INTERVIEW

Sami Bouajila : “Je commence juste à m’épanouir au cinéma, j’ai tout à faire maintenant”

À l'occasion de la sortie en salles du nouveau film de Roschdy Zem, Les Miens, GQ a rencontré l'acteur Sami Bouajila pour évoquer sa carrière et son rapport au cinéma.
Sami Bouajila  “Je commence juste à mpanouir au cinma jai tout à faire maintenant”
© Sylvain Lefevre/Getty Images

Roschdy Zem-Sami Bouajila, c'est une amitié qui dure au cinéma comme en coulisses. Avec Les Miens, son sixième long-métrage en tant que réalisateur, Roschdy Zem dirige pour la seconde fois Sami Bouajila, après Omar m'a tuer en 2011. Dans cette comédie dramatique aux racines très intimes, les deux comédiens incarnent des frères confrontés à un accident inattendu qui bouleverse complètement leurs vies. 

L'acteur, lauréat du César du meilleur acteur pour Un fils en 2021, campe le héros du film, victime d'un traumatisme crânien qui a pour effet secondaire de lui faire dire ses quatre vérités à son entourage. Sa famille se retrouve aux premières loges et tâche d'éteindre l'incendie intérieur de cet homme qui doit apprendre à vivre avec une (énorme) bosse qui le dévisage et une colère immense à l'égard de tous ceux qui l'entourent. À l'occasion de la sortie du film en salles le 23 novembre, GQ a rencontré Sami Bouajila pour évoquer avec lui ce personnage inspiré par la propre vie de Roschdy Zem et l'évolution de sa vaste carrière (plus de 50 films en trois décennies).

Vous souvenez-vous de la manière dont Roschdy Zem vous a présenté Les Miens ?
J’ai une complicité de plus de trente ans avec Roschdy Zem, appuyée par moult films qu’on a tournés ensemble, dont deux que j’ai faits sous sa direction. On se connaît assez bien maintenant. Quand Roschdy m’a croisé, il ne m’a pas présenté le film. Il m’a dit qu’il m’envoyait quelque chose que je devais lire pour lui faire des retours. Je n’ai pas demandé ce que c’était. Dans le scénario qu’il a envoyé, il y avait tout l’univers, la couleur du film, sa dimension tragi-comique et le thème de la famille. Quand je l’ai lu, j’avais donc déjà toutes les informations à disposition. Au départ, je ne savais pas que toute cette histoire était véridique. Je l'ai ensuite rappelé et il a complété tout ce que je venais de découvrir, en m'expliquant que Mustapha [Zem, le frère de Roschdy Zem, ndlr] avait vraiment vécu cela et qu’il sortait juste de cette période difficile. Il m’a raconté comment il était, que cela avait été aussi compliqué que cela. Rien n’avait été exagéré ou inventé.

Est-ce intimidant en tant qu'acteur de s'emparer d'une histoire aussi intime ?
Je démystifie toujours le côté réel de l’histoire. J’ai fait deux films avec Roschdy où il me dirige et à chaque fois ce sont des personnages qui ont vraiment existé. Je tente constamment de réinventer cette personne-là.

Vous êtes-vous renseigné de votre côté sur la maladie dont votre personnage souffrait ?
Non, Roschdy était extrêmement renseigné. Il suivait ce que son frère avait subi, l’accompagnait, exactement de la même manière que celle qui est évoquée dans le film. J’ai juste eu à écouter son témoignage pour vraiment travailler là-dessus.

Vous jouez avec une prothèse très imposante pendant une grande partie du film. Est-ce un défi supplémentaire dans l'appréhension de votre personnage ?
Sur le point pratique, cela ne fait pas grand-chose. On ne la sent pas. Mais c’est plus intéressant sur le plan technique. Il faut prendre conscience que l’on porte un masque. La prothèse vient modifier notre visage. On ne peut pas jouer de la même façon, ni d'une manière réaliste. Quand on porte un masque, ce n’est plus nous, c’est un tiers, c'est autre chose. C’est à nous de deviner ce que dégage le masque et on ne peut le saisir qu’à travers le regard de l’autre. Cela demande de travailler sur la justesse de l’émotion.

Avez-vous davantage abordé le film comme une comédie ou comme un drame familial ?
Je l’ai abordé comme une chronique sociale avec des aspects tragiques et d’autres assez comiques. Avec Maiwenn, qui co-écrit le film, on voyait la direction à prendre, c’était quelque chose d’entier et de généreux. La réalisation s’est mise au diapason de cette direction-là.

Sami Bouajila interprète Moussa, un homme victime d'un traumatisme crânien qui bouleverse sa vie et celle de ses proches.© Shanna Besson

Le film fait la part belle aux scènes de discussion et les disputes entre les membres de la famille. Ce sont des échanges très vivants, parfois assez brutaux. Y avait-il une obligation de respecter tout ce qui était contenu dans le scénario ou étiez-vous libre d'improviser ? 
D'abord il faut dire que ces scènes-là étaient tournées en plan-séquence, avec deux caméras pour capturer tous nos faits et gestes. C'est très important car cela encourageait évidemment à être naturel dans nos interactions. On avait une base de départ avec le scénario mais l’improvisation était ouverte. Chaque personnage avait ensuite une fiche d’identité du personnage qu’il interprétait, d’où il venait, ce qu’il aimait.

Ces fiches peuvent-elles constituer un obstacle dans votre manière de travailler le personnage ?
Pour moi, ce n’était pas handicapant. Si cela avait le cas, je n’aurais pas fait le film. Il y a un cinéaste qui vient vers vous, il faut avoir cette curiosité de voir comment cette personne définit le personnage. S’il en parle, c’est que c’est certainement vrai. Après, on discute avec lui pour voir comment on travaille le personnage. Ça peut parfois prendre une direction opposée à celle qui était imaginée au départ.

Dans le film, votre personnage est assez dur vis-à-vis de la nouvelle génération qu'il croise, avec ses enfants ou ses neveux. Quel est votre rapport à la jeunesse ?
Je rencontre souvent cette jeunesse-là quand je travaille avec elle. J’ai l’opportunité de partager des moments avec elle. J’ai un rapport très fraternel avec les jeunes, surtout quand j’ai une certaine affinité avec eux.

Les Miens évoque aussi le rapport des adultes à la technologie, et surtout l'aspect déshumanisant qu'il peut avoir. On ne va rien révéler mais la scène la plus forte du film implique deux personnages qui sont séparés par un écran d'ordinateur. Comment avez-vous préparé ce moment bouleversant ?
Justement, la scène n’avait pas été préparée. C’est mieux comme ça. Cet acte est d’une violence cinglante, c’est comme ça que je l’ai vécu avec le personnage. La meilleure chose à faire était de ne pas le préparer mais de le vivre pleinement.

Les Miens a une énergie très théâtrale, autour de cette famille qui se déchire et se rassemble constamment. Cette année, vous avez également été présent sur les planches du théâtre pour la pièce Disgrâces. Quelle différence faites-vous dans le fait de travailler sur un plateau de tournage de cinéma et jouer au théâtre ?
Le théâtre est quelque chose d’éphémère. Ce qui se fait sur scène est unique. Chaque jour sera une manière différente de travailler la pièce. On met ce moment en boîte, c’est sans filet. Avec le cinéma, on a ce luxe de pouvoir perfectionner la prise.

Vous avez joué dans plus de 50 longs-métrages depuis le début de votre carrière. Qu'est-ce qui vous donne encore envie de faire des films aujourd'hui ?
On est toujours contemporain de son âge, j’ai envie de dire. Je commence juste à m’épanouir au cinéma, j’ai tout à faire maintenant. Dans le sens où je suis plus épanoui qu’hier et que je le serai certainement encore davantage demain. C'est un bon moyen d'avancer dans la vie.

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