractéristique pour chaque espèce. Ils permettent de distinguer deux groupes: les diatomées centriques avec un thalle ayant une symétrie radiale et les diatomées pennées avec une symétrie bilatérale (figure 271). Les résultats obtenus par les phylogénies moléculaires sont contradictoires mais tendent à indiquer que les diatomées centriques forment une radiation évolutive d où émerge le groupe monophylétique des diatomées pennées (figure 273). Celles-ci sont subdivisées en deux groupes selon qu elles possèdent ou non un raphé, qui est une ouverture longitudinale au Coscinodiscophyceae Au sens large Figure 274 Fécondation chez les diatomées pennées. En haut, Pseudostaurosira trainorii, une diatomée sans raphé et en bas chez une Bacillariophyceae avec raphé. milieu d une ou des deux valves du frustule (figure 271). Le raphé permet d excréter un mucilage adhésif, ce qui va aider un mouvement de glissement de la cellule sur son

328 substrat. Les diatomées sans raphé forment aussi une radiation évolutive d où émerge le groupe monophylétique des diatomées possédant un raphé (figure 273). Dans ce schéma évolutif, seules les diatomées pennées avec raphé forment un groupe monophylétique qui est actuellement défini comme la classe des Bacillariophyceae. Bien que paraphylétiques, les lignées des diatomées centriques et pennées sans raphé sont aussi actuellement considérées comme des classes, respectivement celles des Coscinodiscophyceae au sens large et des Fragilariophyceae (figure 272). Parfois la classe des Coscinodiscophyceae est restreinte aux espèces ayant une symétrie autour d un seul axe, dites radiales, et celles ayant des symétries autour de plusieurs axes, dites polaires, sont ségrégées dans la classe des Mediophyceae. Ainsi définies, les deux classes sont paraphylétiques (figure 273). Il va sans dire qu une révision majeure de la classification de Bacillaryophyta va probablement se produire prochainement Les espèces modèles sont Thalassiosira pseudonana, une diatomée centrique radiale et Phaedactylum tricornuntum, une Bacillariophyceae (figure 271). Les différentes structures du frustules sont corrélées à des modalités de fécondation différentes. Chez les diatomées centriques, la reproduction sexuée met en jeu des gamètes mâles et femelles (figure 271). Le gamète mâle possède un flagelle antérieur porteur de mastigonèmes avec lequel il glisse sur le substrat plutôt qu il ne nage. Ces gamètes ont donc perdu le second flagelle lisse typique des Heterokonta. Notez que le flagelle antérieur ne possède pas le doublet central de microtubule usuellement présent dans l axonème, suggérant que ce flagelle est aussi en cours de disparition. Chez la diatomée pennée sans raphé, Pseudostaurosira trainorii, des gamètes mâles atypiques sont différenciés (figure 274). Ceux-ci présentent une, deux ou trois extensions cytoplasmiques très fines, dépourvues de mastigonèmes et sous-tendues par des microtubules. Ces extensions ne battent pas comme un flagelle, mais présentent des mouvements de type amiboïdes. Elles s attachent aux gamètes femelles et participent au mouvement du spermatozoïde vers leurs partenaires sexuels. Chez les Bacillariophyceae, la fécondation fait intervenir deux gamètes identiques dépourvus de flagelle (figure 274). Notez que ces diatomées sont capables de se mouvoir grâce aux exsudats émergeant du raphé. Les diatomées ont de nombreuses applications dans les activités humaines. Les espèces vivantes servent de contrôle pour la qualité des eaux car chaque espèce présente des nécessités particulières à sa croissance (ph, concentrations salines, azote dissout, température etc.). Ce sont néanmoins les espèces fossiles qui sont les plus utilisées. En effet, la déposition abondante de leurs frustules au cours du temps a permis la formation de couches relativement pures de "terre à diatomées" ou diatomite. Ce matériel est utilisé comme adjuvant de nombreuses préparations: détergents, abrasifs pour polissage, produits pour enlever les peintures, décolorants, désodorisants ou engrais. Elles servent aussi de filtres, en particulier pour certaines expériences de purification en chimie organique, entrent dans la composition de produits antibruit ou de peintures 319

329 pseudopode squelette forme sans squelette Dictyocha speculum (Dictyochophyceae) 10 µm Apedinella spinifera (Pedinellales) Florenciella parvula (Dictyochophyceae) Rhizochromulina marina (Rhizochromulinales) Ciliophrys infusionum (Pedinellales) Figure 275 Diversité des Dictyochophyceae. luminescentes. Plus récemment, elles ont été introduites comme insecticides car leurs frustules siliceux perforent la couche de cire qui protège les 5 µm insectes de la déshydratation. Environ Pelagomonas calceolata tonnes de Aureococcus anophagefferens diatomite sont extraites chaque année pour une forme mobile valeur d environ 150 millions d euros. La lignée des Hypogyrista qui semble 5 mm forme coloniale 10 µm diverger après celle de Chrysocystis fragilis Khakista contient aussi Figure 276 Quelques Pelagophyceae. deux classes, celles des Dictyochophyceae et des Pelagophyceae. Il existe plus d une centaine d'espèces de Dictyochophyceae (figure 269) qui présentent des morphologies et des biologies très différentes, même si toutes sont unicellulaires. Certaines, comme Florenciella parvula ont la morphologie typique des Heterokonta et sont exclusivement photosynthétiques, alors 320

330 que les espèces de l ordre des Dictyochales sont aussi photosynthétiques mais sont caractérisées par une morphologie variable. Elles peuvent adopter une forme amiboïde avec un squelette siliceux interne et un seul flagelle porteur de mastigonèmes (figure 275). Elles ont aussi un stade uninucléé avec les deux flagelles des Heterokonta ; cependant le flagelle postérieur sans mastigonème est visible seulement au microscope électronique. Elles ont aussi un stade multinucléé de plus grande taille car atteignant près d un demi millimètre. Une partie des Dictyochophyceae sont mixotrophes comme certaines espèces de l ordre des Pedinellales, les autres Pedinellales, comme Ciliophrys infusionum, et les Rhizochromulinales, comme Rhizochromulina marina, se nourrissant 10 µm Figure 277 Chlorobotrys regularis, une algue Eustigmatophyceae. turales ont montré la présence d une relique d un plaste chez les espèces non-photosynthétiques, prouvant qu elles dérivent d espèces photosynthétiques, et les phylogénies indiquent qu elles sont apparues indépendamment au moins deux fois au cours de l évolution. Ces organismes sont moins fréquents que les diatomées, mais ils ont une répartition cosmopolite, ce qui fait qu'ils sont assez communs. On connaît peu de chose sur ces organismes très fragiles. En particulier, la reproduction sexuée n'a pas été décrite. Par contre, il existe de nombreux fossiles de Dictyochales qui sont exclusivement par phagotrophie. Les premières sont des amoeboflagellés héliozoaires alors que les secondes sont des amibes à petits pseudopodes (figure 275). Les analyses ultrastruc Figure 278 Glossomastix sp., une algue Pinguiophyceae. utiles aux paléontologues. Ils sont connus sous le nom de Silicoflagellata. Il existe une quinzaine d'espèces de Pelagophyceae. Ce sont des algues unicellulaires souvent de très petite taille, restant parfois groupées en petites colonies (figure 276). Certaines espèces, dont Aureococcus anophagefferens, pullulent parfois dans les estuaires ; la concentration en cellule peut atteindre 10 milliards de cellules par litre! Il semble qu'elles sécrètent des toxines, provoquant en particulier la mort des zostères, ainsi que celles des organismes qui vivent dans les prairies de ces plantes marines comme les poissons, les mollusques et autres invertébrés. 321

331 1 µm Picophagus flagellatus (Picophagea) 20 µm Synchroma grande (Synchromophyceae) Leukarachnion sp. Chlamydomyxa labyrinthuloides Figure 279 Quelques Phagochrysia. La lignée des Eustigmista qui apparemment diverge ensuite contiendrait aussi deux classes, Eustigmatophyceae et Pinguiophyceae (figure 269). La douzaine d espèces connues d Eustigmatophyceae sont unicellulaires, protégées par une paroi cellulosique et dépourvues de flagelles durant la phase trophique (figure 277). Leurs pigments photosynthétiques, qui ne contiennent pas de chlorophylle c, leur confèrent une couleur verte. Certaines espèces différencient des zoospores. Celles-ci ont en fonction de l espèce un ou deux flagelles et possèdent le plus souvent un ocelle rouge orangé bien visible. Ces algues sont marines, dulçaquicoles ou terrestres. La classe des Pinguiophyceae renferme 5 espèces. Ce sont des algues unicellulaires marines. Les formes trophiques sont sans flagelle (figure 278), sauf chez une espèce ; deux espèces différencient des zoospores munies Figure 280 Structure des plastes chez les Synchromophyceae. Les multiples plastes partagent les deux membranes les plus externes (n 1 et 2), tout en conservant de manière autonome les deux membranes les plus internes (n 3 et 4). 322

332 1 cm Oikomonas sp. (Chrysophyceae) Ochromonas verrucosa (Chrysophyceae) Dinobryon sociale (Chrysophyceae) 10 µm zoospores 10 µm Synura petersenii (Synurophyceae) Mallomonas caudata (Synurophyceae) Hydrurus foetidus (Chrysophyceae) Figure 281 Diversité des Chrysophyta. d un seul flagelle sans mastigonème. Elles sont surtout connues pour leur richesse en omega 3. Notez que les phylogénies moléculaires n ont pas encore clairement déterminées la topologie de branchement des quatre classes précédentes et que leur position est peut-être appelée à changer. Le restant des Ochrophyta semble former un ensemble monophylétique (figure 269), qui se divise en deux lignées, Phagochrysia et Marista. Les Phagochrysia regroupent trois lignées principales : Picophagea, Synchromophyceae et Chrysophyta, ainsi qu un ensemble d espèces, comme les Leukarachnion, dont la position taxonomique n est pas encore finalisée officiellement. La classe des Picophagea, qui diverge en premier, contient actuellement une seule espèce Picophagus flagellatus, un petit flagellé phagotrophe possédant un appareil flagellaire typique des Heterokonta (figure 279). La classe suivante, celle des Synchromophyceae, contient quatre espèces d algues ayant des plastes avec une structure atypique (figure 280). Ces algues ont des morphologies amiboïdes et sont protégées par des loricas. Elles sont apparentées à plusieurs espèces d amibes mixotrophes, c est-à-dire phagotrophes et photosynthétiques, comme Chlamydomyxa labyrinthuloides, ou exclusivement phagotrophes comme Leukarachnion batrachospermi (figure 279). Pour l instant, ces organismes ne sont pas inclus dans la classe des Synchromophyceae et leurs plastes ne montrent pas la structure atypique montrée figure 280. La super-classe des Chrysophyta se subdivise pour le moment en deux classes : Chrysophyceae et Synurophyceae. Avec plus de 600 espèces, Les Chrysophyceae sont les plus nombreuses. Ce sont des algues d'eaux douces le plus souvent unicellulaires, mais il existe quelques espèces coloniales, filamenteuses ou avec un thalle plus complexe (figure 323

333 281). La plupart sont photosynthétiques mais quelques-unes sont dépourvues de plastes, comme Oikomonas sp. qui diverge à la base des Chrysophyta, ou possèdent des leucoplastes sans pigment photosynthétique. Elles semblent néanmoins toutes avoir la possibilité de se nourrir par phagotrophie et certaines sont des prédateurs efficaces. Dans certains lacs, elles forment une bonne partie des producteurs primaires et sont donc à la base de la chaîne alimentaire. La plupart possèdent les deux flagelles caractéristiques des Heterokonta, au moins pendant leur phase Figure 282 Stomatocyste de Chrysophyceae. de dispersion. Cependant, Oikomonas, un phagotrophe bactérivore, ne possèdent plus que le flagelle antérieur porteur de mastigonèmes (figure 281). Ceux-ci sont bipartites et non tripartites. Quelques espèces sont protégées par une lorica, comme chez les Dinobryon, ou des écailles siliceuses. La sexualité est mal connue ; les Chrysophyceae semblent posséder un cycle haplobiontique. Elles sont capables de différencier des kystes 10 µm de résistance silicatés, appelés stomatocystes, qui ont laissé de Chattonella marina Vacuolaria virescens nombreuses traces fossiles (figure 282). Les Figure 283 Deux espèces de Raphidophyceae. premiers stomatocystes sont apparus il y a 110 millions d années dans les sédiments marins et il y a environ 50 millions d années dans les sédiments dulçaquicoles. Il existe environ 300 espèces de Synurophyceae. Ces algues partagent les mêmes caractéristiques biologiques que les Chrysophyceae, incluant la possibilité de différencier des stomatocystes, et sont souvent regroupées dans la même classe. Elles sont recouvertes d écailles siliceuses, une caractéristique aussi présentée par 324

334 Vacuole digestive Actinophrys sol 50 µm Actinosphaerium eichhornii Figure 284 Deux espèces d Actinophryida. quelques espèces de Chrysophyceae. Elles n'ont cependant pas de chlorophylles c2 contrairement aux Chrysophyceae. Elles ont toutes perdu la capacité à phagocyter des proies. De plus, leurs plastes et leurs flagelles possèdent une ultrastructure différente. Notez que certaines de ces algues ont des morphologies qui rappellent celles de Chlorophyta, exhibant ainsi une évolution convergente (figure 281). En particulier les Synura rappellent beaucoup les Eudorina. Comme chez les Chrysophyceae, le cycle sexuel est mal connu. La lignée des Marista contient sept taxons d importances inégales. La classe des Raphidophyceae contient une quarantaine d espèces (figure 283). Ces algues unicellulaires de grande taille sont caractérisées par la présence d'organes appelés mucocystes impliqués dans la capture des proies ou la défense contre les prédateurs. Ce sont des vésicules qui secrètent un mucus lorsqu elles sont stimulées. Elles possèdent les deux flagelles typiques de Heterokonta et sont dépourvues de paroi protectrice. On les rencontre en eaux douces plutôt acides et marines. Les phylogénies moléculaires montrent que des héliozoaires semblent apparentés aux Raphidophyceae. En effet, elles 325 Figure 285 Disposition des microtubules dans les axopodes d Actinophrys sol.

335 326 zoospore asexuelle sporange Botrydium granulatum Figure 286 Quelques Xanthophyceae. placent les Actinophryida comme leur classe sœur. Aussi appelée Nucleohelea, cette lignée regroupe quelques espèces d'héliozoaires (figure 284). Ce sont des phagotrophes de grande taille, très voraces car capables d'avaler des grosses proies comme des petits crustacés. Ils sont communs dans les eaux douces. Un seul noyau est présent au centre de la cellule et la zone externe du cytoplasme est truffée de vacuoles qui interviennent dans la gestion de l'eau. Leurs actinopodes sont soutenus par un ensemble de microtubules arrangées en doubles-spirales, ce qui les différencie des autres héliozoaires (figure 285). Ils se divisent par fission binaire et sont capables, lorsque les conditions ne sont pas bonnes, de se différencier en kystes entourés d une paroi avec plusieurs couches et des excroissances. La reproduction sexuée se fait par autogamie, c'est à dire que la cellule mère fait la méiose et finit par produire 2 gamètes qui fusionnent pour redonner le zygote diploïde. Environ 600 espèces appartiennent à la classe des 0.5 mm forme mobile anthéridie Aurearena cruciata Giraudyopsis stellifera (Chrysomerophyceae) Vaucheria sp. oogone spermatozoïdes 20 µm 10 µm Chloridella simplex Tribonema sp. Pleurochloridella pyrenoidosus (Phaeothamniophyceae) Phaeothamnion confervicola (Phaeothamniophyceae) Figure 287 Aurearenophyceae, Phaethamniophyceae et Chrysomerophyceae.

336 Xanthophyceae. Ce sont des algues principalement d'eau douce, mais quelques espèces vivent dans les sols humides, sur les arbres ou dans la mer. Quelques-unes vivent associées avec des champignons pour former des lichens présents dans la zone intertidale. La plupart sont rares, hormis les espèces des genres Tribonema et Vaucheria qui semblent cosmopolites. Elles se présentent sous plusieurs formes : flagellée unicellulaire, 50 µm coloniale dans une matrice gélatineuse, sous forme d'amibes vivant sur ou dans des plantes, Figure 288 Schizocladia ischiensis. ou encore sous forme coenocytique comme Botrydium granulatum ou les Vaucheria (figure 286). Elles n'ont pas de fucoxanthines mais de la chlorophylle a avec un peu de chlorophylle c et d'autres pigments comme la violathanine, la vaucherioxanthine ou l heteroxanthine, ce qui leur confère une couleur vert/jaunâtre, très similaire à celle de certaines algues Viridiplantae. Elles possèdent des silicates dans leur paroi. De manière intéressante, certaines espèces sont capables de différencier des kystes dont la paroi est composée comme celle des diatomées de deux flotteur 5 mm 2 cm Dictyota stolonifera Sargassum vulgare fronde 50 cm 5 cm tige Macrocystis pirifera crampon Laminaria saccharina Figure 289 Diversité des Phaeophyceae. 327

337 moitiés dont une s'encastre dans l'autre. La reproduction sexuée est connue pour quelques espèces et se fait via des gamètes de tailles différentes. Chez les Vaucheria, des spermatozoïdes sont différenciés dans des anthéridies en forme de crochet (figure 286). Ils ont la structure biflagellée héterochonte typique. Le gamète femelle est une grosse cellule appelée oogone. La fécondation est suivie de la différenciation du thalle. Le cycle est donc diplobiontique. Cependant, dans la majorité des cas, la reproduction se fait par voie asexuée, incluant la fragmentation des filaments ou la génération de spores. Chez les Vaucheria, le sporange situé à l apex d un filament différencie une seule zoospore se déplaçant à l aide de multiples flagelles (figure 286). La classe des Aurearenophyceae contient actuellement une seule espèce décrite officiellement, Aurearena cruciata (figure 287). Cette algue unicellulaire vit dans les eaux côtières des plages sableuses. Elle adopte une forme sessile dépourvue de flagelle ou une forme biflagellée possédant l appareil flagellaire typique des Heterokonta. Cette espèce est parfois regroupée avec les Phaeothamniophyceae, dans l ordre monospécifique des Aurearenales. La classe des Phaeothamniophyceae regroupe une trentaine d espèces unicellulaires ou formant des colonies simples (figure 287) et celle des Chrysomerophyceae six espèces (figure 287). Ces algues diffèrent entre elles et des autres algues dans les détails de l ultrastructure de la base du flagelle, la présence d un ocelle et celle de mastigonèmes. La super-classe des Phaeophyta est actuellement divisée en deux classes. Celle des Schizocladiophyceae ne renferme qu une seule espèce : Schizocladia ischiensis. Cette algue marine différencie un thalle simple composé de filaments branchés (figure 288). Sa dispersion est assurée par des zoospores possédant les deux flagelles typiques des Heterokonta. Les phylogénies moléculaires la place comme groupe frère des Phaeophyceae ou algues brunes. Cette classe importante numériquement et écologiquement comprend plus de espèces. 328 cortex à cellules isodiamétriques cortex à cellules allongées canal conducteur plasmodesmes Figure 290 Tissus conducteurs chez les Phaeophyceae. En haut, coupe d'une fronde d'ascoseira mirabilis montrant le canal conducteur central. En bas, plasmodesmes chez Dictyota dichotoma.

338 sporange pluriloculaire zoospores méiose zygote fécondation sporange uniloculaire mitoses gamète gamète zoospores Figure 291 Cycle d'ectocarpus silicosus. Le cycle est haplodiplobiontique. Les thalles diploïdes différencient deux types de sporanges: les sporanges pluriloculaires, où des zoospores impliquées dans la dissémination asexuelle sont produites, et des sporanges uniloculaires, où ont lieu les méioses. Des sporanges uniloculaires matures émergent des zoospores haploïdes qui germent pour donner naissances à des thalles haploïdes ou gamétophytes, soit mâles soit femelles. Ceux-ci produisent des gamètes dans des sporanges pluriloculaires. Les gamètes femelles sont dans un premier temps indistinguables des gamètes mâles. Toutefois, ils nagent moins longtemps, se fixent sur le substrat et émettent des phéromones sexuelles qui attirent les gamètes mâles. La fécondation conduit à des zygotes qui redonnent des thalles diploïdes ou sporophytes. Ce sont des algues uniquement pluricellulaires et en très grande majorité marines. Certaines espèces peuvent atteindre les tailles respectables de 60 m. Les formes simples sont formées de petits filaments branchés et ressemblent à Schizocladia ischiensi, alors que les formes plus évoluées ont inventé une pluricellularité complexe et différencient des structures telles que des tiges, des vésicules de flottaison remplies d'air 329

339 ou des crampons qui servent à les ancrer sur le substrat (figure 289). La croissance se fait généralement grâce à des divisions cellulaires localisées à l apex du thalle. Néanmoins, la croissance peut être intercalaire chez certaines espèces. La mitose est particulière car la membrane nucléaire ne disparaît que vers la fin de l'anaphase ; la mitose est donc dite semi-close. Les divisions cellulaires peuvent se produire dans toutes les directions générant des tissus assez épais. Les espèces des ordres Laminariales et Desmarestiales présentent des cellules allongées qui servent de tissus vasculaires ressemblant à ceux des plantes supérieures, en particulier il peut exister des plasmodesmes entre les cellules (figure 290). Cette invention semble récente car les fossiles possédant de tels tissus ne datent que de quelques millions d'années. Notez que les premiers fossiles d'algues brunes dateraient de -500 Ma environ. Les cellules sont protégées par une paroi composée de cellulose, d alginates et de polysaccharides sulfatés. La reproduction est soit asexuelle soit sexuelle et fait le plus souvent intervenir des cellules biflagellées caractéristiques des Heterokonta. La reproduction asexuelle peut aussi se faire via la fragmentation des thalles chez de nombreuses espèces. Les cellules flagellées sont souvent produites dans des sporanges et dans le cas de la reproduction sexuée servent de gamètes mâles. Il existe de nombreuses variations dans le cycle de vie de ces algues. Elles sont le plus souvent haplo-diplobiontiques avec donc une alternance de générations haploïdes et diploïdes plus ou moins semblables. C est le cas d Ectocarpus fécondation zygote gamètes gamètes méiose + mitose oogone mitoses anthéridies méioses conceptacle Figure 292 Cycle de Fucus vesiculosus. Chez cette algue, le cycle est diplobiontique. Sur le thalle diploïde, des conceptacles se forment. A l'intérieur des gamètes femelles sont différenciés à partir d'oogones et des gamètes mâles à partir d'anthéridies. La fécondation redonne des zygotes diploïdes qui vont germer pour donner naissance à de nouveaux thalles. 330

340 silicosus, l espèce type qui sert de modèle de laboratoire (figure 291). Fucus vesiculosus possède au contraire un cycle diplobiontique (figure 292). Les Phaeophyceae constituent les espèces majoritaires de nombreux biotopes marins côtiers (figure 293), même si elles sont moins répandues dans les régions tropicales. Notez que quelques espèces ne sont pas fixées au substrat Figure 293 Zone intertidale colonisée par des algues brunes et plus particulièrement Fucus vesiculosus. et sont donc pélagiques. C'est le cas par exemple dans la mer des Sargasses où des espèces du genre Sargassum forment un vaste assemblage d'algues, générant ainsi un biotope particulier, où de nombreuses espèces d'animaux prospèrent. Une légende dit que la vision de ces sargasses a encouragé Christophe Colomb à poursuivre son voyage vers les Indes... Quelques algues brunes sont utilisées par l'homme pour son alimentation, en particulier en extrême orient. Les laminaires par exemples servent à la fabrication du Kombu au Japon. D autres servent d'engrais ou, sous forme de cendres, pour l apport d'iode, de soude ou d ions sodium et potassium. Le varech ou goémon est constitué en grande partie de ces algues. Enfin, Les laminaires et autres algues apparentées servent à la production d'alginate, un gel colloïdal utilisé dans l'industrie agroalimentaire comme la production de glaces ou comme agent émulsifiant dans la production de latex (voir Table 12). Alveolata Les Alveolata ont été définis clairement grâce aux phylogénies moléculaires. Elles indiquent aussi qu ils sont apparentés aux Heterokonta et aux Rhizaria dans une lignée appelée provisoirement SAR ou Harosa (figure 215). Ils ont pour caractéristiques communes d'avoir des vésicules sous-membranaires positionnées juste sous leur membrane plasmique et formant des sortes d'alvéoles (figure 294). Leurs mitochondries ont des crêtes tubulaires. Les alvéoles ont permis l'évolution d attributs spécifiques à chaque lignée évolutive. Notez que les Glaucophyta possèdent aussi des alvéoles qui sont probablement apparues par convergence évolutive. 331

341 complexe sousmembranaire Figure 294 Alveoles sous-membranaires chez les Alveolata. Les alvéoles sont associés à un complexe protéique sous-membranaire et un réseau de microtubules chez les Apicomplexa. Elles sont associté à une couche fibreuse appelée couche épiplasmique chez les Ciliophora et les Dinoflagellata. 332 membrane plasmique Apicomplexa alvéoles microtubules sous-pelliculaires couche épiplasmique Ciliophora & Dinoflagellata Les phylogénies moléculaires distinguent 3 groupes principaux, Ciliophora, Apicomplexa et Dinoflagellata, ayant chacun suivi un processus évolutif très particulier (figure 295). A ces trois groupes s ajoutent quelques lignées minoritaires. Notez que les analyses du picoplancton marin montrent que deux autres groupes encore non étudiés d'alveolata existent. Ces deux groupes semblent être les composants majeurs du picoplancton. Leur biologie nous est encore complètement inconnue. Si la présence au cours de l'évolution d'un plaste chez les Ciliophora est actuellement en discussion, ceux-ci sont clairement présents dans les deux autres groupes majeurs. Ils sont fonctionnels chez la plupart des Dinoflagellata et ont subi une évolution complexe avec des remplacements multiples. Ils ont régressés chez les Apicomplexa, jusqu'au point de disparaître complètement chez certaines Ciliophora espèces. Des régressions Colponemidia indépendantes ont aussi été Acavomonidia identifiées chez d autres Chrompodellida Alveolata, ce qui laisse en suspens la raison de leur Apicomplexa absence chez les Ciliophora. Myzozoa Perkinsea Selon certains biologistes, ces Dinozoa Ellobiopsea organismes en ont toujours Dinoflagellata été dépourvus et le plaste est issu d une endosymbiose Figure 295 Phylogénie des Alveolata. secondaire ou d une kleptoplastie qui s est produite dans l ancêtre des Myzozoa (voir figure 40). Les membres prédateurs de cette lignée sont actuellement capables de myzocytose, ce qui renforce cette hypothèse. Dans ce cadre, le plaste, bien qu issu aussi d un Rhodophyta, aurait une origine différente de celui des Heterokonta/Haptophyta/Cryptophyta. Une autre partie des biologistes soutient une origine commune aux plastes des Alveolata et des ceux des Heterokonta/Haptophyta/Cryptophyta. Cette hypothèse mets en jeu des scénarios plus

342 complexes d évolution. Ce plaste aurait été perdu chez les Ciliophora. Il aurait été conservé dans la lignée menant aux Apicomplexa, chez qui il comporte quatre membranes. Il aurait été perdu et remplacé de manière récurrente chez les Dinoflagellata. Le groupe d Alveolata qui diverge en premier est l embranchement des Ciliophora. Leur origine est ancienne car des thèques fossiles de Ciliophora datent de Ma. L embranchement comprend environ 7000 espèces de phagotrophes unicellulaires qui occupent de nombreuses 333 kystes micronoyaux kystes ingestion macronoyaux 20 µm cytostome dispersion vacuole digestive vacuole pulsatile cytoprocte désenkystement divisions trophozoïtes Figure 296 Structure et cycle de Balantidium coli. Cette espèce a un cycle de vie simple. La forme trophique ciliée, ayant la structure cellulaire typique des Ciliophora, vit dans l'intestin et se nourrit du contenu intestinal et de cellules de l'intestin, dans lequel elle produit des lésions. L'attaque de la muqueuse intestinale provoque des dysenteries rarement fatales. Des kystes résistants et infectieux permettent la survie dans l environnement et se transmettent par des aliments souillés. Son réservoir est le porc. niches écologiques. Il existe des formes planctoniques et benthiques, de mer ou d'eau douce ; d autres vivent dans les sols humides, les mousses, etc. Quelques espèces vivent avec divers symbiotes, algues et bactéries. Les algues leur apportent des matières carbonées et Les bactéries des toxines «killers» qui tuent les individus qui ne les hébergent pas. Quelques espèces sont des parasites, d'autres sont commensales et vivent dans l'intestin de divers mammifères herbivores. Une espèce, Balantidium coli, parasite occasionnelle l homme (figure 296). Quelques espèces, comme Ichthyophthirius multifiliis, sont des parasites de poissons et peuvent faire des ravages importants dans les piscicultures ou les aquariums. Dans la nature, les Ciliophora constituent souvent le deuxième maillon de la chaîne alimentaire dans les écosystèmes. Ils se nourrissent de bactéries, d'algues ou d'autres protozoaires qu'ils ingèrent par leur bouche cellulaire ou cytostome. Des expériences ont clairement montré que leur présence permet de maintenir à un bas niveau la quantité de bactéries présentes dans de nombreux

343 micronoyau avant vacuole pulsatile vacuole digestive mitose et formation du macronoyau caryogamie échange des noyaux mitose cytostome mitose du micronoyau dégénération de 3 noyaux haploïdes cytoprocte partition du macronoyau division transversale méiose conjugaison (plasmogamie) disparition du macronoyau macronoyau 25 µm arrière Figure 297 Structure et cycle de Paramecium caudatum. Chez cette espèce, il n y a qu un seul micronoyau et un seul macronoyau ; la cellule montre la structure cellulaire typique des Ciliophora. Elle se divise par fission transversale après une mitose du micronoyau et la partition en deux du macronoyau. Au cours de la reproduction sexuée, deux cellules compatibles s'accolent et créent un pont cytoplasmique. Leurs macronoyaux disparaissent. Les micronoyaux font la méiose et trois des quatre noyaux haploïdes dégénèrent. Le noyau restant fait une mitose et un exemplaire reste dans son cytoplasme et le second migre dans le cytoplasme de la cellule partenaire. Les noyaux haploïdes fusionnent ; le processus aboutit donc à deux cellules qui ont exactement la même information génétique dans le noyau zygotique diploïde mais qui possèdent des cytoplasmes différents. A la fin de la reproduction sexuée, après la mitose du noyau zygotique, un nouveau macronoyau se reforme à partir d un des deux micronoyaux diploïdes. Chez certaines espèces homothalliques, le processus se produit avec un seul partenaire et les deux noyaux issus de la mitose postméiotique fusionnent ; on appelle ce processus l'autogamie. biotopes, car ils consomment jusqu'à 90% des bactéries et des algues. Au laboratoire, il est possible de cultiver les espèces du genre Tetrahymena sur des milieux simples avec des nutriments en solution, alors que les paramécies réclament des bactéries vivantes et que les stentors ont besoin des petits Ciliophora qui sont eux-mêmes bactérivores... Notez que les séquences des génomes macronucléaires de Paramecium tetraurelia et Tetrahymena thermophila n ont pas identifié de gènes fonctionnant typiquement dans les plastes, suggérant que si ces organismes ont eu un plaste, il n a pas laissé de traces génomiques. La plupart des Ciliophora sont de grande taille ; Stentor mesure jusqu'à 2 mm. Les Ciliophora sont très complexes avec des morphologies définies et très variées en fonction de l'espèce. Chaque cellule constitue un véritable «petit animal» avec un appareil locomoteur, des systèmes de détection de l environnement et un appareil digestif comprenant une bouche, un estomac intracellulaire et un appareil pour excréter les déchets ou cytoprocte (figure 296 et 297). Ils sont polarisés avec la présence d'un avant et d'un arrière. Toutefois, les deux principales caractéristiques des Ciliophora sont la présence d'une ciliature complexe et importante qui leur a donné leur nom et surtout la présence de deux types de noyaux différents appelés micronoyaux et macronoyaux. La 334

344 Encadré 21 Les Ciliophora montrent de nombreux phénomènes d hérédité non conventionnelle. Un premier mécanisme épigénétique intervient dans la fabrication du macronoyau à partir du micronoyau. Le dimorphisme micronoyau/macronoyau représente une particularité unique aux Ciliophora. Le micronoyau a une structure typique de noyau d'eucaryote. Par contre le macronoyau contient de courtes molécules d'adn linéaire qui dérivent des chromosomes du micronoyau par fragmentation (1) et élimination de séquences internes dites séquences IES (2). Ensuite, des télomères sont ajoutés (3). Ceuxci peuvent l'être à des endroits précis chez certaines espèces ou en différents endroits comme chez les paramécies générant une micro- et une macro-hétérogénéité (3). En parallèle, les chromosomes macronucléaires sont amplifiés (3 et 4), pour aboutir à une ploïdie d'environ Il n'existe pas de mécanismes évidents pour ségréger les chromosomes mais ceux-ci ne sont probablement pas distribués aléatoirement dans les deux macronoyaux qui dérivent de la fission du macronoyau initial. micronoyau IES IES IES IES IES IES 1 2 IES IES IES IES 3 4 macronoyau L'étendue des modifications dépend de l'espèce. Par exemple, chez Paramecium tetraurelia, les chromosomes macronucléaires font environ 300 kb alors que chez Oxytrichia trifallax et Oxytricha nova, la fragmentation se poursuit jusqu'au point qu'un chromosome macronucléaire ne contient plus qu un seul gène! Il a été estimé que chez Oxytricha nova pas moins de IES sont éliminées durant le processus ; «seulement» le sont chez Paramecium tetraurelia. De plus, chez les Oxytricha, les différentes parties des gènes sont souvent codées dans le désordre dans le génome du micronoyau. Elles sont remises dans l'ordre approprié pour restaurer un cadre de lecture correct dans le macronoyau au cours de l'élimination des séquences internes. Par exemple, la copie micronucléaire du gène de l'actine I chez Oxytricha nova contient 9 morceaux à recoller dont l'ordre est le suivant : , le n 2 étant dans l'orientation inverse des autres! micronoyau macronoyau Comment des modifications aussi complexes peuvent se produire au cours de la maturation du macronoyau? En fait, le macronoyau laisse une information au cours de sa désintégration sous forme de molécules d ARN transcrites à partir du génome macronucléaire. Ceux-ci vont servir de guide pour modifier correctement l ADN. L injection d ADN ayant des structures modifiées dans le macronoyau d une cellule résulte 335

345 dans la transmission de la modification dans les macronoyaux des cellules filles au moment de la méiose, montrant que ce phénomène est non spécifique. Ce phénomène est général et il est possible en injectant différentes régions d'obtenir des cooptations alternatives de télomères ou des délétions internes qui s'héritent ensuite maternellement! Dans l affaire le génome du micronoyau reste inchangé. Les Ciliophora utilisent naturellement ce système pour exprimer de manière épigénétique certaines propriétés, comme les antigènes que les paramécies présentent à leur surface. Le type sexuel chez Paramecium tetraurelia fait aussi partie des propriétés biologiques contrôlées par ce système d hérédité non conventionnelle : le type sexuel O est caractérisé par l excision au cours de la formation du macronoyau du promoteur du gène mta qui code une protéine transmembranaire. Cette protéine n est donc pas exprimée. Dans les cellules où il n est pas excisé, la protéine est exprimée et les cellules sont de type sexuel E. Outre le dimorphisme nucléaire, les Ciliophora sont caractérisés par une structure cellulaire complexe façonnée principalement par le cytosquelette. Ceci conduit à une héritabilité des structures cytosquelettiques, dite cytotaxis. L exemple le plus connu est l inversion de l orientation des cils chez les paramécies. En effet, chez ces organismes, les cils sont disposés en rangées régulières et chaque cil possède une orientation définie par rapport à celle de la cellule. Des cils orientés en sens inverses peuvent être greffés d une cellule à une autre en les manipulant au cours de la conjugaison. forme normale forme «twisty» rangée ciliaire inversée corps basal racine ciliaire ruban de microtubules position du nouveau corps basal Ces cils inversés conduisent à l établissement de rangées de cils inversés sur tout le corps de la paramécie. Les paramécies ayant des rangés de cils inversés ont une nage caractéristique et il est donc possible de suivre facilement ce phénotype au cours des divisions. L inversion des cils se conservent sur plus de 800 générations mitotiques. Au cours de la conjugaison, le caractère s hérite maternellement comme attendu pour une cytotaxis. Remarquez qu aucun moment les génomes des micro- et macronoyaux ont été modifiés. Un autre exemple de ce type d hérédité est le «doublet de paramécie». Celui-ci est obtenu lorsque la fission cellulaire est retardée après la fin de la conjugaison, un phénomène naturellement spontané et rare mais inductible au laboratoire. Une fois établi, ce doublet peut se maintenir au cours des divisions. Encore une fois, il n'y a pas de modification de la séquence primaire d'adn à l'origine du doublet mais simplement une hérédité de sa structure. 336

346 Postciliodesmatophora Karyorelictea Heterotrichea Protocruzia Litostomatea Armophorea Spirotrichea Colpodea Intramacronucleata Nassophorea Phyllopharyngea Prostomatea Plagiopylea Oligohymenophorea Figure 298 Phylogénie des Ciliophora. ciliature permet des mouvements rapides et facilite la capture de proies. Les micronoyaux sont diploïdes et servent uniquement à la transmission de l'information au cours de la reproduction. Ils sont transcriptionnellement inactifs. Ils possèdent des chromosomes ayant une structure usuelle pour les eucaryotes. Ils se divisent par des mitoses classiques. Les macronoyaux portent des chromosomes fragmentés et sont transcriptionnellement actifs. S ils se divisent, c est par un processus de partition des molécules d'adn qui n'est pas une mitose. Les micronoyaux forment donc une lignée de noyaux germinaux spécifiquement dévolus à la reproduction alors que les macronoyaux miment une lignée somatique et assurent l expression du matériel génétique. Les macronoyaux disparaissent soit à la division cellulaire soit au moment de la reproduction sexuée. Ils sont resynthétisés à partir de micronoyaux par modifications du matériel génétique, selon des modalités qui font appel à des informations épigénétiques (Encadré 21). Notez qu'en fonction des espèces, il y a un ou plusieurs micronoyau(x) et un ou plusieurs macronoyau(x) par cellule. Cette biologie particulière des noyaux s est accompagnée de modifications du code génétique nucléaire dans des proportions plus grandes que chez les autres organismes chez qui il a été modifié. Par exemple, UAA et UAG code pour la glutamine au lieu de stop chez Tetrahymena, les paramécies et les stylonichies. UAA code pour l acide glutamique chez les vorticelles. Le plus surprenant est trouvé chez les euplotes, car UGA code pour la cystéine ou pour la sélénocystéine. L acide aminé qui est inséré dépend de signaux présents dans l ARN messager, les deux acides aminés pouvant 337

347 être insérés via des codons UGA distincts dans le même messager! Les Ciliophora se divisent par fission transversale (figure 297). Leur polarisation implique donc des mécanismes morphogénétiques complexes car la partie avant doit régénérer un arrière et réciproquement. Une partie des processus morphogénétiques s'hérite de manière non mendélienne (Encadré 21). Certaines espèces sont capables de se différencier en kyste lorsque les conditions sont défavorables et de «dormir» pendant plusieurs mois. Le cycles sexuel a été décrit chez de nombreuses espèces et suit des modalités qui sont propres aux Ciliophora (figure 297). Souvent il existe des systèmes de types sexuels qui interviennent dans les compatibilités entre cellules. Ceux-ci s héritent aussi parfois de manière épigénétique (Encadré 21). La reproduction sexuée est nécessaire à la survie des clones de nombreux Ciliophora. En effet, la vie d'un clone est divisée en trois phases qui peuvent durer jusqu'à plusieurs centaines de divisions. Juste après la conjugaison, il y a une première période d'immaturité pendant laquelle les cellules se divisent vigoureusement mais ne peuvent pas conjuguer. Après, s'établit une phase de maturité où les cellules se divisent vigoureusement et peuvent conjuguer. Enfin, arrive une phase de sénescence où la croissance ralentie et les cellules finissent par mourir à moins qu'elles ne conjuguent ou fassent une autogamie. La première phase est contrôlée par la production d'une protéine appelée "immaturine". Le passage de l'immaturité à la maturité est contrôlé par des processus de répression/activation génique encore inconnu. La phase de sénescence semble contrôlée par des modifications du macronoyau car l'injection de macronoyaux issus de cellules jeunes dans des cellules plus âgées prolonge significativement la vie de celles-ci. Longtemps basée sur la morphologie, la structure de la ciliature et autres caractères ultrastructuraux, la classification des Ciliophora a été améliorée par les données des séquences d ADN. Les phylogénies moléculaires définissent actuellement deux sousembranchements (figure 298). Le sous-embranchement des Postciliodesmatophora contient deux classes, Karyorelictea et Heterotrichea, dont les membres présentent des caractéristiques qui semblent plus primitives que celles des autres Ciliophora. Les membres des deux classes présentent des structures communes au niveau de l environnement des corps basaux, en particulier la présence d un ruban de microtubules spécifiques accolés au corps basal appelé «postciliodesmatum», confirmant les résultats des phylogénies moléculaires. Il existe environ 130 espèces de Karyorelictea qui vivent principalement dans les sédiments côtiers ; seul le genre Loxodes contient des espèces dulçaquicoles (figure 299). Le caractère le plus remarquable des membres de cette classe est le macronoyau qui ne se divise pas et qui a une ploïdie réduite ; dans certains cas il semble même rester diploïde. Les macronoyaux sont ségrégés au hasard au cours des divisions et finissent par dégénérer. Ils doivent donc être constamment produits à partir des micronoyaux. Ces Ciliophora ne peuvent pas se cultiver au laboratoire. Certains peuvent atteindre de très grande taille, parfois près d un demi-centimètre. Ils ont colonisé de nombreux milieux marins et dulçaquicoles. Il existe plusieurs centaines espèces 338

348 Loxodes striatus (Karyorelictea) 50 µm Geleia sinica (Karyorelictea) Blepharisma japonica (Heterotrichea) Stentor coeruleus (Heterotrichea) Figure 299 Quelques Postciliodesmatophora. d Heterotrichea (figure 299). Ce sont aussi généralement des Ciliophora de grande taille caractérisés par une division du macronoyau à l aide de microtubules situés à l extérieur du noyau. Leur nom dérive du fait qu ils ont des cils longs participant à la formation d une membrane 5 µm «paraorale» autour du cytostome, et des cils de plus petite taille sur le reste du corps cellulaire. Leur corps est très déformable ; les stentors peuvent par exemple se rétracter sous forme sphérique. Certains ont de belles couleurs rouges ou bleues. Le deuxième sous-embranchement, celui des Intramacronucleata, regroupe la vaste majorité des Ciliophora. Tous les membres sont caractérisés par la présence des microtubules à l intérieur du macronoyau lors de sa division. Le sous-embranchement est constitué de trois classes majeures et de sept lignées de Figure 300 Protocruzia contrax. moindre importance. Ces lignées sont différenciées essentiellement sur la structure de la ciliature et sont généralement confirmées par les données de séquences. Néanmoins des convergences au niveau de l arrangement des cils ou de la structure des corps basaux ont été identifiées, rendant les phylogénies 339

349 moléculaires importantes pour l obtention d une vraie classification phylogénétique. Une première lignée, contenant un seul genre Protocruzia et quelques espèces, semble diverger en premier. Cependant, les phylogénies moléculaires fournissent des données contradictoires quant à sa position exacte dans l arbre de Ciliophora et ce genre pourrait éventuellement appartenir au sous-embranchement des Postciliodesmatophora. Ce sont des organismes marins et benthiques (figure 300) dont le comportement macronucléaire est différent de celui des Lacrymaria olor (Listostomatae) 50 µm Litonotus sp. (Listostomatae) Mesodinium pulex (Listostomatae) Figure 301 Diversité des Listostomae et des Armophorea. Metopus sp. (Armophorea) autres Intramacronucleata, confirmant qu il pourrait être basal au groupe comme indiqué sur la figure 298. En effet, ils ont un seul micronoyau entouré d une dizaine de macronoyaux. Ces derniers se divisent par un processus qui ressemble à une vraie mitose avec condensation des chromosomes et une séparation de type anaphase. La classe majeure des Intramacronucleata qui semble diverger en premier est celle des Listostomatae (figure 298). Elle contient plusieurs centaines espèces dont certaines vivent Stylonychia lemnae cirrhres 20 µm Euplotes sp. lorica Strombidinopsis sp. Tintinnopsis beroidea Figure 302 Diversité des Spirotrichea. 340

350 libres et d autres en symbiotes commensaux, parasite ou mutualistes de l intestin de vertébrés. Balantidium coli (figure 296) appartient à cette classe. Certaines espèces semblent avoir un régime alimentaire particulier impliquant une kleptoplastie (voir Encadré 7). D autres sont très voraces et consomment des flagellés, des ciliés, voire des petits animaux. Les tailles varient d une trentaine de micron à près de 2 mm et les formes de ces Ciliophora sont très diverses (figure 301). La classe des Armophorea est apparentée à celle des Listostomatae (figure 298). Elle regroupe quelques centaines d espèces de Ciliophora anaérobies, dont les mitochondries ont évolué en hydrogénosomes. Ils prospèrent dans les sédiments marins ou d eau douce, la colonne d eau des lacs anoxiques ou bien en symbiotes dans l intestin d animaux divers dont les ruminants. Certains d entre eux hébergent des bactéries méthanogènes. Ils se nourrissent de bactéries et excrètent de l acétate et du propionate, qui peut, chez les espèces symbiotiques, être consommés par l hôte. La plupart des espèces ont la capacité de différencier des kystes pour assurer leur survie ou leur transmission. Ils ont une taille moyenne pour les Ciliophora, c est-à-dire autour de 100 µm (figure 301). Les formes adoptées sont très variables : ovoïdes, allongées, en forme de casques La deuxième classe importante qui diverge ensuite est celle des Spirotrichea (figure 298). Forte de quelques milliers d espèces, cette classe est très diverse avec peu de caractères qui rapprochent les différents membres (figure 302). En particulier la morphologie est très variable et les tailles varient de 5 µm à 1 mm, même si la plupart des membres font entre 100 et 200 µm. Une partie des espèces vit protégée dans une lorica. Le génome du macronoyau est souvent extrêmement fragmenté, une caractéristique qu ils partagent avec les Phyllopharyngea et les Armophorea, mais qui semble avoir été acquise par évolution convergente dans les trois classes. La zone autour du cytostome présente généralement des structures ressemblant à la membrane paraorale des Heterotrichea, une caractéristique aussi acquise par évolution convergente. La ciliature est souvent éparse et les cils peuvent être regroupés en cirrhes. Certains des «ciliés» les plus connus comme les 341 Chidonella uncinata (Phyllopharyngea) Saprodinium dentatum (Plagiopylea) Pseudomicrothorax dubius (Nassophorea) 10 µm Coleps hirtus (Prostomatea) Colpoda aspera (Colpodea) Figure 303 Diversité des Colpodea, Nassophorea, Phyllopharyngea, Prostomatea et Plagiopylea.

351 euplotes et les stylonichies appartiennent à cette classe (figure 302). Les cinq classes suivantes, Colpodea, Nassophorea, Phyllopharyngea, Prostomatea et Plagiopylea, contiennent chacune de quelques dizaines à quelques centaines d espèces (figure 303). Les caractères partagés à l intérieur de chacune des classes, qui ont été formées le plus souvent par les phylogénies moléculaires, sont peu nombreux et essentiellement ultrastructuraux. Les Colpodea sont connus pour leur capacité à former des kystes leur permettant d envahir les milieux qui se dessèchent fréquemment. C est à cette classe qu appartient Sorogena stoianovitchae, une espèce qui a évolué une multicellularité aggrégative (figure 304). Les Plagyopilea sont microaérophiles ou anaérobie et ont comme les Armophorea des hydrogénosomes. Ils habitent les mêmes biotopes que les Armophorea. Certains Phyllopharyngea, les membres de Acineta flava 20 µm la sous-classe Dendrocometes sp. des Suctoria, ont des morphologies très particulières, étant totalement dépourvu de cils pendant la phase trophique (figures 305) ; les autres membres de la classe ont des morphologies plus canoniques et vivent libres ou en commensaux d animaux invertébrés. Ces Ciliophora étonnants qui vivent fixés sur de nombreux animaux aquatiques, différencient néanmoins une forme ciliée pour se déplacer (figure 305). 342 divisions agrégation cellule végétative ciliée germination sorocystes (spores) kyste sporulation fabrication d une gaine muqueuse Figure 304 Cycle de Sorogena stoianovitchae. Lors d une carence, les cellules ciliées diminuent en taille et s allongent. Elles s agrègent et secrète un mucus. Elles se transforment en sprorocystes tout en s élevant au sommet d un petit piedestal. Les cellules ciliées ont aussi la possibilité de se différencier en kystes. Figure 305 Dimorphisme des Suctoria. A gauche, la forme trophique sans cil et à droite la forme de dispersion ciliée.

352 La dernière classe de Ciliophora, celle des Oligohymenophorea, est la plus importante en nombre d espèces, car elle en compte plusieurs milliers. Les membres présentent une diversité de formes (figure 306) et de biologies avec des espèces libres, marines ou dulçaquicoles, des espèces fixées sur le substrat de manière isolée comme les Vorticella ou groupées en colonies simples comme les Zoothamnium, des parasites comme Ophryoglena hemophaga qui parasite les moules ou Ichthyophthirius multifiliis les poissons, etc. Les tailles varient de 10 µm à plus de trois millimètres! Beaucoup d espèces changent de forme si elles sont carencées ou pour les espèces parasites au moment de se disperser. Leur nom vient du faible nombre de cils présents autour du cytostome, un caractère largement partagé au sein de la classe. Beaucoup d espèces connues de «ciliés» appartiennent à ce groupe comme les vorticelles ou les modèles de laboratoire Paramecium tetraurelia et Tetrahymena thermophila. Le reste des Alveolata connus semble former un ensemble monophylétique. Cependant, les positions phylogénétiques des Colponemidia et des Acavomonidia telles qu indiquées sur la figure 295 ne sont pas complètement assurées. Ces deux embranchements ne comportent que quelques espèces chacun. Les Colponemidia sont des petits flagellés phagotrophes qui présentent un sillon ventral par lequel ils se nourrissent (figure 307). Ces organismes retiennent donc les mêmes caractéristiques primitives que celles des Sulcozoa et des Excavata (voir pages 135 & 253), confirmant leur Paramecium bursaria 20 µm Zoothamnium pelagicum Tetrahymena thermophila Vorticella convallaria Figure 306 Diversité des Oligohymenophora. 343

353 position basale dans l arbre des Alveolata. Les Acavomonidia sont aussi des flagellés phagotrophes, mais sont dépourvus du sillon ventral (figure 307). Comme pour les Ciliophora, aucune preuve de la sillon ventral Colponema vientamica (Colponemidia) 10 µm Figure 307 Colponemidia et Acavomonidia. Acavomonas peruviana (Acavomonadidia) présence d un plaste au cours de l histoire évolutive de ces deux groupes d organismes n a pu être mise en évidence. Ils ne sont pas capables de myzocytose ni ne possèdent la structure apicale qui participe à ce processus, contrairement aux Myzozoa, l ensemble qui regroupe les Apicomplexa, Dinoflagellata et groupes mineurs apparentés (figure 295). De même, leur génome mitochondrial ne présente pas l extrême simplification présente chez les Myzozoa. Le super-embranchement des Myzozoa regroupe donc deux groupes principaux, les Dinoflagellata et les Apicomplexa, qui ont fortement dérivé par rapport au type ancestral. Il semble que leur ancêtre aient acquis la capacité de faire des myzocytoses via l acquisition d un complexe apical (figures 308) qui ressemble au cytopharynx des Katablepharida (figure 248). Ce complexe a ensuite été utilisé chez les Apicomplexa pour s introduire dans les cellules, rendant ce groupe des parasites intracellulaires d autres eucaryotes. Chez les Dinoflagellata, il aurait été utilisé avant de régresser pour procéder de manière répétitive au changement du plaste. En effet, la plupart des Myzozoa ont des plastes. Celui des Apicomplexa a perdu sa capacité photosynthétique, mais reste fonctionnel chez certaines espèces d algues apparentées, les Chromerida. Chez les Apicomplexa et les Chromerida, le plaste est entouré de quatre membranes, un argument avancé pour soutenir une origine commune aux plastes chez les Hacrobia, Heterokonta et flagelle microtubule intraconoïdale fibre du conoïde anneaux polaires microtubule intraconoïdale fibres de transition micronème fibres radicellaires Chromera velia Chrompodellida (pseudoconoïde) roptries microtubules souspelliculaires Toxoplasma gondii - Apicomplexa (conoïde) roptrie Perkinsus marinus Perkinsea Figure 308 Appareil apical chez trois Myzozoa. 344

354 plaste forme nageuse plastes forme coccoïde Chromera velia 10 µm forme nageuse Colpodella perforans autospores Vitrella brassicaformis formes coccoïdes sporange avec opercule Figure 309 Diversité des Chrompodellida. Alveolata. Au contraire, chez les Dinoflagellata, les plastes ont des origines variées (voir pages 67-69) et sont entourés de deux, trois ou cinq membranes! Toutefois, aucun n est entouré de quatre membranes, ce qui questionne la présence d un plaste ayant une origine unique chez les Myzozoa Un autre caractère partagé de ces organismes est l extrême simplification de la capacité codante du génome mitochondrial des Myzozoa : il ne code au plus que pour trois protéines, le cytochrome b et les sous-unités 1 et 3 de l oxydase du cytochrome, et les deux ARN ribosomaux. La première lignée monophylétique de Myzozoa regroupe les Chrompodellida et les Apicomplexa (figure 295). Les Chrompodellida forment une lignée monophylétique de petits flagellés phagotrophes ainsi que deux algues possédant un plaste entouré de quatre membranes et contenant de la chlorophylle a, de la violaxanthine et des β carotènes (figure 309). Des analyses transcriptomiques montrent chez une espèce phagotrophe, Voromonas pontica, la présence de transcrits de gènes fonctionnant dans les plastes, indiquant que les espèces non-photosynthétiques ont probablement perdu leurs plastes. Les phylogénies moléculaires suggèrent des pertes récurrentes des plastes au sein du groupe. Les deux algues sont des endosymbiotes de coraux et ont une forme trophique sans flagelle et une forme zoosporique biflagellée ; Vitrella brassicaformis est en plus capable de différencier des autospores enfermées dans un sporange (figure 309). Les espèces phagotrophes comme les Colpodella se nourrissent par myzocytose d autres protozoaires en utilisant leur appareil apical, qui est appelé pseudoconoïde car ne formant 345

355 Paragregarea pas un cone grégarines Orthogregarinia complet. Ils ont la Cryptogregaria Conoidasida possibilité de Histogregaria différencier des Gregarinomorphea Coelotrophia Coccidia coccidies kystes. Une des algues, Chromera velia, possède un Aconoidia pseudoconoïde, Aconoidasida Hematozoa Haemosporidia alors que l autre, Figure 310 Phylogénie des Apicomplexa. Vitrella brassicaformis, en semble dépourvu. Chromera velia n est cependant pas connue comme capable de phagocytose. Les deux espèces sont des endosymbiotes de coraux. L embranchement des Apicomplexa forment un groupe d'environ espèces qui sont toutes des parasites intracellulaires d'autres eucaryotes. Cependant, les estimations suggèrent que c est le groupe d eucaryotes pour lequel le nombre d espèce restant à décrire est le plus grand, puisque des estimations suggèrent qu il en existerait plus de 5 millions. C'est dans ce groupe d'organismes que se trouvent les mucrons parasites de l'homme les plus dévastateurs (Table 13), comme les Plasmodium responsables de la malaria ou paludisme (Encadré 22), Toxoplasma gondii responsable de la toxoplasmose et les Cryptosporidium responsables de cryptosporidioses affectant les malades du SIDA. Les animaux ne sont pas mieux lotis avec les coccidies comme les Emeria et les Theileria qui déciment les troupeaux en Afrique, les Babesia qui infectent le bétail et les poules ou encore les grégarines qui affectent les insectes. Ils sont caractérisés principalement par la présence d'un appareil apical complexe composé de microtubules et d'organelles spécialisées et qui leur a donné leur nom (figure 308). Il sert à leur attachement et à leur pénétration dans 346 Veloxidium leptosynaptae Lankesteria cystodytae 25 µm Selenidium serpulae Figure 311 Diversité des Paragregarea. Selenidium serpulae parasite l annélide Serpula vermicularis, Veloxidium leptosynaptae parasite le cocombre de mer Leptosynapta clarki, Lankesteria cystodytae l ascidie Cystodytes lobatus.

356 la cellule hôte. Il est associé au moins pendant une partie du cycle de vie à un conoïde, la structure à base de tubuline qui semble être la trace de l appareil impliqué dans la myzocytose chez leurs ancêtres. Ils n'ont pas de dispositifs de locomotion apparents pendant la plus grande partie de leur cycle mais sont néanmoins capables de mouvements rapides. Toutefois, les microgamètes mâles chez les Plasmodium ont un flagelle qui leur assure une mobilité vers le gamète femelle. La plupart des espèces ont un vestige d un plaste entouré de quatre membranes, appelé apicoplaste. Cependant les Cryptosporidium semblent l avoir complètement perdu et n en garde aucune trace même dans leur génome nucléaire. Les Cryptosporidium ont aussi perdu complètement leur génome mitochondrial et n ont plus qu un mitosome ; les autres Apicomplexa ont le génome mitochondrial typique des Myzozoa codant trois protéines et deux ARN ribosomaux. Table 13 : principales parasitoses humaines causées par les Apicomplexa maladie espèce vecteur symptômes incidence ou prévalence Plasmodium cas/an avec falciparum Malaria ou moustiques du fièvres et anémies > décès, dont Plasmodium vivax Paludisme genre Anopheles hémolytiques 90% sont dus à Plasmodium ovale Plasmodium falciparum. Plasmodium malariae toxoplasmose cryptosporidiose babesiose (piroplasmose) cyclosporose isosporose Toxoplasma gondii aliments mal cuits, excréments de chats Cryptosporium parvum Cryptosporium hominis eaux contaminées Babesia spp. Cyclospora cayetanensis Isospora belli tiques aliments et eaux contaminés aliments et eaux contaminées syndrome grippal avec douleurs musculaires. Mortel chez les immunodéficients. Malformations fœtales. diarrhées sévères, douleurs abdominales avec inflammation du pancréas fièvres et anémies hémolytiques diarrhées sévères, douleurs abdominales et musculaires diarrhées et crampes intestinales cas de toxoplasmose congénitale/an ; de 20 à 90% de la population séropositive en fonction des pays. De 1 à 30% de porteurs en fonction des pays ; de 20 à 95% de la population séropositive. Maladie émergente ; 40 cas depuis 1957 en Europe ; 5% de séropositifs dans les régions côtières du nordest des Etats-Unis. Maladie émergente ; 3% des diarrhées au retour de voyages ; 8% des malades du SIDA au Venezuela. Maladie rare ; 1-5% des malades du SIDA en Californie. 347

357 348 protomérite deutomérite épimérite Cephaloidophora communis septum 10 µm vacuole Trichotokara nothriae Figure 312 Diversité des Orthogregarea. Cephaloidophora communis parasite les barnacles du genre Balanus et Trichotokara nothriae l annélide Nothria conchylega. Les extensions sur le protomérite de Trichotokara nothriae ne sont pas des flagelles. La phylogénie de ces organismes est loin d être terminée, d autant plus que la majorité des espèces reste à découvrir, et les données des séquences des gènes ont apporté de nombreuses modifications à la classification traditionnelle (figure 310). Classiquement, les Apicomplexa sont scindés en deux classes Aconoidasida et Conoidasida. Les Aconoidasida sont caractérisés par le fait que le conoïde n est présent qu à certaines étapes du cycle de vie, alors qu il est présent à la plupart des étapes chez les Conoidasida. Cette dernière classe semble paraphylétique avec les Aconoidasida formant probablement une lignée monophylétique. Les ex-sous-classes traditionnelles Coccidia et Gregarinasina, coccidies et grégarines en langage vernaculaire, sont très probablement polyphylétiques. Les grégarines sont des parasites extracellulaires de grande taille habitant des cavités internes d invertébrés : intestins, cœlomes, appareils reproducteurs Il en est décrit près de espèces. Traditionnellement, elles étaient réparties en trois ordres : les Archigregarinorida infectant les invertébrés marins, les Neogregarinorida s attaquant uniquement aux invertébrés terrestres et les Eugregarinorida, les plus nombreuses, ayant un spectre large et parasitant des invertébrés marins, dulçaquicoles ou terrestres. Les phylogénies montrent que les deux derniers ordres ne sont probablement pas Figure 313 Développement typique des monophylétiques et la figure 310 propose leur division en deux lignées : Paragregarea et Orthogregarinia. Les grégarines divergent à la trophozoïtes de grégarines. Après fixation sur les cellules de l hôte, les grégarines pompent des nutriments, souvent par myzocytose chez les «archigrégarines», à travers la membrane base de l arbre évolutif des Apicomplexa. Les chez les autres espèces. coccidies sont des parasites intracellulaires de petite taille infectant les animaux ; plusieurs milliers d espèces en ont

358 oocystes sporogenèse sporozoïte méioses et mitoses trophozoïte oocystes syzygie fécondation gamontes schizogonie et gamétogenèse divisions des noyaux Figure 314 Cycle de la grégarine Monocystis agilis. Cette espèce vit dans les vésicules séminales des lombrics. Le cycle commence par l'ingestion d'un oocyste par un lombric et le relargage des sporozoites. Les sporozoïtes mobiles traversent la barrière intestinale et vont coloniser les vésicules séminales, où se différencient les spermatozoïdes, en passant par le réseau sanguin. Dans les vésicules, les sporozoïtes se transforment en trophozoïtes qui accroissent considérablement leur taille en se nourrissant à partir des spermatocytes de leur hôte. Lorsqu ils sont matures, ils s associent par deux, selon un processus appelé syzygie qui est le prélude à la reproduction sexuée. La syzygie est suivie d un enkystement des deux cellules pour former deux gamontes et de divisions nucléaires sans cytokinèse. Les deux cellules finissent par faire une schizogonie - qui porte le nom de mérogonie chez les Apicomplexa. La fécondation a lieu dans l oocyste et donnent naissance à des zygotes qui font immédiatement la méiose. Les méioses sont suivies de mitoses et de la différenciation des cellules haploïdes en sporozoïtes. Les oocystes matures sortent du vers par le pore génital et attendent d être ingérés par un nouveau ver. Il est aussi possible qu ils soient transmis au cours de l accouplement. 349

359 été décrites. Une partie de ces organismes a maintenant été séparée dans des sous-classes indépendantes, restreignant les Coccidia à un ensemble défini de parasites apparentés aux Aconodasida (figure 310). Les données les plus récentes suggèrent donc un découpage des Apicomplexa en deux classes : Paragregarea et Gregarinomorphea. La première contient uniquement des grégarines, alors que la seconde contient des gregarines, les coccides et les Aconoidasida. Les Paragregarea (figure 311) regroupent la plupart des anciennes Achigregaronida et certaines Eugregarinorida. Ces organismes vivent dans l intestin ou la cavité coelomique d invertébrés marins (mollusques, annélides, nermertes, échinodermes ) ou terrestres (millipèdes). Les grégarines appartenant aux Gregarinomorphea sont regroupées au sein de la sous-classe des Orthogregarinia (figure 312). Elles ont des hôtes variés, marins, dulçaquicoles ou terrestres. Toutes les grégarines sont caractérisées par la présence au pôle antérieur de la cellule d un appareil apical appelé épimérite s il est séparé du reste du corps cellulaire par une «cloison» délimitant un compartiment cellulaire sans noyau, et mucron s il est continu avec les reste du corps cellulaire (figures 311 et 312). Il est toujours présent chez les Archigregaronida, chez lesquelles il permet l attachement à l hôte et participe à la nutrition qui se fait par myzocytose (figure 313), mais n est présent que pendant le stade sporozoïte chez les autres grégarines. Certaines espèces, particulièrement celles classées parmi les «ex» archigrégarines, semblent avoir complètement perdu le plaste, alors qu un vestige de celui-ci est présent chez les autres grégarines. La plupart des espèces possèdent un cycle sexuel (figure 314) et quelques espèces ont la possibilité de faire des multiplications asexuelles par schizogonie. Elles n ont besoin que d un seul hôte pour compléter leur 350 fusion incomplète ligne dense (épimérite) forme libre «vésicule parasitophore» forme fixée bande dense Figure 315 Structure des trophozoïtes de Cryptosporidium. Les trophozoïtes sont nichés dans une «vésicule parasitophore» que l on a longtemps pensé dériver de la cellule hôte. L obtention de la même structure dans les formes libres obtenues dans des biofilm remet en question l origine de la vésicule. En effet, la structure est compatible avec une dérivation à partir de la membrane de Cryptosporidium et fusion, comme observé chez les Labyrinthula (figure 259).

360 cycle. La sous-classe des Cryptogregaria ne contient actuellement qu un seul genre, Cryptosporidium. Ces organismes sont des parasites de l intestin des vertébrés terrestres comme les amphibiens, les oiseaux ou les mammifères. Cryptosporidium parvum et Cryptosporidium hominis sont des parasites fréquents qui infectent l'être humain (Table 13). Si Cryptosporidium hominis est exclusif de l'homme, Cryptosporidium parvum est capable d'infecter d'autres mammifères. Les deux espèces causent chez l homme sain des diarrhées. Chez les sujets immunodéprimés, ils persistent et entraînent la mort. Ces parasites ont subi une évolution réductrice très importante car leurs mitochondries ont évolué en mitosomes et leurs plastes ont complètement disparu. Les Cryptosporidium ont microgamètes microgamonte kyste à paroi épaisse méiose mérozoïtes II fécondation macrogamonte kyste à paroi mince méronte II «gamonte» géant désenkystement «gamonte» mérozoïtes I méronte I syzygy sporozoïte trophozoïte Figure 316 Cycle des Cryptosporidium. Le cycle commence par l ingestion de kystes contenant quatre cellules issues d une méiose. Leur désenkystement libère les sporozoïtes qui se transforment en trophozoïtes qui peuvent ou non se fixer sur les cellules de l intestin. Ceux-ci s associent par deux et font la syzygie. Ils infectent de nouvelles cellules pour donner naissance à des premiers mérontes dit de type I qui se transforment après schizogonie en mérozoïtes de type I. Ceux-ci infectent à leur tour de nouvelles cellules et se transforment en mérontes de type II, puis après schizogonie de nouveaux en mérozoïtes de type II. Ces derniers infectent de nouvelles cellules et se transforment soit en macrogamontes soit en microgamontes contenant 16 spermatozoïdes. La fécondation se produit et le zygote se transforme en kyste dans lequel a lieu la méiose. Les kystes ont deux types de paroi. Pour 80% d entre eux la paroi est épaisse et pour 20% elle est mince. Ces derniers kystes peuvent probablement éclore dans l intestin du malade, provoquant une autoinfestation. En plus de ces différents stades, les Cryptosporidium peuvent différencier des cellules géantes dites gamontes et gamontes géants à l extérieur des cellules. Leur origine n est pas claire, mais ils proviennent probablement des trophozoïtes. 351

361 longtemps été classés avec les coccidies car il semblait qu ils possédaient une phase intracellulaire particulière dite «épiplasmique» : le parasite restait sous la membrane plasmique sans pénétrer dans le cytoplasme. Cette localisation n est plus considérée comme correcte, car il semble que les Cryptosporidium sont capables de différencier une structure membranaire particulière qui protège la cellule et prend l aspect d une vésicule parasitophore lorsque la cellule est ou non apposée à celle de son hôte (figure 315). En accord avec cette proposition de structure du parasite, les phylogénies moléculaires placent clairement les Cryptogregaria avec les grégarines, des parasites essentiellement extracellulaires. Le cycle des Cryptosporidium est très similaire à celui des grégarines (figure 316). Après l'infection d'un hôte, ils se différencient en kystes qui sont les propagules infectieuses qui vont être ingérées avec l'alimentation si elle est contaminée par les hôtes suivants. Ces kystes sont très résistants et peuvent par exemple persister dans les piscines traitées à l eau de javel. La sous-classe des Histogregarida ne contient que quelques espèces qui parasitent des invertébrés marins. Comme les Cryptogregaria, ces organismes ont été placés soit avec les grégarines, soit avec les coccidies. Les phylogénies moléculaires montrent maintenant clairement qu ils sont apparentés aux Cryptogregaria et aux Orthogregarinia. Ils sont caractérisés par l absence de schizogonie après la syzygie (figure 317). Leur trophozoïtes, les cellules impliquées dans l absorption des nutriments, sont nichés entre les cellules de leur hôte et sont dépourvu de mobilité. La sous-classe des Coelotrophia a été établie pour des Apicomplexa 352 oocyste mature mitose méiose? fécondation? sporozoïte zygote syzygie Figure 317 Cycle putatif de Gemmocystis cylindrus. Cette Histogregarida parasite le corail Dendrogyra cylindrus. Des oocystes contenant généralement six sporozoïtes éclosent et donnent naissance aux sporozoïtes libres. Ceux-ci pénètrent dans les cellules gastriques ou bien restent nichées entre elles. Deux sporozoïtes s associent dans une étape qui semble être la syzygie. Les deux cellules semblent fusionner dans ce qui est vraisemblablement une fécondation puis se divisent asymétriquement dans l oocyste pour redonner naissance à six sporozoïtes. La méiose n a pas été mise en évidence et pourrait avoir lieu dans un hôte alternatif. Les oocystes matures semblent être déchargés dans la cavité gastrique du corail.

362 possédant une phase intracellulaire suivie d une phase extracellulaire dans le coelome de vers polychètes. Leurs gamètes ont une morphologie particulière (figure 318). L absence de données de séquence ne permet pas de positionner avec certitude ces organismes sur l arbre des 10 µm Apicomplexa (figure 310). La sous-classe des Figure 318 Gamètes de Coelotropha durchoni. Coccidia, forte de plusieurs milliers d espèces, contient des parasites intracellulaires obligatoires des animaux vertébrés et invertébrés. Actuellement, ces coccidies sont provisoirement rangées dans trois ordres, Adeleida, Eimeriida et Ixorheida. Certaines complètent leur cycle avec un seul hôte, alors que les autres, placées traditionnellement dans l ordre des Adeleida, alternent entre une tique et un vertébré. Notez qu une partie des Adeleida complète la totalité de leur cycle dans un invertébré, suggérant que les espèces alternant entre deux hôtes ont acquis la capacité à envahir leurs hôtes vertébrés secondairement. Ce n est pas le cas pour toutes les Coccidia. En effet, les espèces de l ordre des Eimeriida infectent uniquement les vertébrés. Celles qui divergent en premier infectent les poissons et les phylogénies moléculaires indiquent qu il en existe au moins deux sous-ordres dont les phylogénies suivent grosso modo celles de leurs hôtes. Il semble donc y a voir eu deux phénomènes de co-evolution «hôte/parasite» séparés au sein de cet ordre. Les Adeleida font comme les grégarines une syzygie en prélude à la reproduction sexuée, alors que chez les autres Coccidia la fécondation résulte de la fusion de gamètes produits séparément. L espèce la plus connue est Toxoplasma gondii, responsable de la toxoplasmose (Table 13). Ce parasite, appartenant à l ordre des Eimeriida, possède un spectre d'hôte très large et infecte toutes les espèces de mammifères. Cependant, il est établi que le chat est l'hôte définitif où se produit la phase sexuée (figure 319). Les autres espèces connues sont Isospora belli et Cyclospora cayetanensis affectant l homme (Table 13) ainsi que les Neospora qui infectent les chiens et le bétail. La sous-classe des Hematozoa recouvre l ancienne classe des Aconoidasida. Elle est subdivisée en deux «super-ordres». Le premier, celui des Aconoidia, contient les ordres Piroplasmida et Nephromycida. Les premiers sont des parasites sanguins d oiseaux et de de mammifères qui sont transmis par les tiques (figure 320). Ils appartiennent principalement aux genres Babesia et Theileria. Ces deux genres bâtis sur des données morphologiques et sérologiques sont polyphylétiques et leur reclassification est en cours d élaboration. Les Piroplasmida ont un impact principal sur le bétail, mais récemment la babésiose est en émergence chez l homme (Table 13). L ordre des Nephromicida contient 353

363 ingestion kyste ingestion de proies contaminées bradyzoïtes tachyzoïtes bradyzoïtes fécondation autres mammifères, oiseaux ingestion sporozoïtes oocyste méiose + mitose fécès aliments contaminés par des oocystes «sporulés» Figure 319 Cycle de vie de Toxoplasma gondii. Cette espèce nécessite deux hôtes pour compléter son cycle, le chat qui est l hôte défintif dans lequel la reproduction sexuée a lieu et un autre animal à sang chaud servant d hôte intermédiaire comme une souris ou un oiseau, dans lequel a lieu la reproduction asexuée. L hôte intermédiaire s infecte par ingestion d aliments contaminés par des oocystes sporulés, c est-à-dire dans lesquels huit sporozoïtes sont différenciés après méiose et mitose. Le desenkystement conduit à des bradyzoïtes à division lente qui infectent des cellules de l hôte. Ceux-ci se différencient par la suite en tachyzoïtes à division rapide, puis en kystes qui vont perdurer dans les tissus de l hôte, généralement les muscles ou le cerveau, pendant plusieurs mois ou années. Lors de la consommation de la proie par un chat, le désenkystement conduit à des bradyzoïtes qui vont envahir les cellules intestinales et s y diviser en adoptant jusqu à cinq formes successives se reproduisant par fission binaire ou schizogonie. A la fin de ces cycles de divisions asexuelles, des microgamontes mâles et des macrogamontes femelles sont différenciés. La fécondation conduit à la production d oocystes qui vont être évacués avec les fècès du chat. Ceux-ci poursuivent leur maturation dans l environnement. Les autres mammifères ou oiseaux se contaminent en consommant des aliments infectés par des oocystes ou des kystes. Toxoplasma gondii est capable d infecter de très nombreuses espèces de mammifères et d oiseaux, dont l homme. La transmission au cours de la gestation du parasite au fœtus conduit généralement à sa mort. un seul genre, Nephropmyces, qui semble englober les seules espèces mutualistes d Apicomplexa. En effet, ces organismes, pendant un temps classés comme des champignons, d où leur nom, habitent de manière systématique les cavités d un organe particulier des ascidies des genres Molgula et Bostrichobranchus, le «sac rénal». Leur présence dans toutes les ascidies est d autant plus remarquable que les jeunes ascidies doivent acquérir leur Nephromyces de l environnement car ceux-ci ne sont pas transmis verticalement. Ceci suggèrent donc qu ils ne sont pas des parasites, mais pour le moins des commensaux, probablement des mutualistes dont le rôle n est pas clairement compris. Il semblerait qu ils hébergent des bactéries endosymbiotiques qui ont la capacité 354

364 sporoblaste multinucléé sporozoïtes repas sanguin kinète méiose fécondation trophozoïtes gamétogenèse gamétocytes repas sanguin Figure 320 Cycle de vie de Babesia microti. Cette espèce s attaque principalement aux souris, mais peut, comme de nombreuses autres espèces de Babesia, parfois infecter l homme, voire se transmettre d homme à homme au cours de transfusions sanguines. Le cycle commence lorsqu une tique infectée prend un repas sanguin sur son hôte. Les sporozoïtes sont injectés avec la salive et pénètrent à l intérieur des globules rouges où ils se divisent par fission binaire. Les trophozoïtes produits peuvent infecter d autres erythrocytes ou se différencier en gamétocytes. Lors d un repas sanguin, la tique s infecte et les gamétocytes se différencient en gamète dans son intestin. La fécondation se produit et elle est immédiatement suivie de la méiose, produisant des kinètes qui migrent vers les glandes salivaires. Ceux-ci se différencient en sporoblastes plurinucléés qui génèrent des sporozoïtes. Ces derniers seront transmis au cours d un nouveau repas sanguin de la tique. de dégrader l urate, alors que l ascidie en est incapable. Ils participeraient donc à la prévention de «calculs» d acide urique chez ces Urochordata! Outre leur relation particulière à leur hôte, ces organismes sont extracellulaires, contrairement à tous les autres Hematozoa et aux Coccidia trophozoïtes auquels ils sont apparentés. Ils 20 µm différencient plusieurs formes, dont une forme biflagellée avec les deux flagelles positionnés à l arrière de la cellule (figure 321). Le super-ordre des cellules filamenteuses sporozoïte Hemosporidia contient plusieurs centaines de parasites de vertébrés spores terrestres : reptiles, oiseaux ou cellules flagellées mammifères. Ils sont transmis par des Figure 321 Nephromyces retortiformis. 355

365 356 Encadré 22 La malaria ou paludisme est une des maladies qui, avec la tuberculose et le SIDA, tuent le plus grand nombre d êtres humains, causant plus de un million de décès par an, principalement des enfants (Table 13). Son importance est suffisamment grande pour altérer la structure génétique des populations humaines. Elle permet en effet la présence stable dans les populations affectées de gènes de l hémoglobine particuliers. Lorsqu ils sont présents à l état homozygote, ils causent une maladie génétique grave, l anémie falciforme. A l état hétérozygote, ils entrainent moins de conséquences physiologiques et protègent de la malaria. Cette maladie a probablement aussi mis en forme une partie de l'histoire humaine. Par exemple, Alexandre le Grand en est probablement mort. Son décès prématuré a déstabilisé son empire. Que serait le monde s'il avait vécu plus longtemps? La maladie est caractérisée par des fièvres qui reviennent avec une périodicité quotidienne, de deux jours pour les fièvres tierces et de trois jours pour la fièvre quarte. La raison de ces différences est liée au parasite mis en jeu. En effet, la malaria est causée par plusieurs protozoaires du genre Plasmodium. Cinq espèces s attaquent à l homme Plasmodium malariae, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, Plasmodium knowlesi et Plasmodium falciparum. Plasmodium knowlesi est associé à une fièvre quotidienne, Plasmodium malariae provoque une fièvre quarte, alors que les autres entrainent des fièvres tierces. Les phylogénies moléculaires déterminent des origines indépendantes pour les quatre plasmodiums, indiquant des changements d hôtes, certains récents d un point de vue évolutif. Par exemple, Plasmodium falciparum, l espèce qui provoque les symptômes les plus sévères et qui est la cause de la majorité des décès, dérive probablement de Plasmodium praefalciparum, une espèce qui parasite les gorilles. Plasmodium knowlesi infectent princpalement des singes et semble s attaquer à l homme depuis ans environ. Plasmodium falciparum Plasmodium prefalciparum Plasmodium reichenovi Plasmodium vivax Plasmodium cynomolgi Plasmodium knowlesi Plasmodium malariae Plasmodium ovale Plasmodium berghei Plasmodium chabaudi Les plasmodiums alternent entre deux hôtes, un moustique du genre Anopheles et un mammifère. Chez le moustique se produit la phase sexuée et chez le mammifère une phase de reproduction asexuée. Chacune des phases est une succession complexe de différentes formes différenciées. Le moustique transmet via ses glandes salivaires les sporozoïtes qui vont rejoindre les cellules hépatiques où ils se multiplient et produisent les schizontes plurinucléés. Ceux-ci donnent naissance après une schizogonie aux mérozoïtes qui infectent et se reproduisent dans les globules rouges. C'est à ce moment de l'infection

366 que se produisent les accès de fièvre à cause de la destruction des globules et la production de déchets par les Plasmodium. Dans les globules, différentes générations de mérozoïtes se suivent causant des fièvres rythmiques à chaque génération et finalement des gamétocytes mâles et femelles sont produits. La piqûre par un moustique assure la suite du cycle. Les gamétocytes se différencient dans le moustique soit en plusieurs microgametocytes mâles (jusqu'à 8) au cours du processus d'exflagellation soit en un macrogamétocyte femelle. La différenciation en mâle et femelle est contrôlée par l'état hématologique. Plus l'activité erythropoïétique est importante, plus la proportion de mâle est importante. La fécondation se produit dans l'intestin du moustique. Elle est immédiatement suivie de la méiose pour donner un ookinète mobile qui envahit l intestin et s enkyste. Celui-ci se transforme en oocyste. Plusieurs divisions mitotiques supplémentaires aboutissent à la production de nouveaux sporozoïtes qui migrent vers les glandes salivaires, bouclant ainsi le cycle. repas sanguin oocyste sporozoïtes ookinète méiose schizonte cellule du foie fécondation gametocyte schizogonie gametocyte schizonte trophozoïte mérozoïtes globule rouge Il existe divers programmes pour contrôler le développement des moustiques anophèles, mais ceux-ci développent très rapidement des résistances aux insecticides. Actuellement, le contrôle du parasite via la mise au point de vaccins et de traitement est la priorité des agences de financement. Cependant, ce contrôle butte sur la vitesse d'évolution importante des antigènes et des résistances de Plasmodium. Les mécanismes responsables ne sont pas encore clairement connus. Il semble que des mutations apparaissent rapidement à la suite de duplication/délétion de petites répétitions d'adn. Les disponibilités des séquences complètes des génomes des différents plasmodiums et de celle du moustique anophèle devraient accélérer les recherches et permettre de développer de nouveaux médicaments. Les gènes dont les produits sont dirigés vers l'apicoplaste sont des cibles potentielles pour des thérapies. 357

367 diptères hématophages, chez qui ils font la reproduction sexuée. Lorsque ces vecteurs piquent un hôte vertébré, les parasites complexe apical infectent les cellules epithéliales et/ou hépatiques. Puis, les parasites libérés infectent d autres tissus où ils continuent leur développement. Ils finissent par infecter les erythrocytes, avant d être prélevés par les diptères vecteurs au cours de leur repas rhoptries sanguin. Les espèces les plus connus zoospore appartiennent au genre Plasmodium. Chez vacuole l homme, ils causent la malaria ou paludisme paroi (Encadré 22). 5 µm trophozoïte La dernière lignée connue d Alveolata est celle des Dinozoa (figure 295). Elle est actuellement subdivisée en trois groupes d importances inégales. La classe des Figure 322 Perkinsus marinus. Perkinsea contient quelques espèces parasites intracellulaires de têtards, de mollusques ou d autres protozoaires. L espèce la plus connue est Perkinsus marinus qui s attaquent aux huitres, dont elle dévaste les élevages (figure 322). Plus récemment, une lignée de Perkinsea a été associée avec des mortalités massives de têtards. Ces organismes ont un complexe apical dont la fonction n est pas encore éclaircie, mais qui participe vraisemblablement à la nutrition. Les analyses du génome et les données ultrastructurales suggèrent la présence d une relique d un plaste, indiquant que ces organismes ont probablement subi une évolution simplificatrice à partir d un précurseur photosynthétique. La classe des Ellobiopsea ne contient aussi que quelques espèces qui parasitent les crustacés. Ils ont une structure qui ressemble 50 µm spores superficiellement à chez des champignons Chrytridiomycota (figure 323). Ils se dispersent grâce à Ellobiopsis chattoni des zoospores dont la structure de l appareil flagellaire n est pas connue. copépode Avec plusieurs milliers d espèces décrites, l embranchement des Dinoflagellata constitue la lignée majeure des Dinozoa (figure 295). Ces protistes ont adopté de nombreux styles de vie. La moitié Figure 323 Ellobiopsis chattoni. 358

368 Encadré 23 Le noyau des Dinozoa présente des caractéristiques très inhabituelles pour les eucaryotes. Chez les autres eucaryotes, l'adn est empaqueté dans les nucléosomes. Chaque nucléosome contient deux exemplaires des histones H2A, H2B, H3 et H4. Ils sont répartis de manière équidistante pour former les fibres nucléosomales. Les nucléosomes sont reliés entre eux par l'histone H1 et les fibres nucléosomales sont alors empaquetées dans des filaments de 30 nm. Ceux-ci sont ensuite organisés en domaines par des protéines de la matrice nucléaire, dont les lamines. Durant l interphase, la chromatine est généralement décondensée sous forme d euchromatine, sauf pour quelques régions du génome qui se présentent sous forme d hétérochromatine. Cette organisation participe à la régulation de l'expression génique. Les chromosomes se condensent seulement au cours de la division cellulaire ce qui facilite leur répartition dans les cellules filles. Chez les Dinozoa, Les chromosomes sont condensés tout au long du cycle cellulaire. Chez les espèces basales, le noyau contient peu de chromosomes ; ceux-ci sont souvent clairement visible en interphase et se regroupent à la périphérie du noyau. L état de condensation de la chromatine peut changer au cours des différentes étapes du cycle de vie. Elle reste cependant toujours plus condensée que chez les autres eucaryotes. Ce type d organisation nucléaire est dit «syndinien». Chez les Dinophyceae, le noyau semble avoir dévié encore plus de la structure canonique car il présente de très nombreux chromosomes, souvent plus de 100, qui sont toujours condensés dans un état qui ressemble à un cristal liquide au centre du chromosome et plus diffus sur le pourtour, où se situe la transcription. Il est alors appelé «dinocaryon», anciennement «mesocaryon». Généralement, les noyaux contiennent une très grande quantité d'adn, parfois jusqu'à 200 pg soit plus de 60 fois la quantité d ADN présent dans les cellules humaines! Seul le génome de Symbiodinium minutum a pour l instant été analysé en profondeur par séquençage à haut débit. Chez cette espèce, il ne mesure que 1.5 pg soit approximativement 1,5 milliard de paires de base. Environ 600 millions de paires de base ont pu être assemblés. Ils contiennent la plus grande partie codante du génome, les 900 millions de paires de bases restants étant constitués principalement de séquences courtes très répétées, en tandem pour la plupart. Il semble que ce soit principalement cette dernière portion du génome qui se soit amplifiée dans les espèces ayant des génomes plus grands. chromosomes noyau syndinien dinocaryon 359

369 Les analyses biochimiques montrent que les histones sont à peine détectables par les méthodes classiques dans la chromatine des Dinoflagellata, alors qu elles sont toujours abondantes et jouent leur rôle usuel chez les Perkinsea. L analyse du génome de Symbiodinium minutum montre la présence de gènes codant pour les histones H2A, H2B, H3 et H4 mais pas pour l histone H1. Ces histones ont des séquences divergentes par rapport aux autres eucaryotes. Le génome de Symbiodinium minutum code aussi pour des protéines apparentées aux «histone-like» des cellules procaryotes, ainsi que des protéines appelées DVNP pour Dinoflagellate Viral NucleoProtein. Ces dernières protéines sont présentes dans la chromatine et sont retrouvées spécifiquement chez les Dinoflagellata ; elles sont absentes chez les Perkinsea. Leur transfert aux Dinoflagellata à partir d un virus pourrait donc avoir été un élément clé dans la transformation de leur noyau. Enfin, le génome de Symbiodinium minutum code aussi pour une large collection de protéines régulatrice de la condensation des chromosomes de la famille RCC1, qui pourraient intervenir dans le maintien de l état condensé de la chromatine. Les analyses biochimiques ont aussi montré que l'adn contient de nombreuses bases modifiées. L'ADN de pratiquement tous les organismes contient de la 5-methylcytosine ou de la N6 methyl-adénine. Ces méthylation de bases interviennent dans des processus de modulation de l'expression génique. L'ADN de certains Dinoflagellata contient, outre de la 5-methylcytosine, de l'hydroxymethyluracile en remplacement d'une partie de la thymine. Ce remplacement peut être extensif car il peut intéresser jusqu'à 70% des bases. L'utilité de cette modification n'est pas claire, mais les bases modifiées ne sont pas réparties uniformément dans l'adn. La méthylation des cytosines semble quant à elle intervenir dans la régulation par la lumière au niveau de la transcription des gènes impliqués dans la photosynthèse. Les chromosomes contiennent aussi des fortes concentrations de métaux de transition : fer, nickel, cuivre et zinc, sans que l on en sache la raison. La séquence du génome de Symbiodinium minutum montre une organisation qui ressemble à celle des Euglenozoa avec des gènes ayant tendance à être orientés dans le même sens. Des analyses à haut débit de la structure des messagers montrent que 20 % des transcrits ont des têtes d épissages indicatrices de trans-épissage. Il semble donc que le génome de ce Dinoflagellata possède une transcription polycistronique de ses gènes, suivi du découpage des prémessagers par trans-épissage comme les Euglenozoa (figure 15). Environ gènes sont prédits dans le génome de Symbiodinium minutum. Peu sont présent en multiples copies sous forme répétée en tandem, contrairement à ce qu il semble se passer chez d autres Dinoflagellata comme Amphidinium carterae. Malgré cette structure étrange, les gènes sont des gènes classiques d'eucaryotes. Leur expression se fait via le même système de transcription que les autres eucaryotes. Les introns semblent varier en fonction des espèces. 95% des gènes ont des introns chez Symbiodinium minutum, alors que ceux-ci semblent rares chez d autres espèces comme Peridinium willei ou Thecadiniium yashimaense. Avec une telle structure nucléaire, il n est pas étonnant que les mitoses des dinocaryons, dite dinomitoses, suivent des modalités non canoniques. Les chromosomes sont attachés à la membrane nucléaire et ne sont pas ségrégés à l'aide d'un fuseau mais via un réseau de microtubules traversant les pores nucléaires! Dans le cas des noyaux syndiniens, les mitoses peuvent être similaires aux dinomitoses, ou bien procéder à l aide d un réseau de microtubules entièrement intranucléaires. 360

370 d entre eux sont photosynthétiques, d autres phagotrophes, quelques-uns semblent osmotrophes et plusieurs sont des symbiotes parasites, ou mutualistes comme les zooxanthelles. Beaucoup sont mixotrophes et font preuve d'une grande plasticité nutritionnelle, car ils peuvent soit vivre de photosynthèse, de phagotrophie ou d'osmotrophie, en fonction des conditions qu'ils rencontrent. Les espèces planctoniques libres sont marines ou dulçaquicoles ; on trouve même certaines espèces vivant spécifiquement dans la neige fondante. Ils sont caractérisés principalement par des structures nucléaires distinctives, associées à des modalités de mitose particulières (figure 14 et Encadré 23). Ces structures résultent du remplacement des histones dans la chromatine par d autres protéines basiques ressemblant aux protéines «histone-like» des Figure 324 Morphologie des Dinoflagellata. A gauche, structure typique avec un flagelle latéral et un flagelle postérieur. A droite, structure chez les prorocentroïdes, un groupe dont la monophilie n est pas encore défintivement établie. Chez ce groupe, les deux flagelles sont insérés dans une poche antérieure. 361 procaryotes. Les gènes d histones sont toujours présents dans les génomes de ces organismes, mais les histones qu ils codent sont très divergentes par rapport aux histones des autres eucaryotes. De plus, ils sont peu transcrits. Les Dinoflagellata possèdent aussi deux flagelles inégaux insérés latéralement. Généralement, un des deux flagelles fait le tour de la cellule et présente des ondulations caractéristiques, alors que l autre est droit et est dirigé vers l avant ou l arrière en fonction des clades de Dinoflagellata (figure 324). Les espèces photosynthétiques ont des plastes d origines très différentes (Table 5). La plupart des types de Psammosa plastes sont clairement issus de remplacements récents liés à Oxyrrhinales des endosymbioses tertiaires (voir page 67-69). Cependant, Syndiniales l origine du plaste chez les Dinoflagellata est toujours un Noctilucales grand mystère. En effet, le plaste qui semble le plus Dinophyceae répandu, et qui est donc généralement supposé comme ancestral, est entouré de trois Figure 325 Phylogénie des Dinoflagellata. membranes et contient de la

371 péridinine, contrairement à celui des Apicomplexa qui est entouré de quatre membranes. Toutefois, il est possible que ce plaste à péridinine soit lui aussi le résultat d une endosymbiose tertiaire. La découverte d une relique de plaste chez les Psammosa ou les complexe apical 5 µm Oxyrrhinales serait donc très intéressante. En effet, ces lignées qui divergent en premier (figure 325) contiennent des phagotrophes. La découverte chez ces Psammosa pacifica espèces d une relique de Oxyrrhis marina plaste et en particulier l analyse de sa structure Figure 326 Dinoflagellata basaux. pourrait donc permettre de trancher, d autant plus si la relique est entouré de quatre membranes Les phylogénies moléculaires montrent que le genre Psammosa est celui qui diverge en premier dans l arbre évolutif (figure 325). Ces petits phagotrophes biflagellés possèdent un complexe apical ressemblant à celui des Perkinsea (figure 326). Leur noyau, dit de type syndinien (Encadré 23), contient des chromosomes ayant la chromatine condensée et positionnés à sa périphérie. La lignée qui diverge ensuite est celle des Oxyrrhinales qui contient une seule espèce : Oxyrrhis marina (figure 326). Cette espèce, sert de modèle de laboratoire pour étudier l évolution de la prédation et de la phagotrophie. Dépourvue de complexe apical, elle se nourrit classiquement en phagocytant une variété de proies incluant divers protozoaires, algues, champignons, bactéries ou petits animaux, voire ses congénères! Mais elle peut aussi se nourrir par osmotrophie et utiliser de l éthanol ou de l acétate comme source de carbone. Sa croissance est améliorée en présence de 362 dinospore trophozoïte Dinophysis (hôte) Figure 327 Cycle d Amoebophrya sp. La dispersion se fait via des dinospores biflagellées. Elles pénètrent à l intérieur de leur hôte et se dirigent jusqu au noyau où elles se différencient en trophozoïtes multinucléés qui finissent par adopter une forme de ver. Après une schziogonie, ils se transforment en zoospores qui sortent de leur hôte après sa lyse.

372 Ceratium longipes Peridinium bipes 50 µm Pfiesteria shumwayae Dinothrix paradoxa Noctiluca scintillans Figure 328 Diversité des Dinophyceae. lumière, probablement grâce à la rhodopsine qu elle possède dans ses vacuoles et qui résulte du transfert horizontal d un gène eubactérien (voir page 71). Elle possède aussi un noyau de type syndinien et deux flagelles porteurs de mastigonèmes. Son génome mitochondrial ne porte plus que deux gènes codant des protéines : le cytochrome b et la sous-unité cox3 de l oxydase du cytochrome. Leur expression semble particulière car les deux séquences codantes ne font plus qu un seul gène. La dernière lignée basale est celle des Syndiniales. Elle contient quelques dizaines de parasites intracellulaires d invertébrés, d œufs de poissons ou d autres protistes incluant des Dinoflagellata. Leur cycle simple fait intervenir une cellule biflagellée pour la dispersion (figure 327). Leur noyau présente les caractéristiques typiques du noyau syndinien, avec une chromatine périphérique plus ou moins condensée en fonction du stade de développement. Ces organismes n ont pas de complexe apical, mais pénètre dans les cellules en utilisant une structure similaire. Les cycles de vie de ces trois lignées basales ne sont encore probablement qu incomplètement connus car la reproduction sexuée n a pas été décrite. La dernière lignée des Dinoflagellata, la classe des Dinophyceae, est la plus importante en nombre d espèces. Elle est caractérisée par la présence des deux flagelles hétérochontes conférant une nage typique et d un dinocaryon (Encadré 23). Notez que chez certaines espèces parasites, les chromosomes du dinocaryon peuvent se décondenser partiellement. La plupart sont de grosses cellules isolées ; quelques rares espèces, comme Dinotrhix paradoxa, forment des colonies simples comprenant quelques cellules (figure 328). Les espèces les plus primitives ont leur alvéoles vides ou contenant un peu de matériel qui apparait amorphe au microscope électronique, alors que les plus évoluées, qui forment 363 membrane plasmique plaque cellulosique Figure 329 Structure de l Amphiesma. vésicule sous-membranaire pellicule

373 une lignée monophylétique dite des «dinoflagellés à thèque», ont des alvéoles contenant des plaques en cellulose (figure 329). Cette structure, appelée l'amphiesma, confère une forme complexe aux cellules (figure 328). Elle peut être renforcée par une couche supplémentaire située plus à l intérieur de la vésicule et composée de cellulose mêlée à de la dinosporine, une substance similaire à la sporopollenine participant aussi à la formation de la paroi des kystes. Cette couche appelée pellicule peut être aussi présente chez des espèces sans plaque cellulosique comme chez les Noctilucales. Il n y a pas de complexe apical typique, mais chez les espèces capables de myzocytose, il existe une structure associée à des microtubules appelée «pédoncule». Cette structure impliquée dans la myzocytose est probablement une relique du complexe apical tyique des Myzozoa. Des espèces appartenant à l ordre des Noctilucales sont bien connues et capables de bioluminescences. Elles utilisent pour ceci un enzyme, la luciférase, et un substrat tétrapyrrolique, la luciférine. Peu d espèces disposent de structures qui peuvent capter la lumière. Celles-ci sont composées de gouttelettes lipidiques empilées entre des membranes contenant des carotènes. Chez certaines espèces une structure focalise la lumière sur ces "yeux". De nombreuses activités de ces organismes sont régulées par la lumière comme la photosynthèse et la bioluminescence. Le plaste le plus répandu chez les Dinophyceae est celui contenant de la péridinine. Son génome a acquis une structure surprenante (figure 42) et son mode d expression est aussi non canonique car elle fait intervenir de l édition des messagers et l addition de queues de polyuridines. Chez les autres types de plastes, la structure et l expression ressemblent le plus souvent à celles de la cellule à l origine du plaste. Cependant, chez les Karlodinium, dont les plastes à fucoxanthine proviennent d Haptophyta, la structure et l expression du génome ressemblent à celle des plastes à péridinine. Les mitochondries des Dinophyceae ne sont pas 364 kyste non-calcifié mastigote planoméiocyte méiose fécondation planozygote kyste calcifié (hypnozygote) Figure 330 Cycle de Scrippsiella trochoidea. Cette espèce présente un cycle typique de Dinophyceae. Les formes végétatives ou mastigotes se divisent par fission binaire et peuvent différencier des kystes non calcifiés dont la durée de vie est courte. La fusion de deux mastigote conduit au planozygote qui semble pouvoir se divisier par fissions binaire. En fonction des conditions, il peut se différencier en kyste calcifié qui va perdurer longtemps dans les sédiments ou redonner après méiose des mastigotes. La germination du kyste donne un planoméiocyte qui va redonner des mastigotes après méiose.

374 moins originales car leur génome code pour les mêmes rrna incomplets et les même trois protéines (cox1, cox3 et cob) que le génome mitochondrial des Apicomplexa. Toutefois, il est constitué de molécules linéaires codant pour un seul gène. Elles ont des tailles et des stœchiométries variables. Elles sont de plus truffées de séquences non codantes. Enfin, certains transcrits doivent être trans-épissés et/ou édités pour être fonctionnels. La reproduction sexuée est connue pour quelques espèces (figure 330), mais la méiose semble très différente des méioses classiques. Celle-ci ne semble pas avoir été décrite cytologiquement, mais des données génétiques obtenues chez Crypthecodinium cohnii suggèrent qu elle n est constituée que d une seule division ou de deux divisions sans recombinaison. Certaines algues Dinophyceae peuvent différencier des kystes qui restent dormants jusqu'à ce que des conditions propices soient présentes (figure 330). Rhizaria La dernière lignée majeure de SAR, de Diphoretickes et d eucaryotes est celle des Rhizaria. Définie essentiellement par les analyses moléculaires, elle rassemble une collection hétéroclite d organismes qui sont longtemps restés sans aucune affiliation (figure 331). Il est probable que dans un futur proche d'autres organismes mystérieux viennent se joindre à cet assemblage. La parenté des différentes lignées est confirmée par la présence d une signature dans le gène codant pour l'ubiquitine, une protéine ciblant les protéines qui vont être dégradées par le protéasome. L'ubiquitine est généralement codée sous forme d'une polyprotéine qui est clivée au niveau d'un résidu glycine. Chez les Plasmodiophorida Phagomyxida Vampyrellida Phytomyxida Filosa Cercozoa Figure 331 Phylogénie des Rhizaria. Mikrocytos Ascetosporea Gromiidea Taxopodia Polycystinea Acantharea Foraminifera Radiolaria Retaria 365

375 Figure 332 Mitose cruciforme chez Plasmodiophora brassicae. 366 Rhizaria, la glycine est suivie d'une insertion caractéristique d un ou deux acides aminés, ce qui suggère un mécanisme de maturation particulier. Cette insertion n est cependant pas présente dans toutes les lignées. Souvent, les différents taxons de Rhizaria ne sont connus que par quelques espèces. Cependant, ce superembranchement est bien moins exploré que les autres et les données obtenues à partir des analyses d ADN environnemental montrent que sa biodiversité est très mal appréciée. Par exemple, les amibes Vampyrellida ne sont actuellement connues que par quelques dizaines d espèces. Pourtant leur diversité pourrait être aussi grande que celle des Eumycota! De même, du fait de leur grande divergence, les séquences ne permettent pas toujours de définir précisément les liens de parentés entre les différents groupes. On attend donc une analyse phylogénétique globale basée sur un nombre suffisant de données pour confirmer l arbre phylogénétique des Rhizaria et définir les différent(e)s embranchements/classes. La plupart des membres ont un stade trophique phagotrophe de forme amiboïde et capable de faire des filopodes ou des réticulopodes. Dans la plupart des cas, ces extensions sont renforcées par des microtubules. Quelques espèces sont photosynthétiques. Elles sont issues soit d une endosymbiose secondaire avec une Viridiplantae (figure 39 et Table 5), soit d une endosymbiose primaire indépendante de celle qui a conduit à tous les autres eucaryotes photosynthétiques (Encadré 6). Peu d espèces sont parasites, en particulier aucune espèce ne parasite l homme, ce qui explique en partie le peu d études consacrées à ces organismes. La vaste majorité de ces organismes sont unicellulaires. Cependant, quelquesuns ont évolué une pluricellularité simple agrégative ou non agrégative. De très nombreuses espèces différencient des plasmodes, qui peuvent atteindre de grandes tailles, et montrant pour certains des spécialisations dans les différentes parties du thalle. Certains groupes sont capables de s'entourer de thèques calcaires ou de présenter des squelettes siliceux. Notez que centrosome nucléole membrane nucléaire chromosomes rohr adhésorium satchel Figure 333 Méthode de pénétration utilisée par Plasmodiophora brassicae pour pénétrer son hôte. La zoospore s enkyste avant de pénétrer. Le kyste possède une structure tubulaire ou rohr contenant un corps ayant la forme d un poignard appelé stachel. La pénétration commence par l attachement de la zoospore grâce à un facteur adhésif qui forme un adhésorium. Après fixation, le stachel et le contenu de la zoospore sont injectés à travers l adhésorium et la membrane cellulaire, jusqu au cytoplasme de la cellule hôte.

376 kystes sporange zoospore primaire méioses poil absorbant caryogamies plasmode secondaire prolifération prolifération plasmode primaire cellule corticale plasmogamie zoospores secondaires Figure 334 Cycle de Plasmodiophora brassicae. Au printemps, en présence de racines sensibles à l infection, les kystes en repos germent et produisent des zoospores primaires biflagellées et uninuclées qui nagent dans l eau emprisonnée dans le sol. Les infections sont donc particulièrement sévères pendant les années pluvieuses. L agent pathogène pénètre facilement par les poils absorbants et parfois via des blessures racinaires. A l'intérieur du poil racinaire, la zoospore se développe en petit plasmode qui se différencie ensuite en sporanges uninucléés. De ces sporanges, émergent des zoospores secondaires biflagellées qui vont quitter leur hôte ou aller réinfecter les cellules voisines du cortex racinaire. Elles peuvent aussi servir de gamètes, fusionner et réinfecter un nouvel hôte. Les miniplasmodes résultants vont proliférer et infecter des cellules voisines. Cela conduit à une hypertrophie cellulaire et la formation de tumeurs racinaires. Au cours de ces cycles prolifératifs se produisent les caryogamies et les méioses pour donner des sporanges contenant des kystes qui vont se différencier en zoospores primaires. les principaux et parmi les plus anciens micro-fossiles eucaryotes indiscutables appartiennent aux Rhizaria et que notre connaissance du passé de la terre repose donc en grande partie sur les données acquises sur ce groupe. Le super-embranchement des Rhizaria est actuellement divisé en deux embranchements, Cercozoa et Retaria (figure 331). Cependant, celui des Cercozoa, qui regroupe de nombreuses lignées, semble paraphylétique. Il est donc probablement appelé à disparaître. La lignée qui semble diverger en premier est la super-classe des Phytomyxida (figure 331), dont quelques dizaines d espèces ont été décrites. Ce sont des parasites intracellulaires obligatoires de plantes, d algues Ochrophyta ou de champignons Oomycota. Deux classes sont définies, celle des Plasmodiophorida qui attaquent des organismes terrestres et celle des Phagomyxida qui parasitent des organismes marins (figure 331). Pendant longtemps, ces deux lignées ont été aussi définies par leurs hôtes, les 367

377 premiers s attaquant aux 50 µm plantes et les seconds aux algues, mais la découverte que Woronina pythii, un Leptophrys vorax pathogene d Oomycota proie est un Plasmodiophorida Vampyrella lateritia et que Plasmodiophora Figure 335 Diversité des Vampyrellida. diplanthereae qui s attaque aux plantes est en fait un Phagomyxida a rendu ce critère obsolète. Ces organismes ont pour forme trophique un plasmode intracellulaire, ce qui les a assimilés pendant longtemps avec les champignons biotrophiques obligatoires. La mitose suit une particularité unique à ce groupe car elle présente des figures en croix d'où le nom de mitose cruciforme (figure 332). Ils se dispersent à l aide de zoospores biflagellées. Celles-ci pénètrent dans leur hôte en utilisant une méthode caractéristique (figure 333). Parmi les espèces importantes pour des raisons agronomiques, citons Plasmodiophora brassicae, un parasite des Brassicacea dont les choux et le colza (figure 334), et Spongospora subterranea qui infecte les patates. Au niveau des plantes, l'infection entraîne une hypertrophie et la formation de tumeurs. De manière amusante, cela a conduit certains médecins du début du 20ème siècle à penser que chez l'homme le cancer pourrait être dû à des organismes similaires! Les Polymyxa attaquent de nombreuses plantes dont les betteraves sucrières. Seuls, ils ne causent pas de symptômes visibles, mais ils servent de vecteurs pour certains virus de plantes. Ces parasites peuvent causer de sérieux dégâts aux cultures. D'autant plus que les spores de ces organismes peuvent perdurer longtemps dans le sol : jusqu à 10 ans pour Plasmodiophora Brassicae, jusqu à 8 ans pour Spongospora subteranea et Polymyxa graminis. Il n'existe pas de traitement efficace si ce n'est de bien drainer les sols pour éviter la propagation des zoospores, l'application de chaux pour augmenter le ph du sol et surtout la rotation des cultures en laissant un temps suffisamment long entre deux cultures sensibles aux parasites. La classe qui diverge ensuite est celle des Vampyrellida. Elle regroupe actuellement quelques dizaines d espèces, mais la métagénomique montre que ces organismes sont très divers et omniprésents dans sols ainsi que les sédiments dulçaquicoles et surtout marins. Elles ont pour stade trophique, des amibes nues à pseudopodes filiformes, dont le mode de nutrition est original (figure 335). En effet, ces trophozoïtes percent la paroi de leurs proies, des algues diverses ou des levures et des moisissures, et en aspirent le contenu, à la manière d un vampire. Certaines peuvent néanmoins phagocyter complètement leur proie ou bien pénétrer à l intérieur et en dévorer le contenu. La plupart des espèces ont la possibilité de produire de larges plasmodes qui résultent de la fusion des trophozoïtes. Ces plasmodes peuvent fusionner 368

378 amibes coccoïdes Ebria tripartita (Ebriida) squelette siliceux zoospore Chlorarachion reptans (Chlorarachnea) Paulinella chromatophora (Euglyphida) 10 µm écailles 10 µm Thaumatomonas sp. (Thaumatomonadida) Viridiraptor invadens (Glissomonadida) Hedriocystis pellucida (Desmothoracida) capsule 100 µm Aulacantha scolymantha (Phaeodarea) Figure 336 Diversité des Filosa. entre eux et atteindre des tailles supérieures au millimètre. Elles peuvent aussi différencier plusieurs types de kystes dont ceux impliqués dans la digestion après l ingestion des proies ou des kystes de persistance. Le sous-embranchement des Filosa regroupe un large ensemble de taxons ayant le statut de classe, sous-classe, ordre, super- ou sous-ordre... Cet ensemble est une relique d une classification des Cercozoa en deux sous-embranchements Filosa et Endomyxa, ainsi qu en plusieurs lignées orphelines dont certaines ont été regroupées dans la classe des 369

379 Granofilosea. Ces sous-embranchements et classe sont probablement polyphylétiques et sont en cours de démembrement. Ce travail est d ailleurs presque terminé pour celui des Endomyxa qui semblent se répartir en deux lignées, une contenant les Phytomyxea, l autre regroupant les Ascetosporea et lignées apparentées (figure 331). Présentement, il n est donc pas clair si les Filosa sont mono-, poly- ou paraphylétique, d autant plus que des lignées orphelines semblent devoir rejoindre ce sous-embranchement, leurs inclusions modifiant à chaque fois l arbre phylogénétique... Comme pour les autres groupes de Rhizaria, la diversité génétique des différentes lignées est importante, mais, dans la plupart des cas, elle n est appréhendée que par des données de séquençage d ADN extrait directement à partir de l environnement. Ils ont vraisemblablement des rôles écologiques majeurs ; certains, comme les Glissomonadida, seraient par exemple les consommateurs principaux des bactéries dans les sols. Les Filosa (figure 336) ont des formes trophiques très variables : amibes nues à filopodes phagotrophes ou photosynthétiques, amibes à thèque ou avec des écailles phagotrophes ou photosynthétiques, amibes de type radiolaire ou héliozoaire, voire avec des structures cytosquelettiques distinctives comme des barres siliceuses ; d autres sont des petits flagellés ou amoeboflagellés nus ou protégés par des écailles Pour la plupart des espèces, la biologie est mal connue, en particulier nos connaissance des cycles spores sont souvent parcellaires car ces organismes ne se dispersion 100 µm cultivent ou ne s élèvent que très difficilement au laboratoire. Les espèces photosynthétiques ont deux origines distinctes. germination 10 µm Les Chlorarachniophyta sorocarpe résultent de l endosymbiose secondaire d une agrégation Viridiplantae (figure 39 et trophozoïte Table 5). Ces amoeboflagellés ont Figure 337 Cycle de Guttulinopsis vulgaris. conservé un nucléomorphe (Encadré 8) et sont toujours capables de phagocyter des proies. Les Paulinella ont acquis leur plaste via une endosymbiose indépendante (Table 5 et Encadré 6). Les espèces du genre Guttulinopsis ont évolué une multicellularité agrégative (figure 337). Ces amibes ont, contrairement à la majorité des Rhizaria, des pseudopodes lobés, montrant une nouvelle fois la plasticité évolutive des «Filosa». 370

380 La dernière lignée des Cercozoa, regroupant les Ascetosporea, Gromiida et Mikrocytos, est probablement monophylétique. Les Ascetosporea sont des parasites d invertébrés aquatiques, dont de nombreux mollusques et crustacés élevés en aquaculture. Il en existe deux groupes, les Haplosporidia qui sont intracellulaires et les Paramyxida qui sont extracellulaires et vivent dans les cavités digestives de leurs hôtes. Leurs cycles de vie (figure 338) semblent complexes et mal connus mais impliquent chez une partie des espèces connues la différenciation de plasmodes et/ou de spores. Les Gromiida regroupent des espèces libres dont le stade trophique est constitué d un plasmode géant, multinucléé, protégé par un test protéique riche en fer, sphérique ou ovoïde et percé d une ou plusieurs ouvertures (figure 339). De ces ouvertures émergent des pseudopodes filiformes. Les Gromiida peuvent atteindre des tailles de plusieurs centimètres. Ils vivent sur les fonds marins, parfois à très grande profondeur, où ils se déplacent en se trainant ou en roulant et laissent des traces caractéristiques. Des traces fossiles similaires ont été dans le passé attribuées à des petits animaux primitifs Mikrocytos mackini est un parasite intracellulaire des huitres (figure 340). Les phylogénies moléculaires ont beaucoup de difficultés à résoudre sa position phylogénétique car son génome évolue très rapidement. Il dérive probablement des Haplosporidia par évolution régressive. En effet, cet organisme est dépourvu de mitochondrie, mais possède vraisemblablement un mitosome impliqué uniquement dans l assemblage des complexes «fer-souffre». Un genre proche, Paramikrocytos, parasite les crabes. cellule primaire plasmode cellules secondaires Figure 338 Cycle de Marteilia refringens. Cette espèce appartenant aux Paramyxea est un parasite extracellulaire des huitres Ostrea edulis. Le cycle postulé commence par la présence de cellules dites primaires principalement au sein de l épithélium digestif et des branchies. Ces cellules prolifèrent, probablement par schizogonie, et envahissent l hôte. Puis, les cellules secondaires se différencient en primordiums, qui vont sporuler de manière interne des spores. Les spores elles-mêmes sont constituées de trois cellules emboîtées les unes dans les autres (voir noyaux N1, N2 et N3). Comment les spores redonnent des cellules primaires, ainsi que les lieux des fécondations et méioses, sont toujours sujets à conjectures. Il est possible qu il existe un deuxième hôte chez qui Marteilia refringens complète son cycle. N1 N2 N3 spores 5 µm primordium des spores 371

381 L embranchement des Retaria regroupe des organismes phagotrophes amiboïdes ayant de longs et fins pseudopodes plus ou moins réticulés. Traditionnellement, deux classes étaient définies. Celle des 1 cm Figure 339 Le Gromiida Gromia sphaerica. «Radiolaria» comprenait des organismes en forme de soleil, comme les héliozoaires, mais qui possédaient une délimitation interne en ectoplasme et endoplasme. Leur cytosquelette interne était composé de spicules rayonnant de Mikrocytos mackini noyau composition variable mais pas calcaire. Celle des Foraminifera comprenait des organismes possédant des pseudopodes réticulés et pour la plupart possédant un test organique, calcifié chez de nombreuses espèces. Les phylogénies moléculaires indiquent que les Foraminifera semblent former un groupe monophylétique qui diverge à partir d un ensemble paraphylétique de Radiolaria (figure 331). De plus, une partie des anciens Radiolaria, maintenant rangées dans la classe des Phaeodarea 1 µm nucléole (figure 336), a quitté le groupe car ces organismes sont en fait des Cercozoa apparentés aux Filosa. La lignée de Retaria qui semble diverger en cellule hôte Figure 340 Mikrocytos mackini, parasite de l huitre Crassostrea gigas. premier, celle des Taxopodia, ne contient qu une seule espèce décrite : Sticholonche zanclea (figure 341). Ce gros protozoaire marin présente une structure de type héliozoaire car il ne possède pas de capsule centrale. Les phylogénies moléculaires le placent clairement au sein des Retaria, mais sa position exacte n est pas clairement définie. Il est soit placé à la base de l arbre comme dans la figure 331 soit comme groupe frère des Acantharea avec lesquels il partage quelques 200 µm caractères ultrastructuraux tels que la présence de fibres contractiles. Les radiolaires Polycystinea sont des microorganismes planctoniques, passifs, isolés ou coloniaux dont la taille varie de quelques dizaines de micron à plus d'un mm et qui peuplent la totalité des mers du globe (figure 342). Il en existe environ 3000 espèces. Ils sont capables d'émettre de multiples extensions cytoplasmiques rayonnantes, Figure 341 Sticholonche zanclea. axopodes, filopodes et reticulopodes. Ils sont 372

382 caractérisés pour la plupart des espèces par la présence d'un squelette siliceux intracytoplasmique constitué de SiO 2. Celui-ci adopte des formes variées ayant une 50 µm symétrie radiale ou bilatérale Hexacontium sp. (figure 342). Il est principalement localisé dans Nassellaria sp. la partie ectoplasmique où il 100 µm est accompagné de vacuoles digestives et parfois de zooxanthelles ou des chlorelles endosymbiotiques (figure 343). La partie externe contient aussi des 1 mm alvéoles ressemblant à des Sphaerozoum fuscum bulles dont on imagine qu'elles interviennent dans la Figure 342 Diversité des Polycystinea. flottaison. L endoplasme contient le reste du corps cellulaire avec un ou plusieurs noyaux et l ensemble du réseau noyau/réticulum/golgi, ainsi que les mitochondries. La capsule est composé de matériel chitineux percé de pores appelés «fusules». zooxanthelles myonèmes filopodes zooxanthelles noyau endoplasme Polycystinea capsule ectoplasme endoplasme noyaux Acantharea ectoplasme capsule cortex ectoplasmique Figure 343 Structure cellulaire chez les radiolaires Retaria. 373

383 On connaît peu de chose sur la reproduction des Polycystinea. La division cellulaire se fait par fission binaire, fission multiple ou bourgeonnement. Les cellules issues de schizogonies sont de petite taille, pyriformes et biflagellées. Elles contiennent un cristal riche en strontium, un élément retrouvé dans le squelette des Acantharea, l autre groupe de radiolaire Retaria. Les mitoses sont fermées. On ne connaît pas la reproduction sexuée. Ces organismes sont très utiles aux paleontologues car on retrouve de nombreux Figure 344 Gigartacon fragilis, un Ancantharea. fossiles de leurs squelettes qui servent à la datation stratigraphique. Ces organismes étaient déjà présents il y a 600 millions d années. La classe des Acantharea contient environ 150 espèces (figure 344). Ce sont des unicellulaires marins planctoniques que l'on trouve principalement dans les eaux chaudes. Ils mesurent de 20 à 800 µm. Leurs cellules ont la même organisation que les Polycystinea, incluant la présence d endosymbiotes (figure 343). Cependant, la capsule centrale n a pas la même structure que chez les Polycystinea car elle est dépourvue de fusules. Les Acantharea sont caractérisés par la présence de vingt spicules rayonnants qui se rejoignent au centre de la cellule. Leur position est fixe mais leurs formes très variables. Ils sont composés de sulfate de strontium, un minéral qui ne se fossilise pas. La partie la plus externe des spicules est associée avec des myonèmes, qui sont des fibres protéiques capables de se rétracter Globigerina sp. mais dont la composition Haplomyxa saranea 200 µm est différentes des fibres d actomyosine des muscles chez les animaux. Ils interviennent probablement dans la flottaison des Acantharea. On ne connaît pas encore exactement les cycles de 374 Spirillina sp. Figure 345 Quelques Foraminifera. Syringammina sp. (Xenophyophorea) 5 cm

384 Figure 346 Structure des loges chez les Foraminifera multiloculaires. 375 proloculus multiloculaire multiloculaire tubulaire globulaire vie de ces organismes mais il semble qu'ils soient capables de faire la reproduction sexuée. Le dernier groupe de Rhizaria est celui des Foraminifera. Il est actuellement représenté par environ espèces, ce qui en fait le taxon de Rhizaria le plus important, et l on en connaît de très nombreuses espèces fossiles. Comme pour les autres Rhizaria, les analyses d ADN environnemental montrent une grande diversité génétique dont seule une petite partie est actuellement connue par des espèces décrites morphologiquement. La plupart sont benthiques et peuplent le fond des océans ; quelques-unes sont planctoniques. Plusieurs vivent en eau douce ou dans les sols. Ces organismes unicellulaires sont des cellules amiboïdes entourées d'un test de compositions et de formes variables (figure 345). En effet, ils peuvent résulter de l agglutination de particules plus ou moins spécifiques, cristaux ou microbilles de calcite et produire une seule chambres ou loge dans le cas des espèces dites uniloculaires, plusieurs loges pour les espèces multiloculaires ; ces loges peuvent être globulaires ou tubulaires (figure 346). Globothalamea Néanmoins, il existe des clade C espèces sans test. Le test clade A glycoprotéique croit par addition de "loges" et peut par la suite se charger en calcium et en matériel détritique. L'organisme est formé d'une seule cellule avec un ou le plus souvent plusieurs noyaux. Tubothalamea clade BM Lagenida clade E L'organisme occupe une ou clade Y plusieurs des loges qu'il a clade I fabriquées. Des spécialisations globulaire entre les différentes loges sont multiloculaire observées avec par exemple, tubulaire nature du test chez certaines grandes espèces, uniloculaire la présence d'algues symbiotiques dans les loges Figure 347 Phylogénie des Foraminifera.

385 internes alors que les loges externes sont plus dévolues à la nutrition ou la reproduction. Les loges sont percées de pores par lesquels sortent des filaments équivalents aux pseudopodes des amibes mais ils sont très fins et soutenus par des microtubules. Ils ont la capacité de s anastomoser pour former un réseau parcouru par des flux de cytoplasme. Pour cette raison ils sont appelés réticulopodes. Ils sont utilisés pour ramener la nourriture. Celle-ci consiste en des molécules dissoutes, du plancton voire des petits animaux. Lorsque sa croissance est terminée, la cellule de type plasmode mesure suivant l'espèce entre 100 µm à plus de 20 cm, comme chez les Xenophyophorea, qui forment des structures qui proloculus 376 gamonte fécondation schizogonie zygote schizonte schizogonie et méioses agamonte Figure 348 Cycle d Amphistegina gibbosa. Chez cette espèce, le cycle est trigénétique avec une phase diploïde appelé agamonte caractérisée par un proloculus de petite taille. Le proloculus est la loge initiale à partir de laquelle le test se construit. Une schizogonie suivie de méioses conduit à la formation soit de schizontes, soit directement de gamontes produisant des gamètes biflagellés hétérochontes. Les schizontes ont la possibilité de redonner de nouveaux schizontes après schizogonie. Ils peuvent aussi maturer en gamontes. Schizontes et gamontes haploïdes sont caractérisés par un proloculus de grande taille. La fécondation semble pouvoir se produire entre gamètes issus d un même gamonte pour redonner un agamonte diploïde. Il n est pas clair si toutes les espèces de Foraminifera effectuent toutes les étapes de ce cycle. De même, la ploïdie des schizontes n est pas complètement établie. Chez Amphistegina gibbosa, la taille du proloculus suggère qu ils sont haploïdes. ressemblent à des coraux (figure 345) Dans ce derniers cas, les noyaux se comptent alors en milliards par cellule! Traditionnellement, les Foraminifera étaient classés en fonction de la présence, la composition et la forme de leur test. Les phylogénies moléculaires (figure 347) indiquent que les espèces ancestrales étaient probablement nues. Des tests uniloculaires ont évolué de manière répétitive rendant caduque une classification simple basée sur la présence/absence de test et de fait la majorité des ordres/familles traditionnelles servant pour la classification. L ensemble de ces lignées nues ou uniloculaires sont actuellement rangées dans la classe paraphylétique informelle des «Monothalamides». La multilocularité semble être apparue trois fois au cours de l évolution des Foraminifera (figure 347). Les espèces formant des tests à chambres globulaires forment deux lignées monophylétiques. Une, celle maintenant identifiée comme la classe des Globothalamea, regroupe la majorité des

386 espèces, l autre ne contenant que les espèces appartenant à l ordre des Lagenida. Les espèces ayant un test tubulaire forment une lignée monophylétique, la classe des Tubothalamea. Notez que la calcification du test est apparue de manière convergente au moins cinq fois de manière indépendantes dans les trois lignées multiloculaires, rendant obsolète les classifications précédentes basée sur ce critère. Certaines espèces de Foraminifera sont cosmopolites alors que d'autres ont des habitats restreints. Ces organismes peuvent être présents en quantité importante, jusqu à plusieurs dizaines de milliers par m2 de fond de mer pour certaines espèces benthiques et ils servent de nourriture à de nombreux autres organismes comme des mollusques, poissons, etc. Ces organismes sont extrêmement abondants sur le plancher océanique, en particulier dans les grands fonds où ils semblent représenter la «faune» dominante. Leur capacité à respirer le nitrate leur permet en particulier de coloniser des milieux pauvres en oxygène. Ils sont particulièrement abondants autour de l'antarctique mais sont néanmoins omniprésent tout autour du globe. Ils se déplacent sur le fond en laissant des traces caractéristiques comme les Gromiida. Des traces fossiles similaires ont été découvertes dans des sédiments; ces fossiles suggèrent que les Foraminifera ont été un composant important de la faune dès le précambrien. Les Foraminifera se reproduisent asexuellement par fissions multiples d'un individu initial. Les individus sortent complètement différenciés après la fragmentation du plasmode initial (schizogonie). Ils ont des cycles sexuels de types haplodiplobiontiques avec des phases haploïdes et diploïdes montrant des morphologies parfois très différentes pouvant conduire à différencier des organismes appartenant en fait à la même espèce (figure 348). L'accumulation des tests calcaires participe pour une part non négligeable à la formation des sédiments marins. On les retrouve donc fossilisés en très grande quantité et variété avec plus de espèces fossiles. Ces fossiles montrent que les Foraminifera étaient déjà présents il y a 500 millions d années. Les Foraminifera sont beaucoup utilisés par les paléontologues et les géologues. En effet, la structure du test des fossiles présents dans les sédiments permet de déterminer les espèces actuelles auxquels ils sont apparentés. En extrapolant à partir des modes de vie des espèces actuelles, il est ainsi possible d'obtenir des informations sur l'environnement dans lequel s'est formé le sédiment. L'analyse de la composition chimique des tests permet aussi d'obtenir des informations sur les conditions climatiques. En particulier la température des mers influe sur les isotopes de l'oxygène présents dans le test car les isotopes légers s'évaporent plus facilement dans les mers chaudes. 377

387 Conclusion : un retour sur l évolution des eucaryotes L inventaire de la diversité des eucaryotes et leur classification moderne réalisée principalement grâce aux données de séquences a conduit à réviser notre vision de leur évolution. La dichotomie ancienne entre animal et végétal avait été mis à mal par la découverte d un premier type de cellules sans noyau, les bactéries, puis d un deuxième toujours sans noyau, les archées. Les phylogénies modernes ont montré que cette dichotomie, aussi bien qu une partition en quatre royaumes, n est pas non plus valide pour les eucaryotes (figure 349). Au contraire, de ces phylogénies semble émerger une histoire qui commencerait avec un petit protozoaire biflagellé qui, pour se nourrir, aurait phagocyté par l intermédiaire de son sillon ventral des bactéries, en accord avec la théorie de l origine phagotrophique de la cellule eucaryote (voir pages 35-37). En effet, des eucaryotes présentant cette biologie sont présents chez les Amorphea, les Excavata et les Diaphoretickes. De plus, ils semblent se brancher à la base des arbres de ces trois groupes, suggérant que ce type de style de vie et de morphologie est ancestral. Cet ancêtre aurait donc déjà acquis la totalité des attributs de la cellule eucaryote : un noyau avec un cycle sexuel, le système réticulum/golgi associé avec le noyau et la capacité de faire des endocytoses/exocytoses, un cytosquelette d actine et de tubulines avec les structures associées comme bien sur les flagelles mais aussi probablement les pseudopodes, et enfin des mitochondries potentiellement capables de respirer l oxygène, mais aussi probablement capables de produire de l hydrogène en anoxie. Le devenir de ce petit protozoaire a été complexe car il a évolué d autres façons de vivre de manière répétitive (figure 349). Il a pu conserver un style de vie phagotrophe, mais il a souvent perfectionné son système de capture des proies. Les flagelles se sont modifiés : disparition d un des deux flagelles et déplacement de son insertion vers l arrière chez les Opisthokonta et quelques Diaphoretickes, multiplication pour donner une ciliature, particulièrement chez les Ciliophora, mais aussi chez les Opalinata ou les Pseudociliata. La forme amibienne a pu être favorisée et les pseudopodes ont adoptés des morphologies diverses, lobées, filiformes, reticulées, rayonnantes, etc., les différents types favorisant soit la chasse, soit la pêche des proies. La forme trophique a augmenté en taille pour adopter de manière récurrente une forme de type plasmode. La manière de se disperser a aussi évolué, avec souvent la mise en place d une multicellularité agrégative. Le style de vie prédateur a culminé bien évidement chez les animaux pour lesquels l augmentation de taille a passé par la mise en place d une pluricellularité complexe. Dans ce groupe, la phagotrophie a été remplacée par l ingestion, un processus identique dans son déroulement, mais adapté à un organisme possédant une bouche et un estomac. La phagotrophie a été perdue plus ou moins progressivement soit à la suite de l endosymbiose d une cyanobactérie, soit après la mise en place d une alimentation osmotrophe. Nous avons vu la complexité de la mise en place des plastes dans les différents groupes d algues, expliquant la mosaïque des taxons photosynthétiques (figure 378

388 349). L osmotrophie a été adopté principalement par les organismes de type champignons qui émergent au moins deux fois au cours de l évolution (figure 349). Dans ce cas, elle répond probablement à la disponibilité croissante dans les écosystèmes de matières végétales complexes suite à l apparition des algues, puis des plantes. Elle a aussi été adoptée par les organismes parasites, en particulier ceux qui vivent à l intérieur des cellules de leur hôte. Le parasitisme a été adopté de manière récurrente au cours de l évolution (figure 349). Le parasitisme engage une course à l évolution dite de la Reine Rouge. Un des résultats de cette course est le statu quo, voire l émergence d organismes mosaïques où chacun des deux partenaires vit en mutualiste. Ces organismes complexes ont alors un avantage sélectif et envahissent les écosystèmes. La mise en place de la cellule eucaryote est le résultat d un tel phénomène. Celui-ci se répète de manière récurrente avec mise en place des plastes, lichens, syntrophies diverses Dans de nombreuses lignées, ces phénomènes se sont accompagnés de la mise en place d une multicellularité plus ou moins complexe. Celle-ci prend ses formes les plus abouties chez les animaux, les plantes, mais aussi chez les Dikarya et les Phaeophyta. En résumé, à un arbre où les branches principales sont définies par la morphologie ou le style de vie (figure 63), il nous faut substituer un buisson touffu (figure 349), où les branches principales et secondaires sont essentiellement définies par les phylogénies et les signatures moléculaires combinées à des données ultrastructurales 379

389 Bilateria Cnidaria Myxozoa «Sulcozoa» Planomonadida Mantamonadida Rigifilida Diphyllatea Malawimonadea «Apusozoa» Breviatea Apusomonadida Bacillariophyta Coscinodiscophyceae «centriques radiales» Mediophyceae «centriques polaires» Coscinodiscophyceae Au sens large Metazoa (animaux) Placozoa Hexactinellida Demospongiae Homoscleromorpha Calcarea Porifera Khakista Fragilariophyceae «pennées sans raphé» Choanozoa Ctenophora Choanoflagellata Filasterea Mesomycetozoa Corallochytrea Ichthyosporea Filozoa Holozoa Ochrophyta Hypogyrista Eustigmista Bacillariophyceae «pennées avec raphé» Bolidophyceae Dictyochophyceae Pelagophyceae Pinguiophyceae Eustigmatophyceae Orbiliomycetes Pezizomycetes Coniocybomycetes Lichinomycetes Lecanoromycetes Eurotiomycetes Arthoniomycetes Dothideomycetes Xylonomycetes Geoglossomycetes Leotiomycetes Sordariomycetes Laboulbeniomycetes Agaricostilbomycetes Mixiomycetes Tritirachiomycetes Cystobasidiomycetes Archeorhizomycetes Schizosaccharomycetes Pneumocystidiomycetes Traphrinomycetes Neolectomycetes Saccharomycetes Dothideomyceta Taphrinomycotina Saccharomycotina Leotiomyceta Sordariomyceta Pezizomycotina Pucciniomycotina Rozellomycota Cryptomycota Ascomycota Saccharomyceta Nucleariida Aphelida Rozellida Microsporidia Dikarya «champignons supérieurs» Holomycota Opisthokonta Amorphea Heterokonta (Stramenopiles) Gyrista Chrysophyta Leukarachnion Phagochrysia Synchromophyceae Picophagea Raphidophyceae Actinophryida Xanthophyceae Marista Aurearenophyceae Phaeothamniophyceae Chrysomerophyceae Phaeophyta Pirsoniida Hyphochytridiomycota Saproleginales Leptomitales Saprolegnomycetes Atkinsiellales Perenosporales Pseudomycota Pythiales Perenosporomycetes Rhipidiales Olpidiopsidales Oomycota Haliphthorales lignées basales Eurychasma Haptoglossa Developpayellida Opalinata Nanomonadea Opalinozoa Placididea Bikosea Bigyra Labyrinthulida Microbotryomycetes Thraustochytrida Sagenista Classiculomycetes Cryptomycocolacomycetes Basidiomycota Amphitremidae Platysulcus tardus Atractiellomycetes Pucciniomycetes Exobasidiomycetes Ustilaginomycetes Ustilaginomycotina Postciliodesmatophora Ciliophora Karyorelictea Heterotrichea Protocruzia Bartheletiomycetes Litostomatea Tremellomycetes Dacrymycetes Agaricomycetes Agaricomycotina «zygomycètes» Glomeromycota Mucoromycotina Mortierellomycotina Zoopagomycotina Kickxellomycotina SAR Alveolata Armophorea Spirotrichea Colpodea Nassophorea Phyllopharyngea Prostomatea Plagiopylea Intramacronucleata «champignons inférieurs» Entomophthoromycota «Olpidium» Oligohymenophorea «chytridiomycètes» stemonitida Columelida Physarida Myxogastria Echinosteliida Liceida Lucisporida Myxogastrea Trichiida Ceratiomyxida Exosporeae Soliformoviida Protosteliida Protosporangiida Dictyosteliida Cavosteliida Blastocladiomycota Monoblepharidomycota Chytridiomycota Neocallimastigomycota Mycetozoa Eumycota Rhizaria Colponemidia Acavomonidia Chrompodellida Paragregarea grégarines Orthogregarinia Apicomplexa Cryptogregaria Conoidasida Myzozoa Histogregaria Gregarinomorphea coccidies Perkinsea Coelotrophia Coccidia Dinozoa Ellobiopsea Psammosa Aconoidia Oxyrrhinales Aconoidasida Dinoflagellata Hematozoa Haemosporidia Syndiniales Noctilucales Dinophyceae Plasmodiophorida Phytomyxida Phagomyxida Vampyrellida Filosa Cercozoa Schizoplasmodiida Archamoeba Varipodida Variosea Phalansteriida Holomastigida Discosea Tubulinea Diplomonadida Fornicata Retortamonadida Metamonada Parabasalia Trimastigida Oxymonadida Preaxostyla Jakobea Tsukubamonadea Discoba Pharyngomonadea Percolozoa Percolatea Tetramitia Heterolobosea Euglenida Discicristata Symbiontida Euglenozoa Diplonemida Kinetoplastea champignons algues parasites Conosa Amoebozoa Lobosa Diaphoretickes «excavata» racine de l arbre? Archaeplastida Mikrocytos Ascetosporea Gromiidea Taxopodia Polycystinea Radiolaria Retaria Acantharea Foraminifera Prymnesiophyceae Haptophyta Haptophytina Pavlovophyceae Haptista Rappephyceae Rappemonada Heliozoa Centrohelea Hacrobia Cryptophyceae Cryptophyta Rollomonadia Goniomonaphycea Katablepharida Palpitia Palpitea Cryptista Microhelida Heliomonadida Corbihelea Picozoa Telonemea Glaucophyta Cyanidiophytina Cyanidiophyceae Stylonematophyceae Rhodophyta Rhodophytina Rhodellophyceae Porphyridiophyceae Metarhodophytina Compsopogonophyceae Eurhodophytina Bangiophyceae Florideophyceae Prasinococcales Palmophyllales Chlorophyta Pyramimonadales Mamiellophyceae «Prasinophytes» Nephroselmidophyceae Pycnococcaceae Picocystis Ulvophyceae Chlorophyceae Viridiplantae Trebouxiophyceae Chlorodendrophyceae Pedinophyceae Mesostigmatophyceae Chlorokybophyceae Klebsormidiophyceae Streptophyta Charophyceae Coleochaetophyceae Streptophytina Zygnemophyceae Embryophyta (plantes terrestres) Figure 349 Phylogénie globale des Eukaryota. Les principaux changements de style de vie conduisant d un style de vie phagotrophe vers des styles osmotrophes, photosynthétiques ou parasites sont indiqués par des couleurs spécifiques. Les changements impliquant des groupes restreints ne sont pas indiqués. 380

390 Troisième Partie : Importance des protistes eucaryotes Rôles des protistes eucaryotes dans la biosphère L'analyse des divers constituants des biotopes et de leurs interactions montre que les microbes, bien que souvent invisibles jouent des rôles essentiels au niveau du fonctionnement des écosystèmes. Pourtant, les comptes rendus de ces études insistent beaucoup sur les bactéries et les grands oubliés sont souvent les microorganismes eucaryotes. Cette tendance semble s'accentuer si bien que dans certains livres récents traitant de la diversité microbienne et de leur rôle dans les écosystèmes, les champignons, les algues ou les protozoaires n y sont même pas mentionnés! Pourtant, les microbes eucaryotes sont présents dans quasiment tous les écosystèmes, y jouent des rôles cruciaux et par leur action collective modifient profondément la biosphère. Les eucaryotes sont adaptés pour survivre dans de nombreux milieux. De plus, leur capacité à s'enkyster ou former des spores leur permet souvent de résister à des conditions très défavorables et d'attendre plusieurs années le retour de conditions propices. Par exemple, certains champignons mésophiles, c'est-à-dire poussant entre 25 C et 35 C produisent des spores capables de résister plus de deux heures à 100 C ; chez certaines espèces, elles peuvent même résister à 115 C pendant la même durée! Ces champignons vont pouvoir par exemple germer après un épisode de feux de forêts et proliférer sur les débris végétaux brûlés. Néanmoins, les eucaryotes sont en général moins résistants à la chaleur que les eubactéries et surtout les archées. La température maximale de croissance est pour les espèces les plus thermophiles autour de 60 C. Les milieux hyper-thermophiles vont donc être dépourvus d eucaryotes. On trouve des eucaryotes dans toutes les autres niches écologiques, y compris les sources chaudes sous-marines, où certains animaux et protistes sont présents dès que la température descend en dessous des fatidiques 60 C. Ils se nourrissent à l aide de bactéries endosymbiotiques ou en consommant des débris de matières organiques. Leur présence a aussi été détectée dans des milieux très hostiles comme la rivière de feu «Rio Tinto» en Espagne. Cette rivière a un ph égal à 2 et contient jusqu'à 20 g/l de fer. Ce n'est pas une pollution humaine qui est responsable de ces conditions extrêmes mais la géologie de la région ; le Rio Tinto possède donc ces caractéristiques depuis des milliers d'années. La majorité de la biomasse présente dans ce biotope, environ 60% de la biomasse totale, est composée d'algues eucaryotes, avec en particulier une diversité d algues Chlorophyta et Rhodophyta. Des amplifications des ADN ribosomaux faites sur de l'adn extrait directement de la biomasse récoltée dans la rivière montrent aussi la 381

391 présence d'eucaryotes non photosynthétiques. Presque tous les groupes majeurs d'eucaryotes y ont été détectés. L invasion de ce milieu est probablement récente, car les comparaisons montrent que certaines espèces sont proches génétiquement d'espèces vivant dans des milieux plus accueillants. Les eucaryotes sont très présents dans les sols profonds des continents et des fonds océaniques, où leur prolifération ne semble être limitée que par la température. Nos connaissances de ces eucaryotes des milieux profonds sont très parcellaires en comparaison de celle des procaryotes. D'autres eucaryotes, tels que des champignons sont capables de croître à des températures inférieures à 0 C si l eau reste sous forme liquide, ce qui se produit si elle est chargée en matière organique, et peuvent ainsi coloniser les sols arctiques et antarctiques. Certains peuvent utiliser des milieux pauvres en eau comme les sols des déserts, ou riche en sels : des champignons vivent dans la mer morte! Néanmoins, les biotopes majeurs où l'on rencontre les protistes eucaryotes sont les biotopes mésophiles classiques : milieux marins et dulçaquicoles, sols ou l intérieur d'autre organismes, animaux, plantes et autres protistes, où ils vivent en symbiotes parasites, mutualistes ou commensaux. Les biotopes à l échelle des microbes eucaryotes Pour les microorganismes, l'échelle des tailles et volumes est très différente de celle qui nous est familière. Cela peut conduire à des biotopes très différents en fonction de la structuration du milieu. Chacun va héberger une faune et flore de protistes qui lui est propre. Par exemple, les milieux aquatiques semblent relativement homogènes de par leur fluidité. Toutefois, une structuration suivant la algues profondeur est observée, même dans les plans de faible volume comme les mares. Elle est liée à la diminution progressive de la luminosité, l augmentation de la pression et le changement de la température avec souvent un refroidissement vers le fond. Tous ces paramètres changent aussi en fonction des saisons. La présence de nutriments n est pas non plus homogène et peut conduire à une bactéries hétérotrophes structuration supplémentaire : la matière Figure 350 Un biotope à l échelle des microbes, l environnement d une algue microscopique. 382 organique généralement plus lourde que l eau se dépose sur le fond. La présence même d organismes photosynthétiques crée d autres gradients nutritionnels. Par exemple, une algue unicellulaire microscopique va secréter de la matière organique. Cela peut être les déchets de son métabolisme, mais aussi des

392 sucres qui vont diffuser passivement à travers la membrane par le simple fait qu ils sont concentrés à l intérieur de la cellule. Ceci permet de générer un micro-biotope autour de l algue, où sont présents divers hétérotrophes se nourrissant de la matière organique qu elle excrète (figure 350). Cet exemple est une version simplifiée d'un biotope très commun: celui de l'environnement immédiat d'un producteur primaire. Dans le cas d'une plante, l'excrétion de matières organiques permet le développement de toute une communauté de microorganismes sur les feuilles, un biotope appelé le phylloplan, et surtout autour des racines, une zone dénommée la rhizophère. Celle-ci est enrichie en bactéries, champignons, petits protozoaires, principalement des amibes diverses et des petits animaux comme les nématodes. Les biotopes de tailles restreintes sont très nombreux dans la nature et ils vont héberger des protistes spécifiques. C est le cas par exemple du tractus digestif des insectes dont celui des termites. Les termites sont des insectes consommateurs de bois qui recyclent une bonne partie de la biomasse végétale surtout dans les régions intertropicales. En fait, la digestion enzymatique du bois dans l intestin est effectuée par toute une communauté de microorganismes procaryotes et eucaryotes plus ou moins spécifiques à chaque espèce. On en différencie deux grands types. Les termites supérieurs ont un régime large et digèrent leurs aliments à l'aide de champignons Eumycota, qu elles cultivent parfois dans des «meules», de flagellés et de bactéries. Les glande salivaire termites inférieurs, comme Reticulitermes flavipes, consomment seulement du bois (figure 351). Pour ceci, il est classiquement admis qu'ils possèdent des symbiotes flagellés, euxmêmes associés à des procaryotes. Les valve entérique gésier flagellés sont essentiels pour la digestion de la cellulose qu'ils postérieur moyen antérieur transforment en acétate, la source de carbone consommé par le termite. Une Figure 351 Reticulitermes flavipes et son intestin. expérience simple consiste à exposer les termites à une forte concentration en oxygène qui tue les flagellés mais laisse le termite vivant, celui-ci meurt quelques jours plus tard... de faim! Chez Reticulitermes flavipes la partie postérieure de l intestin contient au moins six espèces de flagellés Parabasalia, des Ciliophora et une trentaine de morphotypes eubactériens et archéens. Ces morphotypes sous estiment fortement la biodiversité réelle qui est plus importante lorsqu'elle est mesurée à l'aide d'amplifications PCR des ARN 383

393 ribosomiques suivies de leurs séquençages. Chez Reticulitermes flavipes, les Spirochaetes dominent la biomasse procaryote puisque leurs ARNr représentent la moitié des séquences. Ce n est pas le cas chez d autres termites ; par exemple chez Coptotermes formosanus, un autre termite inférieur, les ARNr de Bacteroidetes représentent près des trois quarts des séquences. Chez Reticulitermes flavipes, on dénombre environ protozoaires et 10 anoxique et riche en H 2 microoxique et pauvre en H 2 Figure 352 fontionnement syntrophique dans l intestin de Reticulitermes flavipes. 384 cellulases cellulose archées méthanogènes spirochètes acétanogènes CH 4 CH 4 acétate sucre CO 2 sucre millions de procaryotes par intestin. Les protistes représentent néanmoins 70% de la biomasse. Celle-ci peut être estimée par exemple à partir des fréquences des séquences des divers ARN ribosomiques et des tailles connues des différents microbes. Les procaryotes libres sont rares et sont donc essentiellement des symbiotes des protozoaires. Certains sont endobiontes alors que d'autres sont des épibiontes fixés sur la surface des protozoaires (figure 48). Ils ont un rôle métabolique (figure 352) mais aussi un rôle dans la mobilité des protistes, en les aidant à remonter le flux des aliments afin de ne pas être expulsés avec les fécès. L'intégration des partenaires est plus ou moins poussée. Par exemple le symbiote du Ciliophora Metopus contortus semble avoir commencé une évolution régressive car il semble en partie avoir perdu sa paroi cellulaire. Cette communauté de microorganisme vit en syntrophie avec le termite (figure 352). Celui-ci broie le bois et ses glandes salivaires secrètent des endo-cellulases qui commencent à fragmenter la cellulose dans la partie antérieure et médiane de l intestin (figure 351). Il peut absorber le glucose produit dans la partie médiane de l intestin. Visiblement, ce glucose n est pas suffisant pour assurer la survie de l insecte. Les protozoaires consomment aussi cette cellulose, qu'ils terminent de digérer dans la partie postérieure de l intestin à l'aide de cellulase supplémentaires qu'ils secrètent. Leur métabolisme est anaérobie et ils produisent de l'h 2 via leurs hydrogénosomes qui fonctionnent comme celui de Trichomonas vaginalis (figure 31). Les procaryotes méthanogènes et acétanogènes, qu'ils hébergent ou qui vivent libres, consomment l'h 2, évitant ainsi l'effet inhibiteur de trop grande concentration de celui-ci. Le métabolisme H 2 H 2 CO 2 protistes producteurs d hydrogène

394 procaryote aboutit à la synthèse d'acétate consommé par le termite et de méthane qui sera excrété. L'inventaire des caractéristiques du tractus digestif des termites est loin d'être complet. Nous retiendrons que l'intestin n'est pas un milieu homogène. Il existe en particulier une différence entre la lumière et le bord du tube (figure 352). La lumière est un milieu anoxique riche en H 2 alors que le bord est microoxique et pauvre en H 2. En effet, l'oxygène arrive sur le bord de l'intestin via le système de respiratoire des termites et diffuse à travers la paroi de l'intestin. L oxygène est réduit à son arrivée dans la lumière du tube. Ceci a un impact important sur les flux métaboliques à l'intérieur du tube digestif et sur la répartition des différents microbes. La lumière est peuplée par les flagellés possédant les hydrogénosomes et qui produisent l hydrogène au centre du tube digestif. Celui-ci est utilisé par leurs symbiotes qui incluent des archées méthanogènes et des eubactéries acétanogènes ; les acétanogènes semblent plus présentes dans la lumière et les méthanogènes à la périphérie. Les symbiotes des termites ne se cantonnent pas qu à aider à la dégradation de la cellulose. Ils participent aussi à la destruction de la lignine et à la nutrition azotée. Récemment, il a été montré que chez Zootermopsis angusticollis, la lignine est partiellement dégradée au cours du passage dans le tractus digestif. On ne sait pas encore si un champignon Eumycota participe à cette dégradation. Cependant, il a été suggéré que chez Anoplophora glabripennis, un coléoptère xylophage, un champignon symbiotique appartenant au genre Fusarium/Nectria est impliqué dans la dégradation de la lignine. Quoiqu'il en soit, cette propriété permet au termite d'accéder à la cellulose protégée par la lignine. De même, on vient de montrer en séquençant le génome d'une bactérie endosymbiotique du Parabasalia Pseudotrichonympha grassii, un flagellé associé à Coptotermes formosanus, que l'azote atmosphérique peut être fixé par le consortium. Cette bactérie peut aussi recycler les déchets azotés du termite. Ceci assure une autonomie alimentaire remarquable à cette espèce car visiblement il peut survivre en consommant uniquement du bois! Ce termite envahit actuellement de nombreuses régions. En résumé, il existe de très nombreux biotopes de taille limitée qui ont chacun des fonctionnements et des habitants qui leur sont spécifiques. A l opposé de ces biotopes restreints, il en existe qui couvrent de grands volumes ou surfaces : sols des forêts boréales, tropicales ou équatoriales, sols des savanes, zone pélagique de l océan, bandes côtières Chacun résulte de l agrégation de microbiotopes, tels que ceux décrits précédemment. Cependant, il est possible d étudier l effet collectif de microorganismes, en particulier des microbes eucaryotes, sur les grands cycles géochimiques pour chacun de ces grands écosystèmes. 385

395 soleil Philippe Silar Encadré 24 Il existe deux sources principales d énergie sur terre : l énergie provenant du soleil principalement sous forme lumineuse et l énergie géochimique du noyau terrestre. Chacune de ces sources alimente des écosystèmes distincts. L énergie du soleil irrigue les écosystèmes de surface basés sur la photosynthèse, alors que l énergie de la terre restituée sous forme chimique initie les chaines alimentaires autour des dorsales océaniques ou dans les sols profonds. Nos connaissances actuelles indiquent que seuls les procaryotes peuvent utiliser l énergie géochimique pour synthétiser de la matière vivante. 3, joules convertis par la photosynthèse lune joules joules joules 1, joules réémis directement 2, joules transformés en chaleur et réémis 1, joules convertis dans les cycles hydrologiques L énergie provenant du soleil est de très loin la plus importante car elle représente joules, soit l équivalent de fois la consommation actuelle des sociétés humaines ; l énergie géochimique ne représentant que joules, soit deux fois la consommation humaine. Ces calculs sont basés sur la consommation de 2015, qui était d environ 12 équivalents «gigatonnes de pétrole» ou ~ joules. La majorité de l énergie du soleil est réémise directement (pour environ 30%) ou après transformation en chaleur (pour environ 45%). Le restant (environ 25%) est converti dans les grands cycles hydrologiques : vents, pluies, houles Seule une infime fraction, 3, joules soit 0.06 %, est converti par la photosynthèse en matière vivante, principalement en cellulose et lignine, les deux polymères les plus abondant sur terre. On estime que la cellulose représente ~30% du carbone fixé dans les molécules biologiques et la lignine ~20%. La glomaline, une protéine fongique très présente dans les sols, est aussi probablement un réservoir important du carbone organique. La contribution de l énergie géochimique à la production de biomasse est inconnue, mais pourrait être importante dans les sols profonds du fait de leurs grands volumes, même si la productivité y est faible. 386

396 Cycle global du carbone Le cycle le plus important de la biosphère est celui du carbone car il est relié à la manière dont les organismes utilisent l énergie et fabriquent, décomposent ou recomposent les composés carbonés qui les consitutent. Classiquement sont distingués les producteurs primaires ou prototrophes qui vont utiliser de l énergie lumineuse ou chimique pour fixer sous forme de molécules organiques du gaz carbonique comme source de carbone, et les consomateurs ou hétérotrophes qui vont utiliser des composés carbonés organiques fabriqués par les prototrophes comme source d énergie et de carbone. Les producteurs primaires eucaryotes ne sont pas capables d'utiliser la variété de matériaux et de sources d'énergie mobilisables par les procaryotes. Ils utilisent comme source primaire directe d'énergie uniquement la lumière car on ne connaît pas d'eucaryote chimio-autotrophe qui utiliserait directement l énergie géochimique (Encadré 24). Les protistes eucaryotes participent à la fixation du carbone soit directement par l activité photosynthétique des algues, soit en interagissant positivement ou négativement avec des producteurs primaires, en particulier avec les plantes. Le carbone est restitué sous forme de gaz carbonique par la totalité des organismes qui respirent dans les écosystèmes aérobies ou qui fermentent dans les écosystèmes anaérobies. Le rôle des microbes eucaryotes dans cette restitution est crucial dans les écosystèmes terrestres car les plantes y fabriquent la lignocellulose, un mélange complexe de polymères, qui n est dégradée efficacement que par les champignons Dikarya, même si des eubactéries, les Streptomycetes, et d autres protistes participent à sa dégradation enzymatique. Une estimation des stocks de carbone dans les différents compartiments terrestres, ainsi que les flux évalués entre compartiments sont donnés sur la figure 353. Sur ce schéma, il est simple de voir que les écosystèmes terrestres et océaniques participent de manière équivalente au cycle du carbone : environ 43% des échanges se font dans les océans et 57% dans les écosystèmes terrestres. Il faut aussi noter que les flux sont importants au regard des réserves disponibles de carbone sous forme de CO 2, qui se montent à 800 gigatonnes de carbone. En effet, avec un flux total de l ordre de 210 gigatonnes de carbone par an et un flux de 120 gigatonnes rien que dans les écosystèmes terrestres, elles disparaitraient en quelques années si la biomasse végétale accumulée sous forme de lignocellulose n était pas recyclée! Notez que la contribution de l'homme semble mineure, 9 GtC contre plus de 210 GtC pour le reste de la biosphère ; les champignons à eux seuls relargueraient 85 des 120 GtC issus des écosystèmes terrestres! Néanmoins, l homme introduit dans l'atmosphère du carbone supplémentaire à partir de réserves fossiles ou stockées dans les sols et bouleverse donc des flux qui étaient en équilibres. Quel sera le nouveau point d'équilibre et avec quelles conséquences fait encore débats. Néanmoins, l'ensemble de la communauté scientifique est d'accord pour juger que 387

397 atmosphère (800) biomasse végétale (550) ,1 volcans océans superficiels (1000) sol (2300) fixation sols 3 2 fixation océans réserves fossiles (4 000) croûte ( ) océan profond (37 000) sédiment (6 000) Figure 353 Cycle du carbone. Les réserves estimées en gigatonnes de carbone dans les différents compartiments sont en noir. Les flux estimés en gigatonnes de carbone/an en rouge. le réchauffement climatique observé actuellement prend sa cause en partie dans la modification de ces flux de carbones, en particulier l'accumulation de gaz carbonique dans l'atmosphère. Notez que notre époque n est pas la seule au cours de l histoire de la terre qui a vu des bouleversements écologiques globaux liés à des inventions biologiques qui ont permis d utiliser de manière différente l énergie (Encadré 25). Ecosystèmes marins Les océans couvrent les deux tiers de la surface du globe. Leur productivité dépend de la latitude qui influence la quantité de lumière reçue et la température de l eau. Cette dernière module la quantité de gaz carbonique et d oxygène dissous et donc l efficacité de la photosynthèse et de la respiration car les eaux froides dissolvent mieux ces deux gaz. Les disponibilités en sels minéraux comme le fer, le phosphate et celle de l azote sous forme assimilable par les algues eucaryotes comme le nitrate sont aussi des paramètres qui vont fortement affecter la productivité primaire. Elles vont dépendre de la proximité des continents et de courants marins ascendants ou descendants. En règle générale, la productivité des eaux aux latitudes extrêmes est plus importante que celle des eaux tropicales et équatoriales, bien que la lumière y soit moins abondante. Cela se voit facilement par leur turbidité : les eaux chaudes sont généralement cristallines indicatives d une faible biomasse présente. A l opposé, les eaux tempérées et froides sont très opaques à cause du micro-plancton présent. La fixation du carbone dans les écosystèmes marin est aussi fortement modulée par les nombreuses espèces qui fabriquent des tests 388

398 Encadré 25 L atmosphère de la terre a connu plusieurs changements dans sa composition en O 2 et en CO 2. Après sa formation, l atmosphère terrestre contenait une grande quantité de gaz carbonique et pas d oxygène. L atmosphère était réductrice. La faiblesse du rayonnement solaire limitait l effet de serre causé par la haute concentration en gaz carbonique. Cette atmosphère réductrice aurait permis l apparition des premières cellules vivantes, ce que ne permettrait plus l atmosphère oxydante actuelle. atmosphère réductrice atmosphère oxydante 30% 0.6% apparition de la vie apparition de la cellule eucaryote 20% 10% 0.4% 0.2% début de la photosynthèse oxygénique endosymbiose primaire du plaste 20,95% 0,035% formation de la terre O 2 CO fin du piégeage de l oxygène dans les oxydes de fer -1 0 apparition des pourritures blanches les plantes sortent de l eau apparition des premiers animaux Estimation des concentrations en O 2 et CO 2 au cours de l histoire de la terre L invention de la photosynthèse oxygénique par les cyanobactéries il y a environ 2 à trois milliards d années a conduit à la libération d oxygène. Dans un premier temps, l oxygène aurait été piégé dans divers oxydes, dont l oxyde de fer qui est le plus abondant. Une fois saturé, l oxygène a été libéré dans l atmosphère. L augmentation de la concentration en oxygène a conduit à une catastrophe écologique probablement sans précédent ni équivalent. Il est probable que de nombreux organismes ont disparu à cette occasion. En contrepartie, cette augmentation a probablement favorisé l apparition de la cellule eucaryote (voir page 36). Comburant très efficace, l oxygène est ensuite rapidement devenu indispensable à de nombreux organismes utilisant la respiration comme fournisseur principal de leur énergie. L endosymbiose primaire, qui a conduit au plaste et qui s est produite il y a un peu plus de un milliard d années, a aussi probablement bouleversé les écosystèmes. En effet, 389

399 la cellule eucaryote photosynthétique accumule plus de réserves que la cellule procaryote. Ces réserves peuvent être très difficiles à digérer comme les fibres de celluloses, conduisant à un piégeage du carbone dans les sédiments et à la fabrication de pétroles. Cet évènement a donc contribué à la diminution de la concentration de gaz carbonique dans l atmosphère, contrebalançant l augmentation du rayonnement solaire. Il a aussi conduit probablement à une augmentation de l activité photosynthétique globale et donc à une augmentation de la concentration en oxygène dans les écosystèmes. Cette augmentation a en retour pu permettre l augmentation en taille des organismes, car pour ceux devenus dépendants de l oxygène pour leur survie, la concentration externe d O 2 a été un facteur limitant de leur accroissement en taille. Plus la concentration est élevée, plus l oxygène peut diffuser loin et donc plus les organismes peuvent grossir. Parmi ces gros organismes se trouvaient les premiers animaux L évènement suivant est la sortie de l eau des plantes. La lumière étant plus abondante et le gaz carbonique plus disponible dans l air, l activité photosynthétique globale a encore été accrue, d autant plus que de nouveaux territoires ont été probablement conquis par les plantes. La concentration en gaz carbonique a de nouveau chutée et celle en oxygène augmentée. Pendant cette période les combustions spontanées étaient probablement fréquentes! Les plantes pour envahir le milieu terrestre ont eu besoin de mettre en place des systèmes de protection et de soutien. L augmentation de la quantité de lignine dans les parois a répondu à ce besoin. Il a aussi entrainé l élaboration d un matériel très difficile à digérer, la lignocellulose. Dans un premier temps, aucun organisme n a pu la dégrader efficacement, conduisant à son accumulation dans les sols et sa transformation en charbon. A la fin du carbonifère, l oxygène est à son maximum, la taille des insectes aussi, et le gaz carbonique à son minimum ; la sortie de l eau des plantes, leur photosynthèse oxygénique et l élaboration de la lignine a conduit à un nouvel équilibre, où la photosynthèse devait être très limitée par la disponibilité en gaz carbonique. Elle a aussi permis d initier des chaînes alimentaires nouvelles sur terre et donc la sortie de l eau des animaux L apparition des champignons capables de dégrader efficacement la lignocellulose, dits «pourritures blanches» a probablement remis en route le cycle et lui a donné sa forme actuelle. Du CO 2 a été remis dans l atmosphère, de l O 2 a été consommé, d autant plus que la dégradation de la lignocellulose par les pourritures blanches nécessite de l oxygène. Avec ces champignons sur la scène, la production de charbon est sévèrement limitée. Elle ne peut plus se produire que dans les milieux anoxiques tels que les tourbières. Avant l arrivée de l homme, le cycle semblait se stabiliser à une concentration en oxygène de 20-21% et en gaz carbonique à 0,035 %. La remise en circulation du carbone fossile bouleverse de nouveau les écosystèmes. Quelles en seront les conséquences, seul l avenir nous le dira 390

400 en carbonate de calcium, comme les Haptophyta «coccolithes» ou les Foraminifera. Le carbonate de calcium se dissout en profondeur, et dans les mers actuelles disparaît en dessous de mètre de profondeur. Néanmoins, la minéralisation des tests participe à la précipitation du carbone dans les sédiments et donc au cycle global du carbone. Le retour du carbone mais aussi des autres éléments nécessaires au métabolisme (phosphate, nitrate, sels minéraux ) dans le pool disponibles pour les producteurs primaires se fait par les consommateurs, les parasites et les virus. Traditionnellement, les écosystèmes marins sont dissociés en cinq grands types : l océan pélagique superficiel, l océan profond, le plancher océanique avec les zones hydrothermales chaudes et le reste du benthos froid et les zones côtières (figure 354). L océan pélagique superficiel est la zone des océans qui reçoit de la lumière dite zone photique et dans laquelle se produit la majorité de l activité photosynthétique marine. Sa profondeur dépend de la turbidité des eaux et ne dépasse pas 200 mètres de profondeur en haute mer. Il s agit donc d une couche très superficielle, mais qui va concentrer une large fraction de la biomasse océanique. L analyse par séquençage à haut débit des organismes planctoniques montre que dans les écosystèmes pélagiques superficiels la biodiversité des protistes eucaryotes est bien supérieure à celle des animaux. Les Eumycota y sont cependant peu divers en comparaison des écosystèmes zone côtière algues multicellulaires protistes et animaux zone pélagique superficielle micro-algues et cyanobactéries et bactéries protistes phagotrophes zone photique animaux bactéries osmotrophes zone pélagique profonde protistes phagotrophes? animaux sources hydrothermales des dorsales océaniques bactéries chimiotrophes protistes et animaux benthos bactéries et Eumycota protistes phagotrophes Figure 354 Principaux écosystèmes marins et leur chaine alimentaire majeure. En vert, les producteurs primaires, en oranges les consommateurs intermédiaires et en rouge les consommateurs finaux. 391

401 terrestres, les protozoaires et les micro-algues, mais aussi de nombreux parasites étant responsables de la grande diversité. Dans ce milieu, la production primaire est assurée principalement par des organismes microscopiques, micro-algues eucaryotes et cyanobactéries. Les proportions relatives des contributions des deux groupes sont encore mal connues et il est possible de trouver dans la littérature les données les plus diverses quant à celui qui est le plus important. Néanmoins, les données les plus récentes suggèrent que les algues eucaryotes sont les plus importantes. En effet, l analyse d images satellites permet d estimer au niveau global les quantités des pigments photosynthétiques qui sont relativement spécifiques de chaque groupe de photo-autotrophe (Table 5). Les quantités estimées pour l'an 2000 mesurées en kg de chlorophylle a seraient de pour les algues Haptophyta, pour les Bacillariophyta et de pour les cyanobactéries. Notez que cette estimation ignore les Dinophyceae, le troisième groupe important de micro-algues eucaryotes dans les océans, probablement parce que leurs pigments photosynthétiques sont trop divers (Table 5) pour donner une évaluation correcte. Un calcul simple indique donc que la biomasse eucaryote représente au moins 77% de la biomasse totale mesurée en équivalent masse de pigments photosynthétiques. La grande majorité de la fixation du carbone dans les océans passe donc effectivement par les micro-algues eucaryotes. Elles occupent la base des chaînes alimentaires dans l océan pélagique superficiel. Une autre source occupant la base des chaînes alimentaires dans ce milieu sont les recycleurs, principalement des bactéries osmotrophes, qui vont consommer la matière organique en solution dont une partie provient de la mort des divers organismes présents dans le milieu. L image qui ressort de cet écosystème pélagique superficiel est une dynamique complexe où les micro-algues reproduites continuellement par leur activité photosynthétique sont consommées d abord par une kyrielle de phagotrophes, qui inclut des algues mixotrophes comme les Dinophyceae mais aussi des phagotrophes exclusifs comme des Rhizaria, des Heterokonta hétérotrophes et surtout des Alveolata, connus comme les Ciliophora ou inconnus. Les protistes eucaryotes seraient aussi les consommateurs majeurs des bactéries et ont un impact majeur sur la dynamique des populations bactériennes pélagiques, impact probablement supérieur à celui des bactériophages. Des données récentes indiquent qu'une majorité de l'activité phagotrophique dans l'atlantique nord serait en fait due aux algues pico-planctoniques, c est-à-dire ayant une taille de l ordre du micron, et se nourrissant en partie de bactéries avec donc une alimentation de type mixotrophe. Elles seraient responsables pour environ 70% de la consommation de bactéries qui leur fourniraient environ 25% de leur biomasse finale. Les petits protozoaires phagotrophes sont à leur tour consommés par des prédateurs plus gros et ainsi de suite. La taille des prédateurs augmentant, plus ils sont gros, plus ce sont des animaux, qui vont donc occuper les derniers étages de ces chaînes trophiques. Les parasites, eucaryotes mais aussi viraux, semblent jouer un rôle important à 392

402 tous les niveaux car les analyses de métagénomiques montrent qu ils sont divers et abondants dans ces écosystèmes pélagiques superficiels. Le milieu pélagique profond est mal connu, en particulier en ce qui concerne les populations des protistes eucaryotes. Il est alimenté essentiellement par la matière organique qui tombe de la zone photique, principalement sous forme dissoute. La pauvreté des ressources alimentaires en font un milieu très dilué. Par exemple, les bactéries osmotrophes qui y semblent être à la base de la chaîne alimentaire ont une concentration de l ordre de 10 4 /10 5 cellules par millilitres, alors qu elles sont dix à cent fois plus concentrées dans la zone photique. Néanmoins, le volume important de ce biotope, mesurant plus de 1,3 milliard de kilomètre cube, fait que même si les organismes y sont peu concentrés, leur participation à la biomasse totale n est pas négligeable! Des analyses portant sur les organismes eucaryotes consommant les bactéries des milieux pélagiques profonds suggèrent que les «nanoflagellés», des «nano-eucaryotes» dont la taille oscille entre deux et dix microns, seraient les plus importants. Ils seraient responsables par leur activité phagotrophique de la disparition de 30% des bactéries produites quotidiennement. La dilution du milieu suggère une alimentation mixotrophe partiellement osmotrophe de ces protistes pour suppléer à la rareté de leur proie. Les maillons suivants de la chaine sont mal connus, mais des animaux de très grande taille, comme des calmars géants peuplent les abysses Les planchers océaniques sont aussi mal connus que le milieu pélagique profond pour les mêmes raisons, c'est-à-dire la difficulté de récolte des échantillons et de leur maintien en surface. Les plus explorés sont les sources hydrothermales profondes où l énergie géochimique est utilisée par des procaryotes pour fabriquer de la biomasse (Encadré 24). Le reste des fonds dépendent des nutriments qui proviennent de la surface et qui ne sont pas consommés dans colonne d eau. Dans ces fonds abyssaux, la température moyenne y est de -1 C à 4 C, ce qui ne permet pas un métabolisme actif. Des protistes et des animaux habitent les sources chaudes et se nourrissent soit en vivant en symbiose mutualistes avec les bactéries chimio-autotrophes, soit en filtrant l eau soit en broutant les biofilms bactériens. Les données de métagénomiques indiquent que la majorité des groupes d eucaryotes phagotrophes semblent présents dans cet écosystème. Les Eumycota y sont aussi représentés et divers, principalement des Dikarya et des Chytridiomycota. Leurs cultures montrent qu ils sont adaptés à la vie en grande profondeur et ne sont donc pas des habitants temporaires venant de la surface. Dans les fonds froids, la quantité de matière organique est importante et les populations bactériennes sont denses avec des densités cellulaires de 10 à fois plus importante qu en surface, bien que la sédimentation apporte peu de nutriments : de l ordre de 1 gramme par mètre carré par an. La raison de la richesse en bactérie provient probablement du métabolisme bactérien ralenti par le froid et d une faible consommation par les protistes bactérivores. Les organismes impliqués sont mal connus, mais les explorations des fonds indiquent que les animaux ne sont pas au sommet des chaines 393

403 Encadré 26 Les efflorescences ou «marées» d algues sont des proliférations massives d algues. De nombreux groupes d algues et de procaryotes ont la capacité à former ces efflorescences. Les deux principaux taxons responsables sont les Dinoflagellata qui créent des marées de couleur rouge et les coccolithes Haptophyta telles qu Emiliania huxleyi qui génère des marées blanches. Ces phénomènes sont favorisés par l eutrophisation des milieux liée aux activités humaines, mais sont aussi causés par des phénomènes naturels, en particulier lorsque le réchauffement de la mer produit une convexion d'eau qui entraîne les nutriments du fond vers la surface et marée blanche à coccolithes dans le Golf de Gascogne que l'eau est calme. La Bible raconte que le premier des fléaux infligés par Moïse aux Egyptiens fut une marée rouge-sang qui tua les poissons et souilla l eau. Il s'agit en fait probablement d'une efflorescence à Dinoflagellata producteurs de toxines. La Mer Rouge a probablement reçu son nom à la suite d efflorescences régulières de ces algues. Ces marées peuvent être suffisamment étendues pour être détectables par les satellites. Les marées rouges et blanches se produisent souvent en été. Les algues peuvent alors atteindre la concentration de 20 millions d'individus par litre causant ainsi une coloration bien visible en rouge ou blanc de la mer. Les effets pour la flore et la faune sont souvent néfastes. Les Dinoflagellata sont connus pour produire des métabolites secondaires toxiques (voir Encadré 31) qui vont tuer animaux et protozoaires. Le mucilage des Haptophyta, lorsqu'elles sont en trop grand nombre peut bloquer les branchies des poissons. De même, elles produisent du sulfure de diméthyle, un produit répulsif pour les poissons qui peuvent alors changer de route de migration. Il a été montré que les terminaisons de marées sont souvent provoquées par des virus. Leur action rapide aboutit à une remise dans le milieu d'une quantité très importante de matière organique qui peut de nouveau perturber les écosystèmes. Dans le cas d Emiliania huxleyi, les virus infectent la forme coccoïde non motile. Visiblement, la forme motile est insensible à ces virus et son apparition pourrait être même induite par leur présence. Cette propriété entraine une dynamique cyclique des pullulations. De manière intéressante, la présence des virus ne provoquerait pas une course évolutive de sélection de gènes de résistance/gènes de virulence comme dans le cas classique des relations hôtes/parasites. De fait, les marées blanches à Emiliania huxleyi sont toujours causées par des souches de même génotype. Dans ce cas, plutôt que de course de la Reine Rouge, la dynamique a été qualifiée de course du "Cheshire Cat", un autre personnage d'alice au pays des merveilles qui devient invisible pour échapper à la reine de cœur, car le passage à la forme haploïde masque l'algue au virus. 394

404 alimentaires. Les Foraminifera géants semblent effet dominer ces écosystèmes, en particulier dans les régions arctiques et antarctiques. Ils vivent associés avec de nombreux autres protistes et des Eumycota. Ceux-ci vivent aussi sous la surface et peuvent être détectés jusqu à plus de mètres dans la croûte océanique. Leur activité semble néanmoins cesser vers -350 mètre. Les milieux côtiers sont mieux connus et très divers : côtes rocheuses, plages, estuaires et deltas, mangroves, etc. Dans ces zones, les algues multicellulaires Phaeophyta, Rhodophyta et Chlorophyta dominent généralement la production primaire. Toutefois, dans les écosystèmes coralliens les zooxanthelles et les zoochlorelles symbiotiques ainsi que les algues corallines Rhodophyta sont importantes. La contribution des écosystèmes côtiers au cycle global du carbone n est pas négligeable bien que la zone géographique ait une très faible superficie. En effet, les algues côtières pourraient participer à hauteur de 30% dans la productivité totale des océans. Elles servent de source de nourriture et d'abris à de nombreux animaux, créant ainsi des biotopes très riches en espèces, en particulier en animaux. Les protistes phagotrophes y sont aussi abondants, en particulier les Ciliophora. Ces écosystèmes sont souvent modifiés par la présence de l homme, probablement plus que les écosystèmes pélagiques. En particulier, l'introduction par l'homme d'engrais sur les terres côtières peut aboutir à leur lessivage vers la mer. Ceci provoque des proliférations importantes d'algues qui ne peuvent plus être consommées suffisamment rapidement par les animaux. Ces processus d'eutrophisation - eutrophie veut dire riche en nutriments en opposition à l'oligotrophie qui veut dire pauvre en nutriment et qui est l'état souvent normal d'un écosystème - sont de plus en plus fréquents surtout dans les régions où se pratique l'agriculture intensive, mais aussi près de grandes villes côtières. Les algues s'accumulent, meurent et finissent par être dégradée par des bactéries grandes consommatrices d'oxygène. La diminution de la concentration en oxygène ainsi que le relargage de matières organiques et/ou minérale comme l ammoniaque perturbent fortement les écosystèmes et permettent la prolifération de bactéries anaérobies qui accélèrent encore le processus, aboutissant souvent à la mort de la faune. Les efflorescences d algues ne sont pourtant pas toutes créées par l homme et peuvent avoir des causes naturelles comme la remontée saisonnières de nutriments par des courants ascendants (Encadré 26). Les effets ne sont pas moins dévastateurs pour la faune (Encadré 26). Ecosystèmes terrestres Bien que les milieux terrestres ne recouvrent que le tiers de la surface du globe leur productivité est plus importante que les écosystèmes marins (figure 353). La raison est une meilleure efficacité de la photosynthèse liée à la disponibilité supérieure en gaz carbonique et à l intensité lumineuse plus importante. Les écosystèmes terrestres sont 395

405 396 Encadré 27 Bien que souvent discrets dans l environnement, les lichens ont un succès certain car on estime qu environ 8% des surfaces émergées sont recouvertes par ces organismes. ils sont particulièrement abondants dans les écosystèmes extrêmes : haute altitude, régions polaires ou désertiques, substrat rocheux... Ils pourraient avoir précédé les plantes dans le milieu aérien. De fait, lors de l émergence de nouvelles iles volcaniques, ils sont les premiers à envahir le milieu. Ils dégradent la roche en secrétant des acides. Les plantes ne se développeront que lorsqu une quantité suffisante de sols sera disponible. Leur origine ancienne a été récemment confirmée par la découverte d un lichen datant du dévonien soit de Ma. Les lichens sont formés par l association mutualiste d un champignon, le mycobionte, et d un partenaire photosynthétique, le phycobionte, qui peut être une micro-algue eucaryote, une cyanobactérie ou les deux. Le mycobionte est dans 98% des espèces un Ascomycota et dans 2% des cas un Basidiomycota. Les phycobiontes sont avec une fréquence de 85% des Chlorophyta, principalement des Trebouxiophyceae, et de 10% des cyanobactéries, les 5% restant étant d origines très diverses. Il n y a pas de coévolution entre les deux partenaires. Le champignon choisit souvent une algue de manière spécifique, alors que les algues semblent moins regardantes. Dans la nature le mycobionte ne se trouve jamais seuls à quelques exceptions près, alors que les Falaise rocheuse recouverte par le lichen Rhizocarpon sp. algues peuvent vivre libres, même si elles sont rares sous cette forme. Il est parfois possible de cultiver les deux partenaires séparément. Dans ces conditions, ils n'ont pas le même aspect. Le lichen résulte donc d'un processus morphogénétique particulier dont on ne connaît pas les déterminants car on ne sait pas recréer un lichen au laboratoire. Il faut reconnaître que la vitesse de croissance extrêmement lente des lichens, quelques millimètres ou centimètres par an, ne facilite pas leur étude Les lichens ont tous la même structure générale (figure 46), où les algues sont entourées par les hyphes fongiques. La zone la plus externe dite du cortex est une couche protectrice contre les agresseurs, la dessiccation et l'excès de lumière. Elle est constituée d'un réseau dense d hyphes. La zone la plus interne appelé médulle est la zone d'attachement au substrat. Les hyphes y sont moins denses et elle est plus ou moins complexe en fonction des lichens. Chez les lichens fruticoses, cette structure se referme sur elle pour donner des cylindres emboîtés avec le cortex externe, la couche des symbiotes sous-jacente et la médulle plus à l'intérieur. Eventuellement, un cordon axial renforce la structure au centre. De nombreuses ornementations, telles que des cils, poils

406 ouvertures, papilles, etc., peuvent décorer les faces supérieures ou inférieures du thalle et permettent en partie leur détermination. Leurs formes et couleurs sont très variées. On distingue quatre morphologies principales : crustose, squamulose, foliose et fruticose. Au niveau cellulaire, les contacts entre les deux partenaires sont étroits, avec dans certains cas la mise en place de structures spéciales, appressoriums et/ou suçoirs, pour faciliter les échanges. L'algue fournit les métabolites carbonés issus de la photosynthèse, polyols pour les algues Viridiplantae, glucose pour les cyanobactéries, de l'ammonium issu de la fixation de l'azote atmosphérique lorsque le partenaire est une cyanobactérie, ainsi qu'éventuellement des vitamines. Le champignon fourni une protection et de fait, les lichens sont capables de résister à des dessiccations importantes. Des expériences d'envoi de lichens dans l'espace montrent que ce sont les organismes les plus résistants aux conditions du milieu interstellaire. En effet, l'activité photosynthétique de plusieurs espèces de lichen n'est pas modifiée après un séjour de deux semaines en orbite terrestre. Exposés au vide dans les mêmes conditions tous les autres organismes sont morts! Comme les champignons, ils produisent une grande variété de substances toxiques servant de protection contre les herbivores ou colorées permettant une défense contre la lumière et les rayons ultraviolets. Les lichens se reproduisent de plusieurs manières, principalement via la fabrication de sorédies qui sont des propagules constituées d'algues enrobées d hyphes mycéliens ou d isidies qui ont la même structure additionnée d une couche protectrice de cellules fongiques. Il semble que lorsqu ils sont consommés par les escargots et les limaces, les lichens soient incomplètement digérés, ce qui permet aussi leur dispersion par ces herbivores. Ceux-ci contribuent donc de manière antagoniste à la propagation des lichens, en les consommant mais aussi en les dispersant. Notez qu'une bonne partie des mycobiontes peuvent faire la reproduction sexuée et donner des méiospores qui donneront après germination seulement le champignon. On ne sait pas comment dans la nature le lichen est recréé, d autant plus que les phycobiontes libres sont rares. Bien que très résistants, les lichens sont très sensibles aux pollutions atmosphériques, spécialement à l'ozone, aux métaux lourds et au dioxyde de soufre S0 2. Des études confirment leur raréfaction liée à l'accroissement d'émission de gaz toxiques par les activités humaines. En effet, il possède une grande capacité à absorber et concentrer les substances contenues dans la pluie mais ne dispose pas de système d'excrétion efficace. En trop grande quantité, les polluants détruisent les chlorophylles a et b, aboutissant à des perturbations dans l'association entre phycobionte et mycobionte. Certaines espèces, telle Hypogymnia enteromorpha qui est modérément sensible à la pollution, sont actuellement utilisées comme indicateurs de la pureté de l'air. On s'en sert aussi pour tracer les pollutions radioactives issues des mines d'uranium, des accidents de satellites ou bien les essais nucléaires! 397 crustose squamulose foliose fruticose

407 plus sujets aux variations des conditions environnementales. Les effets saisonniers y sont souvent importants. L altitude, la latitude et la disponibilité en eaux sont des régulateurs majeurs. De grandes régions sont des déserts chauds, froids où trop élevés en altitude. Pourtant dans ces écosystèmes inhospitaliers des faunes et flores spécifiques de protistes eucaryotes sont présents. En particulier, les lichens (figure 46 et Encadré 27) peuvent y devenir les producteurs primaires les plus abondants. Pour les autres biotopes, les plantes assurent la majorité de la fixation du carbone, sauf dans les environnements dulçaquicoles où les algues Viridiplantae assurent généralement ce rôle. Les plantes vivent associés avec des nombreux Eumycota et bactéries qui vont faciliter leur activité photosynthétique (Encadré 28). Elles ont la capacité de fabriquer de la lignocellulose, un mélange très résistant que seuls les champignons Dikarya peuvent dégrader efficacement (Encadré 29). Le résultat de cette dégradation est la production d acides humiques qui jouent des rôles cruciaux dans la rétention d eau et de sels minéraux. Les champignons dégradeurs de bois ont donc un rôle majeur dans la santé des sols et leur effet sur la fixation du carbone est positif : ils permettent de fixer plus de carbone qu ils n en relâchent par leur activité de dégradation! Bien plus que les protozoaires ou les animaux, les Eumycota jouent des rôles fondamentaux dans le recyclage des matières organiques dans les écosystèmes terrestres. Les espèces impliquées dépendent bien évidemment des biotopes. On distingue classiquement trois grands types de biotope ou biomes qui ont des impacts importants sur le cycle du carbone : les forêts boréales, les forêts tropicales et équatoriales et les savanes et prairies (figure 355). A ces trois biotopes s ajoute les écosystèmes dulçaquicoles qui hébergent bien évidemment des espèces très différentes des écosystèmes terrestres (figure 355). Comme dans les milieux marins les écosystèmes terrestres sont soumis à la pression des parasites. Dans le cas des plantes, il s agit surtout des champignons Eumycota (voir pages ) et Oomycota car ils représentent environ 85% de leurs maladies. Il est estimé plantes + ectomycorhiziens animaux champignons algues vertes protistes animaux champignons plantes + endomycorhiziens animaux champignons plantes animaux champignons forêts boréales eaux douces savanes et prairies forêts tropicales et équatoriales Figure 355 Principaux écosystèmes terrestres et leur chaine alimentaire majeure. En vert, les producteurs primaires, en rouge les consommateurs finaux. 398

408 399 Encadré 28 Toutes les plantes vivent en association plus ou moins prolongée avec des champignons. Certains vivent en saprotrophes commensaux sur le phylloplan, les tiges et la rhizosphère. Ils se nourrissent des exsudats que rejettent les plantes. D'autres vivent en tant que symbiotes entre les cellules de la plante et se développent soit de manière harmonieuse avec celle-ci et sont alors qualifiés d'endophyte, soit au contraire provoquent des dégâts et sont alors des phytopathogènes (voir pages ). Une classe particulière de champignons mutualistes est celle des champignons mycorhiziens qui comptent parmi les symbiotes mutualistes les plus importants de la biosphère. Ils forment avec les racines des plantes des structures particulières, les mycorhizes, qui participent à la nutrition de la quasi-totalité des plantes (Encadré 13). Les mécanismes évolutifs qui ont conduit à ces associations ne sont pas encore clairement connus. Une théorie postule que les ancêtres des champignons auraient été des parasites des algues. La course de la Reine Rouge aurait conduit à un statu quo entre les deux partenaires et le début d une relation mutualiste. Lors de la sortie de l eau, l association plante/champignon aurait ensuite connu un grand succès (voir page ). Une théorie alternative postule au contraire que les champignons auraient d'abord été saprotrophes et que leurs contacts fréquents avec les plantes auraient provoqué le passage à l'état symbiotique. Le parasitisme serait venu plus tard. Les plantes possèdent des récepteurs qui vont reconnaître des déterminants moléculaires présents sur le champignon. L'absence de reconnaissance aboutit à l'envahissement et à terme la destruction de la plante. La reconnaissance active des voies de transduction du signal qui vont provoquer une réponse ayant trois issues possibles: la plante se débarrasse du champignon, elle contrôle sa propagation et une relation mutualiste peut alors s'établir, la plante ne contrôle pas le champignon et celui-ci la détruit. Les champignons possèdent aussi des déterminants génétiques qui contrôlent leur interaction avec la plante. Par exemple, Epichloë festuca est un endophyte de plante herbacée. La délétion chez ce champignon du gène NoxR qui contrôle le fonctionnement d'une oxydase du NADPH aboutit à la transformation du champignon en un pathogène. A l'inverse la délétion d'une catalase inhibe le succès de l'invasion par Claviceps purpurea, un pathogène du seigle. Ces deux exemples soulignent le rôle des radicaux libres dans les communications entre plante et champignons, cependant d'autres modes de signalisations peuvent être mis en jeu. Les endophytes sont essentiellement des Ascomycota. Ils hyphes de champignons endophytes colorés au bleu coton peuvent envahir tous les organes de la plante: feuilles, tiges et racines. Ils sont souvent spécifiques d'une espèce ou d'un genre de plante et sont apparentés à des espèces pathogènes infectant éventuellement des espèces proches. Dans la plupart des cas, ces champignons ne semblent pas provoquer d'avantages ou de désavantages pour la plante. Ils sont

409 probablement issus de la germination de spores qui ont atterrit sur la plante, suivie du contrôle de la propagation du mycélium par la plante. A sa mort, ces endophytes sont les premiers saprotrophes qui vont dégrader la biomasse. C'est le cas par exemple pour une partie des endophytes du cacaoyer pour lequel on estime à plus de le nombre de spores déposées quotidiennement par feuille. Les graines de cacaoyer sont vierges d endophytes. Par contre dans la nature, 80% des jeunes feuilles et 100% des vieilles feuilles en portent. Dans d autres cas, le champignon semble apporter une protection contre l'attaque de pathogènes ou d herbivores. Cela a été montré récemment par exemple pour le cacaoyer qui est protégé par certains endophytes contre l'attaque d'oomycota du genre Phytophthora. De même, les endophytes d'herbes du genre Epichloë synthétise des métabolites toxiques qui peuvent rendre des prairies impropres à l'élevage du bétail. Dans d'autres cas, les endophytes apportent une protection contre les métaux lourds ou la sécheresse. Ces endophytes bénéfiques ont souvent une transmission verticale, c'est à dire que la graine emporte avec elle ses champignons. Les champignons mycorhiziens sont principalement des Basidiomycota. Dans certains cas, l'association est obligatoire et la plante ne germe pas ou ne pousse pas sans ses champignons, comme par exemple les orchidées. Le succès de l'acclimatation de certaines plantes dans de nouveaux milieux peut dépendre de la présence Racine ectomycorhizée 400 d'un partenaire champignon pour faire des mycorhizes. C'est le cas par exemple du pin. De même, c'est la présence de racines qui induit la germination des spores du champignon et l'association avec la plante ; elle émet des signaux chimiques, les strigolactones, qui favorisent la croissance du champignon vers ses racines. Dans beaucoup de cas le champignon ne fructifiera que s il est associé avec une plante. La majorité des espèces de plantes peuvent contracter des associations mycorhiziennes ; seules les brassicacées et quelques autres plantes ne peuvent le faire. Il en existe plusieurs types de mycorhizes en fonction du couple plante/champignon avec deux grandes catégories, les endomycorhizes et les les ectomycorhizes (Encadré 13). Le champignon permet une meilleure assimilation des nutriments, surtout le phosphate et dans une moindre mesure l'azote, lorsque ceux-ci sont présents de manière insoluble ou à faible concentration. Ceci est réalisé grâce aux extensions des hyphes qui pénètrent loin dans le substrat et aux systèmes de transports actifs efficaces chez les champignons. Le mycélium du champignon permet d explorer un volume mille fois plus important de sol et d augmenter la surface d échange pour une meilleure assimilation. Il a aussi été montré que les mycorhizes protègent des attaques par des champignons parasites ou des chocs thermiques. Les plantes mycorhizées semblent aussi mieux résister à la dessiccation et à la pollution des sols. Les mycorhizes ont deux effets sur les

410 écosystèmes : plus grande productivité et accroissement de la biodiversité. Les mécanismes qui déclenchent le transfert des nutriments vers la plante ne sont pas encore complètement connus. Celui-ci est assuré par des systèmes de transport usuels fonctionnant probablement avec des gradients de protons, car à l'interface entre le champignon et la plante se trouvent des ATP-ase à H +. Dans le cas de l azote fournit par les Glomeromycota, celui-ci pénètre dans le mycélium sous forme assimilable par le champignon comme les nitrates, les nitrites, l ammonium et se retrouve stocké sous forme d arginine dans le mycélium extra-racinaire. L arginine est transférée au mycélium intra-racinaire où elle est dégradée en ammonium qui va être transféré à la plante. La plante fournit au champignon des sucres, le plus souvent des hexoses, que celui-ci transforme en alcool comme le mannitol ou l arabitol. Le champignon présente donc un puits de concentration pour les hexoses qui permet leur diffusion passive. Il est estimé que les champignons mycorhiziens consomment en routine 20% des produits de la photosynthèse de leur hôte. Des études démontrent que les plantes peuvent discriminer entre différents champignons et autorise le transfert de plus de carbohydrates vers les espèces qui lui fournissent le plus de sels minéraux et réciproquement, le champignon transférant plus de sels minéraux vers les plantes qui lui fournissent le plus de sucres! Ce cycle vertueux permet que l association mutualiste se perpétue depuis des millions d années sans que l un des deux partenaires ne finisse par être mis en esclavage par l autre. Les champignons qui forment des mycorhizes ont pour certaines espèces des spectres d'hôtes très larges comme les Glomeromycota responsable des endomycorhizes et le Basidiomycota Piriformospora indica ; d'autres, comme beaucoup d ectomycorhiziens ont au contraire des spectres d'hôte réduits. Les mycorhizes engagées par Piriformospora indica sont très intéressantes car elles ressemblent à celles faites par les Glomeromycota. Ce champignon est un Agaricomycotina présent en Inde, aux Philippines et en Australie mais que l'on ne trouve pas visiblement en Europe. Il forme des endomycorhizes avec des structures intracellulaires très enchevêtrées uniquement dans la zone corticale et n'atteignant jamais l'endoderme. Sa propagation passe comme pour les Glomeromycota par la formation de spores plurinucléées. Son spectre d'hôte inclut des monocotylédones et de dictotylédones y compris les légumineuses mais comme les autres mycorhizes excluant les brassicacées. Contrairement aux Glomeromycota, il est facilement cultivable en milieu axénique. Cette propriété couplée à son large spectre d'hôte et son effet bénéfique sur la santé des plantes font qu'on peut envisager son utilisation facile en agronomie. Une plante peut être en association mycorhyzienne avec plusieurs espèces de champignons. Un même mycélium peut contacter plusieurs hôtes permettant éventuellement le transfert de matériels nutritifs et d'informations entre les différentes plantes d'un même lieu. Il existe aussi des plantes qui parasitent de champignons mycorhiziens et qui vivent donc au détriment de leurs collègues photosynthétiques! Dans certains cas, la totalité des racines est mycorhizée et donc tous les nutriments absorbés par l arbre passent par ses champignons mycorhiziens. L arbre est alors complètement isolé du sol. Notez que dans certains cas, un partenaire bactérien supplémentaire est présent comme des Rhizobium fixateurs d azote pour former des associations tripartites voire tétrapartites avec deux types bactériens. 401

411 que leurs dégâts causent collectivement une diminution de production équivalente à celle du broutage par les herbivores vertébrés et invertébrés. Pour les animaux, les parasites sont d'origine bactérienne et virale, mais sont aussi des protozoaires appartenant à diverses lignées (figure 349) et des champignons. L'action de l'homme qui bouleverse les écosystèmes permet des invasions d'espèces exogènes aux dépend des espèces endémiques. Il semble qu'il favorise particulièrement les Eumycota qui sont souvent à l'origine d'épidémies dans la nature, attaquant aussi bien aux plantes qu aux animaux. Pour ces derniers, il y a actuellement deux grandes épidémies inquiétantes. Une est causée par Batrachochytrium dendrobatidis, un Chytridiomycota, qui décime les grenouilles, en particulier en Amérique Centrale; l'autre qui affecte les chauves-souris nord-américaines, est causée par Geomyces destructans, un Ascomycota Leotiomycetes. Dans les trois grands biomes terrestres, les chaînes trophiques démarrent donc principalement par des plantes et les premiers consommateurs vont en être des animaux plus ou moins gros: insectes, nématodes, vertébrés... Notez par exemple que l on estime que dans une savane africaine typique la biomasse végétale qui passe par l intestin des fourmis est identique à celle qui passe dans celui des gros herbivores. Moins connues, de nombreuses chaînes alimentaires dans les écosystèmes tempérés démarrent au niveau des sols par des recycleurs champignons vivant des matières végétales mortes. Dans les forêts tempérées, la fixation du carbone se fait majoritairement par des arbres ectomycorhizés. Ils ne constituent que 3% des espèces de plantes mais ces arbres majoritaires des forêts des zones boréales et tempérées sont donc des partenaires majeurs dans le cycle global du carbone. Les champignons impliqués sont divers: Endogonales, Ascomycota et surtout des Basidiomycota avec plus de 5000 espèces répertoriées. La productivité végétale estimée est de 5 tonnes de matières végétales à litière: zone aérobie riche en matière organique et champignons roche horizon mixte anaérobie et pauvre en matière organique Figure 356 Structure des sols. A gauche un sol de forêt tempérée reposant sur un substrat rocheux, à droite un sol de prairie montrant les deux couches les plus superficielles : la litière et l horizon mixte anaérobie et pauvre en matière organique. 402

412 l'hectare. Une partie de la biomasse végétale est consommée dans les chaines alimentaires dont le premier maillon est généralement des petits animaux. Une autre partie de la biomasse est exploitée par les microorganismes du sol. L apport de matière organique dans le sol est saisonnier avec la chute des feuilles en automne. Elles subissent un cycle complexe de modifications chimiques principalement pas des champignons Eumycota et dans une moindre mesure par les eubactéries Streptomycetes, et physiques par les petits animaux. En effet, le travail des microorganismes est accompagné par celui des animaux fouisseurs tels les collemboles, vers de terre ou nématodes, qui participent à la fragmentation de la biomasse et facilite ainsi sa dégradation. Les pelotes fécales de ces animaux sont le substrat privilégié de nombreux microorganismes. Les relations entre les différents groupes d'organismes participant à la formation des sols sont complexes car les animaux participent non seulement à la fragmentation et à la dégradation de la matière, mais aussi à l'oxygénation du sol. Ce rôle est important car les champignons et certaines bactéries ont besoin d'oxygène pour vivre et dégrader la lignocellulose (Encadré 29). Ces animaux consomment en retour les champignons et il a été montré expérimentalement que les organismes fouisseurs préfèrent manger des feuilles colonisées par les champignons à des feuilles non colonisées. Des protistes participent aussi à ce festin. Par exemple, dans les bois en décomposition les Mycetozoa sont des consommateurs majeurs comme l atteste leur ubiquité. L'action des différents microorganismes pour dégrader les feuilles et morceaux de bois tombés par terre est souvent séquentielle et peut s'étaler sur plusieurs années, en particulier lorsqu il s agit de dégrader des troncs. Cela entraine une stratification des sols avec le couvert superficiel ou litière contenant beaucoup de matière organique et les couches plus profondes en contenant de moins en moins (figure 356). Dans l'ensemble, les champignons Eumycota jouent un rôle prépondérant dans les couches supérieures par leur biomasse et leur capacité à dégrader la lignine ; dans les forêts tempérées, ils peuvent constituer jusqu'à 80% de la biomasse vivante hors racines. Classiquement, un litre de sol contient environ 600 kilomètres d hyphe mycélien, ce qui représente l équivalent en masse d une vingtaine de vaches de 600 kg dans le sol d une zone grande comme un terrain de football! Les bactéries, surtout celle qui sont anaérobies, sont plus actives dans les couches inférieures. Les matières organiques résiduelles sont progressivement ensevelies et se transforment dans les couches plus profondes via des réactions chimiques lorsque les températures deviennent incompatibles avec la vie. La dynamique dans les forêts tropicales et équatoriales est différente de celle des forêts tempérées et boréales. Les effets saisonniers y sont plus réduits. Les arbres ectomycorhizés semblent moins importants que ceux qui sont endomycorhizés. La lumière étant plus intense, la production est plus importante car dans une forêt tropicale, elle est en moyenne de 60 tonnes par hectare et par an. Pourtant le sol de ces forêts est souvent plus pauvre en débris végétaux que ne le laisserait penser leur forte productivité. La raison majeure est que le recyclage passe principalement par les termites et éventuellement les 403

413 404 Encadré 29 La biomasse végétale est composée principalement de fibres de cellulose mélangées avec de la lignine ; le reste étant des hémicelluloses, des pectines ainsi que les contenus cellulaires facilement dégradables. C est un matériau très énergétique, car la cellulose qui en est le composant majoritaire, est un polymère de glucose. Sa dégradation pose néanmoins deux problèmes. Premièrement, insoluble et généralement de grande taille, il est impossible aux cellules de le phagocyter. De plus, il est riche en lignine, un polymère polyphénolique particulièrement résistant. Il semble que sa dégradation coute tellement en énergie, que son apport calorique est probablement nul voire négatif. Les organismes dégradant la lignine ne le font que pour atteindre la cellulose qu'elle protège. Pour utiliser la lignocellulose comme source de carbone, les organismes ont donc dû mettre au point des stratégies de digestion externe et seuls des champignons Dikarya ont su évoluer des systèmes enzymatiques suffisamment efficaces pour la dégrader en totalité. Les autres groupes fongiques et bactériens se contentent souvent de ne consommer que la cellulose facilement disponible en n altérant que partiellement la lignine. Que ce soit des morceaux de bois ou les feuilles mortes présentes dans la litière, la colonisation de la biomasse végétale commence avec des organismes qui consomment les derniers résidus solubles, comme les sucres ou les acides aminés, ou facilement digérables comme l amidon et les dextrines. Les acteurs impliqués sont des bactéries ou des champignons. Ceux-ci colorent souvent le bois comme Chlorociboria aeruginascens, un joli champignon turquoise. Pour les étapes ultérieures de la dégradation du bois, deux stratégies différentes sont généralement distinguées. Les «pourritures blanches fibreuses» dégradent lignine, cellulose et hémicelluloses. Ils attaquent généralement le bois à partir du lumen des vaisseaux conducteurs et peuvent soit effectuer la dégradation simultanée de la lignine et de la cellulose, soit au contraire délignifier d'abord avant de Structure chimique supposée de la lignine Karol Głąb Structure chimique des fibres de cellulose Luca Laghi digérer les autres constituants. Une fois attaqué, le bois laisse apparaître

414 des fibres et à la fin du processus il ne reste qu un résidu blanchâtre. Les bois provenant des arbres à feuilles caduques sont généralement dégradés par ce processus. Les organismes les plus efficaces pour ce type de digestion sont des Basidiomycota et dans une moindre mesure des Ascomycota. Aucune bactérie ne semble capable de participer à ce type de pourriture. Les «pourritures brunes cubiques» ne dégradent que les polysaccharides, mais néanmoins altèrent lentement la lignine. Ils laissent des résidus bruns en forme de cubes plus ou moins mous lorsqu'ils ont terminé leur action. La consistance différente des résidus provient du type de matériau attaqué, bois durs ou mous. Les bois provenant de conifères sont souvent dégradés de cette manière. Les organismes impliqués sont 405 Chlorociboria aeruginascens Pourriture blanche fibreuse Pourriture brune cubique principalement des Basidiomycota. Pourritures blanches et brunes du bois ne sont que deux types de dégradation parmi de nombreux autres effectués par les champignons et les bactéries. La plus connue est la pourriture molle qui ressemble fortement à la pourriture brune. D un point de vue évolutif, il semble que, chez les Basidiomycota, les pourritures blanches soient apparues avant les pourritures brunes, suggérant que ces dernières ont en fait des stratégies plus subtiles, et non pas moins efficaces, de dégradation. La litière est quant à elle dégradée par une succession de champignons et bactéries de plus en plus aptes à récupérer les sucres contenus dans de la cellulose et qui sont de moins en moins faciles à extraire au fur et à mesure que les feuilles sont digérées. Les premiers à arriver sont généralement des Ascomycota qui vivaient en tant qu endophytes (Encadré 28) et les derniers sont plutôt des Basidiomycota, surtout des levures Tremellomycetes. D'un point de vue biochimique, la dégradation de la lignine fait intervenir une machinerie complexe de plusieurs dizaines voire centaines d enzymes. Les analyses des génomes des champignons dégradeurs de bois montrent que les lots d enzymes utilisés pour dégrader la lignocellulose sont différents pour chaque champignon, confirmant que les espèces utilisent des stratégies différentes pour arriver au même résultat. Dans un premier temps des enzymes de type oxydase ou déshydrogénase génèrent du peroxyde d hydrogène H 2 O 2 en utilisant des composés carbonés simples, comme du glucose, du cellobiose, du galactose, du pyranose, des aldéhydes et des alcools divers... La plupart de ces enzymes sont secrétés, d'autres sont ancrés dans la membrane plasmique. Le peroxyde d hydrogène est ensuite utilisé de manière non enzymatique en présence de fer

415 dans des réactions de Fenton ou D Haber Weiss pour produire des radicaux libres comme le résidu hydroxyl OH.. Le peroxyde peut aussi être utilisé de manière enzymatique par des peroxydases pour générer d autres intermédiaires très réactifs comme le Mn 3+ ou des cations radicalaires de l alcool veratryl. Tous ces composés hautement réactifs interagissent ensuite avec la lignine et vont pouvoir la casser. D autres enzymes comme les laccases, qui utilisent de l oxygène moléculaire O 2 pour oxyder des composés phénoliques, participent au processus. Les laccases agissent soit en oxydant directement les résidus phénoliques présents dans la lignine soit via l intermédiaire de petits composés phénoliques diffusibles qui servent de médiateurs dans les réactions d oxydoréduction. La dégradation libère des petites molécules. Celles-ci tel l alcool vanillique peuvent être utilisées pour produire du H 2 O 2. D autres comme les acides humiques peuvent s'accumuler et sont progressivement transformées chimiquement. D autres enzymes participent au recyclage des composants nécessaires pour effectuer ces réactions. Par exemple, le Fe 3+ produit par la réaction de Fenton doit être réduit en Fe 2+ pour servir à nouveau de substrat. Ce recyclage se fait en partie à l aide de quinones et de réductases de ces quinones, mais aussi potentiellement grâce à des réductases du fer ferrique. lignine cellulose attaques radicalaires attaque directe acides humiques OH., Mn 3+, petites molécules radicalaires endoglucanases mono-oxygénases exoglucanases cellobiose composés carbonés O 2 peroxydases oxydases Réaction de Fenton et d Haber-Weiss H 2 O 2 composés oxydés O 2 sécrétion laccases 2 H2 O lignine H 2 O 2 déshydrogenases glucosidases glucose champignon La cellulose est dégradée par plusieurs cellulases qui agissent de concert. Les endoglucanases clivent à l intérieur des chaines de glucose et produisent des dextrines plus ou moins longues. Les exoglucanases s attaquent aux extrémités et libèrent du cellobiose, un disaccharide qui est ensuite hydrolysé en deux molécules de glucoses par des glucosidases. Il peut aussi être utilisé directement par des déshydrogénases spécifiques pour produire du peroxyde qui participe à la dégradation de la lignine. D'autres activités comme celles de laccases et de mono-oxygénases peuvent participer à la dégradation de la cellulose et les produits obtenus sont complexes et eux-mêmes substrats pour des activités enzymatiques générant des radicaux libres. Ces enzymes facilitent la dégradation car les endoglucanases ne vont pouvoir s attaquer efficacement qu aux chaines de cellulose solubilisées alors que les mono-oxygénases peuvent aussi agir sur la cellulose cristalline. 406

416 fourmis champignonnistes qui vont récolter et digérer la biomasse. La digestion enzymatique de la biomasse végétale passe cependant encore une fois par des protistes eucaryotes (voir le fonctionnement de l intestin des termites pages ), dont des champignons qui sont cultivés par les insectes. La production dans les écosystèmes de savanes est dominée par des plantes herbacées, même si de nombreux arbres y sont présents. La quasi-totalité des plantes herbacées, dont les graminées qui forment le groupe majoritaire, sont endomycorhizées. Dans ces écosystèmes, la pâture est facile et une large fraction de la matière végétale circule par le tractus digestif des herbivores. Encore une fois, les champignons jouent un rôle important dans la remise en circulation du carbone présent dans ces excréments (voir figure 68 pour la succession des espèces sur ce biotope). Un autre effet de l'action des champignons sur la lignocellulose est la production d'acides humiques qui par leur propriétés de rétention d'eau et d'oligoéléments vont assurer la durabilité des écosystèmes terrestres. La sécrétion de glomaline par les champignons endomycorhiziens permet aussi d agglomérer les sols empêchant leur lessivage. L'agriculture intensive modifie le cycle naturel de dégradation des matières végétales dans les sols par les champignons, aussi bien dans les régions tempérées que tropicales. Elle perturbe fortement leur santé en les appauvrissant en acides humiques et glomaline, ainsi qu en en déséquilibrant les ratios de microorganismes vers un excès de bactéries. Il n est pas rare que la biomasse bactérienne soit plus importante que celle fongique dans les sols détériorés par des pratiques trop intensives. Les apports d'engrais, d'antifongiques et autres pesticides ne font qu'accélérer les dégâts. Le processus se termine par une érosion du sol et une désertification. Actuellement, de nouvelles techniques agricoles sont développées pour mieux prendre en compte le cycle naturel des sols. De même des techniques de remédiations sont développées pour redonner leur santé aux sols. Elles sont basées sur une bonne connaissance du fonctionnement des écosystèmes terrestres. Une pratique simple pour restaurer un sol consiste en sa couverture par des rameaux broyés en morceaux de quelques centimètres de diamètre. Cette technique dite du «bois raméal fragmenté» initie un nouveau cycle vertueux de productions d acides humiques par les champignons. Elle favorise aussi l oxygénation du sol et défavorise la présence des bactéries anaérobies. Dans les écosystèmes dulçaquicoles, les producteurs primaires principaux semblent être les algues principalement Viridiplantae, même si de nombreuses plantes se sont adaptées à la vie aquatique. Les chaines trophiques ressemblent à celles présentes dans les océans et des protozoaires phagotrophes divers forment souvent le premier maillon. Ils servent de proies à des protistes plus gros ou des petits animaux, etc. Ces écosystèmes récoltent aussi beaucoup de matière organique provenant des sols environnants sous forme de feuilles, troncs, cadavres Comme dans les écosystèmes terrestres, ces matières sont principalement recyclées par des champignons Eumycota et 407

417 dans une moindre mesure Oomycota. Ils vont ainsi démarrer des chaines trophiques similaires à celles présentes dans les sols. Cycle de l azote et autres cycles géochimiques L azote est un élément majeur de la matière vivante et il est souvent présent en quantité limitante dans les écosystèmes. De fait, l homme en ajoute fréquemment sous forme de nitrate d ammonium dans ses cultures. C est un des acteurs majeurs de l eutrophisation des biotopes. Son cycle naturel consiste dans la fixation de l azote atmosphérique N 2, qui est un gaz peu réactif, en ammonium utilisable par les organismes, suivie du retour de l azote dans l atmosphère en passant par le nitrite et le nitrate (figure 357). L ammonium est incorporé dans les molécules biologiques par le métabolisme principalement par complexion avec du glutamate pour donner de la glutamine. Le nitrate peut aussi être retransformé en ammonium grâce à des enzymes capables de réduire les nitrates puis les nitrites, permettant leur assimilation. Dans ce cycle, les procaryotes jouent un rôle majeur car les eucaryotes ne sont pas capables de fixer l'azote atmosphérique indépendamment de bactéries symbiotiques associées, ni ne sont aptes à dénitrifier en N2. Toutefois, chez certaines algues Bacillariophyta et Haptophyta, la cyanobactérie dévolue à la fixation de l azote a suffisamment dégénéré pour que l'on considère qu'il s'agisse d'un organite (Encadré 10). De même, il est possible que les Paulinella soient dotées de cette fonction via leurs plastes particuliers issus d une endosymbiose indépendante (Encadré 6). Par contre, le rôle des eucaryotes dans l assimilation des nitrates est très important. En effet, de nombreux eucaryotes possèdent les enzymes qui convertissent les nitrates en ammonium dont les plantes mais aussi de nombreux protistes : champignons Eumycota et Oomycota, algues Viridiplantae, Phaeophyta ou Bacillariophyta... Souvent, les gènes codant ces enzymes arrivent sous engrais N 2 N 2 N 2 N 2 N 2 fixation dénitrification nitrification NH 3 /NH + 4 NO - 2 NO - 3 Gln N 2 N2 assimilation eucaryotes foudre procaryotes atmosphère sols et océans Figure 357 Cycle de l azote. 408

418 forme d un cluster qui a été soumis à des transferts horizontaux, si bien que des espèces proches ont des aptitudes différentes à utiliser des nitrates comme source d azote (voir page 194). Certains eucaryotes, dont les Eumycota, sont aussi capables d utiliser le nitrate comme accepteur final d électron (Table 3). Leur contribution dans le cycle est mal comprise, mais des Eumycota sont présents dans des milieux anoxiques comme les sols profonds, où ce type de respiration pourrait être important. Des écosystèmes plus superficiels, comme les sédiments côtiers ou les sols des prairies, semblent aussi être le lieu de cette respiration particulière. Dans ces écosystèmes, les Eumycota semblent être les principaux dénitrificateurs. Cependant, ils ne génèrent pas par leur respiration du N 2 mais du NO qui est converti en NO 2. Ces deux gaz sont impliqués dans l effet de serre. Les autres composants atomiques de la matière vivante sont souvent présents à l état de traces dans les organismes, sauf le phosphate et le soufre qui sont des composants des acides aminés, des bases ou des cofacteurs. Dans la nature, ils sont le plus souvent présents sous forme minérale insoluble dans les roches. Ils sont solubilisés par des processus d érosion physique ou chimique ou par l activité des microorganismes procaryotes et eucaryotes ainsi que celle des plantes. Les protistes et surtout les Eumycota ont un rôle très important dans ce processus car ils secrètent des acides organiques comme l acide citrique, oxalique ou gluconique qui vont abaisser le ph. L activité des saprotrophes dans la dégradation de la lignocellulose va aussi aboutir à la production des acides humiques qui vont aussi participer au processus et rendre disponible pour une assimilation les différents nutriments. Il a toutefois été montré que les mycorhiziens participent aussi activement au processus d acidification. Les Eumycota ont aussi une activité physique sur les roches. Plusieurs espèces, en particulier des Ascomycota dont des lichens, sont endolithiques, c est-à-dire qu ils ont la capacité de pousser dans la roche. Pour ce faire, ils utilisent une combinaison d effets chimique en produisant les acides organiques mais aussi en exerçant une pression dans la roche. Leur activité aboutit à la fragmentation du matériau et sa réduction en poudre. Les lichens sont par exemple les premiers à envahir les nouveaux territoires comme les iles nouvellement formées ou les coulées de lave refroidies (Encadré 27). L activité des champignons endolithiques et des lichens participe donc à l érosion et à la formation des sols. Dans les environnements marins, les champignons endolithiques participent à la fragmentation des tests et coquilles calcaires ainsi que celles des récifs coralliens. Le phosphore ne rentre jamais dans l atmosphère et son cycle est lent. Le phosphate provient généralement de l apatite, un minéral commun dans les roches magmatiques. Une fois solubilisés, il entre dans la matière vivante où il est incorporé dans les molécules organiques ou stocké sous forme de poly-phosphates. Lentement, il est entrainé vers les océans où il est souvent présent en quantités limitantes. Les phosphates se complexent avec le calcium, du magnésium et du fer pour donner divers minéraux qui rentrent dans la composition des coquilles, des os et des dents, mais aussi des tests de 409

419 certains protistes, comme chez les Cryptodifflugia qui sont des Amoebozoa Tubulinea, retournant ainsi à l état minéral à la mort des organismes. Le soufre est présent dans l atmosphère sous diverses formes via l activité volcanique, mais aussi biologique. Par exemple, les «marées blanches» à algues Haptophyta sont connues pour produire du sulfure de diméthyle (Encadré 26). Le souffre atmosphérique ou minéral va être converti en sulfate par diverses réactions abiotiques ou biotiques d origine procaryotique par les chimio-autotrophes. Le sulfate est ensuite assimilé et incorporé dans les acides aminés. Les plantes et les Eumycota ont encore une fois un rôle majeur dans cette dernière étape. Comme le phosphate, les sulfates vont ensuite être entrainés vers les océans, où c est aussi un élément limitant. Il retourne à l état minéral par diverses activités abiotiques et biotiques procaryotes mais aussi eucaryotes, comme la production du sulfure de diméthyle. Le rôle des protistes dans les autres cycles sont diversement connus, mais il est probable que les CO champignons Eumycota 2 ont un rôle important phytopathogènes dans les écosystèmes terrestres en participant à la solubilisation des CO roches et l incorporation 2 CO 2 des atomes produits dans endophytes saprotrophes la matière vivante. Dans mycorhiziens les écosystèmes CO aquatiques, la fabrication 2 des tests, tèques et autres protections renforcées par des éléments minéraux ont des rôles importants dans le retour acides humiques acides organiques vers les formes minérales. acides organiques Par exemple, les azote, sels minéraux, eau coccolithes Haptophyta sont des acteurs majeurs du cycle du calcium, les Bacillariophyta, les Dictyochophyceae ou les Polycystinea dans celui du silicium et les Acantharea dans celui du strontium. 410 Figure 358 Les divers rôles des Eumycota en association avec les plantes. Les champignons endophytes et mycorhiziens ont un effet positif direct sur la fixation du gaz carbonique par les plantes en facilitant la prise de nutriments et d eau et en limitant l impact des pathogènes et des herbivores. Les champignons saprotrophes libèrent par leurs activités hydrolytiques du gaz carbonique mais en favorisent la fixation par les plantes de manière indirecte via leurs effets sur la santé des sols en permettant de mieux mobiliser les nutriments. Au contraire, les champignons phytopathogènes ont un impact négatif sur la fixation du carbone.

420 Conclusions En résumé, les protistes eucaryotes forment une large fraction de la biomasse - certains biologistes disent en fait la plus grosse fraction - même s ils sont souvent peu visibles dans les écosystèmes car cachés dans les sols ou trop petits pour être perçus à l œil nu. Comme les procaryotes, ils sont omniprésents, y compris dans les endroits les plus surprenants : une étude montre que quinze jours après leur mise en service la quasitotalité des laves vaisselles ont leurs joints colonisés par des procaryotes et des eucaryotes microscopiques! Néanmoins, leur survie dans les écosystèmes dont la température est supérieure à 65 C ne peut être que temporaire. Ils ont des rôles très importants dans les grands cycles biogéochimiques, rôles souvent mal connus et sous-estimés. Les plus essentiels sont premièrement celui qu occupent les Eumycota par leurs associations avec les plantes, leur rôles dans la dégradation de la biomasse lignocellulosique, leur effets sur la santé des sols et la mobilisation des divers oligoéléments requis par le fonctionnement cellulaire (figure 358). L autre rôle important se situe au niveau des océans où ils participent non seulement à la fixation du carbone et aux premières étapes des chaînes alimentaires fournissant ainsi de la matière vivante aux hétérotrophes plus gros que sont les animaux, mais aussi au retour vers les sédiments de divers minéraux (figure 359). phytoplancton gros phagotrophes macroalgues petits phagotrophes animaux cadavres petits phagotrophes bactéries animaux foraminifères et autres Rhizaria dépôts sédimentaires Figure 359 Chaines trophiques dans les océans. La fixation du gaz carbonique ainsi que la consommation dans les premiers maillons des chaînes trophiques sont faits principalement par des protistes eucaryotes. 411

421 Interactions des protistes avec les sociétés humaines Tout au long de son histoire l homme a su utiliser les organismes qui l environnent pour son alimentation, le maintien de sa santé ou son confort. Les protistes eucaryotes ne font pas exception et nous les avons utilisés extensivement, souvent sans le savoir. Comme l homme, les protistes eucaryotes utilisent leur environnement pour assurer leur propagation, parfois au détriment de l homme, de ses élevages, de ses cultures ou des objets qu il fabrique. Les interactions des protistes avec l homme sont donc nombreuses et complexes. Dans cette partie finale de ce livre, nous allons examiner quelques-unes de ces interactions. Rôles dans l alimentation Contrairement aux plantes et aux animaux, la consommation directe de protistes eucaryotes ne représente souvent qu une part mineure de notre alimentation. Il s agit principalement de carpophores de macromycètes Dikarya (voir page 195 et figure 360) et des Rhodophyta (voir page 272) ou des Phaeophyta (voir page 331). Néanmoins quelques produits supplémentaires à base de levures comme la Marmite ou le Vegemite (figure 361) sont aussi consommés. Des microbes eucaryotes sont par contre très employés lors de la fabrication des aliments, y compris ceux fabriqués traditionnellement depuis très longtemps. Les champignons Eumycota sont les Figure 360 Culture du champignon de Paris. principaux protistes employés et dans nos sociétés occidentales, Saccharomyces cerevisiae (Encadré 16), un Ascomycota Saccharomycotina, tient la part belle dans l industrie agro-alimentaire à base fongique car elle sert à la fabrication des pâtes levées comme le pain ou la brioche, et bien sûr dans celle des alcools : bières, vins, cidres Elle est cultivée par l'homme depuis plus de ans pour fabriquer le vin en Asie Mineure, plus de ans pour fermenter la bière à Babylone et plus de ans pour faire le pain en Egypte. Les fabrications des alcools sont des processus complexes qui font souvent intervenir plusieurs micro-organismes, successivement ou de concert. Par exemple, le saké 412

422 413 Figure 361 La Marmite, une pâte à base de levure. japonais est fait en utilisant Aspergillus oryzae, un Ascomycota Eurotiomycetes, pour hydrolyser l amidon du riz en glucose ; celui-ci sera ensuite fermenté en alcool par des levures. Saccharomyces cerevisiae reste la principale espèce utilisée car elle sert pour fabriquer les deux boissons les plus consommées : le vin et la bière. Les levures qui portent des noms différents comme Saccharomyces ellipsoideus ou Saccharomyces carlsbergensis, utilisées respectivement pour faire du vin et de la bière, ne sont que des souches différentes de Saccharomyces cerevisiae. Cependant, dans les pays chauds, Schizosaccharomyces pombe une autre espèce Taphrinomycota ayant une température optimale de croissance plus élevée, est employée. Elle sert par exemple à faire de la bière en Afrique. C est le métabolisme fermentaire alcoolique même en présence d oxygène de Saccharomyces cerevisiae qui permet la production de l alcool. En effet, la plupart des organismes préfèrent respirer plutôt que fermenter lorsqu ils ont le choix entre les deux métabolismes. Saccharomyces cerevisiae utilise la fermentation probablement dans le but d éliminer ses compétiteurs. En effet, elle est très résistante à l alcool car elle supporte jusqu à d alcool alors que la plupart des espèces meurent si le taux est supérieur à 1-2. Sa production permet donc de contrôler la croissance des autres microorganismes présents dans le milieu de fermentation. Lorsque le milieu est appauvri en sucre, Saccharomyces cerevisiae fait une transition diauxique et utilise l alcool comme source de carbone dans la respiration. Historiquement, le vin semble être la première boisson alcoolique fabriquée. Pour ceci, des grappes de raisin rouge ou blanc sont utilisées. Après la récolte, elles sont écrasées pour casser la peau et récupérer le jus. Pour le vin rouge, la fermentation se produit en présence de la peau et des pépins alors que pour le vin blanc, seul le jus est fermenté, car la peau et les pépins contiennent en grande quantité des tanins qui confèrent la couleur. La fermentation se produit dans des tonneaux ouverts ou des fermenteurs contrôlés. Anciennement, aucune levure n'était ajoutée, un argument fort qui étaye la théorie que la fabrication du vin est la première utilisation de la levure car le processus ne nécessite pas d'ajout de levure exogène, contrairement à la fabrication du pain et de la bière. Saccharomyces cerevisiae est présente en faible quantité sur le raisin mais quelques jours après la fermentation, elle devient souvent l'espèce prédominante. De nos jours, des souches précises sont inoculées pour avoir des qualités reproductibles. La richesse du jus en sucre provoque une croissance rapide de la levure et entraîne une croissance anaérobie. Ceci combiné avec l'acidité du jus de raisin et l'accumulation

423 Figure 362 Cuve de fermentation de malt en vue de production de whisky. 414 d'éthanol empêche la prolifération des autres micro-organismes. L'addition de sulfites par le viticulteur inhibe encore plus la croissance des autres microorganismes. Après la fermentation qui dure quelques semaines, un taux d'alcool de 10-14% est atteint. La croissance de la levure est alors inhibée. La quantité de sucre restant donne le goût sucré plus ou moins prononcé des différents vins. L'alcool et le gaz carbonique sont les principaux produits fabriqués mais plusieurs centaines d'autres produits sont synthétisés dont des esters, des alcools, des acides organiques... Ceux-ci confèrent des goûts différents au vin. Après la phase de fermentation, le vin est transféré dans des tonneaux pour le vieillissement. Des bactéries assurent alors des fermentations lentes supplémentaires. Ceci prend au moins un an. Le vin est ensuite filtré pour le rendre stérile et mis en bouteille. Pour la bière, le matériau de départ est principalement de l'amidon issus d orge. Celui-ci doit être en premier lieu hydrolysé en saccharose pour ensuite pouvoir être fermenté. Les grains d'orge sont donc immergés dans de l'eau pour permettre leur germination. Pendant la germination, les enzymes du grain commencent à hydrolyser l'amidon. Les grains sont ensuite tués et séchés, mais les enzymes ne sont pas détruits. Ce produit sec est appelé malt. Le malt peut être stocké longtemps et la production de bière est donc moins saisonnière que celle du vin. Pour la fabrication de la bière, le malt est réduit en poudre et mis dans de l'eau chaude pour donner une pâte. Placé à 65 C pendant quelques temps, les enzymes continuent l'hydrolyse de l'amidon. Après incubation, le liquide riche en sucre est récupéré. Du houblon, des fleurs séchées de Humulus lupulus, est ajouté pour donner une amertume. Le liquide est bouilli et les résidus qui ont précipité comme les protéines, sont éliminés. La fermentation peut alors se produire en ajoutant la levure et se fait dans de grandes cuves. Différentes souches de levure permettent de produire les différents types de bière «ale» ou «lager». Le même protocole que la fermentation du vin est appliqué pour la fabrication du cidre à partir de pommes ou du poiré à partir de poires. Pour les alcools «forts», la fermentation est suivie d'une distillation afin de concentrer l'alcool. C'est le cas du rhum issu de la fermentation de cannes à sucre, du whisky de la fermentation de malt (figure 362) ou encore la vodka de pommes de terre, de seigle ou de betteraves à sucre. La Table 14 résume la consommation de boissons alcoolisées rapporté en litre d'alcool pur dans quelques pays en Les sommes mises en jeu sont colossales et le coût pécuniaire en terme de santé publique aussi. En France, on estime à 17 milliards d'euros, soit environ 300 euros par personne par an, le coût social global de l'alcool dont 10 milliards

424 correspondent aux traitements de l'alcoolisme et des maladies qui en résultent. Notez cependant que l'on consomme en France environ deux fois moins d'alcool par habitant qu'il y a 50 ans! Table 14 : consommation d alcool dans différents pays en 2001 (L/ha) Pays total bière vin alcools forts (spiritueux) Algérie Allemagne Chine Eire Etats-Unis France Royaume-Uni Russie Pour la fabrication du pain, la farine la plus utilisée est celle de blé, issue du broyage des grains et enlèvement de particules indésirables. Elle est mélangée avec de l'eau, du sel pour inhiber la croissance des levures. Pour la brioche, on rajoute du beurre et du sucre. La farine contient entre 1 et 2% de sucres principalement du glucose et du fructose qui sont fermentés par Saccharomyces cerevisiae. La pâte est bien malaxée pour homogénéiser et pour assouplir le gluten, une protéine du blé. Le tout est incubé quelques heures puis cuit. Le gaz carbonique généré assure l'aspect vacuolisé de la mie par sa dilatation et l'éthanol est éliminé par évaporation. La levure assure la production d'autres composés qui donnent de l'arôme et en hydrolyse d'autres, ce qui donne sa texture finale au pain. Le pain a longtemps assuré la base de l alimentation dans les pays occidentaux. Il continue d être une dépense quotidienne pour de nombreux européens. En France seulement, il se consomme 10 milliards de baguettes par an! Un français consomme en moyenne 160 gramme de pain par jour pour un marché global annuel de 56 milliards d euros Le fromage est un autre aliment qui requiert des champignons Eumycota pour sa fabrication. Initialement utilisé pour conserver le lait, leur fabrication est devenue un art protégé par des appellations contrôlées. La première étape de caillage du lait ne fait pas intervenir de champignons. Par contre leur affinage fait intervenir un cortège de microorganismes dont des levures et des espèces filamenteuses diverses principalement des Ascomycota comme Penicillium roqueforti, Penicillium camemberti, Geotrichum candidum, Debaryomyces spp., Fusarium spp., Scopulariposis spp., mais aussi des Mucoromycotina comme Mucor fuscus ou Mucor lanceolatus. Les champignons par leur activités lipolytiques et protéolytiques vont conférer l aspect, la texture, le gout et l odeur particulière à chaque fromage. En général, le champignon filamenteux principal est celui 415

425 qui a le rôle principal comme par exemple pour les fromages à pâte persillées fabriqués avec Penicillium roqueforti (figure 363). En France, près de 40% du lait produit est transformé en quelques fromages différents. Les fromages représentent environ 5% des dépenses alimentaires des français pour un total proche de 3 milliards d euros par an Plusieurs autres aliments importants dans nos sociétés occidentales requièrent des champignons pour leur formation. Par exemple, pour faire du chocolat, les fèves de cacao doivent être fermentées par un cocktail de levures puis de bactéries. Les levures, dont des Saccharomycotina dont Hanseniaspora guilliermondii, Hanseniaspora opuntiae, Saccharomyces cerevisiae, Kluyveromyces Figure 363 Le Roquefort, un fromage à pâte persillée. Le goût, la texture et les arômes de ce fromage lui ont été conférés au cours de l affinage par Penicillium roqueforti. Les spores du champignon colorent en bleu-vert les veines. Elles se sont développées aux endroits où de l air était présent. 416 marxianus, Pichia membranifaciens, Pichia kudriavzevii et divers Candida spp., vont faire une fermentation alcoolique qui va tuer l embryon de la fève et commencer sa dégradation. Leur action va permettre le développement de bactéries lactiques et acétiques qui vont, en collaboration avec d autres levures voire de champignons filamenteux, terminer de donner des arômes complexes qui se retrouveront dans le chocolat. Actuellement, le marché mondial du chocolat pèse annuellement pour 95 milliards d euros! Les saucissons sont un autre aliment plus français qui requiert l action de champignons, comme Penicillium nalgiovense ou Penicillium salamii. D autres produits à base de viande fermentée utilisent des champignons pour leur production. Les sociétés orientales utilisent aussi beaucoup les champignons pour fabriquer leurs aliments à partir de végétaux fermentés. Par exemple, le miso japonais qui sert à fabriquer les soupes du même nom est produit par fermentation de graines de soja. Les graines sont ensemencées avec divers Aspergilli comme Aspergillus oryzae ou Aspergillus candidus pour commencer la digestion des protéines, lipides et carbohydrates. Cette étape est suivie par une fermentation mixte bactéries lactiques/levures alcooliques, dont Zygosaccharomyces rouxii. L ensemble produit aussi des vitamines, des antioxydants et des arômes. La sauce de soja est obtenue par un processus similaire. Des graines de soja bouillies sont mélangées avec des grains de blés grillés et ensemencées avec des champignons comme Aspergillus oryzae ou Aspergillus sojae. Du sel ou de la saumure est ensuite ajouté. Le mélange est filtré et inoculé avec diverses bactéries puis des levures dont Zygosaccharomyces rouxii et divers Candida. Les fermentations successives peuvent durer plusieurs mois. Le filtrat final est pasteurisé avant utilisation. De grandes variations avec des additions de produits divers comme des bouillons de champignons ou de

426 crevettes vont donner une grande richesse de goûts et des textures variées. Les marchés pour ces produits se chiffrent en dizaines de milliards d euros annuels. Les protistes eucaryotes sont aussi utilisés comme producteurs de produits ajoutés dans les aliments comme agents de goûts ou de textures. Citons les alginates, l agar et les carraghenans produits par diverses algues pour gélifier les glaces ou les crèmes (Table 12) ou l acide citrique utilisé pour aciduler les bonbons. L industrie agroalimentaire consomme 1,6 millions de tonnes d acide citrique produit principalement avec Aspergillus niger, un Ascomycota Eurotiomycetes. Rôle dans l industrie pharmaceutique : les métabolites secondaires S'ils n'ont pas une panoplie aussi étendue que les procaryotes au niveau du métabolisme, les eucaryotes sont cependant capables de synthétiser une grande variété de métabolites qui possèdent une multitude d'activités biologiques : antibiotiques, vasodilatateurs, narcotiques, immunosuppresseurs mais aussi mutagènes, cancérigènes, tératogènes ou qui simplement sont toxiques. En effet, la positivité ou la négativité de leurs effets dépends du point de vue où l on se place. Beaucoup de ces produits sont utilisés en médecine à cause de leurs actions bénéfiques sur la physiologie, mais sont mortels à haute dose! Lorsqu ils sont absorbés de manière inopportune, ils peuvent causer des syndromes divers (Encadré 30 et Encadré 31). Ces produits sont synthétisés par des réactions spécifiques qui ne sont pas essentielles à la vie de l'organisme. Leur production est donc variable en fonction des espèces. On dit alors qu'ils sont des produits du métabolisme secondaire, en opposition à ceux du métabolisme primaire qui sont essentiels à la vie cellulaire normale et qui vont être communs à un grand nombre d organismes. Le rôle du métabolisme secondaire dans la physiologie des espèces productrices est encore débattu et deux écoles s'affrontent. Pour les premiers, les organismes producteurs vivent des milieux où les proportions des différents nutriments ne sont pas optimales et donc si un nutriment, comme l azote ou le phosphate, vient à manquer, des métabolites intermédiaires potentiellement toxiques générés par le métabolisme primaire s'accumulent. Ils sont alors transformés sous forme de métabolites secondaires pour remédier à leurs effets néfastes. Pour les seconds, leur production a été sélectionnée au cours de l'évolution car ils ont des effets généralement toxiques. Ils interviennent donc dans la lutte contre les compétiteurs ou dans des communications interspécifiques permettant des synergies. Les deux hypothèses sont probablement vraies et en fonction des métabolites interviennent pour une part variable dans l'apparition et le maintien de leur synthèse. En effet, les principaux producteurs procaryotes sont les streptomycètes et les cyanobactéries et chez les eucaryotes ce sont les plantes et pour les protistes les Eumycota (Encadré 30) et certaines algues comme les Dinophyceae (Encadré 31). Ces organismes ont accès via la photosynthèse ou leurs activités de dégradation de la 417

427 418 Encadré 30 Les Eumycota fabriquent de nombreux produits toxiques pour l homme. On en distingue deux catégories. Premièrement, les mycotoxines comme l ochratoxine ou les aflatoxines sont produites par les «moisissures» qui vont contaminer les aliments. Elles ont été «découvertes» dans les années 1950 car elles ont été responsables de la mort de milliers de dindes au Royaume Uni après que celles-ci ait été alimentées par des cacahuètes contaminées. Si cet accident a déclenché les recherches intensives sur le sujet, l action de myxotoxines a été documentée bien avant. L ergotisme connu depuis l antiquité est le résultat de l ingestion des celles de l ergot de seigle, un Ascomycota Sordariomycetes connu aussi sous le nom de Claviceps purpurea. A la suite de l'infection du seigle, le champignon produit pour assurer sa persistance pendant l hiver à la place du grain un sclérote qui contient au moins douze alcaloïdes différents ayant des activités biologiques variées comme des effets vasoconstricteurs et hallucinogènes. Les sclérotes étant faciles à détecter et trier, il n'y a plus d'épidémie d'ergotisme. Par contre, de nombreuses épidémies ont eu lieu dans le passé. La maladie était alors connue sous les termes de feu sacré, mal des ardents ou feu de Saint Antoine. L'intoxication commence par des fourmillements dans les doigts liés à l effet vasoconstricteur et une anorexie, puis des contractures, des sensations de brûlures extrêmement douloureuses. L'aggravation des symptômes peut conduire à des œdèmes et des gangrènes des extrémités des membres. Le tout est couplé avec des hallucinations causées par le LSD! ergot Claviceps purpurea La mort s'en suit généralement rapidement dans d'atroces douleurs. Les mycotoxines sont dangereuses mais sont le plus souvent ingérées en faible quantité avec des effets souvent mal appréciés. Par exemple, les aflatoxines produites par Aspergillus flavus ou Aspergillus parasiticus responsables de la mort des dindes sont létales à haute dose mais ont à plus faible dose des effets cancérigènes. L'aflatoxine B1 est actuellement le produit carcinogène le plus efficace. Les champignons à l'origine de ces toxines contaminent les récoltes ou les stocks de matière première comme les grains dans les silos. Il existe des normes strictes régulant les doses maximales permises dans la nourriture pour les produits de consommation directe. Le deuxième groupe de toxines plus familier est celui des poisons présents dans les carpophores de macromycètes et qui sont responsables des empoisonnements après consommation de champignon. L'amanite phalloïde, un Agaricomycotina très commun en automne dans les sous-bois, est le champignon le plus toxique en Europe qui cause 95% des accidents ; l'amanite vireuse aussi rencontrée en Europe et qui lui ressemble étant le principal toxique en Amérique du Nord. Sous sa variété blanche, ce champignon peut être facilement confondu avec des champignons comestibles comme les rosés des prés, ce qui explique son ingestion fréquente. Tous les ans, il est responsable en France de plusieurs décès. Toutefois, la diminution de la consommation des champignons récoltés dans la nature fait que le nombre de cas est très faible et ne constitue pas un problème de santé publique. Notez que ce champignon a servi à empoisonner dans le passé, le trépassé le plus célèbre étant l'empereur romain Claude empoisonné par sa femme Agrippine.

428 Amanita phalloides forme verdâtre Amanita phalloides produit plusieurs cyclopeptides toxiques dont la phalloïdine, la phalloïne et les amanitines. L'ensemble de ces toxines provoque une lyse cellulaire rapide avec fragmentation du réseau de membranes internes. La dose létale est très faible car de 0,1mg/kg chez l'homme. L'ingestion d'un fragment de carpophore suffit donc pour entraîner la mort. L'intoxication est pernicieuse car silencieuse pendant une douzaine d'heures, ce qui est suffisant pour provoquer des symptômes irréversibles. Les troubles commencent par des troubles gastro-intestinaux (diarrhées, vomissements) accompagnés de très fortes douleurs. Ensuite, il y a des suées qui aboutissent à une déshydratation. Le malade est souvent prostré inquiet mais garde toute sa perception. Les poisons pénètrent alors plus profondément et atteignent le foie qui se détériore et les reins qui se nécrosent. En général, la mort arrive à ce moment. Actuellement, il n'existe pas remède miracle et on combat surtout les symptômes de déshydratation... Si le malade est sauvé, il garde souvent des séquelles permanentes comme la nécessité de dialyses. Formellement, les deux types de toxines sont similaires, même si chez les Ascomycota il s agit souvent de vrais métabolites secondaires et chez les Basidiomycota de peptides cycliques issus de la traduction. Une espèce d Eumycota donnée peut synthétiser plusieurs de ces molécules. Les génomes de certains Ascomycota contiennent jusqu à trente synthétases de polycétides, une quinze synthétases de cyclopeptides et de nombreuses chaînes de biosynthèse pour fabriquer des alcaloïdes ou des terpénoïdes. Chez les Basidiomycota, les génomes peuvent contenir plus de dix gènes codant les cyclopeptides. Les conditions, dans lesquelles le champignon synthétise les différents produits, sont souvent très définies. Un petit changement de conditions aboutira à des quantités synthétisées différentes. L'ingestion de carpophores ou de produits contaminés aboutit donc souvent à des symptômes variables. D'autant plus qu'il semble qu'il existe une susceptibilité génétique en fonction des personnes. On cite des cas de dîner où seulement quelques convives ont été incommodés alors que tous les invités avaient consommé le même champignon. Les stabilités thermiques des différentes toxines sont aussi variables et la cuisson des champignons influe sur les symptômes. Enfin, il existe des interactions avec d'autres produits. Certains coprins ne sont toxiques que s'ils sont consommés avec de l'alcool. biomasse végétale à du carbone en quantité importante, mais à de l azote en quantité souvent très limitante. De même, les métabolites secondaires sont souvent produits quand les conditions extérieures deviennent stressantes pour l'organisme, par exemple quand le milieu s'épuise. Mais, il est aussi clair que je n'ai pas envie de manger une pomme pourrie par un champignon et qui exhale une odeur nauséabonde. Il est donc vraisemblable que le pourrissement rapide des fruits par les champignons soit une stratégie de compétition par rapport aux autres consommateurs de fruits. Les métabolites 419

429 sources de carbone métabolites PO 3-4 précurseurs (acétate ) SO 2-4 catabolisme énergétique ATP pouvoir réducteur NH 4 + anabolisme métabolisme primaire métabolisme secondaire sucres acides aminés nucléotides acides gras métabolites secondaires polymérisation macromolécules Figure 364 Schéma général du métabolisme. secondaires sont donc à la fois une nécessité d optimisation du métabolisme et des produits de luxe qui vont conférer des avantages sélectifs. La production d un métabolite particulier est généralement restreinte à une espèce donnée voire à quelques souches et dépend de conditions externes qu'il est souvent difficile de maîtriser. Il a été démontré par exemple qu'aspergillus nidulans produit des métabolites du type polycétide quand il est en contact physique direct avec une souche de Streptomyces hygroscopicus mais pas avec les 57 autres souches d'actinomycètes qui ont été testées! De même la production nécessite le contact physique entre les deux organismes. Notez que les mêmes métabolites peuvent être synthétisés par des organismes éloignés phylogénétiquement. On suspecte dans la plupart des cas des transferts horizontaux des gènes impliqués dans leur biosynthèse, comme par exemple entre les plantes et leurs champignons endophytes ou parasites qui produisent les mêmes produits, et plus rarement des évolutions convergentes. La biosynthèse suit de modalités variées chez les champignons et les algues. Dans quelques cas, elle serait en fait effectuée par des bactéries endosymbiotiques. Cependant dans beaucoup de cas, les gènes nécessaires sont directement codés par le génome du protiste. La figure 364 montre un schéma général du métabolisme d'une cellule eucaryote et où démarre la majorité des chaînes de biosynthèse des métabolites secondaires. Le point de départ peut être des acides aminés ou bien l acétate sous forme d'acétyl-coa. Les synthèses nécessitent le plus souvent un très grand nombre d'enzymes. Chez les Eumycota, ceux-ci sont le plus souvent codés par des gènes groupés en «cluster» (figure 365). L'origine de ces clusters est souvent mystérieuse mais corrèle avec le fait qu'ils pourraient se transmettre de manière horizontale. Il semble que le regroupement participe à la régulation coordonnée de l expression des différents enzymes ; un facteur de transcription qui régule positivement l expression des gènes codant les enzymes est 420

430 oxydoréductase de glucose, déshydrogenase d isoepoxydon hydroxylase méthanol ou choline de M-crésol carboxylestérase oxydase d alcool isoamylique synthétase de polycétides décarboxylase d acide 6- methylsalicylique transporteur MSF transporteur d acétate transporteur ABC régulateur de transcription hydroxylase d alcool M-hydroxybenzyl Figure 365 Cluster de gènes responsables de la biosynthèse de patuline chez Penicillium expansum. Ce polycétide (voir figure 367) inodore et incolore est toxique pour l homme. Il est fréquemment présent sur les fruits stockés que Penicillium expansum fait pourrir. Sa synthèse nécessite l action de plusieurs enzymes qui sont regroupés dans une région de 40 kb chez Penicillium expansum. Le cluster contient aussi un régulateur de transcription et trois transporteurs. Un permet le transport d acétate, le précurseur utilisé par la synthétase de polycétides pour fabriquer le squelette de la molécule. Les deux autres doivent être impliqués dans l excrétion de la molécule finale ou le transport d intermédiaires de la biosynthèse. Chez les autres Penicillium capables de synthétiser cette toxine, les gènes sont aussi regroupés en clusters de structures très similaires. d ailleurs souvent présent dans le cluster. On distingue actuellement trois groupes majeurs de métabolites. Premièrement, les alcaloïdes qui sont des molécules riches en azotes et qui souvent dérivent d'acides aminés ou de bases azotées (figure 366). Un exemple célèbre est le LSD très connu pour ses effets hallucinogènes. Son précurseur, l acide lysergique, est produit par Claviceps purpurea, un Pezizomycotina plus connu sous le nom d'ergot de seigle (figure 366 et Encadré 30). L ergotamine, un autre alcaloïde produit par Claviceps purpurea a un effet vasoconstricteur et sert en cas d hémorragie. Un troisième exemple est la saxitoxine produites par certains Dinoflagellata (Encadré 31). Deuxièmement, les polycétides qui sont synthétisés par des enzymes multifonctionnels par addition de molécules à deux carbones plus ou moins modifiées et qui dérivént de l'acétyl-coa ou du malonyl-coa. Les mêmes précurseurs sont utilisés dans la synthèse des acides gras et les synthases de polycétides appartiennent à la même famille de protéines que les synthétases d'acides gras. Les molécules peuvent ensuite être circularisées. Ces enzymes fonctionnent par domaines qui 421 acide lysergique ergotamine Bryan Derksen Figure 366 Deux alcaloïdes produits par Claviceps purpurea. L acide lysergique est le précurseur du LSD qui a des effets hallucinogènes. L ergotamine est un vasoconstricteur utilisé par exemple au moment d accouchements difficiles.

431 Encadré 31 Les Dinoflagellata constituent une fraction importante du phytoplancton. Si la plupart dont inoffensives, quelques dizaines d espèces sont capables de sécréter des toxines pour l homme, en particulier durant les marées rouges (Encadré 26). Elles peuvent s'accumuler dans les chaines alimentaires. Ces toxines affectent donc fortement les consommateurs finaux, particulièrement les saxitoxine coquillages et les poissons. Leur consommation par l'homme peut conduire à divers syndromes qui dépendent des toxines et des doses ingérées, incluant des arrêts respiratoires ou cardiaques, des troubles gastriques, neurologiques comme des pertes de mémoire ou la somnolence... Ces toxines agissent rapidement. Par exemple, les espèces du genre Gonyaulax produisent la saxitoxine, une neurotoxine fois plus efficace que la cocaïne causant le «Paralytic Shellfish Poisoning». L ingestion par l homme conduit environ trente minutes après sa consommation à des nausées, diarrhées, douleurs abdominales, sensations de brûlure, confusion, etc. La «Diarrheic Shellfish Poisoning» est causée par l acide okadaïque. Ces intoxications sont saisonnières et ont été reliées à la présence de divers Dinophysis dans l'eau de mer, même en l'absence de toute efflorescence forte, et dans les coquillages consommés. Les moules sont le principal vecteur de contamination, mais elle peut également être transmise par les palourdes, les clams, les tellines et autres coquilles Saint-Jacques. Seules les huîtres sont à ce jour lavées de tout soupçon. Les Dinophysis producteurs sévissent à l'état endémique sur les côtes françaises, dans le Finistère et dans le Morbihan, mais aussi, à un moindre degré, en Normandie, dans la partie ouest de la Méditerranée, ainsi qu'en Corse. Le nombre d'intoxications élevé au début, 4000 en 1983 et 2000 en 1984, a baissé rapidement avec moins de dix cas à partir de 1985, grâce à la mise en place d'un réseau de surveillance et la fermeture préventive des zones contaminées. Les douleurs acide okadaïque Norbert Straeter abdominales avec diarrhée associée sont les symptômes prédominants et constants des gastro-entérites à Dinophysis. Ils apparaissent toujours en moins de douze heures après le repas toxique de coquillages et il n'y a pas de fièvre associée ce qui permet de les distinguer des autres gastro-entérites. La ciguatera est un empoisonnement résultant de la consommation de poissons dans les zones tropicales nord et sud. Elle est causée par la ciguatoxine produite par Gambierdiscus toxicus. La ciguatera concerne une zone hébergeant 400 millions de personnes avec environ 20 à cas/an. Cette maladie est connue depuis longtemps et sévit de manière endémique dans la plupart des écosystèmes coralliens des zones intertropicales. Les trois principales zones sont l océan Pacifique, les Caraïbes et l Océan Indien. En Polynésie française, elle affecte principalement les populations des îles isolées. En Europe, la ciguatera a été documentée 422

432 ciguatoxine en Allemagne, en France, en Espagne et en Italie. Généralement, ces intoxications surviennent chez des voyageurs internationaux exposés à la toxine au moment de leur séjour en régions tropicales. Toutefois, récemment dans l est de la Méditerranée, des cas d intoxication ont été signalés suite à l ingestion de poissons pêchés sur place. En Amérique du Nord, la ciguatera a également été rapportée à plusieurs reprises au Canada, mais sans communes mesures avec les Etats Unis qui se sont vus obligés d intégrer cette intoxication dans leur système de déclaration obligatoire des maladies. Gambierdiscus toxicus est présent à l état endémique, généralement en densité réduite. Cependant, épisodiquement, et sous l effet de facteurs environnementaux encore mal définis, mais incluant la température car la saison chaude étant favorable à sa prolifération, les perturbations d origine naturelles comme les cyclones ou humaines comme la pollution ou l aménagement du littoral, on assiste à des efflorescences susceptibles d entraîner une mortalité des édifices coralliens. Les mortalités coralliennes sont généralement suivies, à plus ou moins brève échéance de flambées de la ciguatera humaine. Toutes les souches ne produisent pas la ciguatoxine. On observe en effet une coexistence de souches atoxiques et ciguatoxiques dans le milieu naturel. L identification des gènes spécifiques des lignées toxiques permettra le développement de sondes moléculaires en vue de la détection des lignées dangereuses. Les Pfiesteria des Dinoflagellata vivants dans les estuaires, sont associés avec la production de toxines, aujourd hui toujours inconnues, qui provoquent des pertes de perception neurologiques chez l homme. Suite à la consommation de poisson contaminés, la personne intoxiquée souffre de troubles de la mémoire avec impossibilité de lire, d écrire, de parler, d une paralysie des doigts, de maux de tête, de difficultés respiratoires, de dysfonctionnement des reins, du foie et enfin des problèmes de pression artérielle! Le plus souvent, on observe aussi des problèmes dermatologiques, des plaques rouges et des plaies sur le corps. Ce Syndrome dit «des estuaires» est présent principalement sur la côte Est des Etats-Unis. Les Pfiesteria s attaquent aussi aux poissons, mais le rôle des toxines dans les mortalités observées n est pas clairement établi. En effet, les poissons présentent des nécroses ressemblant à des morsures car les Pfiesteria les attaquent directement et vident les cellules du derme de leur contenu par myzocytose. Les principales causes du développement de cette algue pourraient être les rejets des fermes environnantes d élevage des poulets et des porcs. De plus le phénomène s est étendu par les trajets des cargos car lorsque les navires ont déchargé leur cargaison, ils emmagasinent de l eau contenant des Pfiesteria dans leurs ballasts pour se stabiliser. Lorsqu ils chargent dans un autre port, ils les vident, d où une propagation de l algue. Ces algues n ont pas été observées en France, mais sont présentes en Scandinavie. 423

433 ajoutent séquentiellement les molécules à deux carbones. Il semble que leur 424 OH OH 1,8-dihydroxynaphthalène aflatoxin B1 Bryan Derksen patuline Figure 367 Trois polycétides. Le 1,8- dihydroxynaphtalène est le précurseur des mélanines à DHN. La patuline est l aflatoxine B1 sont deux toxines produites par divers Eumycota. dérivés actifs de l'oxygène et autres dommages. Par contre, il existe des polycétides hautement toxiques comme la patuline (figure 367), les aflatoxines, et particulièrement l aflatoxine B1 (figure 367 et Encadré 30), ou l acide okadaïque (Encadré 31). La troisième classe importante renferme les peptides cycliques ou cyclopeptides qui sont assemblés par de gigantesques protéines en dehors de la traduction. Par exemple, la cyclosporine A (figure 368) est un fonctionnement soit modulaire et que dans le futur on puisse les utiliser pour fabriquer à volonté des molécules spécifiques. Des modifications, comme des oxydations, méthylation, etc., sont ensuite souvent apportées aux produits finaux par des enzymes additionnels. Les polycétides les plus connus et les plus communs sont probablement les mélanines à DHN qui résultent de la polymérisation du 1,8- dihydroxynaphthalène (figure 367). Ce sont des molécules insolubles, colorées et peu réactives mais qui assurent chez les Ascomycota le renfort des parois et une protection contre les rayons ultra-violet, les Figure 368 Cyclosporine A. Ce cyclopeptide a des effets immunosuppresseurs. immunosuppresseur produit à partir de Tolypocladium inflatum, un Ascomycota Sordariomycetes. C'est un peptide cyclique comprenant 11 acides aminés, tous n'étant pas utilisés dans la traduction. Sa synthèse est effectuée par une enzyme gigantesque de acides aminés catalysant environ 40 réactions enzymatiques! Certains peptides cycliques sont fabriqués via la traduction sous forme d'un précurseur puis cyclisé par des protéases de la famille des oligopeptidases à prolyl (figure 369). C'est le cas de l'α-amanitine qui inhibe l ARN polymérase II et de la phallacidine, des molécules fabriquées par de nombreux champignons Agaricomycotina dont les amanites

434 (Encadré 30). Les peptides précurseurs contiennent deux régions conservées au sein d une même espèce et entourant un domaine variable (figure 369). Ce sont les acides aminés contenus dans ces domaines variables qui se retrouvent cyclisés. Ces gènes évoluent comme des gènes normaux et dans différentes espèces les régions bordantes vont être différentes, alors que le peptide central est conservé (figure 369). Ces peptides cycliques sont donc à la frontière entre les métabolites secondaires et les petits peptides qui ont des activités biologiques, tels que ceux qui sont présents dans les venins d insectes ou de serpents. A la différence des cyclopeptides fongiques, ceux-ci sont secrétés. Les protistes eucaryotes produisent aussi ce genre de peptides secrétés, dont certains ont des activités bactéricides ou fongicides. Il existe de nombreuses autres classes de molécules, comme des hybrides de polycétides et de cyclopeptides, des lactones, des quinones, des oxylipines, des terpénoïdes... Citons la pénicilline G et la céphalosporine C qui sont des antibiotiques synthétisés à partir de la condensation sans cyclisation de trois acides aminés : l acide L-αaminoadipique, la cystéine et la valine, la valine devant être convertie sous sa forme D avant condensation. Les protistes, particulièrement les Eumycota, sont aussi capables de synthétiser des produits volatiles qui dérivent de métabolites primaires ou secondaires. Ces composés volatiles donnent aux champignons leurs odeurs caractéristiques qui permettent souvent de reconnaitre une espèce à son odeur d'anis, de terre ou d'eau de javel! Ces composés peuvent cependant avoir des applications pratiques. 425 précurseur de la phallacidine chez Amanita bisporigera MSDINATRLP AWLVDCP CVGDDVNRLLTRGESLC précurseur de l α-amanitine chez Amanita bisporigera MSDINATRLP IWGIGCNP CIGDDVTTLLTRALC précurseur de l α-amanitine chez Galerina marginata MFDTNATRLP IWGIGCNP WTAEHCDQTLASGNDIC MFDTNATRLP + oligopeptidase à prolyl IWGIGCNP WTAEHCDQTLASGNDIC I W N P C I G G WTAEHCDQTLASGNDIC Figure 369 Synthèse de peptides cycliques via la traduction. En haut, séquence des précurseurs de la phallacidine et l αamanitine. Ils dérivent de la traduction d ARN messagers. Les acides aminés identiques entre les deux précurseurs chez Amanita bisporigea sont en noir montrant la conservation des séquences bordante au sein de la même espèce pour des cyclopeptides différents. Par contre, les séquences bordantes des precurseurs de l α-amanitine ne sont pas conservées chez Amanita bisporigea et Galerina marginata. En bas, la cyclisation est réalisée en deux étapes par une oligopeptidase à prolyl. Une liaison interne entre le tryptophane et la cystéine termine la synthèse de l α-amanitine. + oligopeptidase à prolyl création d une liaison interne entre le tryptophane et la cystéine α-amanitine

435 C'est le cas pour ceux fabriqués par Muscodor albus, un Ascomycota qui synthétise un mélange de produits volatiles dont chacun pris à part a une faible activité mais qui en mélange possède une action létale sur de nombreux champignons et autres microorganismes. Les traitements à base de tels cocktails de molécules volatiles pourraient ouvrir de nouvelles perspectives à une médecine toujours en recherche de nouveaux antibiotiques. Même si le premier antibiotique découvert, la pénicilline, est issu d un Eumycota, l Ascomycota Eurotiomycetes Penicillium notatum/chrysogenum, notre pharmacopée occidentale utilise essentiellement des antibiotiques d origine bactérienne et plus précisément provenant de streptomycètes. Il semble cependant que si le métabolisme secondaire des plantes et des streptomycètes a été bien exploré, celui des Eumycota est encore très sous-exploité. Il est probable que ceux-ci vont donc fournir dans le futur de nouvelles pistes de molécules antibiotiques. Les Eumycota continuent néanmoins de contribuer activement à notre catalogue de médicaments. Certains ont des rôles essentiels en médecine moderne. Actuellement, sur les vingt molécules les plus prescrites, six ont une origine fongique. La pénicilline ou ses dérivés restent toujours les antibiotiques le plus prescrits. Les lovastatines sont des polycétides anticholesterolémiques largement prescrits chez les personnes âgées. La cyclosporine A (figure 368) est très efficace pour abaisser les défenses immunitaires avec peu d'effet secondaire et a donc permis le développement des greffes d'organe. La pharmacopée chinoise utilise aussi de nombreux Eumycota sous forme de poudre broyée. Les deux espèces les plus utilisées sont Ganoderma lucidum et Cordyceps militaris (figure 370). Ils produisent de nombreuses molécules ayant des activités anticancéreuses, antiinlamatoires, anti-oxydantes, anti-virales, anti-microbiennes, anti-diabétiques, anti-age La médecine chinoise repose Figure 370 Deux champignons très utilisés en médecine chinoise. A gauche, Ganoderma lucidum à droite Cordiceps militaris. Ce dernier a parasité une larve d insecte qui est enfouie dans le sol. Les champignons sont réduits en poudre avant d être pris en décoction. 426 beaucoup sur les effets synergiques de mélanges. Cet effet existe donc déjà dans les champignons qui produisent des cocktails de substances aux effets multiples. En occident, des micro-algues, comme les Chlorella, sont utilisées comme compléments alimentaires pour renforcer le tonus. Ils fonctionnent selon le même principe d effets synergiques de plusieurs molécules dont des acides gras, protéines, vitamines et des oligoéléments. Elles peuvent aussi fixer des toxines et ainsi restaurer la flore microbienne intestinale.

436 Quelques utilisations des protistes eucaryotes dans d autres industries Les protistes eucaryotes sont aussi utilisés dans des applications technologiques. Encore une fois les Eumycota sont les principaux contributeurs. Leurs capacités métaboliques sont en effet largement mises à contribution. Une partie des métabolites secondaires qu ils fabriquent sont colorés et ont donc des usages en teinturerie. Les lichens sont très appréciés comme source de pigments naturels dans les tons jaunes, rouges, brun, beiges Les lichens produisent plus de 600 métabolites secondaires, dont plus de 90% leur sont spécifiques. Outres leur utilisation en pharmacie et en teinturerie, les lichens sont aussi utilisés dans la parfumerie. Par exemple, Evernia prunastris (figure 371), mais aussi Pseudoevernia purpuracea, sont récoltés dans les régions méditerranéennes avec les écorces sur lesquels ils poussent. Les huiles essentiels sont extraites et utilisées à raison de un à deux pourcents dans les parfums. Elles confèrent des odeurs de mousse et permettent une meilleure tenue du parfum sur la peau. Chaque années, environ tonnes de cette matière première sont récoltées et utilisées dans le sud de la France. L utilisation de composés organiques volatiles produits par les champignons sera probablement mise à contribution dans le futur pour produire des énergies propres. Par exemple, Gliocladium roseum, un Ascomycota Leotiomycetes endophyte aussi connu sous le nom d Ascocoryne sarcoides, est capable de synthétiser un mélange complexe de molécules volatiles à huit carbones Figure 371 Evernia prunastris, un lichen utilisé en parfumerie. 427 contenant des alcanes, des alcènes, des alcools... De nombreux Eumycota produisent ce type de molécules, mais en quantités beaucoup plus faibles. La plupart de ces composés sont présents dans le kérosène et même si leur production par Gliocladium roseum se fait en très petites quantités, les applications technologiques de ce type de champignons pour la fabrication de biocarburant sont évidentes. D autres Eumycota comme des Agaricomycotina du genre Trametes peuvent produire du méthane en condition aérobie ou comme les Neocallimastigomycota de l hydrogène en condition anaérobie, deux autres sources d énergie propres. Les propriétés redox des enzymes fongiques tels que les laccases en font de bons candidats pour remplacer les métaux dans des piles à combustible. Ces piles produisent de l électricité en utilisant des oxydations de divers substrats catalysées par des enzymes. Elles ne sont encore qu au stade de développement dans les laboratoires, mais leur biodégradabilité en font des candidats très

437 Encadré 32 Les biocarburants sont une alternative durable aux énergies fossiles, en particulier au niveau du transport personnel qui actuellement réclame essentiellement des carburants sous forme liquide : essence, gasoil ou kérosènes. Ils sont classés en trois catégories. Les biocarburants de première génération utilisent la partie noble des plantes, c est dire celles consommées par l homme pour produire soit des huiles dites «biodiésels» soit de l éthanol qui est ajouté à l essence. Les technologies de production sont matures car les matières premières nécessitent peu ou pas de transformation. Les huiles de colza ou de tournesol sont utilisables directement. L éthanol est fermenté à partir de sucre de canne ou de betterave, ou encore d amidon hydrolysé par des amylases ajoutées ou directement produites par Saccharomyces cerevisiae après introduction des gènes par génie génétique. première génération huiles sucres biodiesels éthanol fermentation Saccharomyces cerevisiae Des stations-services proposent déjà de tels carburants. Il entre néanmoins en compétition avec l alimentation humaine et leur usage est de moins en moins recommandé. Les biocarburants de seconde génération utilisent la partie non noble des plantes comme la paille ou les résidus végétaux. Des cultures dédiées de plantes à haute productivité comme le miscanthus ou utilisant des sols pauvres sont aussi envisagées. La transformation en carburant liquide nécessite un prétraitement physique et énergivore pour éclater la lignocellulose et rendre la cellulose accessible à des enzymes qui vont l hydrolyser en sucre. Ceux-ci sont actuellement produits en utilisant principalement Trichoderma reesei, un Ascomycota Sordariomycetes. Le jus sucré obtenu est ensuite fermenté en alcool par des levures. S ils sont moins en compétition avec l alimentation, leur production n est pas sans problème. La biomasse doit être déplacée vers les usines de traitement, ce qui nécessite de l énergie et pose des problèmes d intendance. Surtout, la matière non-noble sert dans la nature à la genèse d acides humiques qui participe à la santé des sols (figure 358). Un prélèvement trop important aboutira donc à un épuisement néfaste des sols. Les technologies de production des biocarburants de seconde génération sont matures, mais leur coût encore trop important pour être compétitifs avec les énergies fossiles. Des efforts sont faits pour abaisser les coûts du prétraitement et surtout du cocktail enzymatique qui sont les deux principaux postes de dépense. prétraitement cellulose digestion enzymatique Trichoderma reeseii sucres éthanol seconde génération 428 fermentation Saccharomyces cerevisiae Les biocarburants de troisième génération utilisent des micro-algues eucaryotes ou

438 procaryotes comme matière première. Celles-ci ont des productivités supérieures aux plantes et peuvent produire directement avec des hautes teneurs des biodiesels, voir pour certaines cyanobactéries des kérosènes. Elles sont cultivables sur des terres non agricoles. Leur utilisation n est cependant pas sans problème car leur production nécessite de l eau en grande quantité et leur récolte réclame de l énergie. Les techniques de culture à grande échelle ne sont pas non plus complètement maitrisées. Ces carburants ne seront probablement pas prêts à être utilisés avant plusieurs dizaine d années. Notez que les usines à biogaz qui utilisent des déchets pour produire du méthane sont déjà en place et rentables. Leur fonctionnement repose essentiellement sur des procaryotes. attrayants pour remplacer les piles contenant des métaux. Les technologies de l énergie font déjà appel aux champignons Eumycota pour produire des biocarburants de première et seconde génération, ainsi qu à des micro-algues eucaryotes pour produire les biocarburants de troisième génération (Encadré 32). Les enzymes utilisées par les champignons pour dégrader la biomasse végétale sont aussi le centre d intérêt d autres industries que celle des biocarburants. Ils intéressent beaucoup l'industrie papetière dans le but d'obtenir des bio-procédés non polluants de blanchiment de papier. De mêmes, les enzymes intervenant dans la dégradation de la lignine sont actifs vis à vis d'autres composés polluants comme les colorants, les polyphénols etc. Les Eumycota font donc l'objet d'étude de faisabilité de bioremédiation pour décontaminer les sols ou les eaux. Ils sont effet capables de venir à bout de composés phénoliques difficiles à dégrader, de plastiques et autres composés xénobiotiques. Leur paroi fixent les métaux lourds et peuvent être utilisées pour purifier l eau. Les micro-algues, surtout les micro-algues Viridiplantae, peuvent quant à elle être utilisées pour purifier les eaux eutrophisées riches en phosphates ou nitrates, comme celles en fin d épuration dans les stations. La biomasse algale produite peut ensuite être utilisées à divers usages comme la production d engrais, d acides gras, de vitamines Les levures sont souvent mises à contribution pour produire des enzymes ou des métabolites d intérêt pharmaceutique, agro-alimentaires ou autres. Dans la plupart des cas, elles sont modifiées génétiquement pour obtenir le produit désiré. Elles peuvent être aussi adaptées de la même manière pour utiliser des sources de carbone moins chères que des hexoses, comme par exemple des pentoses présents en grande quantité dans biomasse végétale et souvent non utilisés. Par exemple, Saccharomyces cerevisiae a été modifiée pour produire de l insuline, du glucagon, l antigène de surface du virus de l hépatite en vue de vaccination, de l hirudine qui est un facteur anticoagulant, des vitamines, des stérols et des stéroïdes Yarrowia lipolytica, un autre Saccharomycotina, est utilisée dans la production de lipases, d arômes, d acides organiques, de biosurfactant, d émulsifiants D autres Saccharomycotina sont aussi fréquemment utilisés comme les espèces du genre Pichia pour produire divers enzymes qui sont par exemple ajoutés au cocktail produit par Trichoderma reesei pour faire des bio-carburants de seconde génération (Encadré 32). Par rapport aux modèles bactériens d expression de 429

439 protéines, les levures présentent l avantage d apporter les modifications posttraductionnelles aux protéines, ce qui souvent améliore leur activité ou leur stabilité et diminue leur potentiel immunogène. Les applications des protistes eucaryotes sont donc déjà nombreuses et variées. Comme exemple supplémentaires, on peut citer la diatomite provenant des Bacillariophyta et dont les usages sont multiples (voir pages 319 & 320), les emballages à base de déchets agglomérés par des champignons comme le «mycoboard» ou encore les biosenseurs à base d algues. Ces biosenseurs permettent d évaluer la pollution de l eau en mesurant l activité d algues immobilisées dans des gels. Pour ceci, leur activité photosynthétique est quantifiée en mesurant la fluorescence des chlorophylles ou la production d oxygène. L utilisation d algues sensibles à différents types de pollution permet d affiner le diagnostic. Notez que les lichens servent depuis longtemps de bioindicateurs de la pollution atmosphérique. En effet, ils sont sensibles à la pollution et leur présence en bonne santé indique un air pur (figure 372). Plus la qualité de l air se dégrade, plus ils se détériorent et disparaissent, les espèces les plus sensibles comme les Evernia, Parmelia ou Usnea disparaissant en premier, et ensuite les espèces plus résistantes comme les Xanthoria qui supportent bien les nitrates ou les Lecanora qui supportent bien le soufre. Les différentes espèces présentes permettent d avoir une idée du niveau et de la nature des polluants présents dans l air. Dans celui très pollué, de nos centres villes, il ne reste en général plus que des algues Chlorophyta du genre Pleurococcus (figure 372) sur les supports usuellement colonisés par les lichens Les protistes eucaryotes seront probablement encore plus mis à contribution dans le futur, où des technologies durables et non polluantes basées sur le biomimétisme seront Figure 372 Les lichens comme bio-indicateur de la pollution de l air. A gauche, de nombreux lichens poussent sur cet arbre qui est localisé dans une région où l air est pur. A droite, seules des algues Pleurococcus colonisent et colorent en vert le tronc de ce platane parisien. probablement privilégiées au détriment des technologies actuelles qui sont souvent polluantes. Les parasites de l homme et de ses animaux commensaux 430

440 L impact des protistes eucaryotes sur la santé de l homme ne se situe pas qu au niveau de la production de médicaments. En effet, ils sont la cause de nombreuses maladies. On peut classer ces maladies infectieuses en deux groupes en fonction des agents responsables. Les protozoaires parasites ont généralement la capacité d attaquer l homme sain et ont mis au point des stratégies sophistiquées pour envahir leur hôte et se propager à de nouveaux hôtes. Au contraire, la plupart des champignons sont des pathogènes opportunistes qui vont profiter de la faiblesse de leur hôte pour le coloniser ; en général ces parasites ne peuvent pas persister si le système immunitaire est efficace. 431 Table 15 : estimation des morts par parasitoses en 2013 Maladie nombre de morts malaria leishmaniose (Kala-azar) cryptosporidiose amibiases maladie de Chagas trypanosomiases africaines vers nematodes et plathelminthes Total On dénombre 70 espèces de protozoaires et plus de 300 espèces de vers parasites. Ces derniers sont soit des nématodes comme l ascaris ou les filaires, soit des plathelminthes comme le tænia ou les douves. Bien que très répandus et ayant un impact fort sur la santé des populations, ces animaux sortent du cadre de ce livre. D autant plus que les protozoaires ont l impact le plus important sur la santé car responsables de près de 99% des décès. La Table 15 donne les chiffres d une étude effectuée en Cette année, les protozoaires parasites auraient responsables de la mort de plus de un million de personnes contre pour les «vers». Ils se développent plus particulièrement dans les pays pauvres. De fait, ces pays sont situés dans les régions chaudes du globe, où vivent les vecteurs de ces parasites qui prolifèrent d autant plus que les systèmes sanitaires sont souvent défaillants et la prophylaxie souvent difficile à mettre en œuvre. De même, les données épidémiologiques sont souvent incomplètes et des chiffres variant de un à dix dans les prévalences sont courants. Par exemple, dans son rapport annuel de 2015, l Organisation Mondiale de la Santé (OMS ou WHO for World Health Organization) cite les diarrhées comme la septième cause de mort et la deuxième après le virus du SIDA comme cause de décès par maladie infectieuse. Chaque année, on dénombre environ 1,7 milliards de cas et 1,5 millions de mort. Ces diarrhées sont particulièrement meurtrières chez les enfants souffrant de malnutrition et provoque morts par an chez ceux de moins de cinq ans. Leur étiologie n est souvent pas connue. La bactérie Escherichia coli et des rotavirus semblent en être les causes principales. Cependant, une partie est causée par des protozoaires comme Entamoeba histolytica, Giardia intestinalis ou Blastocystis hominis. Entamoeba histolytica serait responsable de plus de décès selon l étude

441 de 2013 (Table 15), mais de à morts par an selon les chiffres trouvés plus classiquement dans la littérature sur les amibiases (voir page 236). Toutefois, toutes les études s accordent sur le fait que le parasite qui est de très loin responsable du plus grand nombre de morts est Plasmodium falciparum (Encadré 22). L étude de 2013 évalue à le nombre de morts par malaria (Table 15). Les données de l OMS pour 2015 sont de plus de 1,24 millions de décès, encore une fois principalement des enfants dans les pays pauvres. Suivent ensuite les leishmanias (page 258, Table 11), les Cryptosporidium (page 351 & 352, figure 316 et Table 13), Entamoeba histolytica (page 236) et les trypanosomes américains et africains (page 259, Table 11). A part, les Cryptosporidium et Entamoeba histolytica, tous ces parasites sont transmis par des insectes vecteurs. Notez que sur ces statistiques ne figurent pas les parasites qui ne pas mortels comme Trichomonas vaginalis (pages 251 & 252, figure 202), Giardia intestinalis (249 & 250, figure 200), les Toxoplasma, Babesia et autre Apicomplexa (pages 353, figures 319 et 320), ni bien évidemment ceux qui causent peu de cas comme Blastocystis hominis (page 307 et figure 262), Balantidium coli (figure 296) ou Naegleria fowleri (pages 254 & 255) Les stratégies de luttes contre les parasites se déclinent selon quatre grands axes : lutte contre le vecteur, prophylaxie pour empêcher les infections, vaccins et traitement médicamenteux. La lutte contre les vecteurs a beaucoup consisté dans l épandage d insecticides car la plupart des maladies parasitaires sont transmises par des moustiques ou des mouches. Cependant des résistances apparaissent rapidement et l épandage d insecticides n est pas bon pour l environnement. Notez qu un moyen simple pour diminuer les populations de moustiques est d éliminer leurs lieux de reproduction qui sont souvent des petits réceptacles contenant de l eau croupie comme les vieux pneus, les pots cassés, les gouttières mal entretenues Eliminer ces centres de reproduction qui sont souvent proches des lieux d habitation réduit fortement le taux d infection! L utilisation de pièges est aussi très efficace. Les principaux freins à ces méthodes sont souvent l éducation des populations, surtout dans les pays politiquement instables. D autres méthodes plus originales pour lutter à grande échelle contre les vecteurs sont à l étude. Une première méthode consisterait à utiliser des bactéries du genre Wolbachia qui sont des symbiotes naturelles des insectes. Ces bactéries se transmettent maternellement. Ce mode de transmission permet l envahissement des populations d insectes. Souvent les Wolbachia sont asymptomatiques, cependant, une souche diminue l espérance de vie du moustique Aedes egyptii qui transmet la dengue. Elle limite aussi le taux de virus dans le moustique. Son transfert aux Anopheles pourrait entraîner une diminution drastique des transmissions si son effet sur l Anopheles et les Plasmodium est identique, d autant plus que la maturation du parasite dans le moustique dure une dizaine de jours au minimum, soit une bonne partie de la durée de vie d une femelle adulte qui est d une quinzaine de jours dans la nature. Une faible réduction de la longévité pourrait donc sévèrement limiter le nombre de femelles portant des parasites matures. Une autre piste est l utilisation de 432

442 champignons entomopathogènes, principalement des Ascomycota Sordariomycetes des genres Beauveria et Metarhizium. Ces champignons n ont pas la capacité d annuler les proliférations d insectes, mais leur présence continue dans les biotopes peut réduire les effectifs des populations. Une dernière méthode consiste dans l utilisation de mâles stériles obtenus après irradiation aux rayons ultra-violets. Ils vont copuler avec les femelles. Comme chez de nombreux insectes, elle ne copule qu une seule fois, ces accouplements n auront pas de descendance. Cette stratégie est par exemple employée pour combattre la mouche tsé-tsé qui transmet les trypanosomes africains (figure 211). Pour les parasites transmis par les aliments souillés la prophylaxie la plus efficace est la construction de toilette pour éviter la dispersion des particules infectieuses. Par exemple, en Inde en 2015, un pays qui connait de nombreuses contaminations par les amibes, le système de toilette n est toujours pas terminé d installer! Pour les parasites transmis par des insectes, la prophylaxie consiste à éviter les piqûres. Elle passe par l utilisation de moustiquaires, de vêtements adaptés, d aspersion avec des produits répulsifs et de prise de drogues préventives. Si aucune drogue n est disponible pour les trypanosomes, plusieurs existe pour les plasmodiums. Les plus connues sont la quinine et surtout la chloroquine (figure 373). Cependant, des résistances sont apparues à la suite de l utilisation intensive de cette drogue et elle n est donc pas efficace dans toutes les régions où la malaria est présente. La recommandation est de ne plus l utiliser si localement plus de 25% des parasites sont résistants. Lutte contre le vecteur et prophylaxie peuvent avoir des effets positifs très important. Par exemple, la maladie du sommeil a fortement régressé en Afrique suite à des campagnes d éradication de la mouche tsé-tsé et de l éducation des populations pour éviter les piqûres, car il n existe aucun traitement préventif médicamenteux. Actuellement, elle ne cause plus que quelques milliers de morts par an. Dans le passé trois épidémies autour des années 1900, 1920 et 1970 ont fait plusieurs centaines de milliers de mort, probablement plus d un million pour celle qui a duré de 1896 à La dernière épidémie est dû au relâchement de la surveillance de la maladie chloroquine quinine car dans les années 1960, seulement cas pas an étaient reportés. L épidémie démarre en 1970 et en cas sont notifiés à l OMS et au moins autres sont Lukáš Mižoch suspectés. Des efforts portant pyriméthamine sur le contrôle de la mouche et artémisinine des piqûres, mais aussi sur le Figure 373 Quelques antipaludéens. 433

443 diagnostic des malades et de leur traitement par médicament jugulent l infection. En 2009, moins de cas sont reportés et seulement 6314 cas en 2012, avec néanmoins un total de cas réels estimé à L OMS prédit qu en 2020 la maladie du sommeil ne sera plus un problème de santé publique. La lutte contre la mouche tsé-tsé et le trypanosome ne doit cependant pas se relâcher! En 2015, il n existe toujours pas de vaccin efficace contre les parasites car la plupart ont des mécanismes d échappement au système immunitaire (Encadré 33). Cette stratégie fait partie de leur adaptation à la vie parasitaire et empêche donc la définition d antigènes stables qui pourrait être utilisés. De même, ces protéines sont généralement très polymorphes dans les populations probablement pour permettre les réinfections multiples. Le cas des plasmodiums est encore plus complexe car le parasite subit de nombreuses différenciations et a des phases extracellulaires et d autres intracellulaires. De plus, cinq espèces différentes peuvent causer la maladie. Il est Figure 374 Structure d un des épitopes de la protéine VSP envisagés pour la production d un vaccin. 434 donc probable qu un vaccin efficace devra agir contre des protéines présentes à la surface des différents parasites aux différentes étapes du cycle. La protéine Pf des «circumsporozoïtes» ou CSP est une de ces cibles potentielles. Cette protéine de 412 acides aminés est impliquée dans l invasion des cellules hépatiques et présent donc un fort potentiel pour un blocage précoce de l invasion. Un vaccin appelé «RTS,S» et utilisant la partie conservée de cette protéine (figure 374) est en cours d évaluation. La dernière stratégie de lutte contre les protozoaires parasites est la chimiothérapie. Du fait de la grande ressemblance de la biologie des parasites avec celle de nos propres cellules - nous sommes tous des eucaryotes! les traitements disponibles pendant longtemps étaient inefficaces et souvent dangereux. Souvent, les médicaments issus des médecines traditionnelles étaient les plus performants. De plus, des résistances apparaissent rapidement rendant délicate l utilisation à grande échelle des médicaments. La meilleure connaissance de la biologie des protozoaires parasites permet maintenant de mieux cibler les molécules vers l inhibition de processus spécifiques des parasites. L exemple des médicaments antipaludéens est encore une fois éclairant. Le premier d entre eux, la quinine (figure 373), est un métabolite secondaire présent dans l écorce d arbustes du genre Cinchona qui vivent dans les Andes péruviennes. Les effets de cette plante étaient déjà connus des indiens Quechua. Elle a ensuite été ramenée en Europe et a

444 Encadré 33 Parmi toutes les stratégies utilisées par les protozoaires parasites pour compléter leur cycle, l échappement au système immunitaire acquis chez les vertébrés est probablement une des plus remarquables. Celui a été bien étudié pour Trypanosoma brucei et Plasmodium falciparum. Dans les deux cas, il se fait grâce à une variation programmée des antigènes de surface du protozoaire. Ceux-ci recouvrent la cellule et masquent les autres antigènes potentiels. Bien que ces antigènes de surface présentent une grande variation dans leur séquence, dans une population donnée, seuls quelques-uns, voire un seul, sont exprimés de manière exclusive par la majorité des membres. Les autres sont exprimés, aussi de manière exclusive, par quelques individus «variants». Lorsque le système immunitaire produit des anticorps contre l antigène majoritaire, une autre population de parasite exprimant un autre antigène peut proliférer, jusqu à ce que le système immunitaire produise un nouvel anticorps. Le processus se répète et le répertoire d antigènes n est généralement pas épuisé avant que le malade succombe. Chez le trypanosome, les gènes codant les antigènes de surface, appelé VSG pour Variant Surface Glycoprotein chez cette espèce, occupent environ 30% du génome! Un seul locus est exprimé ; il se situe dans une région télomérique particulière dont la structure est similaire à celle d un nucléole, car le gène est transcrit par l ARN polymérase I comme les gènes d ARN ribosomiques. Les autres copies, au nombre d environ 2000, sont réparties soit dans d autres régions télomériques, soit dans des régions soustélomériques, soit sur des minichromosomes. Elles sont silencieuses car dans des régions d hétérochromatine. Une cassure double-brin, dont la fréquence est d environ de 10-5, se produit dans le gène situé au locus exprimé. La réparation de ce locus à l aide d une copie non-exprimée aboutit à son remplacement par un nouveau gène permettant l expression d un nouveau variant. cassure locus exprimé réparation nouveau variant exprimé ~2000 loci silencieux Chez le plasmodium, les antigènes sont codés par une soixantaine de gènes VAR qui changent à la fréquence de 2.4% par génération. Ils sont positionnés à la périphérie du noyau et sont en grande partie inactifs. Les gènes actifs sont ensuite réprimés alors que d autres s activent par dérepression de la chromatine, selon un ordre qui n est pas aléatoire. Par exemple, les gènes les plus polymorphes s expriment préférentiellement. locus exprimé ~60 loci silencieux nouveau locus exprimé 435

445 servi dès les années 1630 pour traiter le paludisme en Italie. Son effet se situerait principalement au niveau du métabolisme de l hème pour lequel elle inhiberait la cristallisation des produits toxiques de dégradation dans la vacuole du parasite. Son ingestion à haute dose n est pas sans effet secondaire. Elle a donc été remplacée par la chloroquine (figure 373) dans les années Cette drogue a été découverte par l industrie pharmaceutique à la suite de tests de plusieurs molécules pour leurs effets antipaludéens. La chloroquine aurait sur les parasites le même type d effet que la quinine. Plus efficace et avec moins d effets secondaires que la quinine, elle a beaucoup été utilisée et dès les années 1950 des souches de plasmodiums résistantes sont apparues. Une autre drogue découverte dans les années 1950 est la pyriméthamine (figure 373). Elle est utilisée en association avec des sulfamides et de de l acide folinique. Très toxique, elle ne peut être utilisée en traitement préventif. De plus des résistances sont maintenant présentes dans les populations de parasites. Plusieurs autres molécules issues des criblages systématiques entrepris dans les années 1930 à 1960 sont disponibles : atovaquone, primaquine, doxycycline Les médicaments efficaces les plus récents sont maintenant à base d artémisinine (figure 373). Cette molécules est issue d une petite plante à fleur, l armoise, sont les effets sont connus depuis près de ans par la médecine traditionnelle chinoise. Elle a été isolée dans les années 1970 et est utilisée depuis les années Elle a été déclarée en 2001 comme «le plus grand espoir de lutte contre la malaria» par l OMS. Son action se situerait au niveau de la production de radicaux libres toxiques pour plasmodium. Pour éviter le développement de résistance, elle n est utilisée qu en combinaison avec d autres antipaludéens, d autant plus qu elle ne tue pas systématiquement les parasites. Pourtant dès 2009, des souches partiellement résistantes ont été découvertes au Cambodge! Actuellement, plusieurs pistes sont suivies pour trouver de nouvelles molécules. Par exemple, la présence d un apicoplaste permet d imaginer que des molécules dirigées contre cet organite, donc des herbicides, pourrait être efficace. Cependant, le criblage systématique de drogues continue d apporter de nouveaux médicaments. En 2015, la drogue DDD a été découverte. Elle présente peu de toxicité pour l homme et tue les parasites. Une seule dose pourrait être suffisante pour guérir les malades. Son action se situerait pourtant au niveau du facteur d élongation de la traduction eef2 du parasite, une protéine très conservée qui «transloque» le messager d un codon sur le ribosome, bloquant ainsi la traduction. Les pathogènes opportunistes sont principalement des Eumycota, mais divers autres organismes, comme les Microsporidia (pages et Table 8) ou encore l algue Chlorophyta Prototheca wickerhamii (page 282), peuvent causer des infections diverses allant d allergies et de maladies superficielles bégnines à des invasions systémiques mortelles. Les mycoses superficielles affectent la peau ou le système pileux. Elles sont causées par les champignons appelés «dermatophytes». Ce sont les mycoses les plus courantes car on estime à 20% la proportion de la population mondiale affectée avec environ de nouveaux cas par an (Table 16). Les plus célèbres sont les "pieds 436

446 d'athlètes" qui affectent les sportifs. Les mycoses sous-cutanées sont souvent causées par les mêmes champignons mais qui ont réussi à pénétrer plus profondément, généralement par une blessure. Les yeux sont aussi une cible privilégiée, en particulier chez les personnes portant des lentilles de contact. Les mycoses plus graves sont les mycoses systémiques où une bonne partie de l'organisme est colonisée par le champignon. Elles se révèlent souvent fatales. L OMS a estimé en 2014 que les champignons ont collectivement plus tué que la malaria! Le coût des traitements de ces mycoses systémiques est aussi prohibitif. En 2014, il s élevait à en moyenne par patient. La raison principale est que le traitement est très long, plusieurs mois, avec des injections en quantité importante d antifongiques onéreux. Les mycoses systémiques sont donc maintenant dans les sociétés occidentales un vrai problème de santé publique et leur impact sur la santé générale de l humanité est très important (Table 16). Il a augmenté depuis quelques années à cause de l'accroissement du SIDA, des opérations médicales nécessitant des traitements immunosuppresseurs comme les greffes ou encore le traitement du cancer. Les patients en soins intensifs sont aussi une population à risque. Les autres facteurs influençant l'apparition de mycoses systémiques ou plus superficielles sont la présence d autres maladies, en particulier celles affectant le système respiratoire, la malnutrition, le diabète, l'alcoolisme, les leucémies, ou les suites d'un traitement antibiotique qui modifie la microflore. Malgré tout, certaines espèces causant des maladies sérieuses attaquent avec succès des personnes apparemment saines. maladie Table 16 : estimation des cas de mycoses en 2014 immunocompétents SIDA malades du système respiratoire immunosupprimés cancereux muguet (candidose orale) > candidose vaginale candidose de l œsophage patients en soins intensifs candidose systémique aspergillose pulmonaire chronique aspergillose invasive > > cryptococcose (méningite) > >1 000 pneumocystose (pneumonie) > > mycoses des yeux mycoses de la peau ou des cheveux asthmes et autres allergies respiratoires Les mêmes espèces causent différents types de mycoses. Et donc une infection par un même champignon peut causer différents symptômes allant d'aucun effet jusqu'à la mort en passant par une fièvre temporaire. Réciproquement, des champignons différents provoquent les mêmes symptômes. Ces deux caractéristiques rendent difficiles l obtention de données épidémiologiques. La Table 16 donne les chiffres pour 2014 estimée par le site LIFE (Leading International Fungal Education). Actuellement, les mycoses sont causées principalement par les Candida (Table 16) et surtout Candida albicans (Encadré 16), un Saccharomycotina commensal de l'homme que l'on trouve 437

447 normalement dans l'intestin, le système respiratoire, la bouche et le vagin. En général, sa croissance est contenue par les autres microorganismes présents. Dans des conditions de dérèglement, elle se multiplie rapidement et provoque des candidoses. Celles-ci ont des symptômes très différents en fonction de l'organe atteint: la bouche, la peau, le système reproducteur, les yeux, etc. Dans certains hôpitaux, elle peut représenter jusqu à10% des maladies nosocomiales. Comme cet organisme peut être présent dans les individus sains, le diagnostic est difficile. Les autres champignons importants sont acquis de l'environnement et ne se transmettent pas non plus de personne à personne. En occident, Aspergillus fumigatus, un Ascomycota Eurotiomycetes, est responsable des aspergilloses mortelles (page 215 ; Table 9 et Table 16). Ce champignon affecte surtout le système respiratoire et se répand ensuite dans tout l'organisme (Table 16). Il est aussi souvent responsable dans le développement d allergies respiratoires comme l asthme. Les spores des espèces du genre Alternaria, des Ascomycota Dothideomycetes, sont aussi souvent impliquées comme allergènes. Blastomyces dermatitis, Histoplasma capsulatus et Coccidioides immitis, trois Ascomycota Eurotiomycetes, causent des infections systémiques souvent mortelles qui sont accompagnées par des transitions de phase filament/levure (pages 215 et 216 ; Table 9). Les mycoses cutanées sont principalement causées par une variété de champignons «dermatophytes» appartenant principalement à la classe des Eurotiomycetes comme les Trichophyton ou les Microsporum (pages 215 et 216 ; Table 9). Cryptococcus neoformans est un Basidiomycota qui après pénétration via les poumons va rejoindre le cerveau où il cause des méningites et encéphalites. Pneumocystis carinii, un Traphrinomycotina parasite obligatoire du poumon des mammifères, est responsables de pneumonies fatales. Bien que plus rares avec environ un cas par million d habitants, les zygomycoses causées par des Mucoromycotina de divers genres sont cependant très graves ; l amputation des partie colonisées étant souvent le seul traitement efficace. Les zygomycoses systémiques sont mortelles dans 90% des cas! Malgré ce catalogue impressionnant, parmi les centaines de milliers d'espèces d Eumycota, une centaine d'espèces seulement est capable de provoquer des maladies chez l'homme. En effet, l'optimum de température croissance de la majorité des champignons se situe entre 20 et 30 C ; 37 C est souvent une température létale. Leur maintien dans un organisme à sang chaud est donc problématique. Néanmoins, l'homme sain héberge de nombreux commensaux fongiques dont la plupart n'ont pas d'importance Par exemple, l'examen des champignons commensaux de la bouche révèle que la majorité des êtres humains sont porteur de quinze genres différents de champignon, certains pouvant même porter jusqu'à quarante genres différents, pour la plupart des Ascomycota. Chez la plupart des individus, la présence de ces champignons est asymptomatique ou sans conséquence grave sur la santé. On peut par exemple citer les Malassezia globosa et Malassezia restricta qui sont des levures Basidiomycota habitant la surface des peaux plutôt grasses. Elles se nourrissent des sécrétions sébacées. Elles dégradent les lipides en acides gras libres et ne consomment que les acides gras saturés. Elles laissent donc comme 438

448 439 Encadré 34 Les mécanismes moléculaires qui permettent les mycoses sont de plus en plus étudiés du fait de leur prévalence accrue. L'entrée du champignon se fait généralement via les poumons sous formes de spores ou plus rarement via des blessures. Dans le cas d'infection par des spores, on constate souvent la présence de travaux publics dans les environs qui participeraient à leur mise en aérosol. Les molécules impliquées dans la reconnaissance et qui vont permettre l'attachement aux cellules de l'hôte sont diverses. Chez Blastomyces dermatitis, une protéine de la paroi de 120 kd appelée WI-1 a été identifiée comme le responsable principal. Cette molécule est essentielle pour l'attachement et l'entrée dans les macrophages et son absence rend les souches non virulentes ; chez les Candida, plusieurs "adhesines" ont été trouvées, parmi celles-ci, Int1p possède des motifs dits RGD car contenant le tripetide arg-gly-asp. Ces motifs sont présents à la fois sur l'adhésine mais aussi dans des protéines de l'hôte qui servent de cibles pour l'attachement de nombreux parasites procaryotes ou eucaryotes. Une fois dans l'hôte le champignon doit pouvoir survivre à 37 C ou plus si des fièvres sont présentes. Une des raisons de la virulence d Aspergillus fumigatus est sa capacité à croitre à 42 C. Chez Saccharomyces cerevisiae, qui peut être pathogène chez des patients immunodéprimés, la capacité à pousser à 42 C a été corrélée avec la possibilité d'infecter et de subsister dans des souris. La survie dans l'hôte passe aussi par la synthèse de molécules de défenses. Ceci a été bien établi chez Cryptococcus neoformans qui synthétise de la mélanine comme protection. Les levures sont alors moins sensibles au système immunitaire et aux antifongiques. La survie passe aussi par la capacité à importer et utiliser les nutriments. Par exemple, chez les Candida, la majorité des mutants auxotrophes sont moins virulents. La dissémination dans le corps se fait grâce à la synthèse de molécules nécrosantes comme des protéases extracellulaires ou des phospholipases. Un autre atout pour infecter avec succès est probablement la capacité à changer de forme morphologique et de passer de formes levures vers des formes hyphales ou pseudohyphales, sans que l'on sache exactement le rôle de ces changements dans le processus d'infection. Dans certains cas, une seule des formes est retrouvée dans l'organisme : forme levure chez Histoplasma et Blastomyces, forme sphérules qui sont de grosses cellules plurinuclées chez Coccidioides Dans d'autres cas les formes levures et filamenteuses sont retrouvées toutes les deux dans l'hôte mais dans des endroits différents, comme chez les Candida. La capacité pour une forme donnée de changer de morphologie avec une haute fréquence par des mécanismes épigénétiques participe aussi à la virulence. Cela a été mis en évidence chez Cryptococcus et les Candida (Encadré 16). Chez ces dernières, la fréquence avec laquelle se produisent les changements semble corrélée avec une forte virulence. Chez Candida albicans, les changements sont aussi impliqués dans un processus de sexualité spécial probablement impliqué dans la genèse d une variabilité génétique permettant une meilleure adaptation (Encadré 16).

449 déchets les acides gras insaturés qui peuvent provoquer des inflammations de la peau et dans la chevelure : les pellicules. Les champoings antipelliculaires contiennent des antifongiques comme le pyrithione de zinc Néanmoins dans certaines conditions, des champignons commensaux, principalement les Candida, peuvent proliférer et causer des mycoses. Les autres mycoses sont causées par des champignons de l'environnement qui ont des adaptations leur permettant de pénétrer l organisme et de survivre aux conditions rencontrées dans le corps humain (Encadré 34). Les dematophytes responsables des infections cutanées sont des champignons kératinophiles qui dans la nature se sont spécialisés dans la dégradation de substances riches en protéines comme la peau, les poils, les cornes ou les os. Aspergillus fumigatus est un champignon du sol qui produit des spores de petites tailles capables de pénétrer jusqu'au poumon dans lequel il est capable de résister. Il en va de même pour les Cryptococcus qui vivent souvent dans les excréments d oiseau. Cette espèce fait sa reproduction sexuée sur les eucalyptus, un biotope très différent du corps humain! En fait, d'un point de vue évolutif, il semble que ces champignons aient mis en place des mécanismes pour persister dans des amibes qui sont leurs principaux prédateurs. Les mêmes mécanismes leur permettent aussi de subsister dans des hôtes plus complexes que sont les animaux. Ceci a été clairement montré dans le cas de Cryptococcus neoformans. D un point de vue des traitements, les problèmes rencontrés avec les mycoses sont similaires à ceux rencontrés avec les protozoaires parasites. Les Eumycota sont très proches des animaux, leurs fonctionnements au niveau moléculaire sont donc quasiment identiques. Il se pose donc des problèmes pour trouver des antifongiques efficaces qui ne soient pas toxiques pour l homme. D autre part, comme pour la plupart des microbes, les résistances à ces antifongiques se développent rapidement. Actuellement les traitements reposent principalement sur l'utilisation de l amphotéricine B (figure 375) et de triazoles comme l itracinazole ou le fluconazole. Ces agents agissent soit directement sur l'ergostérol soit sur sa synthèse. L'ergostérol est un stérol spécifique de la membrane des Eumycota que Figure 375 Un antifongique, l amphotéricine B. l on ne retrouve pas chez l homme. Son rôle n'est très bien compris mais semble multiple pour assurer la fluidité et l intégrité de la membrane. Il semble nécessaire à la fonction de certains enzymes membranaires. Les résistances qui se développent résultent de modifications diverses comme la diminution de la quantité d'ergostérol membranaire, l élimination des produits actifs, l augmentation du nombre de cibles, c est-à-dire des enzymes de biosynthèse, baisse de l'affinité de ces cibles ou encore altération de la synthèse de l'ergostérol. 440

450 Dernièrement, pour trouver de nouvelles molécules, une attention particulière est portée aux protéines qui assurent l'étape d'élongation de la traduction car, il existe chez certains champignons un troisième facteur soluble, eef3 pour effectuer un cycle d'élongation. L'activité de ce facteur serait assurée par les ribosomes chez les autres organismes. Il pourrait donc être la cible d'antifongiques spécifiques. De nombreuses autres pistes sont en cours d exploration, comme par exemple des molécules qui inhiberaient la synthèse de la paroi. Enfin, l'ablation chirurgicale est souvent nécessaire pour éviter une dissémination rapide du champignon. Nos animaux domestiques sont aussi sujets aux attaques des protistes eucaryotes. Par exemple chez les chiens, parmi les dix maladies les plus communes deux sont causées par des protozoaires parasites : la piroplasmose causée par des Apicomplexa du genre Babesia et la leishmaniose causée par des Kinetoplastida du genre Leshmania. Le chat est aussi sensible à la piroplasmose mais aussi à la toxoplasmose causée par l Apicomplexa Toxoplasma gondii (voir figure 319). Les champignons dermatophytes responsables de teignes infectent aussi souvent les élevages de chats. Les bovins sont attaqués par des Apicomplexa des genres Babesia et Theileria, surtout en Afrique où les épidémies ont un impact important sur les troupeaux. Les oiseaux ne sont pas en reste. La coccidiose causée par diverses coccidies est une maladie très courante de la poule. Elle est caractérisée par une anémie associée à une baisse de la ponte. Si les mammifères et les oiseaux sont plutôt sensibles aux protozoaires parasites car ils ont le sang chaud, les animaux à sang froid comme les poissons ou les insectes vont aussi être sensibles aux champignons. Par exemple, les poissons d aquariums ou de piscicultures sont parasités par des Ciliophora des genres Ichthyophthirius (page 343), Cryptocaryon ou Chilodonella, des Kinetoplastida du genre Bodo, des Myxozoa du genre Myxobolus (figure 99), des Microsporidia diverses (figure 107), des Dinoflagellata des genres Amyloodinium ou Oodinium mais aussi des Oomycota des genres Saprolegnia ou Branchiomyces. Les abeilles vont être sensibles aux Microsporidia, particulièrement Nosema apis responsable de la nosémose et à divers Ascomycota Eurotiomycetes dont Ascosphaera apis, Aspergillus fumigatus, Aspergillus flavus ou encore Aspergillus niger qui vont causer des momifications des larves, une maladie connue sous le nom de mycose des couvains. Les parasites des plantes et des autres eucaryotes Contrairement aux animaux chez qui les bactéries et les virus ont les rôles les plus importants comme pathogènes les champignons Eumycota et Oomycota sont les principaux parasites chez les plantes, puisqu ils sont responsables de 85% des maladies. Notez que quelques protozoaires comme les Plasmodiophorida (pages ) sont aussi capables d infecter les plantes. La Table 17 donne les dix espèces de pathogènes 441

451 émergentes qui inquiètent le plus les agronomes ; neuf sont des champignons... Sur nos cultures, les dommages qu ils causent sont aux mêmes niveaux que ceux entrainés par les insectes ou les mauvaises herbes. On estime que les champignons détruisent annuellement 15% des cultures, soit l équivalent de la consommation de 600 millions d êtres humains! L utilisation de fongicide est donc un gros poste de dépense pour l agriculture. En France, un agriculteur moyen a dépensé en 2011 par hectare autour de 70 pour les semences, 100 pour les engrais, 50 pour les herbicides, 5 pour les insecticides et 75 pour les fongicides! 442 Table 17: les dix pathogènes émergents de plantes qui inquiètent les agronomes. espèces taxon maladie plantes hôtes Phytophthora infestans Oomycota pourriture patates et tomates Peronosclerospora sorghi Oomycota mildiou maïs et sorgho Tilleria indica Ultilaginomycotina carie blé Phakopsora pachyrhizi et Pucciniomycotina rouille soja Phakopsora meibomiae Puccinia horiana Pucciniomycotina rouille blanche chrysantème Puccinia melanocephela Pucciniomycotina rouille canne à sucre Moniliophthora roreri Agaricomycotina moniliose cacao Guignardia citricarpa Pezizomycotina tâches noires agrumes Elsinöe australis Pezizomycotina anthracnose oranger Virus africain de la mosaïque du manioc Chlorose manioc La liste des espèces importantes est trop longue pour être citée car chaque espèce de plantes cultivées peut être infectée par plusieurs espèces de champignons, pour la plupart spécifiques. Le pathogène le plus important au niveau mondial est Magnaporthe grisea/oryzae qui infecte l orge et surtout le riz, l aliment de base pour plus de la moitié de l humanité. En France, c est Mycosphaerella graminicola, aussi connu sous le nom de Zymoseptoria tritici, qui cause la septoriose du blé. Bien que très différents phylogénétiquement, les stratégies utilisées par les Eumycota et les Oomycota pour envahir leurs hôtes sont très similaires. On classe en deux types de champignons pathogènes de plantes, les pathogènes virulents qui causent des maladies sévères et les «non agressifs» qui causent des symptômes légers. On distingue aussi les champignons biotrophes qui peuvent vivre sur la plante lorsqu'elle est en vie et les champignons nécrotrophes qui tuent leur hôte et se nourrissent des matières mortes. D autres espèces ont des stratégies qui vont intervenir successivement les deux types de styles de vie ; ils sont dits hémi-biotrophes. Les biotrophes sont souvent obligatoires et ont besoin de garder la plante en vie pour poursuivre l'infection. Ces derniers ne sont généralement pas capables de pousser sans leur hôte ce qui complique leur étude. Du fait de leur importance en agronomie, les stratégies employées par les champignons pour envahir les plantes sont le sujet de nombreuses études. Leurs points d entrée sont multiples, principalement les racines et les feuilles. Une même espèce peut utiliser les deux portes en utilisant des stratégies reposant sur des gènes différents. Par

452 exemple, Magnaporthe grisea utilise un appressorium pour pénétrer par les feuilles et des hyphopodia pour pénétrer par la racine (figure 376). D autres espèces vont passer par les 443 spore hyphopodiums appressoriums hyphe stomate Figure 376 Trois méthodes différentes utilisées par les champignons pour pénétrer leur plante hôte. En haut, Magnaporthe grisea comme beaucoup d autres phytopathogènes utilise un appressorium pour pénétrer par les feuilles. Celui-ci est formé immédiatement après la germination de la spore. Il fonctionne en exerçant sur la cellule foliaire une pression de 8 Mpa, soit 40 fois la pression d'air dans un pneu, permettant à un hyphe de très petit diamètre de traverser la cuticule. Beaucoup de champignons, y compris des saprotrophes, forment des structures similaires appelées pseudoappressoriums aux apex d hyphes spécialisés. Au milieu, les hyphopodiums sont des structures composées de cellules lobées apposées sur les cellules à pénétrer. Elles secrètent des enzymes qui vont digérer la cuticule et la paroi végétale pour permettre l invasion de la cellule hôte. Magnaporthe grisea mais aussi par exemple les Glomeromycota endomycorhiziens adoptent aussi ces structures pour pénétrer dans les cellules racinaires. En bas, un hyphe a détecté la présence d un stomate, s est dirigé vers lui et a émis une branche qui a permis la pénétration par l ostiole. Les Cercospora entre autres utilisent cette stratégie de pénétration. stomates (figure 376), qu ils détectent par les hormones que ces structures émettent, ou des blessures. Si l invasion des racines se fait par du mycélium, le champignon arrive généralement sous forme de spore sur les feuilles, Il faut donc au préalable qu elles germent. Le déterminisme de cette germination est complexe et fait intervenir des reconnaissances par le champignon. Il peut s agir de ligands spécifiques ou de caractéristiques physico-chimiques, comme l hydrophobicité. Avant même son entrée dans la plante, le champignon entame un dialogue moléculaire avec elle. Il émet des molécules signal qui peuvent être des composants de sa paroi, des métabolites secondaires, des radicaux libres ou des petites protéines appelées «effecteurs». La plante possède des récepteurs qui vont détecter ces signaux dans le but de mettre en place des défenses. Si la plante ne reconnaît pas le champignon, parce qu elle ne possède pas les bons récepteurs, elle est alors envahit. Effecteurs et signaux sont souvent codés par des gènes unique ce qui donne un déterminisme génétique simple pour le succès de l invasion entre un gène récepteur de la plante et un gène dit d avirulence chez les champignons (figure 377). Notez que les effecteurs ont souvent pour effet d inactiver les systèmes de défense de la plante et sont donc lorsqu ils ne sont pas reconnus des facteurs de virulence. Une course de la Reine Rouge existe donc entre la plante et son parasite. Des polymorphismes pour les gènes de

453 récepteur Figure 377 Modèle gène pour gène d interaction entre une plante hôte et un champignon phytopathogène. La plante combat avec succès le parasite uniquement dans le cas où elle possède un récepteur capable de reconnaitre le facteur d avirulence fongique. Dans ce type d'interaction, l'allèle du récepteur qui confère la résistance et l'allèle d'avirulence sont dominants. plantes sont similaires à ceux des animaux impliqués dans l immunité innée avec des domaines riches en leucine (figure 378). Les récepteurs sont soit ancrés sur la face externe de la membrane plasmique comme les récepteurs «Toll-like» soit dans le cytosol comme les «NOD-like». Ces récepteurs activent les voie de signalisation MAP kinases, comme dans le cas de l immunité innée animale, qui à leur tour font entrainer l activation de gènes de défense, généralement au niveau de leur transcription. Ceux-ci font d enzymes qui vont permettre le renforcement de la paroi au point de contact du champignon, à des enzymes qui vont synthétiser des métabolites secondaires toxiques ou qui vont entrainer la réponse dite hypersensible. Celle-ci est une apoptose des cellules se trouvant autour du champignon (figure 379). Si c est un biotrophe, sa progression est ainsi stoppée. Il a été cependant montré que ce 444 présent absent présent gène d avirulence absent champignon effecteurs R R FT NOX noyau P MAPK P récepteurs et d avirulence sont souvent présents dans les populations de plantes et de champignons qui fait que parmi les diverses variétés d'une même espèce de plante, certains cultivars sont sensibles et d'autres sont résistants à une souche particulière de champignon. Les récepteurs et les voies de signalisation des R K MAPKKK radicaux libres MAPKK MAPK Figure 378 Mécanismes de reconnaissance et de défense des cellules végétales contre une attaque fongique. Le champignon émet des signaux effecteurs et des radicaux libres qui vont être reconnus par des récepteurs intracellulaires ou membranaires de la plante possédant une région riche en leucine (R) et éventuellement un domaine kinase (K). La reconnaissance active une voie de transduction du signal extrêmement complexe à base de kinases, MAP kinase, canaux calciques et potassiques, oxydases du NADPH (NOX) Le signal arrive jusqu au noyau où des facteurs de transcription (FT) activent les gènes qui vont permettre de combattre le parasite. K R NOX renforcement de la paroi métabolites secondaires réponse hypersensible

454 Figure 379 Résultats d attaques fongiques sur des feuilles d érables. A gauche, la plante a reconnu le pathogène et mis en place avec succès une réponse hypersensible. Au milieu, chlorose et début de pourrissement. A droite, tâches de mildiou où des spores sont produites par le champignon à la surface de la feuille. mécanisme de défense est subverti par certains champignons nécrotrophes, tels que Botrytis cinerea ou Sclerotinia sclerotium. En effet, ils secrètent des petites molécules qui activent la réponse hypersensible. Le champignon peut alors commencer l'invasion de la plante via ces zones de morts cellulaires! Une fois dans la plante, le champignon peut se nourrir car c'est un milieu riche. En fonction des espèces, il reste extracellulaire ou bien envahit aussi les cellules. Au bout d'un certain temps d'infection il cause des lésions qui vont de chloroses qui sont des décolorations des cellules à des mildious où les feuilles se couvrent de spores ou au pourrissement suivi de la plante (figure 379). Table 18 : principales maladies du champignons de Paris nom de la maladie agent responsable taxon symptôme môle humide Mycogone perniciosa Eumycota malformation des carpophores, brunissement môle sèche Verticillium fungicola Eumycota malformation des carpophores, brunissement toile Dactylium dendroides Eumycota carpophores recouvert du mycélium du parasite, pourrissement vert de gris Chrysosporium luteum Eumycota pas de carpophores maladie des Aphanocladium album Eumycota taches brunes sur le chapeau taches brunes mousse verte Trichoderma spp. Eumycota mycélium vert qui concurrence celui du champignon de Paris mousse jaune Sepedonium niveum Eumycota mycélium jaune qui concurrence celui du champignon de Paris goutte Pseudomonas talaasii Bacteria taches jaunes sur le chapeau momification Pseudomonas spp. Bacteria chapeaux difformes et floconneux La France virus La France déformation et perte de rendements Si l homme cultive actuellement principalement des plantes, il va dans le futur probablement devoir produire plus d algues et de champignons qu il ne le fait actuellement, en particulier pour produire des biocarburants (Encadré 32) ou pour son alimentation. Comme pour les plantes les principaux parasites auquel il va devoir faire face seront des Eumycota, mais aussi d autres protistes d origines très diverses. Dans le cas des algues d eau douce, il va plutôt s agir de Chytridiomycota qui dans la nature semblent être leurs principaux parasites (figure 50). Dans le cas des algues marines, il s agira probablement de protistes et des Pseudomycota (pages ). Pour les champignons, 445

455 outre les nématodes, les insectes et les acariens, il s agira principalement de bactéries et d Eumycota. En effet, si des virus sont connus et capables de causer des symptômes chez divers champignons. Ils ne semblent pas avoir de phase extracellulaire. Leur propagation se fait donc uniquement à travers les anastomoses ou les spores. Ils seront donc probablement assez faciles à contrôler. La Table 18 résume par exemple les principales maladies d Agaricus bisporus, le champignon de Paris. Les dommages aux constructions, objets d arts et autres ustensiles Les protistes eucaryotes, et plus particulièrement les Eumycota, ne s attaquent pas uniquement aux élevages et cultures. En effet, ils sont aussi capables de dégrader les maisons, monuments, œuvres d arts, livres L homme fabrique de nombreux objets dont la matière première provient de plantes. S ils sont un peu humidifiés, ils deviendront le substrat de croissance de champignons. Les livres sont bien évidemment fréquemment attaqués, mais les papiers peints, les bateaux, les sculptures, les meubles ou encore les vêtements le sont aussi. Il est de plus en plus fréquent que les murs de nos maisons soient colonisés par un cortège de moisissures appartenant principalement aux genres Penicillium, Aspergillus et Cladosporium (figure 108). Une estimation de l Office de la Qualité de l Air Intérieur en 2008 suggère qu au 15 % des logements français présentent une contamination fongique visible. Ils sont en effet de mieux en mieux isolées, ce qui souvent augmente l humidité ambiante et favorise donc le développement des mycéliums. Ces moisissures se nourrissent soit directement des matériaux soit des adjuvants ajoutés comme les colles. Ils relâchent des composés volatiles organiques favorisant l asthme et les autres maladies respiratoires comme les sinusites. Lors d accidents de fuite d eau, le développement de champignons peut prendre des tournures catastrophiques. L espèce Figure 380 Dépliant du Ministère de l Ecologie, du Développement Durable et de l Energie pour lutter contre la mérule. 446 principale impliquée est la mérule, un Basidiomycota Agaricomycotina connu sous le nom scientifique de Serpula lacrymans (figure 380). Elle peut en quelques semaines envahir poutres et charpente aboutissant à l effondrement du bâtiment. Elle forme des cordons mycéliens qui lui permettent de

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