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Eric et Nicolas Altmayer, frères de la Côte

Leur carrière de producteurs atypiques a démarré avec Brice de Nice. Ils font l’événement avec leur film sur Nicolas Sarkozy, La Conquête, qui pourrait être retenu pour Cannes.

Jean-Pierre Lacomme , Mis à jour le
Depuis <I>Brice de Nice</i>, les frères Altmayer surfent sur le succès.
Depuis Brice de Nice, les frères Altmayer surfent sur le succès. © Bernard Bisson pour le JDD

Sélectionné sou pas? Eric et Nicolas Altmayer ne semblent pas inquiets outre mesure. Frères producteurs, ils ont actuellement le vent en poupe. En une quinzaine d’années, leur société, Mandarin, s’est fait une place au soleil. De Brice de Nice à Potiche en passant par OSS 117, leurs films ont attiré des millions de spectateurs. La semaine prochaine, ils sauront si leur production la plus secrète et la plus risquée, La Conquête, sera retenue par le comité de sélection du Festival de Cannes qui rendra sa décision publique jeudi.

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La Conquête? La bande-annonce mise en ligne sur la Toile fait le buzz depuis une dizaine de jours . Qu’y voit-on? Au cours d’un déjeuner, Dominique de Villepin, incarné par Samuel Labarthe, assurer Nicolas Sarkozy (Denis Podalydès) "de son estime et de son amitié". Et le futur président de répliquer: "Vous savez où je me la carre, Dominique, votre amitié." Ou encore, Sarkozy exploser au cours d’une réunion: "Je suis entouré de connards! N’oubliez pas, je suis une Ferrari. Quand vous ouvrez le capot, c’est avec des gants blancs." Mais aussi, Villepin confier à un interlocuteur: "Un mec qui ne peut pas garder sa femme; comment veux-tu qu’il garde la France?" Sans oublier Chirac (Bernard Le Coq) à propos de Sarkozy: "J’aurais dû l’écraser. Et du pied gauche. Ça m’aurait porté chance."

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Nulle connexion ciné dans la famille

Une œuvre politique? Aïe! Avec des personnages toujours en vie? Ouïe! En sélection ou pas, le film de Xavier Durringer (J’irai au paradis car l’enfer est ici), annoncé pour le mois de mai, et qui conte les coulisses de la dernière campagne présidentielle, devrait faire du bruit. À quelques semaines de la sortie, Éric Altmayer, 48 ans, grand brun aux mèches indisciplinées, et Nicolas, blond, de deux ans son cadet, ont déjà la satisfaction d’avoir bien travaillé. En artisans, comme ils le revendiquent souvent. "Nous sommes des enfants des films du dimanche soir, à la télé, disent-ils. Par ailleurs, nos parents allaient souvent au cinéma. Quand il y avait des reprises, ils nous emmenaient avec eux." Pourtant, nulle connexion ciné dans la famille: papa est agent immobilier cependant que maman s’occupe des six enfants du couple. "Nous étions les deux derniers de la fratrie, indique Éric, avec un petit écart d’âge avec les autres. Ça nous a rapprochés."

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Pas de velléité de devenir acteur ou réalisateur chez l’un ou l’autre. "On s’est très vite rendu compte que nous n’étions pas des artistes mais nous avions toujours ce désir très fort d’être au plus près des films." Éric, qui accomplit son service militaire à Hongkong dans le cadre de la coopération, reçoit, un jour, un mystérieux pli de la part de son frère. "C’était le scénario de 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix. Je l’ai lu comme si c’était un confidentiel-défense."

Premiers emplois, première approche du cinéma. Nicolas est engagé comme directeur financier chez Jean-François Lepetit, producteur, entre autres, de Trois Hommes et un couffin. Éric, lui, se retrouve "dans un petit bureau sans fenêtre" à gérer les droits d’un catalogue de films détenus par un milliardaire fantasque de l’époque, Cyril de Rouvre, un "Tapie de droite". Au bout de quelques années, les deux frères décident de s’associer. L’époque s’y prête. L’arrivée de Canal+ dans le cinéma des années 1980-1990 a ouvert les vannes financières. Les Altmayer "Brothers" ne sont d’ailleurs pas très tendres avec certains de leurs prédécesseurs. "Des producteurs se contentaient de prendre l’argent des télés, de choisir un réalisateur et deux acteurs connus sans oublier de se servir une bonne commission au passage. Beaucoup de films de l’époque sont indigents. Un scénario, ça se bosse."

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Dujardin? "Une poignée de main a suffi"

Sûrs d’eux, les deux frères créent leur propre société, Mandarin Films. "Du nom d’une boîte de jeux de société que j’avais montée quand j’étais à Hongkong", précise Éric. Sabre au clair, ils commencent par… trois bides: La voie est libre, réalisé par Stéphane Clavier; Le Sourire du clown (Éric Bernard); Grève party de Fabien Onteniente. "Nous étions pourtant persuadés que le public allait nous suivre." Avec le tournage suivant, ça passe ou ça casse, Mandarin est au bord du dépôt de bilan. "Onteniente sortait lui aussi de trois échecs. C’était notre dernière chance. Dans Grève party, il y avait des moments de comédie très réussis. Nous lui avons dit: 'Ton talent, c’est de faire rire.'" La lecture des pages people de Paris Match et de Gala leur donnera l’idée de Jet Set. "Nous avions le couteau sur la gorge. À partir de là, nous avons essayé de travailler le développement et l’écriture des scénarios de façon intensive." Jet Set fera deux millions d’entrées.

Autre planche à billets: celle de surf de Brice de Nice qui trône d’ailleurs à l’entrée de leur société de production. À l’origine, un jeune beau-fils d’Éric Altmayer. "Il n’arrêtait pas de dire: 'J’ t’ai cassé!' Il nous a montrés, sur Internet, les sketches d’un gars en tee-shirt jaune, c’était Jean Dujardin. On s’est rencontrés. Le bonhomme nous a plu. Une poignée de main a suffi. Le film était lancé. Brice de Nice a divisé le public, il n’empêche que c’est une forme d’humour qu’on n’avait pas encore vue sur les écrans français."

Un humour décalé, un sens de la dérision qui courent comme un fil rouge dans les productions Altmayer. Ainsi le détournement réussi des deux OSS 117. À priori, les grosses comédies "à la française" ne font pas partie de leur répertoire. "On ne critique pas ceux qui en font, mais nous aurions du mal à produire ce style de films." Il leur arrive encore de se planter. Gravement. La Possibilité d’une île de Michel Houellebecq reste un souvenir cuisant. "Avec lui, c’était pratiquement du mécénat. Nous nous sommes retrouvés confrontés à quelqu’un qui ne nous a pas laissés entrer dans son univers. Au moment de la promotion du film, il a même carrément disparu."

Il y a rarement du linge sale chez les frères Altmayer

Sur une carte de visite sur laquelle figure l’excellent et original Le Premier Jour du reste de ta vie de Rémi Bezançon, People (Jet Set 2) fait singulièrement tache. "C’est un film raté que nous n’aimons pas. Nous l’avons fait pour de mauvaises raisons; entre autres, sous la pression du public qui réclamait une suite. Quant à Rupert Everett, même s’il a remplacé Lambert Wilson au dernier moment, il n’avait rien à faire là-dedans."

Il y a rarement du linge sale chez les frères Altmayer. L’un ne produit pas sans l’autre. Même s’il y a coup de cœur d’un côté et rejet de l’autre. Un fonctionnement résumé par Nicolas: "La volonté de ne pas faire l’emporte sur la volonté de faire. Comme cela, plus tard, en cas d’échec, on ne peut pas se dire: 'Tu vois, je te l’avais bien dit.'” Dans la pratique, justement, Éric est le plus extraverti. Celui qui a tendance à voir la bouteille à moitié pleine. "Il a plus de facilités que moi d’aller vers les autres", souligne Nicolas. Éric, lui, sait qu’il peut totalement s’appuyer sur son frère dès qu’il s’agit d’aller d’un point A à un point B. Entre l’enthousiasme de l’un et le pragmatisme de l’autre, Mandarin peut rester zen.

Autant de qualités qu’ils ont pu et dû déployer pour La Conquête. Artistiquement, le verdict tombera dans quelques semaines. Financièrement, le film a été très difficile à monter. "Beaucoup de gens nous ont mis en garde. Cette autocensure sur la politique au cinéma en France est énervante. Les grandes chaînes hertziennes privées ne nous ont pas donné d’argent. Pourquoi pas, ce n’est pas leur ligne éditoriale. Les chaînes publiques se sont refilé la patate chaude pour nous dire, finalement: 'On ne va pas y aller.' Quant à Arte, Jérôme Clément nous a fait savoir que ce n’était pas sa conception de la politique. La Conquête n’est pourtant ni un brûlot ni un pamphlet." Jeudi, Éric et Nicolas Altmayer sauront s’ils peuvent partir à la conquête du Festival de Cannes.

BIO EXPRESS
8 septembre 1962: Naissance d’Éric Altmayer
26 janvier 1965: Naissance de Nicolas Altmayer
1995: Création de Mandarin Films
2000: Jet Set
2005: Les Chevaliers du ciel
2005: Brice de Nice
2006: OSS 117: Le Caire, nid d’espions
2009: OSS 117 : Rio ne répond plus
2010: Potiche
2011: La Conquête

Source: JDD papier

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