A 45 ans, Denis Ménochet est en passe de devenir l’un des comédiens les plus courus du cinéma d’auteur international. On l’a vu chez Quentin Tarantino (Inglourious Basterds), Wes Anderson (The French Dispatch), Xavier Legrand (Jusqu’à la garde), François Ozon (Grâce à Dieu). Sous sa carrure d’ours mal léché, l’acteur est un orfèvre de l’émotion à fleur de corps, du petit geste qui dit tout, en parfaite intelligence avec chacun de ses partenaires.
Après une prestation virtuose dans Peter von Kant, du même Ozon, en double fantasmé de Fassbinder, l’actualité a voulu qu’il revienne dans As Bestas, de l’Espagnol Rodrigo Sorogoyen, cette fois en cultivateur étranger venu redynamiser un village déclinant de Galice, très mal vu par des habitants recuits dans leurs rancœurs.
Vous attendiez-vous à une telle accélération dans votre carrière d’acteur ?
Si je joue, c’est pour me sentir vivant, car le reste de la vie me semble faux : on est tous cachés derrière nos masques, c’est très compliqué de se sentir libre. Quand je joue, j’enlève toutes ces identités postiches, je me sens enfin libre. Cette accélération, je n’en reviens toujours pas. Depuis l’année dernière, les rôles s’enchaînent. Je le vis très bien et, en même temps, je ne peux pas m’empêcher de me dire que c’est la fin des haricots. Ce métier étant fait de hauts et de bas, ça ne peut que redescendre.
Dans « As Bestas », vous jouez au côté de Marina Foïs. Le titre peut se traduire par « les bêtes » et vous interprétez ce personnage d’étranger comme une bête blessée…
Je voulais qu’il ait l’air d’un buffle, d’un animal en osmose avec le paysage montagneux où il vit. Il y a plein de moments où je joue sur la posture : il se tient à quatre pattes, il se déplace rentré dans ses épaules. D’autres moments où je respire fort par les narines. C’est con, hein ? [Rires.] Mais avec mon propre corps, massif, je voulais aller au bout de ce truc, comme une mise à nu.
Vous avez, en effet, un jeu très physique, qui se distingue dans le paysage français. Quelle a été votre formation ?
J’ai travaillé la méthode de Sanford Meisner, une forme d’immersion dans l’espace de jeu basée sur l’écoute et la réactivité vis-à-vis des partenaires. C’est Lesley Chatterley [comédienne britannique et professeure d’art dramatique au cours Florent] qui m’a tout appris. J’ai suivi aussi les ateliers de Jordan Beswick à la Manufacture des Abbesses, à Paris, qui forme au jeu en anglais. L’investissement physique compte énormément : on se met des « choses dans le ventre » et c’est tout le corps qui s’en trouve métamorphosé.
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