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"Au début, c'était très mauvais" : Mathieu Amalric devient chanteur dans "Tralala"

Mathieu Amalric a travaillé le chant et la guitare pour jouer un troubadour lunaire dans "Tralala", la comédie musicale des frères Larrieu.

Barbara Théate , Mis à jour le
A Lourdes, Tralala (Mathieu Amalric) joue du banjo pour retrouver une jeune fille qui lui est apparue.
A Lourdes, Tralala (Mathieu Amalric) joue du banjo pour retrouver une jeune fille qui lui est apparue. © Jérôme Prébois/SBS Productions

Il avait prévenu : l'ascenseur de son immeuble était en panne et il s'excusait d'avance d'imposer une longue ascension à la force des jambes jusqu'au cinquième étage. Mais à quelques marches de ­l'arrivée, c'est une jolie mélodie qui nous emporte sur le tapis rouge des escaliers et adoucit notre peine. La porte est entrouverte et Mathieu Amalric , cheveux à peine séchés en ce début de matinée, s'applique à son piano. Celui de sa grand-mère qu'il est heureux d'avoir pu installer dans son pied‑à-terre parisien. "J'ai appris à jouer à 8 ans lorsque je vivais à Moscou, confie-t‑il. Quand j'en suis parti quatre ans plus tard, je me débrouillais pas mal. J'ai continué à Paris, mais de façon moins rigoureuse. Puis j'ai quitté mes ­parents à 17 ans, et dans les chambres de bonne où j'ai longtemps logé, je n'avais pas la place de caser ce mastodonte!"

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Alors qu'il nous entraîne pieds nus dans la cuisine pour laisser le salon à l'un de ses deux colocataires, le romancier Olivier Cadiot, le comédien regrette de ne plus s'asseoir au clavier que de temps en temps. Il dit qu'il aurait mieux fait de se mettre à la guitare, comme son personnage de troubadour lunaire dans Tralala, le film musical des frères Larrieu. Un instrument dont il s'est emparé quand les réalisateurs l'ont appelé au secours : "Philippe ­Katerine, qui ­devait jouer le personnage pour lequel il avait écrit des chansons, s'était désisté un mois et demi avant le tournage. Je ne pouvais pas les laisser dans la mouise, ce sont des amis de plus de vingt ans. J'ai piqué une guitare électrique à l'un de mes fils, et je me suis dit : 'Pourquoi pas?'"

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Il s'est baladé partout avec sa guitare

Pas mauvais bougre, Philippe Katerine lui a envoyé en guise de coach son complice de musique Philippe Eveno. Pendant six jours dans sa maison de Morlaix (Finistère), le comédien de bientôt 56 ans s'est baladé partout avec son nouvel instrument en bandoulière. "J'allais à la plage avec, je faisais les courses avec, j'allais même pisser avec! Il fallait que je chope la gestuelle et que j'arrive à maîtriser quelques accords pour ne pas avoir l'air trop bidon à l'image." Si ce ne sont pas ses riffs qu'on entend dans le film, Mathieu Amalric donne en revanche de sa vraie voix.

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Quelques mois plus tôt, durant le confinement du printemps 2020, il avait pris l'habitude de prendre des cours de chant tous les jours avec sa compagne, la soprano et cheffe d'orchestre canadienne Barbara Hannigan. "Après avoir travaillé du Haendel, je savais que j'étais capable d'être juste. Mais je n'ai pas la tessiture haute de Philippe Katerine, alors il a fallu que je la descende de cinq demi-tons. On est parti de très loin!" En tirant sur une énième cigarette, il ouvre son ordinateur pour nous faire écouter une de ses premières performances bretonnes. "Au début, c'était très mauvais, mais ça ne me fait pas peur de me retrouver dans des zones dangereuses." La voix hésite parfois, mais elle est déjà bien placée et pleine d'énergie.

Il a l'impression d'être devenu "la rock star" qu'il a toujours rêvé être

L'acteur protéiforme explique qu'il travaillait avec les enregistrements envoyés par l'interprète de Louxor. Un son crachotant où l'on reconnaît tout juste le timbre pointu de Katerine agresse nos oreilles. "Allez bosser avec ça, hein!", sourit Amalric. La préparation lui a pourtant permis de se lâcher dans les rues de Paris devant des passants pour qui il chantait en faisant la manche. Il était tellement convaincant que les Larrieu ont abandonné la voix en play-back pour garder le live. Il reconnaît s'être senti si à l'aise que lors du concert final de Tralala il s'est pris pour Johnny Cash, son idole absolue. "J'ai eu l'impression de devenir la rock star que j'ai toujours rêvé d'être", confie-t‑il.

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Celui qui a découvert le rock aux États-Unis, où il a vécu entre 1970 et 1973, en écoutant Janis Joplin, Bob Dylan, Leon Russell, Joe ­Cocker, les Doors et les Rolling Stones sur les vinyles de sa maman continue d'assouvir sa passion pour la ­musique en collaborant depuis quatorze ans avec John Zorn : il suit le saxophoniste canadien, figure majeure du jazz contemporain, lors de ses concerts à travers le monde. "Je le filmais à chacune de nos rencontres, alors il m'a proposé d'utiliser ces images pour des petits documentaires orchestrés comme des sets de musiciens et diffusés sur scène pendant ses performances." Et le comédien de replonger dans ses fichiers audio pour nous présenter des extraits du Zorn III qu'il doit finir et qui sera projeté en mars 2022 à Hambourg.

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Dès que j'apprends quelque chose pour le cinéma, j'arrête après le tournage

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Il assure que filmer la musique en train de se faire ou la vivre intimement aux côtés de Barbara Hannigan influe sur sa manière de raconter ses histoires au cinéma. "J'écris et je réalise désormais mes films de façon très sensorielle : pour une scène, je pense plus à un aria d'opéra qu'à un texte dramaturgique. Mais il faut que j'arrête : j'ai dit à mes productrices que si je ne leur fournissais pas un scénario construit la prochaine fois, elles devaient me le refuser! Je me soigne en ne lisant que des contes : en ce moment, c'est Le Livre de la jungle de Kipling."

Comme il avait délaissé le piano, Mathieu Amalric a déjà lâché la guitare. "Ce qui est vraiment con, car mon colocataire n'est autre que Rodolphe Burger [fondateur du groupe Kat Onoma], un génie de cet instrument! Mais c'est comme ça dès que j'apprends quelque chose pour le cinéma, par exemple le violon, le hip-hop ou le cheval, j'arrête après le tournage. Comme si ça devait rester dans le film." Quand on redescend les escaliers, les dépanneurs s'activent sur l'ascenseur. On les remercie d'avoir tardé.

Tralala ***

D'Arnaud et Jean-Marie Larrieu, avec Mathieu Amalric, Mélanie Thierry, Bertrand Belin, Josiane Balasko. 2h. Sortie mercredi.

Persuadé d'avoir bu un verre avec la Vierge, un musicien clochard part avec sa guitare à Lourdes pour la retrouver. Il y fait la connaissance d'une sexagénaire qui le prend pour son fils disparu. Magnifiquement échevelé et barbu, sorte de Jésus-Christ Superstar, Mathieu Amalric donne tout son côté lunaire à cette fable surréaliste et virevoletante qui s'autorise des envolées musicales euphorisantes signées Philippe Katherine, Étienne Daho, Jeanne Cherhal et Dominique A. L'occasion aussi de découvrir le joli timbre de voix de la renversante Mélanie Thierry. De quoi retrouver foi en l'amour et l'humanité.

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